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Décisions

CA Paris, 1re ch. A, 29 octobre 2001, n° 2000-08069

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Canal+ (SA)

Défendeur :

TF1 (Sté), TF1 Publicité (SA), Métropole Télévision (SA), M6 Publicité (SA), France 3 (Sté), France Espace (SA), France 2 (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cavarroc

Conseillers :

MM. Le Dauphin, Savatier

Avoués :

Mes Bolling, Olivier, SCP Fisselier Chiloux Boulay

Avocats :

Mes Wilheim, Sprung, Bousquet, Deprez, Gunther

CA Paris n° 2000-08069

29 octobre 2001

En mars 1997, une agence de publicité, mandataire de la société Canal+ a formulé auprès des régies publicitaires des chaînes de télévision TF1, France 2, France 3 et Métropole Télévision (ci-après M6), à savoir, respectivement, les sociétés TF1 Publicité, France Espace et M6 Publicité (ci-après M6P), des demandes de réservation d'espaces en vue de la diffusion, sur leurs antennes, de messages publicitaires en faveur de Canal+.

Ces demandes ont été réitérées par lettres du président de la société Canal+ adressées le 11 avril 1997 à ses homologues des sociétés TF1, France Télévision et M6.

Les chaînes concernées ayant refusé de satisfaire ces demandes, visant selon elles à assurer la promotion d'un concurrent, Canal+ a, par acte du 11 juillet 1997, assigné devant le tribunal de commerce de Paris les sociétés Télévision Française 1, (ci-après TF1), TF1 Publicité, France 2, France 3, France Espace, M6 et M6P afin, notamment, de voir déclarer illicite le refus de diffusion de ses films publicitaires et condamner lesdites sociétés, sous astreinte, à diffuser lesdits films.

Par jugement du 17 janvier 2000, le Tribunal de commerce de Paris a :

- débouté la société Canal+ de ses prétentions,

- condamné celle-ci à payer, au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, 50 000 F aux sociétés TF1 et TF1 Publicité, 50 000 F aux sociétés France 2, France 3 et France Espace et 50 000 F aux sociétés M6 et M6P,

- rejeté toutes autres demandes.

LA COUR,

Vu l'appel formé par la société Canal+ à l'encontre de cette décision ;

Vu les conclusions en date du 3 juillet 2001 par lesquelles l'appelante, poursuivant la réformation du jugement, demande à la cour de :

"dire et juger que les refus de diffusion des campagnes publicitaires télévisuelles de la société Canal+ par la société TF1 et TF1 Publicité, France 2, France 3, France Espace, M6 et M6P constituent des pratiques caractéristiques d'un abus de position dominante collective de la part des sociétés intimées, au sens des articles 82 du traité CE et de l'article L. 420-2 du Code de commerce,

"dire et juger que ces refus de vente constituent en outre des pratiques discriminatoires au sens de l'article L. 442-6 du Code de commerce,

"condamner les sociétés TF1 et TF1 Publicité, France 2, France 3, France Espace, M6 et M6P à :

- cesser leurs pratiques illicites,

- diffuser les films publicitaires de la société Canal+, sous astreinte (...) de 100 000 F par refus constaté, à compter de la signification de la décision à intervenir,

"donner acte à Canal+ qu'elle formule les plus expresses réserves quant aux suites qu'elle entend donner pour réparer le préjudice qu'elle subit du fait de leurs agissements,

"à titre subsidiaire,

"dire et juger que les refus de vente opposés par TF1 et TF1 Publicité constituent des pratiques d'abus de position dominante de la part de ces sociétés, au sens des articles 82 du traité CE et de l'article L. 420-2 du Code de commerce,

"en conséquence,

"condamner les sociétés TF1 et TF1 Publicité à diffuser les films publicitaires de la société Canal+, sous astreinte (...) de 100 000 F par refus constaté, à compter de la signification de la décision à intervenir,

"en toute hypothèse,

"condamner chacune des sociétés intimées à payer à la société Canal+ la somme de 150 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile";

