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Décisions

CA Toulouse, 3e ch. corr., 20 décembre 1989, n° 1093

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Procureur de la République

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rivals

Conseillers :

MM. Laventure, Bouyssic

Avocat :

Me Farne

TGI Saint-Gaudens, ch. corr., du 8 août …

8 août 1989

Sur appel interjeté :

Le 17 août 1989 par F Alain, prévenu ; le 17 août 1989 par M. le Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Saint-Gaudens

D'un jugement rendu le 8 août 1989 par le Tribunal de Grande Instance de Saint-Gaudens ;

Lequel jugement ;

Renvoie B Michel des fins de la poursuite sans peine ni dépens (revente de produits à un prix inférieur à leur prix d'achat) ; fait commis le 20 juin 1988 ; fait prévu et puni par les articles 32 de la loi du 1/12/1986.

Déclare F Alain coupable de revente de produits à un prix inférieur à leur prix d'achat ; fait commis le 20 juin 1988 ; fait prévu et puni par les articles 32 de la loi du 01/12/1986.

Le condamne à la peine de 10.000 F d'amende ; le condamne aux frais envers l'Etat.

Vu ce qui précède,

Les prévenus ne comparaissent pas mais sont valablement représentés par leur conseil muni d'un pouvoir régulier ; l'arrêt sera donc contradictoire ;

Interjetés dans les formes et les délais prévus par la loi, les appels sont recevables ;

Premier appelant, Alain F fait plaider son acquittement pour les motifs repris et discutés plus loin ;

Le Ministère Public requiert confirmation du jugement déféré ;

Intimé, Michel B fait aussi reprendre les mêmes explications que son coprévenu auxquelles il ajoute, comme en première instance, qu'en tout état de cause sa responsabilité pénale ne saurait être engagée en l'espèce compte tenu d'une délégation de pouvoir en faveur d'Alain F et il sollicite pour ce qui le concerne la confirmation du jugement entrepris ;

Il résulte de la procédure et des débats que lors d'un contrôle opéré le 20 juin 1988, les fonctionnaires de la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ont constaté que le X de Saint Gaudens dirigé par Alain F et exploité par la SA Y dont le Président Directeur général est Michel B, vendait le baril de lessive " Ariel " et la flacon d'assouplissant " Soupline " à des prix inférieurs à ceux portés sur les factures d'achat, augmentés des taxes fiscales et des frais de transports, mais déduction faite des ristournes ;

La matérialité de ce fait n'est pas contestée par les prévenus ;

Ceux-ci font cependant valoir qu'il ne saurait y avoir infraction au sens de l'article 32 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 visée dans la prévention dans la mesure où tant les agents verbalisateurs que le Parquet ont omis de déduire du prix d'achat qu'ils ont comparé au prix de revente des produits en cause, des frais de publicité pris en charge, par les fournisseurs selon accord de participation commerciale, ce à quoi ne s'oppose pas la définition donnée par l'article 1 de la loi du 2 juillet 1963 du prix d'achat effectif, la jurisprudence admettant aussi la déduction des ristournes ;

S'il est certain, comme les premiers juges l'ont relevé, " qu'il résulte de l'article 32 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, que le texte nouveau qui a modifié sur ce point le texte ancien résultant de la loi de finances du 2 juillet 1963 ne fait plus mention des rabais ou remises de toute nature consenties par les fournisseurs ", il doit être déduit cependant tant de la lettre du texte que de son esprit (l'article 32 appartenant au titre IV dont l'intitulé est " de la transparence... "), que le prix d'achat effectif s'entend du prix résultant du contrat de vente lui même, contrat comportant l'accord parfait des parties notamment sur les ristournes, rabais ou remises dont le principe est acquis, et dont les mentions sont obligatoirement portées sur la facture de vente elle-même quelle que soit la date de règlement(article 31 de l'ordonnance précitée) ;

En l'espèce, les frais de publicité en cause (données chiffrables et effectivement chiffrées) ne sont pas portés sur les factures produites concernant les produits Ariel et Soupline mis en vente le 20 juin 1988, mais sont attestés par des factures indépendantes du contrat de vente des produits et émanant de l'acheteur qui, faute de rapporter la preuve indiscutable du lien direct entre le contrat de vente des produits revendus le 20 juin 1988 et ladite publicité comme un prestataire de service... [sic]

Cette publicité, qui pour ce qui concerne Colgate Palmolive (pour les produits Soupline " normal fraîcheur ", " normal lavande " et Soupline concentré fraîche) a dû se réaliser en avril 1988 (selon accord n° 121821) et au mois de mai en ce qui concerne Procter & Gamble France ;

