CA Paris, 9e ch. A, 19 novembre 1997, n° 97-00528
PARIS
Arrêt
PARTIES
Défendeur :
Concurrence (SA), Semavem (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Rognon
Conseillers :
M. Morel, Mme Radenne
Avocat :
Me Mitchell
Rappel de la procédure :
La prévention :
Affaire P 94 248 0162 2
Par exploit du 1er septembre 1994, les sociétés Concurrence et Jean Chapelle ont cité directement devant le Tribunal correctionnel de Paris Michel X, Président du conseil d'administration de la SA Y et la société Y, en sa qualité de " pénalement et/ou civilement responsable " pour avoir :
- diffusé de décembre 1993 à août 1994 des catalogues mensongers quant à l'existence, à la disponibilité et au prix des produits (article L. 121-1 du Code de la consommation),
- avoir commis différentes infractions relatives à la communication de ses conditions de vente en juillet/août 1994 (article 33 de l'ordonnance du 1er décembre 1986), aux règles de facturation par refus de délivrer les factures et de mentionner les ristournes sur les factures de décembre 1992 à août 1994 (article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986), à l'imposition de marges et de prix minimum et à des actions illicites sur les prix (articles 34, 52-1 et 52-2 de l'ordonnance du 1er décembre 1986) et à l'utilisation illicite de la langue anglaise (article 1er de la loi du 21 décembre 1975) ;
Affaire P 95 282 0261.
Par exploit du 9 octobre 1995, les sociétés Concurrence, Jean Chapelle et Semavem ont cité directement devant le Tribunal correctionnel de Paris Michel X, Président du Conseil d'administration de la SA Y et la société Y, en sa qualité de " pénalement et/ou civilement responsable ", pour avoir :
- commis les délits de faux, usage de faux et escroquerie au jugement à l'occasion d'une procédure en cours devant le Conseil de la concurrence (articles 441-1 et 313-1 du Code pénal) ;
- refusé de délivrer une facture à la Semavem lors de la remise d'un chèque de 559 748,71 F le 14 septembre 1995 représentant l'écart entre la remise de 15 % facturée du 12 juillet au 30 octobre 1990 et la remise de 19 % que Y avait été condamnée à lui payer par jugement du tribunal de commerce de Romans du 15 juin 1995 (art. 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986) ;
- fait paraître dans le journal " Le Figaro " du 8 juin 1995 une publicité pour des articles (magnétoscopes SLVE 800, SLVE 400, camescopes CCDTR 780, CCDTR V 70, CCFTR V 30, vidéo-projecteur CPJ 100 E) non disponibles à la vente (article L. 121-1 du Code de la consommation),
- trompé des clients en leur vendant des téléphones défectueux et en refusant de les échanger (art. L. 213-1 du code de la consommation) et diffusé des publicités mensongères sur la rapidité et l'efficacité de son service de dépannage dans ses catalogues " inside 95 " et septembre 1995 (art. L. 121-1 du Code de la consommation).
Le jugement :
Le tribunal, par jugement contradictoire, a ordonné la jonction des procédures P 94 248 0162/2 et P 95 282 0261/8,
A déclaré la société Concurrence irrecevable sur l'infraction à l'arrêté du 2 septembre 1977 et sur la tromperie,
A relaxé X Michel des chefs de publicité trompeuse en ce qui concerne le catalogue 1994 et la publicité dans le Figaro du 8 juin 1995, de défaut de délivrance de factures aux sociétés Jean Chapelle et Concurrence, d'action illicite sur les prix, de faux, d'usage de faux et d'escroquerie au jugement.
