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Décisions

Cass. com., 21 octobre 1997, n° 95-14.457

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Chambre syndicale des pharmaciens du Maine-et-Loire

Défendeur :

Mutualité de l'Anjou

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Léonnet

Avocat général :

M. Lafortune

Avocats :

SCP Piwnica, Molinié, SCP Delaporte, Briard.

Cass. com. n° 95-14.457

21 octobre 1997

LA COUR : - Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Angers, 7 mars 1995) que la Mutualité de l'Anjou est un groupement à but non lucratif qui, au moyen des cotisations versées par ses membres se propose de mener une action de prévoyance, de solidarité et d'entraide ; que ses statuts prévoient la possibilité de créer et de gérer des œuvres sociales mutualistes ; que parmi ces œuvres sociales ont été notamment créées deux pharmacies mutualistes à Angers et à Cholet sans personnalité juridique distincte de celle de la Mutualité de l'Anjou ; que la chambre syndicale des pharmaciens du Maine-et-Loire estimant que les pharmacies du département subissaient de la part de la Mutualité de l'Anjou une concurrence illicite, au sens de l'article 36-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, du fait que la cotisation forfaitaire acquittée par les adhérents qui s'engageaient à ne se fournir en médicaments qu'auprès de ces pharmacies mutualistes, était inférieure à celle demandée aux adhérents qui entendaient conserver le choix de leur pharmacien exerçant à titre libéral, a assigné la Mutualité de l'Anjou en dommages et intérêts et pour faire cesser les pratiques discriminatoires dont elle prétendait être victime ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche : - Vu l'article 53 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; - Attendu que pour rejeter la demande de la chambre syndicale des pharmaciens du Maine-et-Loire, l'arrêt énonce qu'au moyen des cotisations de leurs membres, les mutuelles, groupements à but non lucratif, mènent des actions de prévoyance et de solidarité ; que leur fonctionnement est régi par le Code de la mutualité ; que les assurances mutuelles présentent un caractère civil, que la Mutualité de l'Anjou n'est donc pas " commerçant " au sens de l'article 36-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, ni, a fortiori, " producteur " ou " industriel " ou " artisan " ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le régime juridique des mutuelles comme le caractère non lucratif de leur activité n'est pas de nature à les exclure du champ d'application de l'ordonnance du 1er décembre 1986 dès lors qu'elles procèdent, comme en l'espèce, par la commercialisation de médicaments, à une activité de production, de distribution et de services, la cour d'appel a violé l'article susvisé ;

Et sur le premier moyen pris en sa troisième branche : - Vu l'article 36-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; - Attendu que pour rejeter la demande de la chambre syndicale des pharmaciens du Maine-et-Loire l'arrêt énonce encore que celle-ci n'est pas la " partenaire économique " de la Mutualité de l'Anjou et que cette dernière ne tente pas d'obtenir et n'obtient pas de cette chambre des " conditions de vente " ou des " modalités de vente ou d'achat " qui seraient discriminatoires, c'est-à-dire qui défavoriseraient cet organisme syndical par rapport à d'autres partenaires économiques ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans relever que la Mutualité de l'Anjou en exploitant une pharmacie dépourvue de personnalité juridique distincte, était la concurrente directe des officines libérales, et, par voie de conséquence, sa " partenaire économique ", de sorte que la chambre syndicale des pharmaciens du Maine-et-Loire était fondée à demander réparation du préjudice subi du fait du prix discriminatoire pratiqué par la mutuelle à l'égard de ses adhérents, non justifié, selon elle, par des contreparties réelles, afin d'obtenir qu'ils fréquentent exclusivement les pharmacies mutualistes du département, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la deuxième branche du premier moyen et sur les deuxième et troisième moyens pris en leurs diverses branches ; casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 mars 1995, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers.