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Décisions

CA Metz, ch. corr., 18 novembre 1993, n° 954-93

METZ

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Procureur général

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Greff

Conseillers :

M. Gérard, Mlle Delorme

Avocat :

Me Perrad

TGI Sarreguemines, ch. corr., du 12 févr…

12 février 1993

Vu le jugement rendu contradictoirement par le Tribunal correctionnel de Sarreguemines le 12 février 1993 qui :

a déclaré G Jean-Paul coupable d'avoir à Forbach, le 27 novembre 1991 :

revendu un produit en l'état, en l'espèce la boîte de raviolis Buitoni pur boeuf 4/4, à un prix inférieur à son prix d'achat effectif,

et lui faisant application des articles 1er de la loi de finances n° 63-628 du 2 juillet 1963, 463 du Code Pénal, 473 et suivants, 749 et 750 du Code de Procédure Pénale,

a condamné aux dépens,

a dit que la contrainte par corps s'exercera suivant les modalités fixées par les articles 749 et 750 du Code de Procédure Pénale, modifiés par la loi du 30 décembre 1985,

En la forme,

Attendu que les appels interjetés le 15 février 1993 par le prévenu et le même jour par le Ministère Public, réguliers en la forme, ont été enregistrés dans les délais légaux ;

Qu'il échet de les déclarer recevables ;

Attendu que le prévenu, Jean-Paul G, n'ayant pas comparu mais s'étant valablement fait représenter par un mandataire, il y a lieu de statuer contradictoirement à son encontre conformément aux dispositions des articles 411 et 512 du Code de Procédure Pénale ;

Au fond,

Sur le sursis à statuer :

Attendu que M. G soutient donc au principal qu'il y aurait lieu à surseoir à statuer sur les poursuites engagées contre lui dans l'attente d'une décision devant intervenir devant la Cour de Justice des Communautés Européennes saisie par le Tribunal de Colmar depuis juin 1991 d'une question préjudicielle tendant à voir dire si la prohibition dans notre pays de la revente à perte est compatible ou non avec les articles 3, 7, 30 et 85 du Traité de Rome ;

Mais attendu qu'il appartient à toute juridiction correctionnelle de statuer sur les poursuites engagées devant elle dans des délais raisonnables et au vu de la procédure en sa possession et des moyens qui sont soulevés ;

Que dès lors il n'apparaît pas opportun de surseoir à statuer dans l'attente d'une éventuelle décision de la Cour Européenne saisie depuis plus de deux années ;

Sur la compatibilité de la législation française au regard du droit communautaire :

Attendu que c'est par des motifs exempts d'insuffisance et que la Cour adopte, que le Tribunal a rejeté les moyens soulevés à cet égard par le prévenu ;

Qu'il suffit de rappeler que la revente à perte, prohibée par l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, constitue une pratique concurrentielle déloyale dans la mesure où elle peut entraîner une inégalité parmi les commerçants disposant déjà d'une puissance économique inégale (grandes surfaces - petits commerces) ;

Que ce procédé commercial peut aboutir, pour un commerçant, à accaparer un marché et capter une clientèle et, une fois le but atteint, à vendre de nouveau à un prix normal voire plus élevé ;

Que cette pratique anticoncurrentielle est de nature à préjudicier aux intérêts réels des consommateurs trompés par des " prix d'appel " sur quelques articles vendus à perte, perte nécessairement compensée par des marges plus importantes sur d'autres produits ;

Attendu que la prohibition de la vente à perte est applicable à tous les revendeurs français ou étrangers exerçant leur activité sur le territoire national;

Qu'elle n'est donc pas fondamentalement de nature à entraver le commerce intracommunautaire tenant à faire respecter la loyauté des transactions commerciales, empêcher que la concurrence soit faussée et assurer la protection du consommateur;

Que, dès lors, la prohibition de la vente à perte n'est pas contraire aux dispositions du Traité de Rome invoquées par le prévenu;

Qu'il échet de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a écarté les exceptions soulevées ;

Sur la culpabilité :

Attendu que le Tribunal a exactement rappelé les termes de la prévention, le déroulement de la procédure et les faits de la cause dans un exposé détaillé auquel la Cour se réfère expressément ;

Attendu en effet que le 27 novembre 1991 à 11 heures 45, un agent de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes a constaté que la SA X revendait au supermarché à l'enseigne X, 25, rue Nationale à Forbach la boîte de raviolis Buitoni pur boeuf 4/4 au prix de 8,55 F ;

Qu'il résulte de l'analyse des factures d'achat que ce produit, acquis avant le 30 décembre 1991, avait, compte-tenu des ristournes différées accordées à la SA X, un prix d'achat hors TVA de 8,564 F ;

Que le fait que la Direction de la Concurrence n'ait pas relevé également le même type d'infraction dans un autre magasin X vendant le même jour le même produit au même prix n'est pas de nature à faire disparaître l'infraction constatée [adresse] à Forbach ;

Attendu enfin que le prévenu ne peut se prévaloir de l'exception d'alignement qu'il invoque alors même qu'il commercialisait le produit litigieux à un prix supérieur de 0,80 F à celui pratiqué le même jour par le magasin Intermarché de Forbach;

Que, dès lors, c'est par des motifs pertinents et que la Cour adopte par ailleurs que le Tribunal a déclaré fondée la prévention reprochée à M. G, PDG de la SA X ;

Qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris sur la culpabilité ;

Sur l'application de la peine :

Attendu que la peine infligée par les premiers juges constitue une sanction proportionnée à la gravité des faits, compte-tenu des circonstances atténuantes qui existent en faveur du prévenu, adaptée à sa personnalité et conforme aux exigences de la défense de l'ordre public ;

Que le jugement entrepris sera donc confirmé en toutes ses dispositions pénales ;

Par ces motifs : LA COUR : statuant publiquement, par arrêt contradictoire ; En la forme ; Reçoit les appels conformes et réguliers ; Au fond ; Dit n'y avoir lieu à sursis à statuer ; Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; Prononce, en tant que de besoin, la contrainte par corps en application des articles 749 et 750 du Code de Procédure Pénale, modifiés par la loi du 30 décembre 1985.