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Décisions

CA Amiens, 6e ch. corr., 25 mai 1999, n° 98-00993

AMIENS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Velly

Conseillers :

Mme Barge-Roch, M. Ducrotté

TGI Arras, ch. corr., du 26 nov. 1996

26 novembre 1996

Rappel de la procédure :

Le jugement :

Le Tribunal correctionnel d'Arras, par jugement contradictoire en date du 26 novembre 1996, a

- rejeté l'exception de nullité des citations soulevée in limine litis par Maître Devallon, avocat de Christian Z et Pierre B, coprévenu non appelant, et par Maître Lette, avocat de Alain B, coprévenu non appelant,

- déclaré Z Christian, Pierre

coupable d'achat ou vente sans facture de produit ou prestation de service - activité professionnelle, courant 1993, à Paris (75), infraction prévue par l'article 31 Al. 1 de l'Ordonnance 86-1243 du 01/12/1986 et réprimée par les article 31 Al. 5, Al. 6, 55 Al. 1 de l'Ordonnance 86-1243 du 01/12/1986

et, en application de ces articles, l'a condamné à Vingt Mille Francs d'amende, solidairement avec la société Y.

La décision étant assujettie au droit fixe de procédure de 600 F dont est redevable le condamné.

Les appels :

Appel a été interjeté par :

Z Christian le 6 décembre 1996

Société Y, le 6 décembre 1996

M. Le Procureur de la République, le 6 décembre 1996 contre la société Y, Z Christian

La Chambre criminelle de la Cour de cassation, par arrêt en date du 21 juillet 1998, a :

- cassé et annulé, en toutes ses dispositions concernant les demandeurs, l'arrêt de la Cour d'appel de Douai, en date du 24 avril 1997, toutes autres dispositions étant expressément maintenues, et, pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

- renvoyé la cause et les parties devant la Cour d'appel d'Amiens, à ce désignée par délibération spéciale prise en Chambre du Conseil,

- ordonné l'impression de l'arrêt, sa transcription sur les registres du Greffe de la Cour d'appel de Douai et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé.

Décision ;

Faits et procédure :

Le 11 janvier 1994, un enquêteur de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes du Pas-de-Calais se présentait au siège du Groupement d'Intérêt Économique A qui produit et commercialise des légumes en conserves sous différentes marques. Ce GIE a notamment pour partenaire la Centrale Y qui négocie et regroupe les achats de plusieurs distributeurs, dont la société W. Monsieur Christian Z est le président directeur général de la société Y et également de la société W.

A l'occasion de ce contrôle qui portait sur la facturation, il était découvert un document interne au GIE portant sur les prix de la campagne 1993-1994. Ce document précisait que pour les adhérents de la Centrale Y, les marques Goliath et Clé des Champs avaient été rhabillées de 4 % de ristourne et la marque Saint-Médard de 1 %. Ces majorations de prix alimentaient un compte réserve dont le montant était ensuite restitué sous forme de promotions. C'est ainsi que pour l'année 1993, sur un budget de 1 610 084 F, quatre opérations promotionnelles avaient été organisées pour un montant global dépassant 300 000 F.

Estimant que cette technique dite " de la cagnotte " avait pour objet de contourner l'interdiction de la vente à perte en périodes de promotions, l'administration dressait un procès-verbal le 2 juin 1994 pour infractions à la réglementation sur la facturation.

Sur la base de ce procès-verbal, Monsieur Christian Z a été poursuivi pour avoir, à Paris, au cours de l'année 1993, étant acheteur, omis de réclamer à son fournisseur, le GIE X, une facturation mentionnant l'ensemble des rabais, remises, ristournes de principe acquis et de montant chiffrable, conformément aux dispositions des articles 31, 54 et 55 de l'ordonnance 86-1243 du 1er décembre 1996.

Par jugement du 26 novembre 1996, le Tribunal Correctionnel d'Arras a considéré que l'infraction était constituée et condamné Monsieur Z à la peine de 20 000 F d'amende. La société Y, citée en qualité de civilement responsable, était solidairement tenue au paiement de cette amende.

Monsieur Z et la société Y ont interjeté appel de ce jugement le 6 décembre 1996, appel suivi par le Ministère public le même jour.

Par arrêt du 24 avril 1997, la Cour d'appel de Douai a prononcé la mise hors de cause de Monsieur Z en sa qualité de président directeur général de la société W. Il a revanche été déclaré coupable en sa qualité de PDG de la société Y et condamné solidairement avec cette société à une amende de 200 000 F.

Cet arrêt a été cassé et annulé le 21 juillet 1998. La Cour de Cassation a en effet estimé qu'en ne spécifiant pas les mentions omises ni les factures sur lesquelles elles auraient dû figurer, la Cour de Douai n'avait pas donné de base légale à sa décision, la déclaration de culpabilité du prévenu ne pouvant, en outre, être limitée à l'une de ses qualités professionnelles.

