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Décisions

CA Douai, 6e ch. corr., 24 avril 1997, n° 97-00048

DOUAI

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bouly de Lesdain

Conseillers :

M. Lambert, Mme Lefebvre

Avocats :

Mes Lete, Maitre-Devaillon

TGI Arras, ch. corr., du 26 nov. 1996

26 novembre 1996

Par jugement en date du 26 novembre 1996 le Tribunal correctionnel d'Arras a condamné Alain B président du Groupement d'Intérêt Economique A à 10 000 F d'amende et a rejeté la demande de la confusion de peines pour avoir, courant 1993, à Vaulx Vraucourt, étant vendeur, établi des factures à son client Y ne mentionnant pas tous les rabais, remises, ristournes chiffrables et de principe acquis, infraction aux articles 31, 54 et 55 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

- a condamné Christian Z PDG de Y et Pierre B directeur général de Y qui intervenait volontairement en application de l'article 54 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, pour avoir omis de réclamer à leur fournisseur GIE X une facture mentionnant l'ensemble des rabais, remises ristournes de principe acquis et de montant chiffrable, infraction aux articles 31, 54 et 55 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Le tribunal avait en premier lieu rejeté les exceptions de nullité des citations soulevées :

- par Christian Z qui soutenait que PDG de la SA W et de la SA Y, il ne savait pas en quelle qualité il avait été cité ;

- par Alain B qui se plaignait de ce que la personne morale n'avait pas été citée ;

Cette décision a été régulièrement frappée d'appel par Christian Z, Pierre B et société P, Alain B, puis par le Ministère public à l'encontre de tous les prévenus ;

Devant la Cour, Alain B représenté par son avocat conclut à sa relaxe et, subsidiairement, à la confirmation du jugement déféré ;

Christian Z et Pierre B, également représentés par leur avocat concluent, eux aussi, à leurs relaxes aux motifs résumés :

- que ni la poursuite, ni le jugement n'indiquent les mentions qui auraient dû figurer sur les factures litigieuses ;

- que les marques de conserve " Goliath " et " Clé des champs " sont des marques propres de Y qui, en qualité de centrale de référencement auprès des fournisseurs et d'intermédiaire mandataire de ses associés, définit la politique commerciale et le marketing de ses produits de marque propre ;

- que dans les opérations promotionnelles, sont organisées des ventes de lots de plusieurs boites, réunis dans un même conditionnement, et qui constituent alors un produit spécifique, distinct du produit habituel vendu à l'unité ;

- que les prix figurant sur les factures sont conformes aux prix convenus dans les accords commerciaux.

Motifs :

Attendu que le GIE X, à Vaulx Vraucourt, présidé par Alain B, offre à la vente des légumes en conserve présentés sous des marques propres au GIE et des marques de distributeurs ;

Attendu que Y est une centrale d'achat ou de référencement constituée en société anonyme dont le capital est réparti entre diverses sociétés dont W ;

Que Christian Z est le PDG de Y et de W ;

Que Pierre B est le directeur général de Y ;

Que le GIE X est un des fournisseurs de Y ;

Attendu que le 11 janvier 1994, les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ont constaté les faits suivants au siège du GIE X :

Parmi les pièces présentées figurait un document intitulé " Y prix de facturation campagne 1993-1994 " en date du 25 octobre 1993. Sur la première page il était indiqué que les prix des marques de conserve goliath et clé des champs avaient été rhabillés de 4 % de ristournes et ceux de la marque Saint Médard de 1 % ;

Il était aussi remis un document daté du 14 janvier 1994 " Y - compte réserve : année 1993 " sur lequel le report du solde au 31 décembre 1992 soit 1 443 173,26 F le budget de 1993 pour la somme de 1 610 084,33 F, l'utilisation de ce budget :

- sous forme de promotion pour 132 997,20 F, 120 780 F et 34 864 F ;

- sous forme de service rendu pour 14 000 F et un solde global au 31 décembre 1993 et 2 750 616,39 F ;

