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Décisions

CA Caen, ch. corr., 1 juillet 1997, n° 97-00059

CAEN

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Ministère public

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Deroyer

Conseillers :

Mmes Bliecq, Ody

Avocat :

Me Penard

TGI Coutances, ch. corr., du 14 janv. 19…

14 janvier 1997

Rappel de la procédure :

Le jugement :

Saisi de poursuites dirigées contre M. Z Daniel d'avoir à Les Veys :

- courant novembre et décembre 1993, décembre 1994, effectué pour une activité professionnelle une ou des ventes de produits sans facture conforme,

Infraction prévue et réprimée par les articles 31 al. 2, al. 3 et al. 4, 55 al.1 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er novembre 1986,

- les 11 décembre 1993, 10 janvier 1994, 20 janvier 1994, 31 janvier 1994, étant producteur, payé des produits alimentaires périssables, en l'espèce du lait, plus de 30 jours après la décade de livraison,

Infraction prévue et réprimée par les articles 35 et 55 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986,

Le Tribunal correctionnel de Coutances, par jugement en date du 14 janvier 1997, a relaxé M. Z du chef de facturation non conforme pour les faits de décembre 1994, l'a déclaré coupable des autres chefs de la prévention et l'a condamné à une peine d'amende de 50 000 F.

Les appels :

Appel a été interjeté par :

M. Z Daniel, le 22 janvier 1997,

M. le Procureur de la République, le 22 janvier 1997.

Motifs :

La SNC X sise à " La Blanche, Les Veys " dont le gérant est Daniel Z est une unité de production de camembert de Normandie, Pont l'Evêque et beurre d'Isigny appartenant au groupe Y.

L'entreprise ne fabrique que des produits d'AOC. Elle s'approvisionne en lait auprès de la SNC W.

Lors d'un contrôle effectué le 1er février 1994, le commissaire et le contrôleur divisionnaire de la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de la Manche constataient que :

1) Les factures n° 1011, 1012, 1013 et 1014 établies le 20 janvier 1994 au nom des Fromageries A à Orbec portaient sur les livraisons effectuées entre le 12 et le 19 janvier 1994.

La facture n° 1015 établie également le 20 janvier 1994 au nom de la société B à Bourgbarre portait sur les livraisons effectuées entre le 12 et le 19 janvier 1994.

2) Les livraisons de lait de la première décade du mois de novembre 1993 avaient été réglées le 20 janvier 1994, celles de la deuxième décade n'étaient pas réglées le 20 janvier 1994, celles de la troisième décade n'étaient pas réglées le 31 janvier 1994.

M. Z appelant demande à la cour de prononcer la nullité du procès verbal de déclaration du premier février 1994, du procès verbal du 7 mars 1994, des poursuites subséquentes et de la citation du 24 mai 1996, subsidiairement de le relaxer des fins de la poursuite.

Sur les nullités invoquées par M. Z :

Les enquêteurs ont fait connaître à M. Z, gérant de la SNC X que le contrôle portait sur le fonctionnement général de ladite société.

Ils n'ont pas manqué à l'obligation de loyauté qui doit présider à la recherche des preuves en induisant M. Z en erreur sur l'objet du contrôle.

Il n'a été relevé en l'espèce aucune manœuvre déloyale des agents de l'administration ayant pour effet de compromettre irrémédiablement les droits de la défense.

Aucune nullité n'est encourue de ce chef et les procès-verbaux d'audition et de constatation de délits sont parfaitement valables.

La citation délivrée à M. Z mentionne la prévention suivante : " d'avoir à Les Veys, courant novembre et décembre 1993, décembre 1994, effectué pour une activité professionnelle, une ou des ventes de produits sans facture conforme, infraction prévue et réprimée par les articles 31 al. 2 et 3 et 4, 55 al. 1 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986. "

M. Z qui a reçu un double procès-verbal dressé par les enquêteurs le 7 mars 1994, qui a été entendu sur les faits par les agents de l'administration et par la gendarmerie et qui a fourni, notamment dans son PV d'audition du 7 juillet 1995 par la gendarmerie de Carentan, toutes les explications et observations démontrant qu'il connaissait parfaitement et exactement les faits qui lui étaient reprochés, ne pouvait se méprendre sur l'objet de la prévention.

