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Décisions

CA Dijon, ch. corr., 13 février 1998, n° 97790

DIJON

Arrêt

Infirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Masson-Berra

Conseillers :

MM. Jacquin, Levi

Avocat :

Me Venet

TGI Lyon, ch. corr., du 16 avr. 1993

16 avril 1993

Faits et procédure :

C François a été poursuivi devant le Tribunal correctionnel de Lyon en vertu d'une citation directe pour avoir, à Saint-Priest (69) le 29 janvier 1991, étant commerçant en qualité de directeur de l'hypermarché " X " revendu huit produits (Ariel, Vizir, Le Chat Machine, choucroute, raviolis riches et raviolis pur boeuf, chicorée, saladière-western) à des prix inférieurs à leur prix d'achat,

Fait prévu et réprimé par les articles 1er de la loi n° 63-628 du 2 juillet 1963 modifié par l'article 32 de l'ordonnance 80-1243 du 1er décembre 1986.

Par jugement en date du 16 avril 1993, le Tribunal Correctionnel de Lyon a :

Statuant publiquement, en matière correctionnelle et après en avoir délibéré conformément à la loi, par jugement en premier ressort et contradictoirement,

- renvoyé Laurence D des fins de la poursuite sans peine ni dépens ;

- déclaré François C coupable du délit ci-dessus spécifié et, faisant application des textes susvisés qui ont été énoncés à l'audience par Madame le Président ;

- Condamné François C à la peine de 40 000 F d'amende ;

- déclaré la société " X " civilement responsable de son préposé ;

- condamné in solidum François C et la SA X aux dépens ;

Ce jugement a été frappé d'appel par :

- François C, prévenu, le 26 avril 1993, appel principal et général.

- Le Ministère public, le 30 avril 1993.

L'arrêt de la Cour d'appel de Lyon (7e Chambre) du 8 février 1995 a :

Statuant publiquement, contradictoirement en matière correctionnelle après en avoir délibéré conformément à la Loi,

Confirmé la décision entreprise en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant ordonné la publication de l'arrêt par extraits aux frais du condamné dans le journal " Le Progrès " édition de Lyon, sans que le coût de cette insertion dépasse 6 000 F ;

Dit que le condamné sera redevable du droit fixe de procédure applicable à la décision ;

Fixé la contrainte par corps conformément à la loi ;

Le tout par application des articles 1er de la loi du 2 juillet 1963 modifié par l'article 32 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, 55 de l'ordonnance précitée, 496 à 520, 749, 750 du Code de Procédure Pénale.

Le 3 avril 1997, la Cour de cassation, Chambre criminelle, a cassé et annulé l'arrêt de la Cour d'appel de Lyon (7e Chambre) du 8 février 1995 et renvoyé la cause et les parties devant la Cour d'appel de Dijon.

Décision rendue :

LA COUR, après en avoir délibéré,

Le 29 janvier 1991, un fonctionnaire de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de Lyon constatait à l'hypermarché " X " de Saint-Priest dont le directeur était Monsieur François C et le chef de secteur " produits de grande consommation " Madame Laurence D que huit produits étaient revendus à des prix inférieurs à leur prix d'achat et dressait un procès-verbal ;

Monsieur C justifiait de l'existence d'une subdélégation de ses pouvoirs en matière de fixation et de contrôle des prix de vente à Madame D pour les produits relevant de ce secteur ;

Madame D contestait la validité de cette subdélégation et invoquait à titre subsidiaire une exception d'alignement sur les prix pratiqués par les concurrents du secteur ;

La décision entreprise est intervenue ;

Les appelants Monsieur C et la société " X " demandent à la Cour de les recevoir en leur appel et réformant ladite décision,

- au principal :

Sur la délégation de pouvoirs donnée à Madame D le 19 septembre 1990 et acceptée par elle, par laquelle en matière de prix Monsieur C lui avait subdélégué l'intégralité des pouvoirs qu'il tenait lui-même de la délégation qui lui avait été donnée par la direction régionale, dire que cette subdélégation était valable eu égard à la fonction au niveau de responsabilité et aux moyens mis à la disposition de Madame D, relaxer en conséquence Monsieur C des fins de la poursuite,