Vu les conclusions en date du 26 juin 2001 par lesquelles les sociétés TF1 et TF1 Publicité, intimées, demandent à la Cour de confirmer le jugement déféré et de condamner la société Canal+ à payer, à chacune, la somme de 150 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Vu les conclusions en date du 19 juin 2001 par lesquelles les sociétés France 2, France 3 et France Espace, intimées, demandent à la cour de confirmer le jugement déféré et de condamner la société Canal+ à payer, à chacune, la somme de 150 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Vu les conclusions en date du 4 décembre 2000 par lesquelles les sociétés M6 et M6P, intimées et appelantes incidemment, demandent à la cour :

- de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Canal+ de toutes ses demandes,

- de le réformer en ce qu'il a rejeté leur demande en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive et de leur allouer à ce titre une indemnité de 50 000 F,

- de condamner l'appelante à payer, à chacune, la somme de 50 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Vu la note en délibéré déposée le 13 septembre 2001 par la société Canal+ en application des dispositions de l'article 445 du nouveau Code de procédure civile, ladite note n'étant recevable qu'en tant qu'elle contient des observations en réponse aux arguments développés par le ministère public ;

Sur ce :

Sur la demande d'annulation du jugement :

Considérant qu'au motif que les premiers juges auraient négligé de se prononcer sur le moyen par elle tiré de la position dominante de la société TF1 sur le marché de la publicité télévisuelle, la société Canal+ fait valoir que le jugement est entaché de nullité ;

Mais considérant que, répondant par-là même aux conclusions prétendument délaissées, le tribunal a dénié tout caractère abusif au comportement dénoncé par la société Canal+ et a statué, par une décision motivée, sur toutes les prétentions qui lui étaient soumises ; qu'il a ainsi été satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Sur le fond :

Considérant que la société Canal+, faisant valoir que les sociétés intimées détiennent une position dominante collective sur le marché de l'espace publicitaire télévisuel, qu'elle regarde comme le marché pertinent, soutient que le refus opposé à la diffusion de messages publicitaires visant à promouvoir ses programmes cryptés, accessibles uniquement par abonnement, et alors qu'elle ne disposait pas de solution équivalente, caractérise l'exploitation abusive de ladite position dominante, motivée par la volonté des entreprises en cause, dont elle n'est pas le concurrent, de préserver leur filiale commune, la société Télévision Par Satellite (TPS), concurrent de Canal+

Considérant que, comme l'a rappelé la Commission des Communautés européennes, dans sa décision du 3 mars 1999 relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (devenu l'article 81), se référant sur ce point à de précédentes décisions de la Commission, le marché de la télévision à péage constitue un marché de produits distinct de celui de la télévision de libre accès, qu'elle soit financée totalement ou partiellement par les revenus publicitaires ; qu'en effet, tandis que dans le cas de la télévision gratuite, la relation commerciale s'établit entre le diffuseur et l'annonceur, dans le cas de la télévision à péage, il existe une relation commerciale entre le radiodiffuseur et le téléspectateur en tant qu'abonné;

Considérant que la société Canal+ est un acteur essentiel du marché français de la télévision à péage ; que selon le rapport de gestion de cette société pour l'exercice 1996, elle occupe, dans ce secteur, une position de " leader ", étant ici rappelé qu'outre la chaîne hertzienne Canal+, qui enregistre, de loin, le plus grand nombre de ses abonnés, le groupe Canal+ exploite, avec sa filiale CanalSatellite, un bouquet de chaînes diffusées en mode numérique et par satellite et opère aussi dans le domaine de la câblo-distribution puisqu'il contrôle le réseau câblé Numéricâble; que sur ce marché des services de télévision payante, CanaI + est concurrencée, depuis 1996, par la société TPS, ayant pour objet la diffusion et la commercialisation d'une offre de programmes en mode numérique et par satellite et dont les sociétés TF1, M6 détiennent chacune 25 % du capital, le reste des parts étant également réparti entre la société France Télévision Entreprises, dont la société France Télévision est associé minoritaire, et la société Lyonnaise Satellite ;

