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Décisions

CA Paris, 3e ch. d'accusation, 22 janvier 1997, n° 96-04890

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Concurrence (SA), Semavem (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Garnier

Conseillers :

M. Pietri, Mme Verleene-Thomas

Avocats :

Mes Mitchell, Giraud

TGI Paris, du 10 sept. 1996

10 septembre 1996

Rappel de la procédure :

Par ordonnance du 10 septembre 1996, le juge d'instruction du Tribunal de grande instance de Paris :

1°) a renvoyé devant le tribunal correctionnel M. G Michel, président-directeur général de X, pour non-respect des prescriptions légales sur la facturation lors des livraisons à la SA Jean Chapelle,

2°) a dit n'y avoir lieu à suivre pour infractions aux règles de facturation concernant les prestations du service d'exposition et pour pratique de prix minimum imposés,

3°) a déclaré que les infractions de refus de communication du barème de prix et les conditions de vente ont déjà fait l'objet d'une ordonnance définitive du 29 septembre 1995 en application de la loi d'amnistie du 3 août 1995,

4°) a déclaré irrecevable la constitution de partie civile intervenante de la Société Semavem représentée par Jean Chapelle.

Le même jour, ladite ordonnance a été notifiée aux parties, ainsi qu'à l'avocat du mis en examen, conformément aux dispositions de l'article 183 alinéas 2, 3 et 4 du code de procédure pénale.

Deux appels ont été interjetés par Jean Chapelle le 19 septembre 1996 contre cette ordonnance au greffe du tribunal de grande instance de Paris :

- d'une part, au nom de la SA Concurrence, dont il est le directeur général, venant aux droits de l'ancienne société Jean Chapelle, contre les dispositions de non-lieu partiel,

- d'autre part, au nom de la société Semavem, dont il est le président-directeur général, contre les dispositions de rejet de sa constitution de partie civile intervenante.

La date à laquelle l'affaire sera appelée à l'audience a été notifiée par lettres recommandées du 28 octobre 1996 aux parties, ainsi qu'à l'avocat du mis en examen.

Le même jour, le dossier comprenant le réquisitoire écrit de M. le Procureur Général en date du 18 octobre 1996, a été déposé au greffe de la chambre d'accusation et tenu à la disposition de l'avocat du mis en examen.

Jean Chapelle, au nom des sociétés Concurrence, venant aux droits de la SA Jean Chapelle, et Semavem, a déposé le 6 décembre 1996 à 11 heures 51, au greffe de la chambre d'accusation, un mémoire visé par le greffier, communiqué au Ministère Public et classé au dossier.

Me Mitchell, avocat du mis en examen, a déposé le 9 décembre 1996 à 16 heures 46, au greffe de la chambre d'accusation, un mémoire visé par le greffier, communiqué au Ministère Public et classé au dossier.

Décision

Prise après en avoir délibéré conformément à l'article 200 du Code de procédure pénale.

En la forme

Considérant que Jean Chapelle a déclaré interjeter appel au nom de la SA Concurrence (venant aux droits de la société Jean Chapelle) et au nom de la SA Semavem ; que ces appels, réguliers en la forme, interjetés dans le délai de l'article 186 du code de procédure pénale, sont recevables ;

Au fond

Le 25 octobre 1993, Jean Chapelle, à l'époque président-directeur général de la société anonyme portant son nom, exploitant deux magasins à Paris, ayant pour objet la vente d'appareils audiovisuels, déposait plainte pour infractions à l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence.

La politique de la société Jean Chapelle (dissoute puis absorbée par la Société Concurrence le 1er janvier 1996) consistait à pratiquer des prix de vente tout juste supérieurs aux prix d'acquisition.

Dans sa plainte la société Jean Chapelle reprochait à la société X avec laquelle, depuis de nombreuses années, elle entretenait des rapports commerciaux très conflictuels ;

1°) d'adresser les factures postérieurement aux livraisons et sans y faire figurer les ristournes ou rabais accordés et chiffrables dès la conclusion de la vente.