A relaxé la société Y des chefs de défaut de délivrance de factures aux sociétés Jean Chapelle et Concurrence et d'action illicite sur les prix ;
A déclaré X Michel et la société Y coupables des faits de :
- Absence de mention de ristournes sur les factures,
- Refus de délivrance d'une facture à la Semavem,
A déclaré X Michel coupable des faits de publicité trompeuse en ce qui concerne la catalogue " Nouveautés Printemps/Été 94 " et le service après-vente ;
A condamné X Michel à la peine de cinquante mille (50 000) francs d'amende ;
A condamné la société Y à la peine de cinquante mille (50 000) francs d'amende ;
A condamné solidairement X et la société Y à payer à la société Concurrence la somme de 80 000 F à titre de dommages-intérêts ;
A condamné solidairement X et la société Y à payer à la société Semavem la somme de 5 000 F à titre de dommages-intérêts ;
A déclaré la société Y civilement responsable de X Michel ;
A condamné X Michel et la société Y à payer chacun à la société Concurrence la somme de 2 000 F et à la société Semavem la somme de 500 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,
La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure de 600 F dont est redevable chaque condamné ;
Appels :
Appel a été interjeté par :
La SA Y, prévenue, le 5 décembre 1996, sur les dispositions pénales et civiles du jugement,
La SA Y, civilement responsable, le 5 décembre 1996,
Monsieur X Michel, le 5 décembre 1996, sur les dispositions pénales et civiles du jugement,
M. le Procureur de la République, le 5 décembre 1996, contre Monsieur X Michel, Y SA,
La Concurrence SA, venant aux droits de la SA Jean Chapelle, la SA Concurrence, Semavem (SA), parties civiles, le 6 décembre 1996 contre X, la société Y
Décision :
LA COUR après en avoir délibéré conformément à la loi,
En la forme,
Considérant que les appels interjetés le :
- 5 décembre 1996, à titre principal, sur les dispositions pénales et civiles du jugement, par la société anonyme Y et Michel X, prévenus, d'une part, sur les dispositions civiles par la société anonyme Y, civilement responsable, de seconde part ;
- 5 décembre 1996, à titre incident, au pénal, par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris ;
- 6 décembre 1996, à titre incident au civil, par la SA Concurrence et par la SA Semavem, parties civiles,
ont été formés régulièrement et dans les délais requis ;
Qu'ils seront donc déclarés recevables ;
Considérant que l'argumentation des prévenus et civilement responsable fondée sur l'article 497 du Code de procédure pénale est inopérante et, ainsi, à rejeter, dès lors, premièrement, que le Ministère public est lui-même appelant sur l'intégralité de l'action publique et, deuxièmement, qu'il appartient à la cour, sur l'appel de la partie civile, d'apprécier et qualifier les faits, avant de prononcer, s'il y a lieu, une condamnation à titre de dommages-intérêts
Au fond,
Considérant qu'après rappel de la prévention et de la procédure jusqu'alors suivie, les premiers juges ont exactement rapporté les faits dénoncés par Jean-Henri Chapelle, au nom de la SA Jean Chapelle, aux droits et actions de laquelle vient la SA Concurrence, de celle-ci et de la SA Semavem à l'encontre de la société Y et de Georges X ;
Que sur ces points, la cour renvoit expressément aux énonciations du jugement critiqué ;
Qu'il suffit de rappeler que la société Y, société anonyme au capital de 549 480 800 F et dont le Conseil d'administration est présidé par Michel Georges X, est l'importatrice exclusive pour la France des matériels fabriqués et distribués par la société Y de droit nippon ; qu'elle fournit les sociétés Concurrence et Semavem dont l'animateur est Jean Chapelle et qui pratiquent le " discount " ;
Que des relations commerciales ainsi nouées sont nées de multiples litiges alors même que Chapelle vante la qualité des produits " Y " qui représentent 80 % du chiffre d'affaires de ses sociétés avec lesquelles Y, qui détient 17 % du marché de l'audio-visuel en France, réalise moins de 1 % de ses ventes ;
Qu'il est, en substance, imputé à Y et au président de son conseil d'administration d'avoir, premièrement, diffusé et fait diffuser des catalogues " Nouveautés Printemps Été 1994 " et " les News de Y 1994 ", " gamme 94-95 " ; " Automne 95/96 " et une annonce publicitaire dans le journal Le Figaro du 8 juin 1995, comportant des allégations mensongères sur l'existence, la disponibilité et le prix des produits ; secondement, délivré des factures irrégulières pour ne pas mentionner les ristournes et remises acquises ; troisièmement, refusé de délivrer des factures dès la livraison et, encore, dès la constitution d'avoirs ; quatrièmement, usé de moyens frauduleux pour opérer une baisse artificielle du prix des biens ; cinquièmement, sciemment produit un document tronqué devant le Conseil de la concurrence, pour en obtenir une décision favorable ; sixièmement, trompé les cocontractants en poursuivant la commercialisation de téléphones sans fil (réf. SPP 560 et SPP 860) présentant des vices rédhibitoires de fabrication ;