Le budget de ce compte était constitué par la différence entre les prix facturés et les prix réellement pratiqués. Les prix facturés étant majorés selon les marques de 4 % ou de 1 % ;

Le budget était ensuite restitué sous forme de promotions sur les factures à des prix définis par Y ;

L'agent enquêteur constatait :

1- que les factures émises en dehors des périodes de promotion par le GIE X aux adhérents de la SA Y mentionnaient des prix unitaires obtenus en majorant les prix réels des pourcentages indiqués ci-dessus ;

2- que les factures émises lors des promotions comportaient des prix unitaires nets, sans faire apparaître les prix unitaires réels et les rabais, remises, ristournes accordés en pourcentage ou en valeur absolue ;

Jean-Claude B, du GIE X, déclarait " nous sommes obligés par les acheteurs de la grande distribution à moduler les prix de facturation qui permettent à ces derniers la mise en place d'une politique promotionnelle... " ;

Les pratiques ainsi examinées, consistent comme l'explicite une note du GIE X (dossier de plaidoirie) à faire majorer par le fournisseur, à peine d'être " déréférencé ", la facturation de tel ou tel produit de marque propre d'un certain pourcentage, ces majorations constituant un compte réserve utilisé ultérieurement par les distributeurs, à leur gré.

Sur ce,

Attendu qu'aux termes de l'article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 les factures doivent mentionner les rabais, remises ou ristournes dont le principe est acquis et le montant chiffrable lors de la vente ; que dans sa nouvelle rédaction, l'article 31 impose la mention de " toute réduction de prix acquise à la date de la vente " ;

Que ces dispositions s'imposent au vendeur et à l'acheteur, donc au GIE X comme à A;

Attendu que les prévenus n'apportent pas la preuve contraire des faits régulièrement constatés par les agents habilités de la direction générale de la concurrence et de la répression des fraudes qui ont établi le procès-verbal de délit soumis à la Cour et qui sert de fondement aux poursuites ;

Qu'il n'est pas discuté que les accords commerciaux conclus entre le GIE X et A portaient sur des remises dont le principe était acquis pour toute l'année ;

Que pour chaque vente la facture devait donc mentionner la remise acquise pour faire apparaître son montant immédiatement chiffrable par application du pourcentage acquis ; qu'en s'abstenant de porter ces mentions, le GIE X a commis l'infraction prévue par l'article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 tant dans son ancienne rédaction que dans la nouvelle ;

Et attendu ainsi qu'en établissant des factures de vente où n'apparaissent pas les prix unitaires réellement pratiqués, les remises, rabais, ristournes accordés, Alain B a contrevenu aux dispositions de l'article 31 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ;

Qu'en acceptant de leur fournisseur, le GIE X, des factures non conformes à la réglementation en vigueur, Christian Z, PDG de Y a commis une infraction aux dispositions du texte cité supra;

Que Christian Z, ès qualités de PDG de W, n'est qu'indirectement mis en cause ; qu'en cette qualité, il doit être mis hors de cause ;

Que Christian Z ne se prévaut d'aucune délégation de pouvoir au profit de Pierre B contre lequel le procès-verbal d'infraction du 2 juin 1994 n'a pas été dressé ; que Pierre B doit donc être relaxé ;

Attendu, sur la répression, que la Cour doit prononcer des peines proportionnelles aux responsabilités engagées ;

Par ces motifs, et ceux non contraires des premiers juges qui sont expressément adoptés, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement à l'égard de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ; Confirme le jugement déféré en ce qui concerne la déclaration de culpabilité qui se rapporte à Alain B et à Christian Z ès qualités de PDG de Y ; Le confirme aussi dans ses dispositions relatives à la peine d'amende prononcée contre Alain B ; Le réformant pour le surplus, Met hors de cause Christian Z ès qualités de PDG de W ; Relaxe Pierre B, Condamne Christian Z ès qualités de PDG de Y à deux cent mille francs (200 000 F) d'amende, solidairement avec Y ; Constate que la décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F (huit cent francs) dont est redevable chaque condamné.