- Surabondamment,

Constater que les prix incriminés par le procès-verbal ne sont pas inférieurs aux prix pratiqués dans la même zone d'activité par d'autres commerçants et dont il n'est pas établi qu'ils soient illégaux, relaxer de plus fort M. C ;

Très subsidiairement, lui faire une application particulièrement modérée de la loi pénale et le dispenser de l'inscription de la condamnation éventuellement prononcée à son encontre à son casier judiciaire ;

Attendu sur la subdélégation donnée à Madame D qu'elle est régulièrement versée aux débats ;

Qu'elle est particulièrement détaillée et a été expressément acceptée en ces termes par Madame D :

" Madame D déclare accepter la présente délégation de pouvoirs, être en condition et avoir toute l'autorité, les moyens et la compétence de la remplir et assumer en conséquence la responsabilité de toutes les irrégularités qu'elle pourrait commettre personnellement ou qui pourraient être commises dans le cadre de son département dont elle a la responsabilité et par ses préposés ".

Attendu que le contenu de la délégation recouvre les faits de revente à perte incriminéset que Madame D s'est en outre engagée à faire part par écrit au directeur de l'établissement de l'impossibilité où elle se trouverait d'assumer ses responsabilités notamment dans l'hypothèse où elle estimerait ne pas avoir les moyens nécessaires pour assurer la direction du département " produits de grande consommation ".

Attendu que la validité de cette délégation au regard des principes posés par la jurisprudence n'est pas contestable;

Qu'elle est écrite et a été acceptée expressément par écrit ;

Que Madame D avait la compétence nécessaire pour l'exercer et percevait une rémunération d'environ 24 000 F par mois en 1991; que Madame D avait autorité sur cinq chefs de rayon, un chef réceptionnaire, quatre secrétaires et cinquante cinq employés; qu'elle avait bien la responsabilité de la fixation des prix au niveau du secteur " produits de grande consommation ";

Attendu que Madame D contrairement à ce qu'elle a soutenu pouvait connaître tous les documents permettant d'établir le prix d'achat réel; que la centrale d'achat a précisé à cet égard qu'un chef de rayon pouvait toujours appeler l'acheteur concerné en centrale pour vérifier le seuil de revente à perte d'un produit et disposait en tout état de cause d'informations suffisantes pour apprécier lui-même la situation ; qu'en clair, Madame D était responsable des infractions relevées par la Direction de la Concurrence; que Monsieur C doit être relaxé en conséquence des fins de la poursuite;

Que surabondamment, il convient de rappeler que la preuve de prix pratiqués par la concurrence et sur lesquels le commerçant incriminé s'est aligné peut être rapportée postérieurement au contrôle; que l'alignement sur la concurrence est un moyen de défense au fond qui peut être soulevé à tout moment de la procédureet qu'il ne peut être fait grief à Madame D d'avoir produit des relevés justifiant des prix pratiqués par les concurrents de la même zone d'activité ; qu'en l'espèce les infractions ne sont pas constituées puisque les produits concernés ont des prix de vente alignés sur le prix légalement pratiqué pour les mêmes produits par un autre commerçant dans la même zone d'activité.

Que le seul grief pouvant être admis à l'encontre du responsable légal était celui de ne pas avoir averti préalablement l'administration de ce qu'il avait l'intention de pratiquer la politique d'alignement ; qu'ainsi la Cour infirmera la décision entreprise en faisant droit aux prétentions de Monsieur C et de la société " X " ;

Attendu que la SA X appelée en tant que civilement responsable de Monsieur C dans la procédure doit être mise hors de cause ;

Par ces motifs : LA COUR ; Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, Vu l'arrêt rendu le 3 avril 1997 par la Chambre criminelle de la Cour de cassation, Déclare recevables les appels principal et incident, Déclare fondé l'appel principal et non fondé l'appel incident, Infirme la décision entreprise et statuant à nouveau, relaxe Monsieur C des fins de la poursuite ; Met hors de cause la société " X ". Le tout par application des articles 411, 470 du Code de Procédure Pénale.