Considérant que Chapelle, ès-qualités, s'est désisté des chefs de poursuite concernant le défaut de communication des conditions générales de vente ; l'existence d'un prix minimal ; la violation des règles concernant l'usage de la langue française ;
Considérant que les premiers juges ont déclaré les parties civiles irrecevables à agir sur le fondement de l'arrêté ministériel 77-105 du 2 septembre 1977 qui édicte des mesures de police des prix dont la violation n'est pas de nature à leur causer un préjudice direct et personnel ;
Que, par contre, ils ont considéré que la diffusion par un fabricant de catalogues et d'annonces publicitaires par voie de presse, comportant des allégations mensongères, était de nature à causer aux revendeurs un préjudice direct et personnel dès lors qu'ils sont directement et seuls en contact avec les clients trompés ;
Qu'ils ont, au contraire, déclaré les parties civiles irrecevables à agir du chef de tromperie affectant la vente de téléphones sans fil, motif pris de ce " qu'ayant elles-mêmes continué à commercialiser ces appareils (elles) ne peuvent prétendre avoir subi un préjudice et personnel de faits auxquels elles ont participé " ;
Considérant que pour entrer en voie de condamnation le tribunal a retenu :
- Sur l'absence de mention de ristournes sur les factures, que celles qualifiées de promotionnelles et celles dites d'assortiment étaient acquises et chiffrables au moment de la vente et, ainsi, devaient être indiquées sur la facturation ;
- Sur le refus de délivrance d'une facture à la Semavem, ensuite de la délivrance d'avoirs, en exécution de jugements du Tribunal de commerce de Romans, prescrivant à Y de consentir une remise de 19 % au lieu de celle de 15 % primitivement octroyée, que " tout remboursement lié à un achat de produit doit faire l'objet d'une facture conforme aux dispositions de l'article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 " ;
- Sur la publicité diffusée dans le catalogue " Nouveautés Printemps-Eté 94,
Que le fait d'y faire figurer une caméra qui était en réalité en fin de vie était de nature à induire en erreur le consommateur attaché à acquérir le modèle le plus récent d'un produit qui se caractérise par son obsolescence rapide ;
- Sur les mérites du service après-vente vantés par la société Y, qu'il était avéré que les clients des sociétés Jean Chapelle et Concurrence avaient dû attendre plusieurs mois la réparation aléatoire des téléphones sans fil porteurs de vices de fabrication alors même que leur était garanti un " service après-vente rapide et efficace " ;
Considérant que les premiers juges ont renvoyé les prévenus des fins de la poursuite des chefs de :
- publicité trompeuse liée à l'indisponibilité ou à l'inexistence des produits en relevant que " les catalogues visés aux poursuites ne peuvent constituer un engagement de la société Y, qui ne commercialise directement aucun de ses produits, de les fournir à tout moment pendant leur durée de validité " alors qu'il ne s'agit que " d'une présentation générale des produits de la société... devant être complétée par une documentation communiquée aux revendeurs au fur et à mesure de la disponibilité de ces produits ", en considérant que les produits mentionnés dans la publicité diffusée par le Figaro le 8 juin 1995 étaient disponibles et vendus aux prix annoncés ;
- refus de délivrance de factures aux sociétés anonymes Jean Chapelle et Concurrence, en considérant que l'article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 n'exigeait pas que la facture soit matériellement jointe à l'envoi des produits vendus ;
- action illicite sur les prix en constatant l'absence de tout élément de preuve ;
- faux, usage de faux et escroquerie au jugement en retenant l'absence d'intention ;
Considérant que, par conclusions déposées le 8 octobre 1997 et intitulées " conclusions d'appel rectificatives ", la société Y et Michel Georges X prient la Cour de :
" 1°/ Dire et juger la société Concurrence irrecevable en son appel en tant qu'il vise à demander la condamnation de Monsieur Michel X et la société Y que les faits qui n'ont pas été considérés comme infractionnels par le tribunal correctionnel.
