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Décisions

CA Toulouse, 3e ch. corr., 21 octobre 1993, n° 966

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Procureur de la République

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Brignol

Conseillers :

MM. Delpech, Silvestre

Avocat :

Me Maurel

TGI Foix, ch. corr., du 9 mars 1993

9 mars 1993

Statuant sur les appels réguliers en la forme et interjetés dans le délai légal par Alain A, Daniel B et Dominique C et par le Ministère Public d'un jugement rendu par le Tribunal Correctionnel de Foix le 9 mars 1993.

Le Ministère Public requiert la confirmation du jugement sauf en ce qui concerne le nombre des amendes contraventionnelles prononcées à l'encontre de Daniel B et de Dominique C. Il demande en outre la condamnation solidaire de chacun des prévenus et de la société X au paiement des amendes prononcées et enfin d'ordonner la publication de la décision.

Alain A, Daniel B et Dominique C font conclure au sursis à statuer jusqu'à la décision que prendra la Cour de Justice des Communautés Européennes sur les questions préjudicielles dont elle a été saisie sur la compatibilité des articles 1 de la loi du 2 juillet 1963 et 32 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 avec l'article 32 du Traité de Rome, ou au dépôt d'une question préjudicielle en ce sens sur le fondement de l'article 177 du Traité de Rome en faisant valoir que la prohibition en droit français de la vente à perte contrevient aux dispositions du Traité de Rome qui édictent le principe de la libre circulation des marchandises et notamment à celles de l'article 30 qui interdit entre les Etats membres les restrictions quantitatives à l'importation ainsi que toute mesure d'effet équivalent, telle que " toute réglementation commerciale susceptible d'entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement le commerce intra communautaire ".

Ils font conclure subsidiairement à leur renvoi des fins de la poursuite du chef du délit de revente à perte faisant valoir que les ventes de jouets, qui ont un caractère saisonnier marqué, ont été réalisées en période terminale des ventes.

Ils font enfin conclure à la condamnation de MM. C et B uniquement pour les contraventions de remise de prix inférieures à celles annoncées commises dans le magasin que chacun dirige.

La Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes fait conclure à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation solidaire au paiement des amendes des sociétés X et Y.

Sur quoi

Il résulte des éléments du dossier et des débats qu'à la suite de la publication le 22 décembre 1991 dans un journal local par le magasin Z de Saint-Jean-du-Falga, dont le Directeur est Dominique C, exploité par la SA Y dont le PDG est Alain A, et par le magasin Z de Foix dont le Directeur est Daniel B, exploité par la SA X dont le PDG est Alain A, d'une publicité mentionnant des " soldes exceptionnelles - 50 % sur les jouets " vendus dans ces deux magasins, une enquête était effectuée portant sur les ventes de jouets réalisés le 22 décembre 1991 dans ces deux magasins et faisait apparaître que :

- 27 jouets avaient été vendus au magasin Z de Saint-Jean-du-Falga à un prix inférieur à leur prix d'achat effectif, le taux de revente à perte variant de 15,68 % à 46,18 % ;

- 59 jouets avaient été vendus au magasin Z de Foix à un prix inférieur à leur prix d'achat effectif, le taux de revente à perte variant de 15,53 % à 54,36 %.

D'autre part cette enquête permettait d'établir que, contrairement à ce qui avait été annoncé dans la publicité parue le 22 décembre 1991, et par référence aux prix publiés dans un catalogue diffusé sur la voie publique au cours du 4e trimestre 1991 par ces deux magasins, valables jusqu'au 7 décembre 1991, que la remise effectivement accordée à la clientèle était inférieure à celle de 50 % annoncée puisqu'elle variait :

- de 12,65 % à 46,12 % pour 12 jouets vendus au magasin de Saint-Jean-du-Falga,

- 45,94 % à 48,44 % pour 4 jouets vendus au magasin de Foix.

