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Décisions

CA Douai, 2e ch., 15 mars 2001, n° 1999-01301

DOUAI

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Auchan (SA)

Défendeur :

PBC (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

Mme Geerssen

Conseillers :

Mme Fontaine, M. Michel

Avoués :

SCP Carlier-Regnier, SCP Levasseur-Castille-Lambert

Avocats :

Mes Saigne, Six

CA Douai n° 1999-01301

15 mars 2001

Vu le jugement prononcé contradictoirement le 26 novembre 1998 par le Tribunal de commerce de Roubaix Tourcoing. Vu l'appel formé le 14 décembre 1998 par la SA Auchan ; Vu le jugement prononcé contradictoirement par le tribunal de commerce de Roubaix Tourcoing le 1er mars 2000 ; Vu les conclusions déposées et signifiées le 17 novembre 2000 pour la SA Auchan ; Vu les conclusions déposées et signifiées le 14 juin 2000 pour la SA Philippe Besnard Consultant ci-après désignée sous SA PBC ; Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 24 novembre 2000 ;

Par ses conclusions du 24 novembre 2000 la SA PBC a sollicité le rejet des conclusions déposées pour la société Auchan le 17 novembre 2000 soit 7 jours avant le prononcé de l'ordonnance de clôture. Par lettre du 28 novembre 2000 la SA Auchan s'est opposée à cette demande de rejet.

- les motifs des conclusions de la SA Auchan déposées le 17 novembre 2000 sont identiques à ceux des conclusions précédentes (13 janvier 2000) de la page 1 à la page 21.

En revanche les motifs développés de la page 22 à la page 36 ne figuraient pas dans les conclusions précédentes (à l'exception de 7 paragraphes du chapitre " sur les factures impayées " qui figurent pages 21 et 22 dans les conclusions du 13 janvier 2000 et 35 et 36 dans les conclusions du 17 novembre 2000)

- le dispositif des conclusions du 17 novembre 2000 est identique à celui des conclusions du 13 janvier 2000 à l'exception de l'alinéa suivant qui figure dans le dispositif des conclusions du 17 novembre 2000 :

" Voir la Cour écarter le rapport d'expertise de M. Campion et redésigner un expert en redéfinissant en conséquence de ce qui précède la mission fixée à l'expert "

- Les nouveaux motifs figurant de la page 22 à la page 36 des conclusions du 17 novembre 2000 sont la reproduction fidèle des pages 4 à 18 des conclusions déposées par la SA Auchan devant le tribunal de commerce de Roubaix Tourcoing au mois de décembre 1999.

La société PBC avait alors répliqué par des conclusions déposées devant ce tribunal le 12 janvier 2000 ;

- Pour le dispositif, la société Auchan avait demandé dans ses conclusions du 13 janvier (4e paragraphe) comme dans celle du 17 novembre (4e paragraphe) la désignation de "tel expert qu'il plaira".

Par application de l'article 15 du nouveau code de procédure civile les parties doivent se faire connaître en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions et les moyens de droit qu'elles invoquent.

Le bref délai qui séparait le 17 novembre 2000 de la date du prononcé de l'ordonnance de clôture (aucune demande de révocation n'a d'ailleurs été déposée) était cependant largement suffisant pour prendre connaissance de ces conclusions, et constater que les motifs qui y étaient exposés n'étaient que la copie d'une argumentation développée depuis près d'une année et à laquelle la SA PBC estimait avoir répliqué par ses conclusions déposées devant le tribunal de commerce le 12 janvier 2000.

Quant à la prétention tendant à écarter le rapport d'expertise de M.Campion et à redésigner un nouvel expert, la Cour pense pouvoir comprendre à la lecture de l'ample dispositif des précédentes conclusions de la SA Auchan (13 janvier 2000) intégralement reproduit dans le dispositif des conclusions du 17 novembre 2000, que dès le 13 janvier 2000 la SA Auchan n'adhérait pas totalement au rapport d'expertise et sollicitait déjà un nouvel expert.

Les conclusions déposées et signifiées le 17 novembre 2000 ne seront donc pas écartées des débats.

FAITS ET PROCEDURE

1) Créée en 1982 la société Française de Télésurveillance (qui en 1989 adoptera la dénomination PBC) avait, outre une activité de gardiennage et de télésurveillance une activité d'installation de systèmes de sécurité.

En 1989, l'activité de gardiennage et de télésurveillance était cédée à une société BIS.

En 1985, la société PBC entrait en relation avec la société Auchan. A la demande de cette dernière la société PBC concevait et réalisait un système de sécurité.

Selon les explications - non contestées par la société Auchan - données par l'expert judiciaire (page 17 de son rapport) il s'agissait d'un concept spécifique "par lequel il ne fallait pas détecter l'intrusion mais empêcher l'intrus de ressortir avec des marchandises. Pour ce faire, la société PBC a mis en place un système dynamique piloté par ordinateur capable de commander et diriger les détecteurs et les capteurs en fonction des différentes "plages" programmes. Ce système est armé et fonctionne en permanence en se "coulant" avec la vie de l'hypermarché. La philosophie du système PBC est de détecter afin d'empêcher de sortir la marchandise de l'hypermarché." La protection d'un centre commercial était effectuée par une centrale pilotée par un système informatique GAAL.

Deux systèmes ont ainsi été réalisés par la société PBC GAAL 1 puis GAAL 2.

Les relations entre la société PBC et la société Auchan devaient se développer et atteindre un point culminant en 1996 pour diminuer très sensiblement en 1997.