2°/ Dire et juger la société Y recevable et bien fondée en son appel.
Et, y faisant droit,
Dire et juger la société Concurrence irrecevable en sa citation directe faute d'avoir apporté la preuve d'un préjudice direct et personnel du fait de la présence dans le catalogue " Nouveautés Printemps/Eté 1994 " d'une caméra CCDFX 700 prétendument en fin de vie.
Subsidiairement,
- Dire et juger que l'infraction de publicité mensongère n'est pas constituée en l'espèce ;
- Dire et juger les sociétés Concurrence et Semavem irrecevables et en tout cas mal fondées en leur action en tant qu'elle vise de prétendues infractions aux dispositions de l'article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.
En conséquence,
Relaxer la société Y du chef des infractions aux articles 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et L. 121-1 du Code de la consommation.
Relaxer en tout état de cause Monsieur X du chef des infractions aux articles 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, et L. 121-1 du Code de la consommation, la preuve de sa qualité d'auteur, de coauteur ou de complice des faits reprochés à la société Y n'étant pas rapportée.
Débouter en tout état de cause les sociétés Concurrence et Semavem de leurs demandes d'indemnisation.
Confirmer pour le reste le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a déclaré les sociétés Concurrence et Semavem recevables en leur action ".
Considérant que les sociétés Semavem et Concurrence entendent, par conclusions dites responsives déposées le 8 octobre 1997 faire :
" Rejeter les demandes, fins et moyens de la société Y ;
Allouer aux parties civiles le bénéficie de leurs précédentes conclusions
Y ajoutant, dire que le prévenu a commis l'infraction de faux et de tentative d'escroquerie au jugement, et que cela a causé un préjudice à la société Semavem, évalué à 1 F ; le condamner à payer 1 F à la société Semavem ".
Que force est ainsi de constater qu'elles se réfèrent à des conclusions d'appel communiquées le 14 avril 1997 au parquet général et non déposées ni visées ainsi conçues en leur dispositif :
" Constater que la société Concurrence vient aux droits de l'ancienne société Jean Chapelle.
Recevoir l'appel des sociétés Concurrence et Semavem,
Confirmer le jugement du 27 novembre 1996, en ce qu'il a déclaré Monsieur Michel X et la société Y coupables de certaines infractions, et le réformer en ce qu'il a relaxé des autres fins des poursuites.
Le réformer sur les montants alloués au titre des dommages-intérêts et de l'article 475-1.
- En conséquence,
Déclarer les sociétés Concurrence et Semavem recevables et bien fondées en leurs constitutions de partie civile.
Déclarer Monsieur Michel X coupable des infractions prévues et réprimées par l'articles 121-1 du Code de la consommation.
Déclarer Monsieur Michel X coupable de l'infraction aux dispositions de l'article 5 de l'arrêté n° 77-105 du 2 septembre 1997.
Déclarer Monsieur Michel X coupable de l'infraction prévue et réprimée par l'article L. 213-1 du Code de la consommation.
Déclarer Monsieur Michel X coupable des infractions prévues et réprimées par l'article 31 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, modifié par les lois n° 92-1442 du 31 décembre 1992 et n° 93-122 du 29 janvier 1993, n° 96-588 du 1er juillet 1996.
Déclarer la société Y coupable pénalement des infractions prévues et réprimées par l'article 31 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, modifié par les lois n° 92-1442 du 31 décembre 1992 et n° 93-122 du 29 janvier 1993, n° 96-588 du 1er juillet 1996.
Déclarer Monsieur Michel X coupable de l'infraction prévue et réprimée par les articles 52-1 et 52-2 de l'ordonnance 86-1243 du 1er décembre 1986.
