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Décisions

Cass. crim., 29 novembre 1993, n° 92-83.574

COUR DE CASSATION

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Jean Chapelle (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Gunehec

Rapporteur :

M. Mouillard

Avocat général :

M. Monestié

Avocats :

Mes Choucroy, Ricard

TGI Nanterre, 15e ch. corr., du 5 mars 1…

5 mars 1991

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par la société Jean Chapelle, partie civile, contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, chambre correctionnelle, en date du 14 mai 1992, qui dans les poursuites dirigées contre Michel G et la société X France, cette dernière prise comme civilement responsable, notamment du chef d'imposition d'un prix de revente minimum ou d'une marge minimale, prononçant sur les intérêts civils, a dit les faits non établis et a débouté ladite partie civile de ses demandes. - Vu les mémoires produits en demande, en défense et en intervention ; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 34 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, défaut et contradiction de motifs et manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a débouté la société Jean Chapelle de son action civile contre G et la société X France ;

" aux motifs que les dispositions de l'article 31 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, qui imposent la mention sur les factures de toutes remises et ristournes dont le principe est acquis et le montant chiffrable, lors de la vente, ne pouvaient être en aucune manière considérées, dans ce texte d'esprit libéral, comme valant prohibition des rabais, remises ou ristournes insusceptibles d'être mentionnés sur les factures d'achat ; que le caractère différé du calcul et du paiement de ces rabais, remises ou ristournes rendait bien entendu risqué pour le revendeur de les déduire par anticipation de ses prix d'achat afin de diminuer ses prix de vente, puisqu'aussi bien le fait de revendre un produit en l'état à un prix inférieur à son prix d'achat effectif constituait le délit de revente à perte ; qu'en attendant d'avoir dépassé l'objectif quantitatif convenu, le revendeur ne pouvait certes baisser son prix de revente sans prendre le risque de poursuites pénales pour revente à perte ;

" alors que, d'une part, constitue le délit de vente avec imposition d'un prix minimum le fait pour un producteur de donner un caractère conditionnel à ses ristournes et de prévenir par ce moyen, de la part de ses distributeurs, toute possibilité de vente en dessous du prix facturé, ainsi indirectement imposé comme prix minimum ; qu'est conditionnelle une remise qui n'est pas acquise en son principe ou qui n'est pas chiffrable au jour de la vente ; qu'ainsi les propres motifs de la cour d'appel, relevant que le revendeur, avant d'avoir dépassé l'objectif convenu, ne pouvait répercuter sur son prix de revente les remises conditionnelles différées sans encourir des poursuites pénales pour revente à perte - ce qui lui imposait des prix minima supérieurs au prix d'achat effectif- caractérisaient la réunion des éléments constitutifs du délit de vente avec imposition d'un prix minimum, de sorte que la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article 34 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

" et aux motifs qu'il convenait de se demander si la création par le vendeur de ce risque pour le revendeur ne constituait pas une façon d'imposer un caractère minimal au prix ou à la marge commerciale ; que la réponse ne pouvait qu'être négative, puisqu'il n'existait aucun délit de refus d'acheter ; que la société Jean Chapelle était libre d'adhérer ou de refuser d'adhérer aux conditions de la campagne promotionnelle que lui proposait la société X France ; qu'elle était même libre de ne plus vendre de produits de la marque X, le marché des produits de cette sorte étant très concurrentiel ;

" alors, d'autre part, que le délit de vente avec imposition d'un prix minimum est établi par la seule constatation de l'élément matériel et résultait donc du seul contenu des conditions de vente X si bien qu'en fondant sa décision sur le fait que ces conditions auraient pu être refusées par le revendeur, la cour d'appel a violé l'article 34 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

" alors, enfin, qu'en énonçant que le seul fait que les revendeurs aient été libres d'accepter ou de refuser les conditions X aurait été de nature à enlever à ces conditions leur caractère illicite et constitutif pour le vendeur du délit de vente avec imposition d'un prix minimum, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 34 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 " ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l'article 34 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, défaut de motifs et manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a débouté la société Jean Chapelle de ses demandes contre G et la société X France ;