Dès lors ni l'erreur purement matérielle de date qui a consisté à viser le mois de décembre 1994 au lieu du mois de janvier 1994, que la Cour se bornera à rectifier, ni l'absence de précision dans la citation des numéros de factures concernées, ni le visa cumulé des alinéas 2, 3 et 4 de l'article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, n'ont pu lui faire grief en l'empêchant de préparer utilement sa défense.

Aucune nullité n'est encourue de ce chef.

L'infraction est réprimée par les alinéas 5 et 6 (de l'article 31) de l'ordonnance du 1er décembre 1986, alinéas qui ne sont pas expressément mentionnés sur la citation. Toutefois la citation mentionne l'article 31 qui constitue un tout pour qu'à la fois soient définis les éléments constitutifs de l'infraction et les peines qui s'y rattachent.

En outre le procès verbal du 7 mars que M. Z reconnaît avoir reçu mentionne in extenso les pénalités applicables aux facturations non conformes aux dispositions de l'article 31 de l'ordonnance précitée.

La nullité invoquée n'a donc pas porté atteinte aux intérêts de M. Z et la citation sera déclarée valable.

Sur les ventes de produits sans facturation conforme :

Les exigences posées par l'article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ont vocation à s'appliquer dès lors que les achats et prestations ont lieu pour les besoins d'une activité professionnelle sans qu'il y ait lieu de distinguer selon que les sociétés concernées appartiennent ou non à un même groupe.

Les bons de livraisons établis au jour le jour entre le 12 et le 19 janvier 1994 ne mentionnent pas le prix unitaire hors TVA des produits vendus. Ils ne précisent pas davantage la date à laquelle le règlement doit intervenir ni les conditions d'escompte en cas de paiement anticipé. Ils ne peuvent dès lors être tenus pour des factures conformes à l'article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986.

M. Z ne peut se prévaloir de la tolérance de l'administration qui consiste à admettre l'établissement d'une facture récapitulative alors que les factures n° 1011, 1012, 1013, 1014 et 1015 ne comportent aucune référence aux bons de livraisons concernés ce qui ne permet pas de vérifier sans ambiguïté l'exactitude de la facturation par le rapprochement des bons de livraison avec la facture récapitulative.

En n'établissant pas immédiatement après chacune des livraisons opérées les 12, 13, 14, 18, 19 et 20 janvier 1994 à la Fromagerie A d'Orbec, et les 12, 14, 17 et 19 janvier 1994 à la société B de Bourgbarre des factures conformes aux exigences de l'article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, M. Z a contrevenu à cette disposition.

Enfin les considérations du premier juge sur les mobiles imputés à M. Z sont sans intérêt au niveau des éléments constitutifs de l'infraction. Ces considérations ne sont pas de nature à affecter le jugement d'une quelconque nullité alors que l'infraction poursuivie est totalement distincte de l'objet des poursuites qui ont donné lieu au jugement du Tribunal correctionnel de Coutances du 20 décembre 1994 annulant le PV du 15 février 1994.

Le jugement entrepris sera confirmé sur la déclaration de culpabilité concernant cette infraction sauf à préciser que les faits ont été commis en janvier 1994 et non en décembre comme indiqué par erreur dans la citation.

Sur la citation :

L'article 35 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 institue des délais de paiement qui ne peuvent être supérieurs à 30 jours après la fin de la décade de livraison pour les achats de produits alimentaires périssables.

Ces délais de paiement s'imposent à tout producteur, revendeur ou prestataire de service et doivent s'appliquer aux transactions commerciales concernant deux sociétés dépendant du même groupe.