Les premiers juges ont donc à bon droit retenu l'existence de l'infraction visée à la prévention, et ce d'autant plus qu'en réalité elle est reconnue puisque les prévenus dans un second moyen, font valoir un fait justificatif tiré de la pratique de concurrents - Intermarché de Saint Lizier ou Codec de Carbonne - prévu par l'article 1 alinéa 2 de la loi du 2 juillet 1963, à savoir l'exception d'alignement ;

Cette exception comporte quatre conditions : un alignement et non un rapprochement avec les prix pratiqués par les concurrents, des prix légalement pratiqués par ces concurrents, une zone d'activité commune, une concurrence égale et réelle ;

Il résulte de l'aveu même des prévenus, réitéré devant la Cour, qu'il n'y a pas eu alignement mais rapprochement, ce que les premiers juges ont fort pertinemment relevé ; il ne résulte pas des documents produits que les magasins Intermarché de Saint Lizier ou Codec de Carbonne ont pratiqué des prix licites et la Cour trouve même au contraire dans une lettre du 17 mai 1988 émanant de Procter & Gamble France, non une preuve mais un indice de pratique de prix illicite à l'encontre de Intermarché de Saint Lizier (Saint Girons) sur le baril de 5 kg d'Ariel ; enfin en relevant l'éloignement géographique, dans un pays de montagne en ce qui concerne l'Intermarché de Saint Girons, des prétendus concurrents précités (et dont la Cour n'a aucune idée du chiffre d'affaires ou de l'activité réelle, notamment au regard des produits en cause, les prévenus les désignant comme concurrents directs sans en apporter la moindre justification), les premiers juges ont pu à bon droit, écarter " l'exception d'alignement " prévue à l'alinéa 2 de l'article 1 de la loi du 2 juillet 1963 précitée;

L'infraction relevée à la prévention est d'abord imputable à Alain F dont le contrat de travail est, comme l'ont relevé les premiers juges, parfaitement clair quant à ses responsabilités sur le respect de la législation sur les prix quant à l'autonomie dont il jouissait. C'est à juste titre qu'il a été retenu comme auteur principal de l'infraction. La décision déférée sera confirmée en toutes ses dispositions en ce qui le concerne, puisqu'il aurait le pouvoir de s'opposer à la pratique incriminée, ce qu'il n'a pas fait ;

Cependant, la Cour constate que les factures et les documents produits tant par l'Administration que les prévenus dans les relations entre Y et ses fournisseurs sont tous adressés à Michel B (sur les factures, son nom apparaît sous l'adresse de la Y) ou émanant exclusivement de lui. Par ailleurs, le contrat de travail de Alain F comporte la restriction suivante : " Vous exercerez, compte tenu des directions générales ou particulières qui vous seront données par la Direction Générale, les fonctions de Directeur du magasin " ; enfin, entendu par un Officier de Police judiciaire, Michel B a déclaré s'en tenir à la défense au fond présentée en son nom et au nom de Alain F dans un mémoire adressé à l'Administration verbalisatrice par leur Conseil, néanmoins qui ne fait nullement état d'une ignorance de sa part des conditions dans lesquelles s'est réalisée l'infraction relevée, mais qu'au contraire met en exergue le rôle joué par la société Y et donc de son responsable général (PDG) et non celui de la direction du magasin où ont été constatées les infractions (même si en fin de mémoire est rappelée la délégation de pouvoir au profit de Alain F) ;

Rapprochant ces constatations de celle d'une campagne promotionnelle de l'importance de celle visée dans la présente procédure ne ressort pas de la simple gestion financière, commerciale et administrative du magasin par son Directeur mais nécessite des directives particulières de la direction générale de Y, la Cour considère que Michel B s'est rendu coupable de complicité par provocation ou par instructions données en abusant de son pouvoir, du délit dont Alain F répond, et ce, par application de l'article 60 alinéa 1 du Code Pénal ;

Le jugement déféré sera donc réformé en ce sens et Michel B condamné aux mêmes peines que Alain F en application de l'article 59 du Codé Pénal ;

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ; Vu les articles 59, 60 du Code Pénal, 32 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, 496 et suivants du Code de Procédure Pénale ; Déclare les appels recevables en la forme ; Au fond, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, en ce qui concerne Alain F ; Mais réformant ledit jugement en ce qui concerne Michel B et disqualifiant les faits visés à la prévention, déclare celui-ci coupable de s'être à Saint Gaudens le 20 juin 1988 rendu complice de délit de vente à perte commis par Alain F, en provoquant celui-ci ou en lui donnant des instructions pour commettre le dit délit ; abusant ainsi de son pouvoir, faits prévenus et réprimés par les articles 59 et 60 du Code Pénal, 32 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; En répression le condamne à 10.000 F d'amende ; Condamne les susnommés aux dépens. Fixe la contrainte par corps selon la loi. Le tout en vertu des textes sus visés.