" aux motifs qu'aucune disposition de la loi n'interdisait au vendeur de consentir à son acheteur des remises conditionnelles dont le montant par définition n'est pas chiffrable lors de la vente ; que l'opération critiquée avait été librement acceptée, et qu'elle n'était pas potestative de la part du vendeur ; que les remises, quasi certaines si la société Jean Chapelle choisissait un objectif modeste, aléatoires si cette société choisissait un objectif ambitieux, ne pouvaient de toute façon, puisque non portées sur la facture, être déduites du prix d'achat effectif, à partir duquel il est déterminé s'il y a vente à perte ;

" alors que, d'une part, constitue le délit de vente avec imposition d'un prix minimum le fait pour un producteur de donner un caractère conditionnel à ses ristournes et de prévenir par ce moyen, de la part de ses distributeurs, toute possibilité de vente en dessous du prix facturé, ainsi indirectement imposé comme prix minimum ; qu'est conditionnelle une remise qui n'est pas acquise en son principe ou qui n'est pas chiffrable au jour de la vente ; qu'ainsi les propres motifs de la cour d'appel, relevant que les remises ne pouvaient de toute façon, puisque non portées sur la facture, être déduites du prix d'achat effectif, à partir duquel il est déterminé s'il y a vente à perte - ce qui imposait au revendeur des prix minima supérieurs au prix d'achat effectif - caractérisaient la réunion des éléments constitutifs du délit de vente avec imposition d'un prix minimum, de sorte que la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article 34 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

" et aux motifs que le problème de la ventilation des remises par modèle d'article, aisé d'ailleurs à résoudre grâce aux techniques éprouvées de la comptabilité analytique d'exploitation, ne se posait pas ;

" alors, d'autre part, qu'il résultait des propres constatations de l'arrêt que le caractère forfaitaire et indifférencié quant aux modèles, de la remise concernant les téléviseurs interdisait de l'appliquer à des produits déterminés si bien qu'en énonçant qu'aurait été aisé à résoudre pour l'acheteur le problème de la ventilation des remises par modèles d'articles, alors qu'elle avait constaté elle-même qu'elle était impossible à réaliser pour le vendeur, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article 34 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 " ;

Les moyens étant réunis ; - Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que la société Chapelle a cité Michel G, président de la société X France, ainsi que celle-ci, devant la juridiction correctionnelle sur le fondement de l'article 34 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, faisant valoir que cette entreprise, en donnant un caractère conditionnel à ses ristournes, le privait de la possibilité de revendre au-dessous du prix facturé et lui imposait ainsi indirectement un prix de revente minimal ;

Attendu que pour dire, sur le seul appel de la partie civile, les faits non établis, la cour d'appel énonce qu'aucune disposition de la loi n'interdit les remises, rabais ou ristournes " insusceptibles " d'être mentionnés sur la facture d'achat ; que, si le caractère différé de ces remises crée un risque pour le revendeur qui les déduit par anticipation du prix d'achat pour la détermination du prix de revente, cette circonstance ne suffit pas à caractériser le délit reproché dès lors que l'offre ne constitue pas une condition potestative de la part du fournisseur ;

Attendu qu'en cet état, et abstraction faite de tous autres motifs erronés mais surabondants, la cour d'appel a justifié sa décision ; qu'en effet, le fait d'offrir, à l'occasion de la cession d'un produit, des rabais, remises ou ristournes, dans des conditions d'attribution définies de manière objective et ne prêtant pas à discrimination, n'est pas de nature à aliéner la liberté de leur bénéficiaire de fixer le prix de revente de ces produits et ne saurait constituer une pratique tendant à conférer un caractère minimal au prix de revente ; d'où il suit que les moyens ne peuvent être accueillis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.