CA Paris, 25e ch. A, 11 décembre 1998, n° 1996-11108
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Parasanté Velizy (SA)
Défendeur :
OCP Répartition (SNC)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Briottet
Conseillers :
Mmes Deurbergue, Bernard
Avoués :
Me Melun, SCP Narrat-Peytavi
Avocats :
Mes Levi, Lecoq-Vallon
LA COUR statue sur les appels interjetés respectivement, à titre principal, par la SA Parasanté Velizy et, à titre incident, par la société OCP Répartition à l'encontre du jugement du tribunal de commerce de Paris, prononcé le 2 avril 1996.
Référence faite aux énonciations du jugement attaqué et aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, il suffit de rappeler les éléments suivants.
La SA Parasanté Velizy a assigné la société OCP Répartition, avec laquelle elle entretenait des relations commerciales depuis 1989, sur le fondement de l'article 36 alinéa 2 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, afin de faire constater le refus de vente illicite qui lui était opposé par ce grossiste en médicaments et en produits de parapharmacie, et d'obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 1.200.000 F à titre de dédit, en réparation de la perte de chance de gains subie jusqu'à la décision à intervenir. Le tribunal de commerce a constaté le refus de vente et condamné, en conséquence, la société OCP Répartition à payer à la demanderesse la somme de 45.600 F à titre de dommages et intérêts ainsi qu'une indemnité de 8000 F en application de l'article 700 du NCPC.
Appelante, la SA Parasanté Velizy fait en substance valoir:
- que le refus de vente est caractérisé par une interruption brutale de relations commerciales prolongées, alors que le chiffre d'affaires était en constante progression,
- que ce refus est illégitime, étant observé qu'aucune solution amiable n'a pu être trouvée,
- que l'attitude de la société La Roche Posay, elle-même condamnée au paiement de dommages et intérêts pour refus de vente par la cour d'appel de Poitiers, ne peut justifier l'infraction commise par l'intimée,
- que la concluante n'a pu satisfaire les demandes de ses clients et que la société La Roche Posay persiste à ne pas lui fournir ses produits,
- qu'elle a subi un préjudice, consistant en une perte de gains qui devait être calculée sur la marge brute et non sur le bénéfice net, sur une période d'un an et demi et non de dix mois, comme l'a fait le tribunal,
- qu'elle n'avait pas à justifier qu'elle ne s'était pas approvisionnée auprès d'un autre grossiste, comme l'ont estimé les premiers juges,
- que le montant de l'indemnité devait prendre en compte la progression constante du chiffre d'affaires,
- qu'elle a subi, en outre, un préjudice moral.
En conséquence, la SA Parasanté Velizy demande la réformation du jugement déféré sur l'évaluation de son préjudice et sollicite la condamnation de la société OCP Répartition à lui payer la somme de 1.200.000 F à titre de dommages et intérêts ainsi qu'une indemnité de 20.000 F en vertu de l'article 700 du NCPC.
Intimée et appelante à titre incident, la société OCP Répartition fait remarquer que le refus de vente n'est pas contesté et que seule est en discussion l'existence du préjudice allégué par la SA Parasanté Velizy, subsidiairement son évaluation. L'intimée soutient que l'appelante ne prouve pas son dommage, faute de justifier qu'elle ne s'est pas approvisionnée ailleurs, étant observé que son chiffre d'affaires n'a fait que progresser. Subsidiairement, si le principe d'un préjudice était retenu, l'intimée fait valoir que l'attestation de l'expert-comptable de l'appelante ne suffit pas à démontrer son importance en l'absence d'autres documents comptables. La société OCP Répartition soutient enfin que l'appelante a déjà été indemnisée par la société La Roche Posay dont les produits étaient principalement concernés par le refus de vente
La société OCP Répartition demande donc d'infirmer la décision entreprise sur la condamnation à des dommages et intérêts, de débouter l'appelante de ses prétentions, subsidiairement de confirmer le jugement sur le montant des dommages et intérêts et de condamner enfin la SA Parasanté Velizy au paiement d'une indemnité de 20.000 F en vertu de l'article 700 du NCPC.
Sur ce,
Considérant qu'il n'est pas discuté que la société OCP Répartition a commis un refus de vente des produits qu'elle distribue, peu important les circonstances dans lesquelles celui-ci est intervenu ;
Considérant que la société OCP Répartition n'est pas responsable des agissements de la société La Roche Posay, personne morale distincte, qui a déjà indemnisé l'appelante à la suite d'une décision judiciaire et dont, au surplus, il n'est nullement établi par les éléments du dossier qu'elle aurait persisté à refuser la vente de ses produits ; que l'intimée n'est tenue d'une indemnisation que pour une faute qui lui est directement imputable ;
Considérant que c'est avec pertinence que les premiers juges ont relevé qu'il aurait été nécessaire de justifier de la part d'approvisionnement auprès d'autres fournisseurs pendant la période de suspension des livraisons par l'intimée, d'autant que l'appelante a ouvert sept points de ventes supplémentaires; qu'il lui appartenait de faire constater l'absence dans ses magasins des produits dont la vente lui avait été refusée ; qu'elle aurait dû communiquer à l'appui de sa demande les témoignages des clients qu'elle affirme n'avoir pu servir; que la seule attestation de son expert-comptable, montrant une progression du chiffre d'affaires réalisé avec la société OCP Répartition entre 1991 et 1994, est insuffisant à lui seul à établir l'existence du préjudice allégué et son importance; qu'il s'ensuit que l'appelante, qui a la charge de faire la preuve de la nature et de l'étendue de son préjudice, ne peut prétendre, en l'état des seuls éléments qu'elle a communiqués, à une indemnisation;
Considérant qu'il n'est pas inéquitable que chaque partie conserve la charge des frais irrépétibles exposés devant le Cour ;
Considérant que les dépens de première instance doivent rester à la charge de la société OCP Répartition en raison de la faute qu'elle a commise et qu'elle reconnaît; qu'en revanche la SA Parasanté Velizy, qui n'apporte aucun élément complémentaire prouvant son préjudice devra régler les dépens d'appel;
Par ces motifs, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a constaté le refus de vente commis par la société OCP Répartition à l'égard de la SA Parasanté Velizy et sur les dépens, L'infirme sur les autres dispositions et, statuant à nouveau, Déboute la SA ParaSanté Velizy de ses demandes, Déboute la société OCP Répartition de sa demande d'indemnité fondée sur l'article 700 du NCPC, Condamne la société Parasanté Velizy aux dépens d'appel, Admet la SCP Narrat-Peytavi au bénéfice de l'article 699 du NCPC.