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Décisions

CA Orléans, ch. civ. sect. 2, 14 janvier 1997, n° 94000730

ORLÉANS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Challot

Défendeur :

Gaultier

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tay

Conseillers :

M. Bureau, Mme Magdeleine

Avoués :

SCP Duthoit-Desplanques, SCP Laval-Lueger

Avocats :

Mes Chauveau, Baron

T. com. Tours, 12 déc. 1993

12 décembre 1993

Les époux Challot-Dangeon ont interjeté appel du jugement par lequel le tribunal de commerce de Tours, le 10 décembre 1993, les condamnait, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, à payer à Evelyne Gaultier la somme de 87.655 francs avec intérêts à compter du 4 mars 1993, outre la somme de 4.000 francs à titre d'indemnité pour frais non taxables, et les déboutait de leur demande reconventionnelle de dommages intérêts.

Les faits sont les suivants :

- par un acte sous seings privés du 16 mai 1991, Evelyne Gaultier vendait aux époux Challot, sous conditions suspensives d'acceptation de crédit au bénéfice des acquéreurs et de signature du bail, le pas de porte de " pressing " qu'elle exploitait dans la galerie marchande de l'Intermarché de "la Gitonnière" à Joué les Tours, pour le prix de 150.000 francs ;

- le 18 mai 1991, la résiliation du bail était acquise à la SNC Boutin, propriétaire des lieux, Evelyne Gaultier n'étant pas à jour dans le paiement des loyers ;

- un nouveau bail commercial était passé entre les époux Challot et la SNC Boutin, prenant effet le 1er juillet 1991, les nouveaux locataires payant à la bailleresse la somme de 60.345 francs, montant de la dette d'arriéré de loyers et d'accessoires de madame Gaultier ;

- le 20 juin 1991, par un autre acte sous seings privés, il était convenu qu'Evelyne Gaultier cédait "l'aménagement" du local commercial en question pour le prix de 150.000 francs, les époux Challot versant, le jour de la signature du bail, la somme de 60.345 francs, le solde sous forme de mensualités "par un crédit direct que madame Gaultier accepte auprès de monsieur et de madame Challot" ;

Evelyne Gaultier, n'étant pas payée, faisait assigner les époux Challot, le 4 mars 1993, d'où le jugement déféré.

Au soutien de leur appel, qui tend à la réformation du jugement, les époux Challot font valoir qu'il appartient à leur venderesse de matériaux et de travaux d'agencement de leur faire tenir une facture faisant distinctement apparaître la TVA, afin de pouvoir la déduire ; qu'en ne leur faisant pas tenir pareil document, alors qu'elle y est légalement tenue, madame Gaultier manque à son obligation de délivrance. Les appelants relèvent également que le prix du nouveau bail est plus important de 10 % de celui qu'aurait dû leur céder madame Gaultier, en sorte qu'ils subissent un préjudice qui peut être chiffré, sur neuf années, durée du bail conclu en juin 1991, à 50.000 francs.

Aussi, les époux Challot demandent à la cour de condamner Evelyne Gaultier à leur payer la somme de 50.000 francs qui viendra s'imputer sur la somme dont eux-mêmes sont débiteurs à son égard, lorsque cette dernière aura établi la facture correspondant à la vente avec justification du paiement au Trésor public de la TVA correspondante. Ils requièrent la condamnation de madame Gaultier d'avoir à leur payer la somme de 10.000 francs à titre d'indemnité pour frais irrépétibles et de supporter les dépens de première instance et d'appel.

L'intimée conclut à la confirmation du jugement. Elle forme appel incident demandant à la cour de faire courir les intérêts au taux légal sur la somme dont sont encore débiteurs à son endroit les époux Challot depuis le 10 juillet 1991, date de sa mise en demeure, d'ordonner l'anatocisme et de condamner les appelants d'avoir à lui payer la somme de 5.000 francs titre d'indemnité pour frais non taxables.

Elle relève que l'argumentation des appelants ne s'appuie que sur des considérations fiscales, alors que les parties étaient d'accord sur la chose et sur le prix objet de la vente, qui est parfaite.

En réponse à l'appel des époux Challot relatif à l'indemnisation d'un prétendu préjudice pour renchérissement du prix du loyer, madame Gaultier soutient que le bail passé par ces derniers était antérieur à leurs conventions du 20 juin 1991.

Sur ce,

Attendu que, par la convention passée, le 20 juin 1991, les parties ont nové par changement d'objet la cession initialement convenue ;

Attendu que les appelants soutiennent, pour s'abstenir de payer la somme due à l'intimée, que cette dernière en ne leur ayant fait tenir qu'une facture globale, ne répondant pas aux prescriptions du Code général des impôts, a manqué à son obligation de délivrance ;

Mais attendu que, par l'effet du bail, par ailleurs consenti, les époux Challot jouissent du local qu'ils louent avec tous les aménagements réalisés par leur prédécesseur, qu'elle leur a vendus ; qu'il a donc été satisfait à l'obligation de délivrance, l'émission par madame Gaultier d'une facture portant sur la somme de 150.000 francs, mentionnant un taux de TVA de 18,60 %, sans que le décompte soit fait du montant exact de cette taxe, distingué du prix hors taxe, contrevenant aux dispositions du code général des impôts, ne pouvant avoir de conséquences que fiscales et non quant à la jouissance des aménagements vendus;

Attendu que les époux Challot ne poursuivent pas la réparation du préjudice qu'a pu leur causer l'irrégularité de la facture émise par madame Gaultier ;

Attendu en conséquence qu'il convient de les débouter de leur demande tendant à ce qu'il soit sursis au paiement de la somme due jusqu'à présentation par l'intimée d'une facture conforme aux règles du Code général des impôts ;

Attendu que l'intimée ne justifie pas de la mise en demeure des époux Challot d'avoir à payer la somme due ;

Attendu que les époux Gaultier ne contredisent pas l'intimée lorsque celle-ci soutient que le bail par eux régularisé avec la société Boutin l'avait été antérieurement à leur accord du 20 juin 1991, en sorte que n'est pas fondée leur demande de dommages intérêts ;

Attendu que l'anatocisme est de droit lorsque les conditions mises à son application sont réunies ;

Attendu que l'équité ne commande pas l'allocation d'indemnité pour frais non taxables ;

Par ces motifs, LA COUR, en dernier ressort, publiquement, contradictoirement, Donne acte à la SCP Duthoit-Desplanques, titulaire d'un office d'avoué, de sa reprise d'instance au lieu et place de Maître Duthoit, avoué précédemment constitué, Confirme le jugement déféré, Y ajoutant, Dit que les intérêts de la somme de 87.655 francs due par les époux Challot porteront à leur tour intérêts dans les conditions de l'article 1154 du Code civil à compter des conclusions du 6 mai 1994, Déboute Evelyne Jacquesson, veuve Gaultier, de sa demande d'indemnité pour frais irrépétibles, Condamne les appelants aux dépens, Accorde à la SCP Laval-Lueger, titulaire d'un office d'avoué, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.