En 1996 le chiffre d'affaires de la société PBC réalisé avec la société Auchan était de 20.918.714 F - 90 % du chiffre d'affaires de la société PBC étaient réalisés avec la société Auchan.

2) Prétendant que la société Auchan avait fautivement rompu la relation commerciale la société PBC assignait la société Auchan devant le tribunal de commerce de Roubaix Tourcoing le 7 mai 1998 et demandait notamment aux premiers juges de constater la rupture des relations commerciales entre les deux sociétés et son imputabilité à la faute commise par la société Auchan.

Par le jugement entrepris le tribunal de commerce de Roubaix Tourcoing disait :

- que la société Auchan avait créé un état de dépendance économique de la société PBC.

- que la société Auchan était responsable de la rupture brutale mais partielle des relations commerciales suivant l'article 36-5 de l'ordonnance du 1er décembre 1985

- ordonnait une expertise et la confiait à M. Campion à l'effet notamment d'évaluer le préjudice subi par la société PBC.

Par ce jugement la société Auchan était condamnée à payer à la société PBC les sommes de 3.000.000 F à titre de provision, 1.411.817,43 F au titre des factures impayées. 50.000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La société Auchan relevait donc appel de ce jugement.

3) Parallèlement l'expertise ordonnée s'effectuait et l'expert déposait son rapport le 15 octobre 1999.

L'expert chiffrait à 30.720,00 F le préjudice économique global subi par la société PBC du fait de la rupture brutale des relations entre les deux sociétés.

Ce préjudice se décomposait ainsi :

- relatif aux coûts de mise au point des logiciels non amortis dans les ventes déjà réalisées : 5.000.000,00 F

- relatif aux coûts directs consécutifs à la rupture brutale entre les deux sociétés : 1.719.000,00 F

- relatif au préjudice économique corrélatif à la baisse d'activité des années

1997/1998 : 5.057.000,00 F

- relatif au préjudice économique subi par la société PBC corrélativement à la

rupture brutale des relations entre les deux partenaires Auchan et PBC : 18.944.000,00 F

- soit un préjudice économique total de 30.720.000,00 F

La société PBC, par conclusions déposées devant le tribunal, demandait condamnation de la société Auchan à lui payer ces différents montants outre une somme de 179.140,20 F au titre de factures impayées.

Devant le tribunal, la société Auchan sollicitait à titre principal le sursis à statuer en raison de l'appel interjeté à l'encontre du jugement du 26 novembre 1998, subsidiairement critiquait le rapport d'expertise, demandait le rejet des demandes de la société PBC, et la désignation d'un nouvel expert.

Par jugement du 1er mars 2000 le tribunal de commerce de Roubaix Tourcoing ordonnait le sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt de cette Cour concernant l'appel du jugement du 26 novembre 1998.

La société PBC comme la société Auchan ont demandé à la Cour de faire application de l'article 568 du nouveau code de procédure civile d'évoquer les points non résolus par le jugement du 26 novembre 1998 et de statuer au vu du rapport d'expertise.

Les moyens développés par la société Auchan

1) - au soutien de son appel à l'encontre du jugement du 26 novembre 1998

- La société Auchan soutient en premier lieu que la dépendance économique de la société PBC à son égard n'est pas de son fait.

La société Auchan fait ainsi valoir que ni le bref fonctionnement du conseil de surveillance de la société PBC ni le prêt consenti par la banque Accord liée à la société Auchan n'ont eu d'influence sur la société PBC, qu'elle n'a nullement abusé de cet état de dépendance économique.

La société Auchan prétend que la société PBC n'a pas cherché à diversifier sa clientèle et qu'elle disposait de tous les moyens financiers pour entreprendre son redéploiement.

La société Auchan conteste ensuite toute infraction à l'article 36 de l'ordonnance du 12 décembre 1986 : c'est en raison de la réduction de son budget d'investissements que les commandes passées à la société PBC ont été réduites mais la société Auchan n'a pas fait appel à des fournisseurs concurrents.

En outre l'article 36 n'est pas applicable aux dépenses d'investissement réalisées par l'entreprise pour son propre compte.

Subsidiairement la société Auchan conteste l'étendue du préjudice telle qu'elle fut définie par les premiers juges.

Elle conteste la durée de deux années fixées par les premiers juges pour le préavis qui aurait dû être respecté : une telle durée est excessive.

Elle conteste la mission donnée à l'expert au titre du coût des licenciements, de la détermination du préjudice économique, du coût de la mise au point des logiciels.

La société Auchan reproche enfin aux premiers juges d'avoir par une motivation succincte fait droit à la demande de la société PBC concernant la somme d'1.411.817,43 F pour des factures impayées. Les seules factures d'ailleurs contestées par la société Auchan pouvant donner lieu à un jugement formaient un total de 387.529,89 F.

Elle conteste également devoir la somme de 179.114,20 F qui lui est réclamée en cause d'appel : les pénalités de retard ne sont pas dues, de même que les prestations de maintenance qui ne sont plus assurées.

2) au soutien de sa contestation du rapport d'expertise et de la réclamation subséquente de la société PBC.

Reprochant à l'expert d'avoir pris fait et cause pour la société PBC, refusé de répondre aux demandes de la société Auchan, outrepassé sa mission, la société Auchan sollicite la désignation d'un nouvel expert.