Déclarer la société Y pénalement coupable de l'infraction prévue et réprimée par les articles 52-1 et 52-2 de l'ordonnance 86-1243 du 1er décembre 1986.
Déclarer les sociétés Concurrence et Semavem recevables et bien fondées en leurs constitutions de partie civile.
Dire et juger Monsieur Michel X et la société Y entièrement responsable des faits qui leur sont reprochés.
En conséquence, condamner Monsieur Michel X et la société Y, à payer à la société Concurrence la somme de 2 014 872 F à titre de dommages et intérêts pour les préjudices moral, commerciaux, financiers subis et autres pertes de chances,
En conséquence, condamner Monsieur Michel X et la société Y à payer à la société Semavem la somme de 30 000 F à titre de dommages-intérêts pour les préjudice moral, commerciaux, financier subis, et autres pertes de chances pour les infractions aux règles de facturation.
Faire injonction à Monsieur Michel X de cesser les dites publicités sous astreinte comminatoire et définitive de 50 000 F par jour de retard et/ou de 500 F par catalogue illicite distribué.
Faire injonction à monsieur Michel X et la société Y de cesser les dites factures illicites de non communication des factures, sous astreinte comminatoire et définitive de 2 000 F par jour de retard par facture non communiquée ou illicite.
Ordonner la publication " in extenso " du jugement à intervenir dans le journal " Les Échos ", dans " Libre Service Actualités (LSA), et dans le journal " Libération ", aux frais de Monsieur Michel X et de la société Y.
Condamner Monsieur Michel X et la société Y à verser à la société Concurrence la somme de 125 000 F et à la société Semavem la somme de 25 000 F au titre des dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,
Dire et juger la SA Y civilement responsable de Monsieur Michel X,
Condamner Monsieur X et la société Y en tous les dépens ".
Ceci exposé :
A - Sur la responsabilité pénale de la SA Y :
Considérant que la responsabilité pénale de cette personne morale ne peut être envisagée que pour les faits commis - à les supposer établis - après le 1er mars 1994 et dans les seuls cas prévus par la loi ou le règlement ;
B - Sur la recevabilité à agir des parties civiles :
Considérant que toute personne physique ou morale qui a personnellement souffert des dommages causés par l'infraction est habile à mettre en mouvement l'action publique dans les conditions déterminées par la loi ;
Considérant que les premiers juges en ont justement déduit que les faits, à les supposer établis, étaient de nature à causer aux sociétés Concurrence et Semavem, revendeurs des produits Y, un préjudice personnel et direct ;
Qu'en effet, il n'est pas dénié que les contrats de distribution et de coopération commerciale conclus entre ces derniers et Y les obligeaient à être les intermédiaires nécessaires entre celle-ci et les clients auxquels il ne saurait être discuté que la publicité litigieuse parvenait par tous moyens : annonces de presse ; diffusion directe de catalogue par " mailing " (publipostage) ou indirecte par l'ensemble du réseau des distributeurs agréés ;
Que la possibilité de l'existence d'un préjudice résulte de la nature même des infractions dénoncées ;
Que c'est encore par une exacte appréciation qu'ils ont considéré que l'article de l'arrêté 77-105 P du 2 septembre 1977, selon lequel aucune publicité de prix ou de réduction de prix à l'égard du consommateur ne peut être effectuée sur des articles qui ne sont pas disponibles à la vente ou des services qui ne peuvent être fournis pendant la période à laquelle se rapporte cette publicité, édicte des mesures de police des prix de la violation desquelles les SA Concurrence et Semavem n'ont pu directement et personnellement souffrir ;
C - Sur les publicités
Considérant que constitue une publicité tout moyen d'information destiné à permettre à un client potentiel de se faire une opinion sur les résultats qui peuvent être attendus d'un bien ou d'un service qui leur est proposé ;
