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Décisions

CA Rennes, 3e ch. corr., 9 juillet 1998, n° 97-00451

RENNES

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, Ministère public

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Segondat

Conseillers :

MM. Buckel, Fontaine

Avocat :

Me Mitchell

TGI Rennes, ch. corr., du 21 nov. 1994

21 novembre 1994

Rappel de la procédure :

Le jugement :

Le TGI de Rennes par jugement contradictoire en date du 21 novembre 1994, pour facturation non conforme - vente de produit, prestation de service pour activité professionnelle,

Non-communication par écrit des conditions de rémunération du distributeur ou prestataire,

A condamné X Benoist à trente mille francs (30 000 F) d'amende - soixante quinze (75) amendes de cinquante francs chacune.

Les appels :

Appel a été interjeté par :

M. X Benoist, le 29 novembre 1994,

M. le Procureur de la République, le 29 novembre 1994 contre M. X Benoist,

Y le 1er décembre 1994.

La prévention :

Considérant qu'il est fait grief au prévenu, en sa qualité de Président du Directoire de la SA Y, d'avoir à Cesson Sévigné, en tout cas dans l'arrondissement judiciaire de Rennes, au cours du 1er trimestre 1991 jusqu'en fin août 1991, à raison des constatations opérées les 12 juillet 1991, 21 et 22 août, 29 et 30 août 1991 et de modifications opérées dans les mois suivants, le tout récapitulé au procès-verbal du 1er juin 1992 :

- effectué, fait effectuer pour une activité professionnelle des achats de produits sans factures conformes,

- omis de respecter les règles sur le caractère écrit des conditions de rémunération du distributeur par ses fournisseurs, en contrepartie des services spécifiques, contraventions de la 5e classe connexe au délit ci-dessus spécifié, avant modification législative du 1er juillet 1993, 11 lui étant imputables sur 88 insuffisances de facturation.

Faits prévus et réprimés par les articles 31, 33, 55 de l'ordonnance 86-1243 du 1er décembre 1986.

En la forme :

Considérant que la Cour est saisie après cassation d'un précédent arrêt de cette Cour rendu le 9 novembre 1995 en ses dispositions relatives à X Benoist et la SA Y civilement responsable.

Qu'il sera statué en conséquence sur les seules poursuites dirigées contre ce dernier ensuite de l'appel relevé par lui le 29 novembre 1994 du jugement déféré, de l'appel incident du Procureur de la République en date du 29 novembre 1994 et de l'appel de la société Y du 1er décembre 1994.

Considérant que ces appels sont réguliers et recevables en la forme ;

Au fond :

Considérant que Benoist X est poursuivi en qualité de Président du Directoire de la SA Y pour non-respect des dispositions de l'article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence, modifié par la loi du 1er juillet 1996 ;

Considérant qu'il oppose à ces poursuites deux délégations de pouvoir établies les 7 janvier 1990 et 7 janvier 1991 en faveur de MM. A et B respectivement directeur des achats de denrées non périssables et directeur des achats frais de la SA Y ;

Qu'il est en effet de principe que, sauf si la loi en dispose autrement, le chef d'entreprise qui n'a pas personnellement pris part à la réalisation de l'infraction peut s'exonérer de sa responsabilité pénale s'il rapporte la preuve qu'il a délégué ses pouvoirs à une personne pourvue de la compétence de l'autorité et des moyens nécessaires ;

Considérant que les délégations de pouvoir donnaient pour mission à chacun des délégataires :

- de veiller en permanence à la conformité au regard des réglementations en vigueur des marchandises qu'il achète pour le compte de la société,

- de veiller à ce que les marchandises mises en vente à l'entrepôt soient conformes à la réglementation des prix en vigueur, dont il déclare avoir eu connaissance,

- d'apporter les rectifications nécessaires de telle sorte que les prix pratiqués soient toujours conformes aux prescriptions de la législation ;

Considérant que les délégations précisaient qu'en raison de l'expérience professionnelle de MM. A et B, ceux-ci déclaraient assumer personnellement toutes responsabilités pénales dans les matières entrant dans leurs attributions chaque fois que cette responsabilité résulterait notamment des infractions qui auraient pour cause une absence de contrôle de leur part des règles relatives à la législation sur les prix et le contrôle économique, sur la répression des fraudes ainsi que tous règlements administratifs ou de police applicables à leur activité dont ils déclaraient avoir parfaite connaissance ;

Considérant que l'analyse de ces délégations montre que les Directeurs des achats frais et des denrées non périssables, chargés des relations avec les fournisseurs et des négociations des conditions d'achat étaient investis d'un pouvoir de contrôle de l'observation des règles relatives à la législation économique et devaient faire respecter la législation sur les prix dont ils déclaraient avoir parfaite connaissance ;

Considérant que MM. A et B avaient, compte tenu de leur expérience professionnelle la compétence requise ; qu'en leur qualité de cadres commerciaux directeurs des achats, ils avaient l'autorité nécessaire ; qu'enfin, disposant d'un budget personnel et d'un budget propre à chaque unité et de suffisamment de préposés, ils avaient les moyens d'assumer les responsabilités qui leur étaient confiées ;

Qu'ainsi ces délégations étaient régulières et valables et devaient produire effet en l'espèce, s'agissant d'infractions aux règles de facturation relevant de l'ordre public économique pour l'application duquel les délégations de pouvoir sont admises ;

Considérant par ailleurs qu'elles ne sont de nature à exonérer le déléguant de sa responsabilité pénale que s'il n'a pas personnellement pris part à la réalisation de l'infraction ;

Considérant que Benoist X justifie aujourd'hui avoir pris les mesures nécessaires à l'information régulière des délégataires en leur faisant parvenir les notes juridiques régulièrement mises à jour de la FEDIMAS relatives à l'ordonnance du 1er décembre 1986, au seuil de revente à perte et aux règles de facturation;

Qu'il en résulte qu'il a bien donné les instructions nécessaires pour qu'aucune des directions d'achat n'accepte de recevoir de la part des fournisseurs des factures ne mentionnant pas les rabais, ristournes ou remises, après que son attention ait été attirée par un courrier de la Direction de la Consommation, de la Concurrence et de la Répression des Fraudes d'Ile et Vilaine en date du 11 juillet 1988 sur les éléments devant figurer sur les factures ;

Qu'aucun élément ne vient contredire ces instructions ni établir que Benoist X a personnellement d'une quelconque manière pris part à la réalisation de l'infraction en donnant des instructions contraires ou même en encourageant des pratiques contraires;

Par ces motifs, LA COUR, Après en avoir délibéré conformément à la loi, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire à l'égard de X Benoist, société Y, Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, En la forme, Vu l'arrêt de la Cour de cassation en date du 23 janvier 1997, Reçoit les appels, Au fond, Réforme le jugement sur la culpabilité, Déclare Benoist X non coupable des faits reprochés et le renvoie des fins de la poursuite.