Subsidiairement la société Auchan fait valoir ses contestations sur les deux postes suivants :

a) l'amortissement des logiciels : 5.000.000 F

Sur le principe la société Auchan prétend que si elle doit supporter l'intégralité des coûts de développement et de mise au point de logiciels qui ne pourraient être utilisés que par elle, la société PBC doit en contrepartie lui remettre l'ensemble des documents techniques et des sources d'accès aux logiciels.

Sur le quantum la société Auchan critique la démarche de l'expert dans la détermination des frais de recherche et de mise au point de ces logiciels, elle fait valoir que la propre comptabilité de la société PBC fait foi contre elle, qu'étant incapable de produire une comptabilité analytique concernant le temps passé par son personnel la société PBC ne peut avancer aucune estimation susceptible d'être contrôlée. Elle reproche à l'expert de n'avoir procédé à aucun contrôle de la comptabilité et de s'être refusé à faire appel à un "sapiteur" compétent en matière d'informatique qui aurait pu chiffrer le coût des logiciels.

b) le préjudice économique global : 25.720.000 F

- En ce qui concerne le coût des licenciements chiffré par l'expert à 1.094.121 F la société Auchan fait valoir que ceux-ci sont une conséquence de la rupture des relations entre les deux sociétés et non de l'absence de préavis. Ils n'ont pas à entrer en compte dans le préjudice.

- En ce qui concerne le coût de fermeture des locaux à venir et la mise au rebut du stock des matières spécifiques à la société Auchan chiffrés par l'expert à 624.879 F (135.836 + 489.043), la société Auchan reproche à l'expert de n'avoir procédé à aucun contrôle des chiffres avancés par la société PBC.

- En ce qui concerne le préjudice lié à la baisse d'activité des années 1997 et 1998 chiffré par l'expert à 5.057.000 F, la société Auchan lui reproche d'avoir retenu un délai de deux ans, ce qui est excessif, et calculé l'assiette de l'indemnité sur les seuls exercices 94,95 et 96 alors qu'il aurait fallu inclure les exercices 91,92 et 93.

Selon ses propres calculs la société Auchan aboutit au chiffre d'1.757.000 F.

- Enfin en ce qui concerne le préjudice subi du fait de la rupture chiffré par l'expert à 18.944.000 F la société Auchan demande à la Cour de rejeter ce poste.

La société Auchan fait valoir que le chiffrage de ce poste de préjudice ne figurait pas dans la mission d'expertise, que les frais de recherche chiffrés à 5.000.000 F sont repris dans ce calcul et qu'enfin la rupture n'est pas susceptible de donner lieu à des dommages-intérêts.

3) La demande reconventionnelle de la société Auchan

Celle-ci rappelle avoir payé par avance les prestations de maintenance que devait assurer la société PBC. Ces prestations n'ont plus été effectuées à la suite de la lettre de la société PBC du 26 mai 1999.

Elle réclame à la société PBC la contre-valeur de ces prestations qu'elle chiffre à 980.222,94 F.

La société Auchan conclut à la réforme du jugement et demande de dire que le fait que ses commandes aient représenté 90% du chiffre d'affaires de la société PBC, ne constitue pas une faute à la charge de la société Auchan, de constater que la société Auchan a réduit drastiquement ses investissements en matière de sécurité en 1997 et 1998 mais n'a pas confié de manière significative des commandes à des entreprises concurrentes de la société PBC.

Subsidiairement la société Auchan sollicite une nouvelle expertise comptable à l'effet de vérifier les dépenses d'investissement de la société PBC.

Elle demande de dire et juger que l'article 36 de l'ordonnance du 1er décembre n'est pas applicable.

Subsidiairement encore la société Auchan demande de dire et juger qu'elle était en droit de réduire ses dépenses d'investissement en matière de sécurité et de débouter la société PBC de toutes ses demandes.

Subsidiairement toujours la société Auchan demande à la Cour de réduire le délai de préavis, de dire que le préjudice indenmisable ne peut être que celui qui est résulté du non respect du préavis et non pas des autres postes retenus par l'expert.

Elle demande à la Cour d'écarter le rapport d'expertise de M. Campion et de redésigner un autre expert.

Reconventionnellement elle sollicite condamnation de la société PBC à lui payer la somme de 980.222,94 F au titre des prestations de maintenance payées d'avance à la société PBC mais non assurées par elle en 1989 et d'ordonner le cas échéant la compensation judiciaire de ces créances.

Elle sollicite enfin la condamnation de la société PBC d'avoir à lui payer la somme de 200.000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Les moyens développés par la société PBC.

1) La société PBC soutient en premier lieu que l'article 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1996 s'applique aux relations ayant existé entre les deux sociétés : les conclusions déposées antérieurement par la société Auchan plaçant le débat dans le cadre des dispositions de l'article 36 constituent à cet égard un aveu judiciaire. En outre l'interprétation donnée tant par le rapport au Sénat que par la doctrine, du texte de l'article 36 confirme que celui-ci s'applique à l'ensemble des relations commerciales.

2) la société PBC fait valoir qu'Auchan a commis deux fautes : une rupture brutale et un abus dans la dépendance économique.

Au titre de la rupture brutale la Sté PBC soutient que la Sté Auchan a également fait l'aveu de cette rupture dans ses précédentes conclusions.

Elle soutient que le besoin de sécurité de la Sté Auchan n'avait pas cessé en 1997 et qu'il est encore en plein développement. Elle soutient avoir été brutalement évincée de la Sté Auchan et que la lettre du 3 décembre 1997 de la Sté Auchan aux directeurs des hypermarchés matérialise la rupture brutale des relations commerciales.