Considérant cependant que la chaîne Canal+ présente la particularité de diffuser des programmes, non seulement en mode crypté, accessibles aux seuls abonnés et nécessitant l'usage d'un décodeur, mais également des programmes en clair, accessibles à tous les foyers sur le territoire national, en mode hertzien terrestre, soit au moyen d'une simple antenne commune aux autres chaînes transmises par voie hertzienne, à savoir TF1, France 2, France 3, M6, La Cinquième et Arte ;

Considérant, à cet égard, qu'aux termes de l'article 10 de la convention conclue le 1er juin 1995, pour une durée de cinq ans, entre le Conseil supérieur de l'audiovisuel, agissant au nom de l'Etat, et la société Canal+ annexée à la décision de la même date portant reconduction de l'autorisation d'exploiter un service de télévision privé à caractère national, diffusé par voie hertzienne, " la durée quotidienne des programmes diffusés en clair est au maximum de six heures, réparties entre le matin, la mi-journée et l'avant-soirée " ;

Que selon l'article 16 de ladite convention, la société Canal+ " ouvre des écrans publicitaires identifiés à l'intérieur de ses programmes qui ne font pas l'objet de conditions d'accès particulières. Le temps maximum consacré à la diffusion de messages publicitaires ne peut être supérieur à 10 % de la durée quotidienne totale de diffusion des programmes en clair, sans pouvoir dépasser 20% d'une heure donnée à l'intérieur de ceux-ci ";

Considérant que ces stipulations ont été reprises, respectivement, aux articles 18 et 29 de la nouvelle convention du 29 mai 2000 entre le Conseil supérieur de l'audiovisuel et la société Canal+ ;

Qu'ainsi la société Canal+, également présente sur le marché de la télévision de libre accès, est autorisée à diffuser des messages publicitaires pendant les tranches horaires accessibles à tous les téléspectateurs, étant précisé que les créneaux horaires de programmation en clair de Canal+ sont les suivants: de 7h00 à 7h35, de 12h30 à 13h35 et de 18h15 à 20h30;

Considérant que, comme le fait valoir l'appelante, la publicité télévisuelle constitue un marché spécifique ; que l'existence d'un tel marché est confirmée, ainsi que cela résulte des constatations opérées par le Conseil de la concurrence et mentionnées dans sa décision n° 00-D-67 en date du 13 février 2001, relative à des pratiques constatées dans le secteur de la vente d'espaces publicitaires télévisuels, par une perception générale de la part des acteurs concernés, et en particulier des annonceurs, de la singularité du média télévision, par l'utilisation de techniques propres de commercialisation et de mesure de l'audience et, en outre, par des conditions de vente particulières et des contraintes juridiques spécifiques ; que selon la décision précitée, les budgets attribués aux chaînes à diffusion nationale (TF1, France 2, France 3, Canal+, La Cinquième et M6) se sont élevés à 24,7 milliards de F en 1997, contre 461 millions de F pour l'ensemble des chaînes du câble et du satellite ;

Considérant que la société Canal+ opère sur le marché de la publicité télévisuelle, même si les recettes qu'elle tire de la vente d'espaces publicitaires représentent une part relativement faible de son chiffre d'affaires ; que le rapport de gestion de ladite société pour 1996 précise, sur ce point, que les recettes publicitaires de la chaîne française ont représenté 4,3 % de son chiffre d'affaires total, que la décision du Conseil de la concurrence du 13 février 2001 mentionne que la part de marché de la régie publicitaire de Canal+ était de 2,43 % en 1996 et de 2,56 % en 1997 et que le 11e rapport d'activité du Conseil supérieur de l'audiovisuel indique que Canal+ a recueilli, en 1998, 2,1% de l'investissement publicitaire brut en télévision et, en 1999, 2,8 % ;