Pour ces faits, le président-directeur général de la société X, Michel G, est renvoyé devant le tribunal correctionnel.

2°) de communiquer avec retard les barèmes de prix et les conditions de ventes.

Ces faits ont donné lieu à une ordonnance définitive en date du 29 septembre 1995 en application des dispositions de la loi d'amnistie du 3 août 1995.

3°) d'exiger des factures pour l'organisation d'expositions destinées à mettre en valeur des appareils de la marque japonaise, la société X ne rémunérant ces prestations que sur présentation d'une facture;

Aux termes de la plainte, ces faits constitueraient une infraction à l'article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.

4°) d'imposer un caractère minimal au prix de revente de ses produits en proposant une remise calculée et payée en fonction d'un objectif quantitatif préalablement fixé.

Pour la partie civile, cette pratique de remises à venir, sous réserve d'avoir vendu une quantité déterminée d'appareils, ne lui permettait pas de connaître de façon permanente le seuil de revente à perte et constituerait une infraction aux articles 7 et 34 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.

Ces deux derniers griefs ont fait l'objet de dispositions de non-lieu, les délits n'étant pas caractérisés.

1°) La facturation du service des expositions :

Les factures de la société Jean Chapelle adressées à la société X en règlement de l'organisation, dans les deux magasins parisiens de la partie civile, d'exposition d'appareils de la marque japonaise correspondent à des prestations de service acceptées par Jean Chapelle.

La société X rémunère les distributeurs des produits de sa marque qui acceptent dans le cadre de conventions, d'effectuer des prestations de service. Celles-ci sont payées à la réception de la facture correspondante émise par le distributeur. Cette pratique s'inscrit dans le cadre de la coopération commerciale entre des fournisseurs et des distributeurs.

2°) Le prix de revente minimum imposé :

La partie civile poursuivante a estimé dans la plainte que pour éviter de commettre le délit de revente à perte, elle ne pouvait anticiper les remises accordées par X, cette dernière lui imposant indirectement, par la non-mention des remises sur les factures, un prix de revente minimum.

Pour l'absence de mention sur les factures, des ristournes et rabais acquis, d'un montant chiffrable, le mis en examen fait l'objet d'un renvoi devant le tribunal correctionnel pour infraction aux règles sur la facturation. Mais ces faits ne sont pas en même temps constitutifs du délit de prix de vente minimum imposés, le distributeur pouvant prendre en compte, pour la détermination de ses prix, ces remises dont il connaissait le montant.

De même l'information n'a pas établi l'existence des infractions dénoncées relatives aux remises quantitatives, celles-ci dépendant d'un seuil de vente fixé contractuellement, avantage conditionnel, ne prêtant pas à discrimination. Ces remises ne peuvent être accordées et donc figurer sur les factures que lorsque l'objectif a été atteint.

3°) Constitution de partie civile par voie d'intervention de Semavem :

Le magistrat instructeur a déclaré irrecevable la constitution de partie civile, par voie d'intervention, de la société anonyme Semavem, réalisée par l'envoi de deux lettres du 3 avril 1996, postérieurement à la notification de l'avis prévu par les dispositions de l'article 175 du code de procédure pénale. L'ordonnance dans sa décision de rejet mentionne que " Jean Chapelle ne donne aucune indication, ni justificatif de l'existence, de l'objet social, du fonctionnement de la société Semavem ; que par ailleurs il ne justifie en rien l'existence d'un préjudice même possible en relation directe avec une infraction à la loi pénale ; qu'enfin il ne démontre nullement que ladite société est victime d'une infraction résultant de la commission de faits uniques et indivisibles, procédant de la même action coupable ", que ceux visés dans l'acte qui a déclenché les poursuites.