La Sté PBC demande à la Cour de requalifier la rupture partielle retenue par les premiers juges en rupture totale.

Enfin la Sté PBC soutient que cette rupture ne se justifie ni par la qualité de ses prestations ni par l'évolution de l'informatique.

Au titre de la dépendance économique la Sté PBC fait valoir que le système de sécurité global qu'elle avait créé et mis au point ne pouvait être utilisé que pour la Sté Auchan.

Elle prétend avoir été contrainte de monopoliser toutes les forces vives de son entreprise pour exécuter les commandes passées par la Sté Auchan et que cette dépendance économique fut le résultat d'une politique menée par la Sté Auchan.

La Sté PBC affirme en outre que les délais de paiement imposés par la Sté Auchan dans le règlement des factures accentuaient cette dépendance.

3°) Quant à la réparation du préjudice la Sté PBC fait valoir que les opérations d'expertise se sont déroulées contradictoirement que l'expert a repris l'ensemble des arguments évoqués par chaque partie.

La Sté PBC, reproduisant les chiffres retenus par l'expert demande à la Cour d'entériner le rapport et s'oppose à toute demande de contre expertise.

4°) Enfin la Sté PBC soutient que la Sté Auchan a manifesté à son égard une volonté de nuire en cessant de payer les factures, en utilisant son savoir faire en faisant travailler ses sous traitants et en la dénigrant.

Selon la Sté PBC l'exécution des contrats de maintenance ne peut plus être assurée car elle a du licencier son personnel du fait des agissements de la Sté Auchan.

La Sté PBC conclut au rejet de l'appel de la Sté Auchan et à la confirmation du jugement entrepris.

Elle demande à la Cour :

- de la recevoir en son appel incident.

- de dire et juger que la Société Auchan a créé un état de dépendance de la SA PBC au sens de l'article 8 de l'ordonnance 86-1243 du 1er décembre 1986 et que la Société Auchan est responsable d'une rupture brutale et totale suivant l'article 36.5 de l'ordonnance 86.1243 du 1er décembre 1986.

Elle demande à la Cour d'entériner le rapport d'expertise de M. Campion en date du 15 octobre 1999.

En vertu du pouvoir d'évocation prévu par l'article 568 du nouveau code de procédure civile, de condamner la Société Auchan à payer à la Société PBC la somme de 5 millions de Francs au titre du non amortissement des logiciels, la somme de 25.720.000 francs en réparation du préjudice économique subi, la somme de 179.140,20 francs au titre du solde des factures impayées, la somme de 500.000 francs à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, la somme de 200.000 francs sur le fondement des dispositions de l'article 700 du NCPC et de condamner la Société Auchan aux entiers frais et dépens.

Motifs de l'arrêt

1) Sur l'appel du jugement du 26 novembre 2000

A- Sur l'existence d'une dépendance économique de la Sté PBC par rapport à la Sté Auchan

Cette dépendance est proclamée par la Sté PBC elle est reconnue par la Sté Auchan, elle est démontrée par les pièces produites et notamment les documents comptables.

Le litige n'a cependant pas pour objet de rechercher si la Sté Auchan a ou non exploité abusivement l'état de dépendance économique dans lequel se trouvait, à son égard, la Société PBC, qui ne disposait pas d'une solution équivalente (article L. 420- 2 du code de commerce - ancien article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986).

Le litige a pour objet de déterminer si la Société Auchan a rompu brutalement la relation commerciale qu'elle avait avec la Sté PBC (article L. 442-6 du code de commerce - ancien article 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986).

Il est donc indifférent - à ce stade - de rechercher si cette dépendance économique était imposée par la Sté Auchan ou procédait du libre choix de la Sté PBC.

Il conviendra en revanche, s'il y a lieu de déterminer un préjudice indemnisable pour la Sté PBC, d'examiner la cause de cette dépendance économique.

B- Sur la rupture des relations entre les Sociétés Auchan et PBC

L'article L. 442-6 du code de commerce (ancien article 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986) dispose :

"Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige a réparer le préjudice causé le fait, par tout.... commerçant...

" 4°) de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte des relations commerciales antérieures.., les dispositions précédentes ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou de force majeure.... "

La Société Auchan n'a pas contesté et ne conteste pas que la controverse se situe dans ce cadre légal.

L'on ne saurait cependant en déduire un aveu judiciaire dès lors que la Sté Auchan soutient que les conditions exigées par cette loi ne sont pas réunies.

Il convient ainsi de rechercher si des relations existaient, si elles ont été rompues et dans ce cas si cette rupture était justifiée par l'inexécution ou la force majeure et enfin si cette rupture fut brutale et complète.

a) la relation commerciale née entre les deux sociétés en 1985 et qui se développe progressivement les années suivantes est une évidence.

Peut-on, ainsi que le soutient la Société Auchan, considérer qu'une telle relation échappe à l'article L. 442-6 du code du commerce car les prestations et fournitures assurées par la Sté PBC étaient destinées aux hypermarchés eux-mêmes et, non à la distribution aux clients d'Auchan et parce que cette relation s'inscrit dans un cadre bilatéral et non tripartite ?

Les termes mêmes de la loi ne permettent pas - dans la généralité de l'expression - d'instaurer des réserves ou des exceptions selon tel type de marché ou de contrat.