Qu'ainsi les catalogues, notices et annonces diffusés par Y constituent des documents publicitaires, peu important le mode de leur diffusion à destination de sa clientèle potentielle ;
1/ Sur l'existence et/ou la disponibilité des produits :
a) Considérant qu'il ne peut être sérieusement contesté que les catalogues diffusés par Y qui ne commercialise directement aucun de ses produits, ne concourent qu'à une présentation générale de la gamme des produits Y qui seront, ensuite, mais ensuite seulement, proposés à la vente par ses revendeurs agréés ; qu'il ne comportent, à l'adresse des clients potentiels, ni offre de vente, ni prix de vente, ni engagement de livrer ;
Que la cour adoptera les motifs pertinents des premiers juges selon lesquels ils ne peuvent mettre à la charge de Y l'obligation d'assurer l'existence et la disponibilité desdits produits avant même tout acte de commercialisation ;
Qu'il est d'ailleurs contradictoire de soutenir, comme le fait Chapelle, que les produits devraient être fabriqués, tenus en stock, voire livrés aux revendeurs et ainsi " mis à la consommation " avant même la diffusion des catalogues et de reprocher à Y de qualifier de nouveautés des produits déjà commercialisés... ;
b) Considérant que la société Y a fait diffuser dans le journal Le Figaro du 8 juin 1995, une " publi-information "sous le titre : " Y : la nouvelle génération de l'image ", qui présente deux modèles de camescopes (CCD-TR780 à 8 000 F) et (CCD-TRV70 à 12 000 F), un magnétoscope (SLV-ES800 à 5 000 F) et un vidéo-projecteur (CPJ-100E à 9 000 F) et indique les prix de début de gamme de certains de ces produits : " Modèle trilogie à partir de 3 500 F " (correspondant au SLV-E400) " Modèle Steady Shot à partir de 6 000 F " (correspondant au CCD-TR485), " Modèle Handycam Vision à partir de 7 000 F " (correspondant au CCD-TRV30) ;
Qu'une telle annonce constitue bien une publicité au sens de l'article L. 121-1 du Code de la consommation, dès lors qu'elle est commandée et financée par l'annonceur, peu important qu'elle soit ensuite conçue et réalisée par des journalistes professionnels usant de procédés journalistiques d'enquêtes, d'interviews et de compilation de dossiers de presse ;
Que tout fabricant qui la diffuse doit s'assurer de la disponibilité des produits qu'elle concerne ;
Qu'or, le procès-verbal de constat dressé le 21 août 1995 par Fabienne Chevrier de Zitter, huissier de justice associé, commise par ordonnance du Président du tribunal de commerce de Paris, et dont les constations font foi jusqu'à inscription de faux, établit qu'il :
- n'y avait aucun stock disponible à la vente de la référence SLV-E800 du 8 juin au 17 juillet 1995,
- n'y avait aucun stock disponible à la vente de la référence CCD-TR780 du 8 juin au 1er juillet, puis du 18 juillet au 8 août 1995,
- n'y avait aucun stock disponible à la vente de la référence CCD-TR485 du 8 juin au 12 juin, puis du 17 juin au 12 juillet, du 15 au 20 juillet et enfin du 21 juillet au 8 août 1995,
- n'y avait aucun stock disponible à la vente de la référence CCD-TRV70 du 8 juin au 8 août 1995 ;
Que ces constatations ne font que confirmer les fax et états adressés par Y à la SA Jean Chapelle dressant la liste des commandes non satisfaites, en raison de l'indisponibilité des produits, des 12, 13, 19, 26 juin, 17, 24, 31 juillet, 7 août 1995 ;
Que l'infraction est caractériséeet le jugement encourt la réformation sur ce point ;
c) Considérant qu'il est constant que le catalogue " Nouveautés Printemps-Eté 94 ", diffusé à partir de la fin du mois de mars 1994, proposait la caméra CCDFS 700 Profeel comme une nouveauté alors même qu'elle était déjà mentionnée sur le catalogue précédent et ne devait plus être commercialisée après juin 1994 ;
Qu'une telle allégation est de nature à induire en erreur sur les qualités substantielles et la date de fabrication du produit, un produit déjà commercialisé ne pouvant avoir les caractéristiques de la nouveauté, impliquant dans le domaine de l'audiovisuel celles d'originalité et d'innovation ;
Que la décision querellée sera ainsi confirmée ;
