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Décisions

CA Paris, 13e ch. A, 22 septembre 1999, n° 98-08288

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Ministère public

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guilbaud

Conseillers :

M. Seltensperger, Mme Baland

Avocats :

Mes Xavier-Bender, Froemig

TGI Paris, 31e ch., du 14 oct. 1998

14 octobre 1998

Rappel de la procédure :

La prévention :

B Claude est poursuivi pour avoir, à Paris et dans l'Essonne, en 1997, imposé directement ou indirectement, un caractère minimal au prix de revente d'un produit en l'espèce en refusant de vendre les produits X à la société Bricomarchandises à défaut de modification par celui-ci de ses tarifs de revente.

Le jugement :

Le Tribunal, par jugement contradictoire, a déclaré B Claude coupable d'imposition d'un prix de revente minimum ou d'une marge minimale - bien ou prestation de service, faits commis courant 1997, à Paris et dans l'Essonne,

infraction prévue par l'article 34 de l'Ordonnance 86-1243 du 01/12/1986 et réprimée par les articles 34, 55 al. 1 de l'Ordonnance 86-1243 du 01/12/1986

et, en application de ces articles, l'a condamné à 50 000 F d'amende, déclaré irrecevables les demandes formées par la société Bricomarchandises International, mis hors de cause la société X, rejeté la demande de dispense d'inscription au B2 du casier judiciaire, dit que la décision était assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 600 F dont est redevable chaque condamné.

Les appels :

Appel a été interjeté par

Monsieur B Claude, le 21 Octobre 1998, sur les dispositions pénales;

M. le Procureur de la République, le 21 Octobre 1998, contre Monsieur B Claude;

Décision :

Statuant sur les appels relevés par le prévenu et le ministère public à l'encontre du jugement déféré auquel il est fait référence pour l'exposé des faits et de la prévention, étant précisé que l'appel du prévenu ne porte que sur les dispositions pénales du dit jugement;

Claude B, prévenu, demande à la cour de le relaxer des fins de la poursuite, les éléments constitutifs, matériel et moral, du délit d'imposition d'un prix de revente minimum prévu par l'article 34 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, n'étant pas, selon lui, réunis.

Rappel des faits

Au début de l'été 1997, la société Bricomarchandises International a édité et diffusé auprès des consommateurs un catalogue sur lequel figure la présentation de rouleaux de laine de roche proposés, selon les dimensions, aux prix de 10,90 F et 12,95 F le mètre carré ;

Elle avait négocié, auprès de la société X, dont l'activité est la fabrication de laine de roche utilisée dans le bâtiment, l'achat de ces deux produits aux prix respectifs, toutes taxes comprises, de 10,19 F et de 12,23 F le mètre carré ;

Par courrier du 24 juin 1997, la société X a refusé de vendre ces marchandises à la société Bricomarchandises International au motif que cette dernière s'apprêtait à les commercialiser à un prix trop bas ;

C'est dans ces conditions qu'il est reproché à Claude B, président du directoire de la société X, d'avoir à Paris et dans le département de l'Essonne, en 1997, imposé directement ou indirectement un caractère minimal au prix de revente d'un produit, en l'espèce, en refusant de vendre les produits X à la société Bricomarchandises International à défaut de modification par celle-ci de ses tarifs de revente ;

Sur ce

Considérant que, aux termes d'une lettre du 24 juin 1997, alors que la société Bricomarchandises International avait édité et diffusé son catalogue vantant notamment les rouleaux de laine de roche qu'elle avait négociés auprès de la société X, celle-ci lui a écrit :

" ..... Nous ne pouvons tolérer, en tant que fabricant de produits de qualité et de haute technicité, fournisseur de nombreux professionnels et détenteur d'une marque notoirement connue sur le marché des matériaux de construction, qu'un grand distributeur se permette de galvauder notre image de marque en vendant certains de nos produits à prix bas. Une telle pratique serait susceptible d'induire le consommateur en erreur, lui faisant croire qu'il s'agit là de produits bas de gamme, n'offrant pas les caractéristiques intrinsèques que possèdent les produits à base de laine de roche... Nous persistons à refuser de vendre nos produits à votre société et à vos affiliés dès lors que nos produits seront commercialisés à des prix manifestement contraires à l'image de qualité que nous avons toujours souhaité donner à nos produits ... " ;

Considérant que le catalogue avait été diffusé préalablement à la lettre du 24 juin 1997 ;

Considérant que pour éviter les conséquences de l'application éventuelle à son encontre des dispositions des articles L. 121-1 et suivants du code de la consommation, la société Bricomarchandises International s'est estimée obligée de faire, le 24 juin 1997 un erratum auprès de ses points de vente, expliquant à sa clientèle que la société X avait refusé de la fournir en rouleaux de laine de roche ;

Que, compte tenu du prix d'acquisition et des prix de revente annoncés, les marges de la société Bricomarchandises International sont faibles, ne représentant que 7% et 6% respectivement pour les rouleaux de laine de roche en 80 mm et 100 mm, mais demeurent positives ;