Cette relation se situe dans le cadre de l'article L. 442-6 du code de commerce.

b) La Cour considérera que la relation a bien été rompue à la fin de l'année 1997.

- la Cour constate d'abord que la relation pouvait continuer au delà de 1997 le document adressé à la Société PBC le 17 février 1998 contenait une liste prévisionnelle de 140 installations à réaliser en 1998.

Un contrat de référencement n'aurait pas été établi si la relation commerciale devait prendre fin en 1997. L'équipement des bijouteries, l'installation des systèmes GAAL dans les 16 hypermarchés qui n'étaient pas encore équipés, l'adaptation aux nouvelles normes des installations démontrent que les besoins de la Sté Auchan en matière de sécurité n'avaient pas pris fin en 1997.

- il est établi en revanche qu'à partir de la fin de l'année 1997 plus aucune commande (à l'exception des contrats de maintenance) n'a été adressée à la Société PBC alors que cette dernière par sa correspondance du 17 décembre 1997 insistait sur la discrimination dont elle était l'objet et sur le préjudice qui en résultait.

c) quant à la justification de la rupture, l'absorption par la Sté Auchan de la Sté Docks de France et de ses hypermarchés Mammouth ne saurait être considérée comme un événement imprévisible, irrésistible et étranger caractérisant un cas de force majeure exonérant la Sté Auchan de la responsabilité encourue par l'article L. 442-6 du code de commerce, il est de plus sans intérêt de rechercher si cette absorption est la cause d'une prétendue baisse des investissements en matière de sécurité dès lors qu'il a été démontré sous b) que la Société Auchan pouvait poursuivre sa relation commerciale avec la Sté PBC.

Par ailleurs, la Sté Auchan ne saurait soutenir que la Sté PBC n'a pas exécuté les obligations qui pesaient sur elle.

A juste titre la Sté PBC se réfère à la lettre qu'elle adressait le 7 mai 1997 à la Sté Auchan attirant l'attention de cette dernière sur la nécessité du remplacement des dispositifs GAAL 1 par les dispositifs GAAL 2.

La Société Auchan ne peut ainsi justifier d'une inexécution même partielle par la Sté PBC des obligations qui pesaient sur cette dernière.

d) enfin la rupture fut brutale dès lors qu'aucun préavis écrit ne fut donné, et que la Sté PBC fut évincée sans aucune explication.

Il convient à ce sujet de souligner que si la rupture était un fait acquis pour la Société Auchan elle ne l'a pas laissé penser à la Société PBC (lettres Auchan du 10 décembre 1997 et du 27 février 1998). Durant toute l'année 1997, en dépit d'une baisse sensible des commandes la société PBC pouvait augurer d'une poursuite de la collaboration.

Ce faisant la Sté Auchan a agi avec une loyauté insuffisante.

L'on peut considérer aujourd'hui que cette rupture fut totale compte tenu de la résiliation des contrats de maintenance.

Certes cette résiliation est intervenue par écrit mais il n'est pas contestable qu'elle est la conséquence de la rupture de la relation antérieure.

Le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré la Société Auchan responsable d'une rupture brutale de la relation établie avec la Sté PBC au sens de l'article L.442-6 du code de commerce sera donc confirmé.

La Cour ajoutera que cette rupture est totale.

C- Sur la condamnation de la Société Auchan à payer à la Sté PBC la somme d'1.411.817.43 francs

Le jugement entrepris avait condamné la Sté Auchan à payer à la Sté PBC en deniers ou quittances valables la somme de 1.411.817,43 francs au titre de factures non payées outre les intérêts légaux à compter du 17 mars 1998.

La Société PBC a produit aux débats le bordereau des factures impayées (pièce 54), les factures impayées (pièces 51 et 52), les mises en demeure (pièce 53).

La Société Auchan reconnaît devoir 387.529,89 francs mais conteste le surplus.

Toutefois aucune justification n'est apportée par la Sté Auchan à l'appui de ses contestations.

Le fait que les factures soient libellées à l'ordre des sociétés locales gérant les hypermarchés de Paris, Nice, etc.... ne rend pas la Sté PBC irrecevable à en réclamer le paiement à la société mère : ainsi qu'on le verra à l'occasion de l'examen de la demande reconventionnelle de la Sté Auchan, cette dernière réclame à la Sté PBC le remboursement des sommes payées d'avance pour la maintenance des systèmes de sécurité des hypermarchés de Paris, Nice etc.... Cette demande reconventionnelle est présentée par la société mère et non par les sociétés locales filiales.

En outre, par lettre du 3 décembre 1997 la Société Auchan (société mère) interdisait à la Société PBC l'accès aux divers hypermarchés. Cette interdiction, qui fut respectée par la Sté PBC, autorisait cette dernière à réclamer à la Sté Auchan le paiement de ces factures.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

II. Sur le montant du préjudice

Il n'y a lieu, ni d'écarter le rapport d'expertise de M. Campion, ni d'ordonner une nouvelle expertise comptable en adjoignant à l'expert un spécialiste en informatique.

- Le fait que les réponses données par l'expert judiciaire n'aient pas correspondu aux attentes exprimées par la Sté Auchan dans ses dires, le fait que l'expert ait évoqué page 63 de son rapport la déposition de M. Altmann ne sauraient conduire à une suspicion de partialité. En faveur de la société Auchan l'expert a largement évoqué les éléments concernant la rémunération de la famille Besnard (page 65 du rapport) et les liens des diverses sociétés gravitant autour de la société PBC (page 66).