Considérant que Canal+ soutient que, sur ce marché de la publicité télévisuelle, dont elle détiennent ensemble 95,7 %, les sociétés intimées occupent une position dominante collective ; qu'approuvant l'analyse des premiers juges selon laquelle l'existence d'une position dominante collective résulte de la démonstration de l'existence entre les entreprises incriminées de liens financiers ou structurels et d'une stratégie commerciale commune, mais critiquant la conclusion à laquelle ces derniers sont parvenus à partir de ces prémisses, l'appelante fait valoir que de tels liens existent indubitablement entre les sociétés intimées, au travers de leur filiale commune, la société en nom collectif TPS, et que leur volonté de protéger TPS explique l'adoption par celles-ci d'un comportement commun manifesté par leur refus de diffuser les messages publicitaires de Canal+ ;

Mais considérant que s'il est vrai qu'une position dominante collective, qui n'est pas en soi illicite, peut être constituée par plusieurs entreprises qui, bien que juridiquement indépendantes, se présentent ou agissent ensemble sur un marché spécifique comme une entité collective, l'appelante ne rapporte pas la preuve qu'une telle situation existe sur le marché de la publicité télévisuelle ;

Qu'il doit, tout au contraire, être constaté, au vu des pièces soumises à l'appréciation de la cour, que la constitution de la société en nom collectif TPS, opérant sur le seul marché de la télévision à péage, n'a pas affecté le niveau de la concurrence existant entre les parties sur le marché des espaces publicitaires télévisés ;

Considérant ainsi qu'après s'être livré à une analyse approfondie de la situation de la concurrence sur le marché en cause, le Conseil de la Concurrence, dans ses décisions n° 99-D-85 du 22 décembre 1999 et 00-D-67 du 13 février 2001, loin de relever l'existence d'une position dominante collective, a, après avoir fait ressortir l'intensité de la pression concurrentielle qui s'exerce sur ledit marché, où les principaux offreurs sont les régies publicitaires de TF1, France 2 et France 3, M6 et Canal+, constaté, comme il sera dit ci-après, que la société TF1 se trouvait, individuellement, en position dominante ;

Que de son côté, la Commission des Communautés européennes, énonce, aux termes de sa décision précitée du 3 mars 1999 qu'ayant reçu des "commentaires de tiers exprimant des préoccupations quant aux risques de comportements collusifs entre les associés de TPS et notamment les radiodiffuseurs, s'est (...) livrée à l'examen de l'effet de la constitution de TPS sur les différents marchés de produits en cause pour conclure à l'absence de risques de coordination entre les différents associés de TPS" (point 92) ; que la Commission ajoute "Sur le marché de la télévision à péage, les radiodiffuseurs associés de TPS ne sont pas présents en dehors de TPS; l'activité principale de ceux-ci se situe sur le marché de la télévision en clair, où ils continuent de se livrer à une concurrence très vive après la création de TPS." (point 93) ;

Considérant, par ailleurs, que rien n'autorise à considérer que les refus de vente reprochés aux intimées, conformes aux stipulations de leurs conditions générales de vente et qui trouvent une explication suffisante, ainsi qu'il sera dit ci-après, dans la protection légitime de leurs intérêts propres, sont le fruit d'une concertation entre celles-ci, étant en outre observé que la concomitance de ces refus résulte de la simultanéité des mises en demeure qui leur ont été adressées par la société Canal+ ;

Considérant que cette dernière expose, à titre subsidiaire, que la société TF1 et sa filiale TF1 Publicité détiennent à elles seules une position dominante sur le marché de la publicité télévisuelle ;