Dans l'une des lettres du 3 avril 1996, Jean Chapelle mentionne que Semavem comptait bien, une fois terminées les investigations concernant la société Jean Chapelle, se constituer partie civile, par voie d'intervention, ce qu'elle faisait par ce courrier. Il était ainsi sollicité du magistrat instructeur la reprise de la même instruction aux fins de rechercher, de façon générale, l'existence d'infractions qui auraient été commises au préjudice de Semavem. Il était en outre demandé d'étendre les actes d'instruction à tous les grands revendeurs et les centrales d'achats, lesquels en n'appliquant pas la loi, avaient porté préjudice à l'ensemble des distributeurs.

Dans la seconde lettre datée du même jour, Jean Chapelle confirmait que Semavem se constituait partie civile par voie d'intervention.

Dans son réquisitoire, M. l'Avocat général demande de confirmer les dispositions de l'ordonnance frappées d'appel.

Par mémoire régulièrement déposé, Jean Chapelle demande de dire constituées les infractions dénoncées et de déclarer recevable la constitution de partie civile par voie d'intervention de Semavem. Puis, se situant en défenseur de l'intérêt général de la distribution, il sollicite des mesures d'instruction aux fins de rechercher de façon générale les infractions commises par l'ensemble des grands revendeurs et des centrales d'achats et de poursuivre leurs dirigeants.

Par mémoire régulièrement déposé, l'avocat de G Michel, le président-directeur général de X, sollicite la confirmation des dispositions de l'ordonnance déférée à la Cour.

Ceci étant exposé

1°) Sur la facturation des expositions et le prix de revente :

Considérant que les services d'exposition correspondent à des prestations acceptées par la partie civile dans le cadre de conventions, que ces services étaient rémunérés par X à la réception des factures émises par le distributeur, qu'il s'agit d'une pratique commerciale non susceptible de recevoir une qualification pénale ;

Considérant qu'il ne résulte pas des investigations que X ait imposé un prix de revente minimum à la partie civile, qu'il est établi que celle-ci pouvait tenir compte pour la détermination de ses prix des remises dont le montant était acquis et chiffrable;

En conséquence, les dispositions de non-lieu de l'ordonnance déférée à la Cour seront confirmées.

2°) Sur la constitution de partie civile de Semavem :

Considérant que la constitution de partie civile, par voie d'intervention, a été réalisée par l'envoi de deux lettres du 3 avril 1996 adressées au magistrat instructeur postérieurement à la notification de l'avis prévu par les dispositions de l'article 175 du code de procédure pénale ;

Considérant que Jean Chapelle indiquait qu'il avait volontairement attendu la fin des investigations entreprises à la suite de la plainte initiale, procédure désormais suivie par la société Concurrence, pour se constituer partie civile par voie d'intervention au nom de Semavem, qu'il sollicitait la reprise des investigations aux fins de rechercher les infractions commises par les grands fournisseurs qui, n'ayant pas appliqué la loi, avaient porté atteinte à tous les distributeurs ;

Considérant que Jean Chapelle n'établit nullement que la Société Semavem, dont il n'a donné aucune indication ni sur son existence ni sur son objet, a été victime d'une infraction résultant de la commission des faits uniques et indivisibles procédant de la même action coupable que les faits visés dans l'acte de la partie civile poursuivante, qu'il lui était loisible de déposer une nouvelle plainte avec constitution de partie civile et non de chercher à détourner de leur but les dispositions de l'article 175 du code de procédure pénale ;

Qu'en conséquence, l'irrecevabilité de la constitution de partie civile de Semavem sera confirmée ;

Par ces motifs : LA COUR, Vu les articles 177, 183, 185, 186, 194, 198, 199, 200, 207, 216, 217 et 801 du code de procédure pénale, En la forme, Déclare recevables les appels de la société Concurrence (venant aux droits de l'ancienne société anonyme Jean Chapelle) et de la société Semavem, Au fond, Les dit mal fondés, Confirme l'ordonnance entreprise, Ordonne que le présent arrêt sera exécuté à la diligence de M. le Procureur Général.