En outre l'évaluation de l'expert se situe très sensiblement en deçà des revendications exprimées par la Sté PBC.

- quant à la nécessité de recourir aux services d'un sapiteur en informatique, la Cour considère que les éléments donnés aussi bien par la Sté Auchan que par la Société PBC dans les 29 annexes et détaillés par l'expert tout au long des 183 pages de son rapport étaient suffisants pour chiffrer le coût des logiciels et leur taux d'amortissement.

- enfin la Cour constate que l'expert n'a pas outrepassé sa mission : l'expert s'est prononcé sur les deux chefs de préjudice déterminés par les premiers juges.

A. Sur l'amortissement des logiciels

Les logiciels GAAL 1 puis GAAL 2 commandés par la Sté Auchan à la Sté PBC avaient vocation à équiper l'ensemble des hypermarchés de la Sté Auchan (à cet égard l'expert précise que les hypermarchés étaient au nombre de 53 sur la base des propres déclarations de la Sté Auchan - page 34/24 et page 92 du rapport). La spécificité de ceux-ci, l'impossibilité de leur donner une autre utilisation que la Sté Auchan, ou une autre utilisation que les hypermarchés, ont pour conséquence d'imputer à la Sté Auchan la part non amortie du coût de ces logiciels.

Il est vrai que la Sté Auchan était libre de rompre les relations qui l'unissaient à la Sté PBC, mais il n'est ni allégué ni prétendu par la Sté Auchan que de 1987 à 1996 les parties étaient convenues de limiter les prestations de la Sté PBC à 37 hypermarchés sur 53 et que pour les 16 hypermarchés restants il serait fait appel à un autre système et à une autre entreprise.

- La Société Auchan ne peut soutenir que la Sté PBC avait principalement une activité d'installateur en tirant argument de la comptabilité de la Sté PBC qui révèle l'acquisition de logiciels entre 1989 et 1998 pour un montant de 1.242.598 francs. il résulte en effet du rapport d'expertise (page 14 à 19) que les logiciels n'ont été utilisés que pour la mise au point des logiciels réalisés par la Sté PBC pour la Sté Auchan.

- Le fait que la comptabilité de la Sté PBC ne révèle que pour des montants négligeables l'immobilisation de frais de conception et de recherche de logiciels ne saurait conduire comme le fait la Sté Auchan à nier l'existence de ces frais de conception et de recherche.

En effet, ainsi que le relève l'expert, (page 34/10) les charges pouvant être immobilisées ou étant portées à l'actif sont "les dépenses correspondant à l'effort réalisé par l'entreprise dans ce domaine pour son propre compte".

Or ce n'est pas pour son propre compte que la société PBC a entrepris cette recherche et ce développement et en a assumé les frais mais pour le compte exclusif de la société Auchan dans le cadre des commandes spécifiques des logiciels GAAL 1 et GAAL 2.

En passant ces dépenses en frais la société PBC a respecté les directives comptables et a procédé à un choix logique.

L'expert ne peut donc être critiqué en ce qu'il a reconstitué les temps de mise au point de ces logiciels en s'aidant des documents qui lui étaient remis.

Il n'est pas démontré par la société Auchan que la comptabilité de la société PBC comporte des inexactitudes ou des erreurs.

La Société Auchan n'apporte aucune critique aux pièces justificatives des frais de recherche et de conception des logiciels réalisés pour elle par la société PBC (annexe II du rapport d'expertise).

La société Auchan ne produit aucune étude émanant d'un informaticien permettant de chiffrer à un montant moindre que celui qui fut retenu par l'expert le coût total des logiciels et de leurs modules annexes.

il convient dans ces conditions de retenir le chiffre déterminé par l'expert en conclusion de ses constatations et analyses (pages 147 et 148) soit 5.000.000 de francs.

La société Auchan sera donc condamnée à payer la somme de 5.000.000 de francs à la société PBC.

En revanche, si la société Auchan doit, dans leur intégralité supporter les coûts de développement et de mise au point des logiciels puisque ceux-ci n'ont été conçus et réalisés que pour les hypermarchés Auchan, elle doit aussi en être déclarée propriétaire.

Dans les motifs de ses conclusions (page 24) la société Auchan avait demandé que la société PBC soit condamnée à transférer à la société Auchan l'ensemble des documents techniques et sources de programmes afférents aux logiciels.

Bien qu'une telle demande ne soit pas expressément reprise dans le dispositif de ses conclusions, la Cour y fera droit.

B- Le préjudice économique

Avant d'examiner les différents postes du préjudice économique chiffrés par l'expert deux observations sont à faire :

a/ la société PBC ne peut obtenir réparation que du préjudice entraîné par le caractère brutal de la rupture et non du préjudice découlant de la rupture elle-même ;

Ainsi que le relève la société Auchan, les parties sont libres de dénouer les relations commerciales conclues précédemment. L'article L. 442-6 du Code de Commerce n'interdit nullement de procéder à la rupture de la relation commerciale entre le fournisseur et son client.

Cependant si, seul le préjudice découlant du caractère brutal de la rupture peut être réparé il ne se limite pas à l'indemnisation d'un délai de préavis qui aurait du être respecté.

En effet, si l'absence de préavis a provoqué la diminution ou même la cessation des activités de l'entreprise, c'est cette diminution ou cette cessation qui doit être indemnisée.

b/ il est évident que plus la dépendance économique est grande plus le préjudice découlant du caractère brutal de la rupture est important.