Il résulte des pièces de la procédure (annexes 5, 6, 7, 8 du PV de délit) que les factures de W sont établies au dernier jour du mois pour toutes les livraisons de lait concernant le mois considéré.

La SNC X règle par virement le 20 du mois suivant.

Ainsi les livraisons de la 1re décade du mois de novembre 1993 devaient être réglées le 10 décembre 1993. Elles font l'objet d'une facture du 30 novembre 1993 et n'ont été réglées que le 20 décembre 1993 (cf. par ordre de virement du 17 décembre 1993 pour une date de valeur compensée du 20 décembre 1993).

Les livraisons de la 1re décade du mois de décembre 1993 auraient dû être réglées le 10 janvier 1994 au plus tard, elles font l'objet d'une facture du 31 décembre 1993 et n'ont été payées que le 20 janvier 1994 ainsi qu'en atteste le livre journal de B Finance produit par le prévenu lui-même.

Par contre les livraisons de lait de la seconde et de la troisième décade du mois de décembre 1993, objet de la facture globale du 31 décembre 1993 ont été réglées le 20 janvier 1994 soit dans les délais impartis par l'article 35.

L'infraction aux délais de paiement impartis par l'article 35 n'est donc établie que pour les livraisons du lait des premières décades du mois de novembre et décembre 1993.

Le délit n'est pas constitué pour les livraisons des seconde et troisième décades du mois de décembre 1993.

Enfin M. Z ne peut utilement invoquer la compensation résultant des relations d'affaires constantes entre la SNC X et W alors qu'une telle compensation ne pouvait s'opérer qu'après qu'un arrêté de compte établisse le caractère liquide, certains et exigible de la créance de la SNC X à l'encontre de W.

Or si la SNC X a bien réglé par compensation les livraisons de lait de la première décade du mois de décembre 1994, cette compensation n'est intervenue que le 20 janvier 1994 soit postérieurement à l'expiration de délai imparti par l'article 35.

M. Z sera retenu dans les liens de la prévention pour les faits du 11 décembre 1993 et 10 janvier 1994 et relaxé des fins de la poursuite pour les faits des 20 janvier et 31 janvier 1994.

Le jugement entrepris sera partiellement réformé sur les déclarations de culpabilité.

Sur les peines :

Il n'est nullement établi que les infractions ci-dessus établies aient eu pour but de dissimuler des fraudes ou tromperies sur la qualité des produits élaborés par la fromagerie A.

La violation, en connaissance de cause par M. Z des dispositions des articles 31 et 35 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 procède d'une volonté de simplification au-delà des tolérances administratives, des relations commerciales avec ses partenaires habituels.

Le jugement entrepris sera réformé sur la peine qui sera apprécié de manière plus clémente.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et par arrêt contradictoire ; Reçoit les parties en leurs appels ; Vu les articles 31 al.2, 3 et 4, 5 et 6, 35 et 55 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ; Rejette les exceptions de nullité soulevées par l'appelant, Confirme le jugement entrepris sur la déclaration de culpabilité concernant la vente de produits sans factures conformes sauf à préciser que les faits ont été commis en janvier 1994 et non en décembre 1994 comme indiqué par erreur dans la citation, Le confirme sur la déclaration de culpabilité concernant le défaut de respect des délais de paiement prévus par l'article 35 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, pour les livraisons de lait des premières décades du mois de novembre et décembre 1993 (faits du 11 décembre 1993 et 10 janvier 1994), Réformant le jugement en ses autres dispositions, Relaxe M. Z des fins de la poursuite pour le défaut de respect des délais de paiement institués par l'article 35 pour les livraisons de lait de la deuxième décade et de la troisième décade du mois de novembre 1993 (faits du 20 et 31 janvier 1994). Condamne M. Z à une amende de 10 000 F, Prononce la contrainte par corps ; La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable le condamné.