d) Considérant que les parties civiles reprochent encore à Y la défaillance de son service après-vente en ce qu'il n'a pu répondre instantanément et efficacement à la défaillance des téléphones sans fil atteints d'un vice rédhibitoire de fabrication ; qu'elles lui font plus particulièrement grief de n'avoir pris en temps utile la décision de les remplacer sans délai ;
Considérant que, dans les catalogues incriminés, Y met à la disposition de ses clients un service relations consommateurs ; un centre européen de diffusion des pièces détachées ; une assistance technique rapide grâce à un réseau de réparation étendue et efficace ; une garantie pièces et main d'œuvre pendant un an ; 24 stations techniques agréées pour les réparations ;
Qu'il n'est pas établi, pas même par allégation, que Y n'avait pas, à la diffusion des catalogues, mis en place les structures et moyens nécessaires pour y répondre ;
Que la qualité et l'efficacité du service après-vente, auxquelles participent contractuellement les revendeurs agréés, ne sauraient être affectées par la seule survenance de vices de fabrication dont l'apparence n'est même pas soutenue ;
D - Sur les infractions aux règles de la facturation
a) Considérant que les parties civiles imputent à Y le défaut de délivrance des factures au moment même de la livraison ;
Mais considérant, comme l'ont utilement relevé les premiers juges, que si le vendeur est tenu de délivrer une facture dès la réalisation de la vente, il ne peut lui être fait obligation de la remettre dès la livraison de la chose vendue ;
Qu'il est d'usage, renforcé par les procédures informatiques, d'émettre la facture dès la confirmation de la livraison - concrétisant la réalisation de l'opération - et de l'adresser par la voie postale ;
Qu'il n'est pas contesté que les sociétés Concurrence et Jean Chapelle aient ainsi reçu toutes les factures les concernant ;
b) Considérant que par jugements des 17 avril 1991 et 14 juin 1995, le Tribunal de commerce de Romans a prescrit à la société Y de consentir à la SA Semavem des remises sur factures de 19 % et non de 15 % ;
Qu'en exécution, par télex des 15 et 16 septembre 1995, Chapelle a demandé à Y d'établir de nouvelles factures mentionnant une telle remise ;
Que le fournisseur a, le 15 novembre 1995, adressé à Semavem des avoirs et un chèque datés du 14 novembre 1995 ;
Que la société Semavem soutient, ce qu'ont admis les premiers juges, que ces remboursements devaient faire l'objet d'une facturation d'avoirs conformes aux prescriptions de l'article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Mais considérant que l'avoir est une créance qui, à défaut de convention contraire, n'est exigible qu'au moment du règlement d'une opération ultérieure et non pas au moment de sa constitution; qu'il s'ensuit qu'il ne saurait faire l'objet d'une facturation distincte;
Que le jugement déféré sera réformé sur ce point ;
c) Considérant que Y consentait à ses distributeurs des ristournes d'assortiment acquises et chiffrables dès la commande;que de telles ristournes devaient ainsi être mentionnées sur les factures au contraire de celles liées à des opérations promotionnelles qui ne peuvent être déterminées qu'à l'issue des promotions;
d) - Considérant que les infractions aux règles de la facturation commises après le 1er mars 1994 seront, par application de l'article 31 alinéa 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 modifiée, mises à la charge de la société Y;
E - Sur les faits qualifiés actions illicites sur les prix :
Considérant que Chapelle, ès qualités, soutient que Y, en imposant des " fourchettes " de prix influe frauduleusement sur leur détermination ;
Mais considérant que les articles 52-1 et 52-2 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, dont les parties civiles demandent l'application sans mettre au débat le moindre indice ou présomption, ne concernent que les hausses ou les baisses artificielles des prix de biens ou services obtenus par tous moyens frauduleux dont la diffusion d'informations mensongères ou calomnieuses ou les offres destinées à troubler les cours ou sur des offres faites aux prix demandés par les vendeurs... ;