Que les prix du catalogue retenus par la société Bricomarchandises International sont supérieurs au seuil de revente à perte, seule limite légale en dessous de laquelle il est interdit de revendre ;

Considérant que l'article 34 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 dispose :

"Est puni d'une amende de 100.000 F le fait par toute personne d'imposer, directement ou indirectement, un caractère minimal au prix de revente d'un produit ou d'un bien, au prix d'une prestation de service ou à une marge commerciale" ;

Considérant que le prévenu, qui reconnaît, aux termes de ses conclusions, avoir opposé un refus de livraison, explique que ce refus est une réaction à la stratégie adoptée par la société Bricomarchandises International visant à "amalgamer aux yeux du consommateur les différents matériaux d'isolation existant sur le marché, sans égard pour leur spécificité technique", ce qui est d'autant plus flagrant que "les catalogues de vente de la campagne comportaient des photographies de rouleaux de laine de roche avec la légende "laine de verre";

Mais considérant que le catalogue en cause, s'il présentait à la clientèle des rouleaux de laine de verre, présentait, sur une page différente le produit "Laine de roche" avec pare-vapeur aux prix de 10,90 F le m2 en 80 mm et de 12,95 F en 100 mm et que la société X ne lui a pas exprimé le reproche ci-dessus évoqué dans sa lettre du 24 juin 1997 ;

Considérant que le prévenu évoque la procédure de référé diligentée par la société Bricomarchandises International qui a abouti à une ordonnance du président du tribunal de commerce de Paris en date du 1er octobre 1997, la déboutant au motif que les commandes avaient été honorées à partir de septembre 1997 de sorte qu'elle ne pouvait plus se prévaloir d'un refus de vente ni d'un quelconque préjudice ;

Mais considérant d'une part qu'une ordonnance de référé n'a pas l'autorité de chose jugée et que, d'autre part, cette procédure de référé a permis d'établir que le refus de vente avait perduré jusqu'en septembre 1997 ;

Considérant que Claude B soutient que les faits visés à la prévention ne constituent, en réalité qu'un seul refus de livraison, lequel était légitime, comme n'étant pas motivé par le refus, par la société Bricomarchandises International, de se soumettre à un prix minimum, mais par le souci de s'opposer à la stratégie de prix bas qu'elle reproche à sa cocontractante et celui que ses produits ne soient pas bradés ; qu'il expose que le refus de livraison était le seul moyen de défendre son image de marque ;

Considérant que, s'il est constant et non contestable que la société X a manifesté le souci que ses produits ne soient pas "bradés", il reste que, quels que soient l'intérêt et la qualité de cette préoccupation, le prévenu est poursuivi pour avoir imposé un prix minimal au prix de revente de ses produits;

Considérant que, au motif que l'article 111-4 du code pénal dispose que "la loi pénale est d'interprétation stricte", Claude B, pour faire soutenir que l'élément matériel de l'infraction n'existe pas, expose que l'infraction prévue par l'article 34 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 suppose la réunion des conditions cumulatives suivantes : la détermination d'un prix minimal de revente et l'imposition de ce prix minimal de revente par des moyens directs ou indirects et que, en l'espèce, elle n'a fixé aucun prix minimal de revente déterminé ;

Considérant que, effectivement, la société X notamment aux termes de son courrier du 24 juin 1997, n'a pas fixé précisément le prix minimal qu'elle souhaitait voir pratiquer par sa cocontractante ;

Mais considérant que la cour ne peut suivre le prévenu dans cette argumentation;

Qu'en effet, le fait, par un fournisseur, de refuser de livrer un revendeur au motif qu'il estime trop bas les prix qu'il pratique, et ce, en croyant pouvoir se dispenser de lui indiquer le prix minimal à partir duquel il l'autoriserait à commercialiser ses produits, conduit exactement aux mêmes conséquences, au plan commercial, que le fait de lui préciser un prix minimal;

Que, par ailleurs, l'article 34 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 punit le fait d'imposer, non un prix minimal, mais "un caractère minimal au prix de revente d'un produit";

Que, au surplus, ledit article 34 punissant toute personne qui impose un caractère minimal au prix de revente lorsqu'elle le fait "directement ou indirectement", la cour observe que, si la société X n'a pas usé d'une méthode directe, elle en a utilisé une indirecte ;

Considérant que Claude B fait plaider que son intention frauduleuse n'est pas établie et que l'infraction ne lui est pas imputable ;

Mais considérant que le fait, par la société X, d'avoir violé en connaissance de cause, la prescription légale visée à la prévention en imposant un prix minimal de revente suppose nécessairement l'intention coupable du président de son directoire, étant précisé que Claude B a reconnu ne pas avoir délégué ses pouvoirs en matière économique ;

Considérant que, compte tenu de l'ensemble des éléments soumis à l'appréciation de la cour et des débats à l'audience, il y a lieu, les faits reprochés étant constants, de confirmer le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité de Claude B;

Qu'il y a lieu également de le confirmer sur la peine prononcée à son encontre, laquelle est équitable ;

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Statuant sur les seules dispositions pénales du jugement déféré, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré Claude B coupable des faits visés à la prévention et l'a condamné à une amende de 50.000 F.