Affranchie contre son gré des liens d'une tutelle modérée l'entreprise pourra, en s'appuyant sur ses autres clients trouver d'autres marchés, de nouveaux clients, voire développer des activités nouvelles.

S'agissant d'une dépendance totale, la disparition de l'unique client de l'entreprise ne peut conduire cette dernière qu'à la cessation de ses activités.

C'est ici qu'il convient de rechercher si la dépendance économique qui subordonnait la société PBC à la société Auchan était imposée par cette dernière ou ne relève pas d'un choix délibéré de stratégie commerciale de la part de la société PBC.

Ni la brève existence du conseil de surveillance, ni les deux prêts consentis à la société PBC et remboursés par elle ne permettent de considérer que cette dépendance économique fut imposée par la société Auchan.

Toutefois les modifications imposées à la société PBC du chef des changements de politique de la société Auchan en matière de sécurité, les délais que s'octroyait la société Auchan dans le paiement des factures démontrent que celle-ci avait intérêt à se subordonner la société PBC ;

Mais la société PBC avait également intérêt à cette subordination ne serait-ce qu'en fonction des revenus procurés, les bénéfices des exercices 1995 et 1996 en témoignent.

En revanche, la société PBC ne pouvait ne pas être consciente des risques qu'elle encourait du chef d'une telle dépendance.

Ne pouvant - et ne devant - escompter une perpétuation des relations avec la société Auchan, les dirigeants de la société PBC auraient dû concevoir une solution de remplacement.

Les revenus générés par les exercices 1995 et 1996 donnaient à ces dirigeants les moyens de pratiquer d'autres investissements plutôt que de procéder à des distributions de dividendes.

En agissant comme ils ont fait, les dirigeants de la société PBC ont délibérément accepté un risque.

La Cour ne peut ne pas tenir compte de cette acceptation du risque dans l'indemnisation du préjudice économique subi par la société PBC.

La part de ce risque est évaluée à 25 %. La société Auchan n'indemnisera donc que 75 % du préjudice économique de la société PBC.

Il convient dès lors d'examiner les trois composantes du préjudice économique déterminées et chiffrées par l'expert et dont le total atteint 25.720.000 francs ;

a/ sur le coût direct pour la société PBC : 1.719.000 Francs :

Il s'agit des répercussions subies par la société PBC après le 31 décembre 1998.

Bien que ces répercussions soient différées dans le temps, il y a lieu de considérer, compte tenu des observations qui précédent, qu'elles sont les conséquences du caractère brutal de la rupture.

- le licenciement de cinq salariés le coût de ces licenciements a été évalué à 1.093.871 francs (page 149 du rapport). Ce chiffre sera retenu par la Cour. L'expert (pages 82 et 83) a détaillé chaque poste et précisé sur quels documents il se fondait pour calculer le coût supporté par l'entreprise de chacun de ces licenciements (copie des lettres de licenciement, bulletins de salaires). L'entreprise ayant cessé toute activité, il est exclu que ces salariés aient pu travailler pour elle durant leur préavis ;

- la fermeture des locaux : le coût a été estimé à 135.836 francs (page 149 du rapport) il est détaillé page 85. L'expert a eu communication du courrier de résiliation des baux. Ce poste doit être retenu ;

- mise au rebut des matières spécifiques à la Sté Auchan : le coût a été évalué à 489.042 francs (page 149 du rapport). Ce stock est évoqué par l'expert page 86 du rapport. Il n'est pas précisé en revanche si l'expert a vérifié la consistance de ce stock ni s'il a vérifié, les éléments permettant d'en chiffrer la valeur initiale à 489.042 francs et les éléments permettant de conclure à l'impossibilité de son utilisation.

Les pièces produites par la société PBC ne permettent pas non plus de donner à la Cour des éléments de nature à indemniser ce poste du préjudice.

Celui-ci sera donc écarté.

Le coût direct sera ainsi évalué à 1.093.871 francs + 135.836 francs = 1.229.707 francs

b/ sur le préjudice économique consécutif à la baisse d'activité en 1997 et 1998

Conformément à la mission qui lui était impartie l'expert a chiffré à 5.057.000 francs le préjudice découlant de la baisse d'activité enregistrée par la société PBC en 1997 et 1998.

Ce chiffre n'est pas critiquable, les documents comptables sur lesquels s'appuie l'expert permettent de justifier cette évaluation.

Ce chiffre est d'ailleurs recoupé par l'évaluation à 5.372.822 francs au titre de la sous-activité de la société PBC durant les mêmes années.

Considérant que cette indemnité correspond à un préavis la société Auchan fait valoir que celui-ci est trop long et que l'expert aurait dû se baser, non sur les résultats de la période 1994 - 1996 mais sur ceux de la période 1990 - 1996.

L'on peut en effet considérer que cette période de deux années pourrait correspondre au préavis qui aurait dû être donné.

Une telle durée n'est pas excessive. Compte tenu en effet de la nature de l'activité de la société PBC, de sa totale dépendance qui les subordonnait financièrement aux commandes de la société Auchan, de la spécificité des prestations qu'elle devait lui fournir, c'est une durée de deux années qui aurait été nécessaire à la société PBC pour retrouver un niveau d'activité comparable à celui qui existait avant la rupture.

En outre, l'on ne peut critiquer l'expert de n'avoir pris pour référence que les trois dernières années 1994, 1995 et 1996 puisque ces années rémunèrent la société PBC des charges supportées en 1990, 1991, 1992 et 1993 et que, n'eut été cette rupture brutale, les revenus 1997 et 1998 auraient correspondu à ceux des années directement précédentes.