F - Sur les infractions de faux, usage, et escroquerie au jugement :
Considérant qu'il est constant que, dans un litige l'opposant à la société Semavem devant le Conseil de la concurrence, la société Y a produit le 13 avril 1995 un courrier daté du 25 octobre 1990 concernant l'octroi par le fournisseur d'une rémunération dite " d'exposition " au profit de son client ; que ce document, qui ne reproduisait pas l'intégralité des clauses contractuelles, n'était qu'un projet non signé, produit par erreur ; que Y en a d'ailleurs convenu dans un mémoire écrit déposé avant la décision du Conseil qui avait pu examiner l'original ;
Qu'un tel projet, non signé, dénué de force probante, n'a ainsi pu surprendre la religion du juge ; qu'à bon droit le tribunal a considéré que les éléments tant matériels qu'intentionnel des délits visés par les plaignants n'étaient pas réunis ;
G - Sur la tromperie :
Considérant qu'il n'est pas dénié que Y a mis en vente, en 1994, des téléphones sans fil SPP 560 et SPP860 qui étaient affectés de vices rédhibitoires de fabrication ;
Qu'il n'est pas démenti que les appareils défectueux ont été rappelés dès l'identification de l'origine du vice caché, qui a nécessairement pris un certain temps ;
Qu'il n'est pas contestable que les appareils n'avaient été mis à la consommation qu'après avoir été vérifiés et agréés ;
Qu'ainsi n'est pas rapportée la preuve de l'intention délibérée de tromper le cocontractant ;
H - Sur les dispositions civiles :
Considérant que la société Semavem sera déboutée en raison de la relaxe prononcée ;
Que le préjudice résultant des infractions constituées pour la concurrence, tant personnellement qu'au titre de la SA Chapelle, aux droits de laquelle elle vient, sera évalué, toutes causes confondues, à la somme de 50 000 F dont 10 000 F au titre des infractions commises par Y ;
Qu'il est équitable d'indemniser ses frais de procédure pour 4 000 F ;
Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en second ressort, En la forme, Déclare les appels recevables; Au fond, Réformant partiellement le jugement déféré et statuant à nouveau, Déclare la SA Concurrence irrecevable à agir sur le fondement de l'article 5 de l'arrêté 77-105 P du 2 septembre 1977 ; Déclare les parties civiles recevables des autres chefs de la prévention ; Déclare Michel X coupable des délits de publicité mensongère résultant, premièrement, de la " publi-information " publiée par le Journal Le Figaro du 8 juin 1995, deuxièmement, de la diffusion par Y du catalogue " Nouveautés Printemps Eté 1994 " attribuant ce caractère à la caméra " CCDS ZOO Profeel " ; Déclare Michel X coupable d'infractions aux règles sur la facturation en délivrant, avant le 1er mars 1994, aux sociétés SA Jean Chapelle et Concurrence, des factures ne mentionnant pas les ristournes dites d'assortiment ; Déclare la SA Y coupable d'infractions aux règles sur la facturation en délivrant, d'avril à juin 1994, aux sociétés Jean Chapelle et SA Concurrence des factures ne mentionnant pas les ristournes " d'assortissement " ; En répression, condamne Michel X à une peine délictuelle de 20 000 F d'amende ; Condamne la société Y à une peine délictuelle de 100 000 F d'amende ; Condamne la société Y à une peine délictuelle de 100 000 F d'amende ; Renvoie Michel X et la SA Y des autres chefs de la prévention et les en relaxe ; Sur les actions civiles : Déboute Semavem de l'ensemble de ses demandes ; Condamne Michel X à payer à la SA Concurrence la somme de 40 000 F à titre de dommages et intérêts et déclare Y responsables des conséquences dommageables des délits commis par son préposé ; Condamne Y à payer à la SA Concurrence la somme de 10 000 F à titre de dommages et intérêts ; Déboute la SA Concurrence de toutes ses autres demandes ; Condamne X et Y à payer à la SA Concurrence la somme de 4 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale pour frais d'instance et d'appel.