C'est ainsi que le dossier a été renvoyé devant la Cour d'appel d'Amiens.

Monsieur Z et la société Y considèrent que l'infraction n'est pas établie et sollicitent une décision de relaxe. Ils exposent, en premier lieu, que l'arrêt de la Cour de Douai n'a été cassé qu'à l'égard de la société Y et est aujourd'hui définitif en ce qui concerne la société W. A propos de la société Y, ils observent qu'il s'agit d'une centrale de référencement qui n'a pas la qualité d'acheteur et ne peut donc se voir appliquer la législation relative à la facturation. Sur le fond, ils estiment que les factures établies par le GIE X sont parfaitement conformes à la réglementation et ne peuvent dès lors encourir aucune critique. A titre subsidiaire, Monsieur Z demande que la condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre soit exclue du bulletin numéro 2 de son casier judiciaire.

Monsieur l'Avocat général estime que le délit est constitué. Il requiert une amende de 200 000 F, en rapport avec les profits tirés de ces pratiques illégales.

La Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes estime elle aussi que l'infraction est établie.

Motifs et décision ;

Les appels ayant été régulièrement interjetés dans les délais légaux, il convient de les recevoir en la forme.

1°) Sur l'étendue de la cassation :

L'arrêt rendu le 21 juillet 1998 a cassé et annulé la décision de la Cour de Douai en toutes ses dispositions concernant les demandeurs au pourvoi. Dans ces conditions, la cassation touche incontestablement Monsieur Z en sa double qualité de PDG des sociétés Y et W.

2°) Sur la constitution de l'infraction à l'égard de la société Y :

Il résulte du règlement intérieur de cette société qu'elle agit en qualité de mandataire pour négocier, avec les fournisseurs, l'ensemble des conditions d'achat applicables à ses actionnaires. Elle n'est jamais propriétaire des marchandises vendues, celles-ci étant directement expédiées et facturées aux distributeurs qui sont seuls responsables des paiements.

Cette réalité n'est pas démentie par le dossier, aucune des factures visées par la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes n'étant établie à son nom.

Dès lors, il convient, infirmant la décision de première instance sur ce point, de relaxer Monsieur Z des fins de la poursuite et de mettre la société Y hors de cause.

3°) Sur la constitution de l'infraction à l'égard du rôle de la société W :

Il est constant que dans une note interne du 25 octobre 1993, le GIE X a donné pour instruction à ses préposés de " rhabiller " les marques Goliath et Clé des Champs de 4 % de ristournes et la marque Saint-Médard de 1 %.

Il est également établi que ces majorations étaient portées sur un compte réserve de la société Y et restituées à l'occasion d'opérations de promotions.

Du fait de cette pratique, il est avéré que les factures adressées hors périodes de promotions à la société W, actionnaire de Y, mentionnaient des prix unitaires occultement majorés. Parallèlement, les factures établies en périodes de promotions comportaient des tarifs ne faisant pas apparaître les ristournes ou rabais accordés en contrepartie de ces majorations. Cela résulte en particulier de deux factures des 4 et 16 novembre 1993 portant notamment sur les marques Saint-Médard et Clé des Champs.

Dans ces conditions, le délit est constitué, la réduction de prix acquise à la vente n'étant aucunement mentionnée sur ces factures.

Le jugement déféré doit donc être confirmé quant à la déclaration de culpabilité à ce sujet.

Concernant la peine, les faits reprochés méritent une sévère répression dans la mesure où il faussent le jeu de la concurrence et s'imposent à des producteurs qui n'ont pas la possibilité économique d'y résister.

A cet égard, la peine de 20 000 F d'amende prononcée en première instance se révèle notoirement insuffisante pour dissuader les grands distributeurs de persister dans de telles pratiques. Il convient d'en porter le quantum à 200 000 F.

Par ailleurs, Monsieur Z ne justifie d'aucune circonstance permettant d'exclure la présente condamnation du bulletin numéro 2 de son casier judiciaire.

La requête qu'il présente subsidiairement en ce sens doit donc être rejetée.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit les appels en la forme, Donne acte à Maître Maitre-Devallon de ce qu'il accepte de comparaît volontairement pour ses clients, Monsieur Christian Z et la société Y, Au fond, confirme le jugement déféré quant à la déclaration de culpabilité de Monsieur Christian Z en sa qualité de président directeur général de la société W, L'infirmant pour le surplus, Condamne Monsieur Z à la peine de 200 000 F (deux cent mille francs) d'amende, Le renvoie des fins de la poursuite engagée en sa qualité de PDG de la société Y, Rejette sa demande de dispense d'inscription de la présente condamnation au bulletin numéro 2 de son casier judiciaire, Le condamne au droit fixe de procédure liquidé envers l'État à la somme de 800 F, Prononce au besoin la contrainte par corps.