Il convient donc de fixer à 5.057.000 francs ce poste de préjudice.

c/ sur le préjudice économique consécutif aux charges d'exploitation des années 1990 à 1993 :

L'expert a chiffré à 18.944.000 francs les charges d'exploitation hors achats de marchandises et sous traitance exposées par la société PBC dans l'intérêt de sa cliente la société Auchan de 1990 à 1993.

Il n'est pas contestable que ce montant correspond à un préjudice subi par la société PBC.

Cependant, il fut, pour partie, déjà indemnisé :

- au titre des coûts de mise au point des logiciels non amortis dans les ventes réalisées, puisque ces charges d'exploitation englobent le coût de mise au point ;

- au titre du poste précédent, puisque c'est en raison des charges supportées durant cette période que le préjudice consécutif à la baisse d'activité pour les années 1996, 1997 a été indemnisé.

Pour le surplus, ce préjudice n'est pas indemnisable : il n'est en effet que la conséquence de la rupture des relations entre les deux sociétés et le fait que ces relations se soient rompues brutalement, ou au contraire dans le respect d'un préavis, n'en aurait pas modifié le montant.

Il y a donc lieu d'écarter ce préjudice de l'indemnisation qui doit être accordée à la société PBC.

Dans ces conditions, le préjudice économique se chiffrera comme suit :

- coût direct 1.229.707 francs

- baisse d'activité 5.507.000 francs

= 6.286.707 francs

dont les 3/4 = 4.715.030 francs

1/ Sur les autres demandes présentées en cause d'appel

A) la demande de la société PBC :

La société PBC sollicite condamnation de la société Auchan à lui payer la somme de 179.114,20 francs représentant le total de trois factures.

Cette demande est contestée par la société Auchan.

La facture du 7 octobre 1998 concernant le contrat de maintenance informatique pour l'hypermarché du Havre d'un montant de 55.355,40 francs sera écartée dès lors qu'elle se réfère à une période où la société PBC avait cessé ses activités.

Quant aux deux factures de 6.512,40 francs et 117.246,40 francs relatives à des pénalités de retard celles-ci ne peuvent être accueillies, le libellé de telles factures ne permet pas de déterminer l'assiette de ces pénalités.

La demande de la société PBC sera rejetée.

B) la demande reconventionnelle de la société Auchan :

Si la société PBC n'a pas été en mesure d'assurer en 1999 la maintenance des installations mises en place dans les différents hypermarchés alors que le coût de ces prestations avait déjà été payé, elle ne saurait être contrainte de rembourser la totalité de ces prestations chiffrées à 980.222,94 Francs par la société Auchan.

C'est en effet le licenciement de son personnel qui n'a plus permis à la société PBC en 1999 d'assurer jusqu'à leur terme les prestations découlant des contrats de maintenance (il est rappelé que tous les contrats avaient été résiliés par la société Auchan pour leur terme contractuel).

Ce licenciement s'inscrit dans le cadre du préjudice économique subi par la société PBC dont la Cour a estimé que cette dernière devait en supporter le quart.

La somme de 980.222,94 F n'étant pas autrement discutée par la société PBC cette dernière sera condamnée à payer à la société Auchan 980.222,94 : 4 = 245.055,73 F. La compensation avec les condamnations prononcées au profit de la société PBC sera prononcée à due concurrence.

VI/ Sur l'indemnité pour résistance abusive :

La résistance de la société Auchan ne sera pas jugée abusive et la demande de la société PBC à ce titre sera rejetée.

V/ Sur l'indemnité afférente à l'article 700 du nouveau code de procédure civile :

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a alloué à la société PBC une somme de 50.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile

En revanche, l'équité ne commande pas l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile en appel.

La société Auchan sera condamnée aux dépens d'instance et d'appel.

Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, dit n'y avoir lieu à écarter des débats les conclusions déposées et signifiées par la société Auchan le 17 novembre 2000. Reçoit la société Auchan en son appel et la société PBC en son appel incident. Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Auchan à payer à la société PBC en deniers ou quittances valables la somme de 1.411.817,43 francs majorée des intérêts légaux à compter du 17 mars 1998, et la somme de 50.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Statuant à nouveau pour le surplus en évoquant également les points non résolus du litige conformément à l'article 568 du nouveau code de procédure civile, Vu l'article L. 442-6 du code de commerce. Dit que la société Auchan a procédé à la rupture brutale et totale de la relation commerciale qui la liait à la société PBC ; En conséquence, Condamne la société Auchan à payer à la société PBC la somme de 5.000.000 de francs au titre de la part non amortie des logiciels. Dit qu'il appartiendra à la société PBC de remettre à la société Auchan l'ensemble des documents techniques et des sources d'accès aux logiciels. Dit que la société Auchan est responsable pour les trois quarts du préjudice économique subi par la société PBC découlant de la rupture brutale et totale de la relation commerciale entre les deux sociétés. En conséquence, condamne la société Auchan à payer à la société PBC la somme de 4.715.030 francs. Déboute la société PBC du surplus de ces demandes. Condamne la société PBC à payer à la société Auchan la somme de 245.055,73 F et prononce la compensation à due concurrence entre ces créances réciproques, Déboute la société Auchan du surplus de sa demande reconventionnelle. Condamne la société Auchan aux dépens d'instance et d'appel et en autorise la distraction conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.