Au cours de l'enquête MM. C et B ont précisé que ces faits résultaient d'une décision prise en concertation et d'un commun accord avec M. A, ce que ce dernier n'a jamais contesté.

En ce qui concerne le délit de revente à perte la démonstration n'est pas faite que la réglementation française prohibant la revente à perte apporterait une entrave directe ou indirecte actuelle ou potentielle au commerce intra-communautaire et correspondrait à une mesure d'effet équivalent à une restriction quantitative à l'importation, violant ainsi les dispositions de l'article 30 du Traité de Rome.Aucun acte communautaire n'interdit à un Etat membre d'édicter une réglementation prohibant la vente à perte. Il n'y a dès lors pas lieu à sursis à statuer ou à question préjudicielle.

D'autre part, et à supposer que les jouets entrent dans la catégorie des produits dont la vente présente un caractère saisonnier marqué, ce que les variations du chiffre d'affaires mensuels des sociétés X et Y - au demeurant non produits - n'établissent pas puisqu'elles procèdent de la politique commerciale de ces deux sociétés, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges,ces ventes ont eu lieu en période de pointe pour les achats de jouets en période de fin d'année puisque 3 jours avant Noël et 9 jours avant le 1er janvier, et alors que le magasin était ouvert un dimanche par autorisation préfectorale, précisément en raison du caractère élevé des ventes en cette période de l'année.

Le délit de vente à perte est donc constituéet le jugement entrepris sera confirmé sur la déclaration de culpabilité de chacun des trois prévenus de ce chef.

Il le sera aussi sur la déclaration de culpabilité d'Alain A du chef des 16 contraventions visées à la prévention. Toutefois eu égard aux deux magasins où ont été commises ces contraventions et au rôle joué par chacun d'entre eux dans chacun de ces magasins la Cour déclarera Daniel B coupable des 4 contraventions et Dominique C coupable de 12 contraventions.

Eu égard à la condamnation figurant au casier judiciaire d'Alain A, PDG des sociétés exploitant les deux magasins, il apparaît que les premiers juges ont exactement apprécié le montant des amendes à lui infliger en répression des délits et contraventions dont il s'est rendu coupable. Le jugement sera confirmé sur ce point.

En l'absence d'antécédents judiciaires de Daniel B, pour le magasin de Foix, et de Dominique C, pour le magasin de Saint-Jean, la Cour réduira à 15.000 F le montant de l'amende à leur infliger pour le délit et maintiendra à 1.000 F le montant de chaque amende pour les contraventions.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Vu les articles 496 et suivants, 512 et suivants du Code de Procédure Pénale, 463 du Code Pénal, 1 de la loi du 2 juillet 1963, 32 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, 28 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, 6 de l'arrêté préfectoral du 2 septembre 1977, 33 du décret du 29 décembre 1986, Déclare les appels réguliers et recevables en la forme, Dit n'y avoir lieu à sursis à statuer ni à la question préjudicielle prévue par l'article 177 du Traité de Rome, Confirme le jugement rendu par le Tribunal Correctionnel de Foix le 9 mars 1993, - en ce qu'il a déclaré Alain A, Daniel B et Dominique C coupables des délits de revente à perte et Alain A coupable des 16 contraventions de remises inférieures à celles annoncées, - et sur les peines infligées à Alain A en répression des délits et contraventions, Le réforme pour le surplus, Déclare Daniel B coupable des 4 contraventions de remises inférieures à celles annoncées et Dominique C coupable de 12 contraventions de remises inférieures à celles annoncées, En répression des délits de revente à perte, condamne Daniel B et Dominique C, chacun à une amende de quinze mille francs (15 000 F), En répression des contraventions, Condamne Daniel B à 4 amendes de mille francs (1 000 F) chacune, Condamne Dominique C à 12 amendes de mille francs (1 000 F) chacune. La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable chaque condamné. Fixe la contrainte par corps, s'il y a lieu, conformément aux dispositions de l'article 750 du Code de Procédure Pénale ; Le tout en vertu des textes sus-visés.