Considérant, à cet égard, qu'il résulte des productions, en particulier de la décision précitée du Conseil de la concurrence du 13 février 2001, que la régie publicitaire de TF1 détenait, sur la période 1995/1997, une part de ce marché supérieure à 50 % (50,20 % en 1997) et que celle du deuxième opérateur, France Télévision, soit 29% était bien moindre, que TF1 avait la capacité de maintenir en toutes circonstances un rapport part d'audience/part de marché publicitaire positif - ce qu'elle est la seule à pouvoir faire - et qu'elle conservait la possibilité de pratiquer des prix supérieurs à ceux de ses concurrents ; qu'aucun élément ne conduit la cour à considérer que ces constatations ne valent pas pour la période postérieure à celle examinée par le Conseil de la concurrence ; qu'il en est d'autant moins ainsi que la part du marché en cause détenue par TF1 a été, selon le 11e rapport d'activité du Conseil supérieur de l'audiovisuel (investissements bruts) de 50,2 % en 1998 et de 51,1 % en 1999 et que, selon, l'appelante, non contredite, elle a été de 53,8 % en 2000 ;

Considérant, toutefois, qu'est seule prohibée l'exploitation abusive d'une position dominante ;

Or considérant, en premier lieu, d'une part, que, télévision commerciale de libre accès, TF1 est tributaire de la seule ressource publicitaire et que les annonceurs achètent aux chaînes de télévision une promesse d'audience, les prix des écrans étant calculés en fonction des prévisions d'audience;

Considérant, d'autre part, que l'audience des chaînes de télévision subit de constantes fluctuations et que, par ailleurs, selon les constatations opérées par le Conseil de la concurrence, à la différence d'autres médias, l'audience totale de la télévision demeure relativement constante pour un moment de la journée ou pour une période de l'année donnée, de sorte que tout progrès d'audience d'une émission se fait au détriment des émissions concurrentes ;

Considérant, dès lors, qu'assurer la promotion des programmes de Canal+, qu'ils soient payants ou non, est de nature à accroître la part d'audience de cette chaîne de télévision, partant à renforcer son attractivité auprès des annonceurs, au détriment des autres offreurs opérant sur le marché de la publicité télévisuelle, étant ici rappelé que Canal+ diffuse des messages publicitaires pendant ses tranches de diffusion en clair, lesquelles se situent à des heures de grande écoute, spécialement pour la tranche de l'avant-soirée allant de 18 heures 15 à 20 heures 30, très porteuse en termes d'audience et de recettes publicitaires ;

Considérant, en second lieu, que Canal+ ne rapporte pas la preuve du bien fondé de ses allégations selon lesquelles les écrans publicitaires des intimés sont "incontournables" et qu'elle ne "peut assurer la promotion de l'abonnement à ses services cryptés de télévision, analogique et numérique, qu'au travers des écrans commercialisés par les sociétés intimées et ce d'autant plus que son concurrent direct, TPS, y a largement accès" ;

Considérant, sur ce point, que l'appelante, qui faisait elle-même observer, dans son rapport de gestion pour 1996 (page 22), que ses émissions en clair "ont constitué un des facteurs-clés du succès de la chaîne, reflétant son image faite de liberté et de modernité et servant de vitrine de promotion aux programmes cryptés", dispose en outre, pour les besoins de ses campagnes publicitaires, de tous les autres supports (affichage, presse, cinéma, radio...) qu'elle a, depuis sa création en 1983, largement utilisés, et ce avec profit, étant encore observé que la société TF1, tout comme France 2, France 3 et M6, accepte de diffuser sur son antenne des messages publicitaires en faveur du bouquet CanalSatellite, concurrent de TPS sur le marché de la télévision à péage ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande de Canal+ tendait à l'utilisation de l'antenne de TF1 comme outil de promotion d'un service de télévision concurrent, au risque d'affaiblir les positions de cette dernière sur les marchés où s'exerce cette concurrence, et que le refus opposé à cette demande n'est pas constitutif d'un abus de position dominante ;

Considérant que l'appelante fait encore valoir que les refus de vente émanant des intimées constituent une pratique discriminatoire illicite au sens de l'article L. 442-6 du Code de commerce ainsi qu'un abus de droit ; que selon elle, ces refus de vente caractérisent une discrimination à son détriment puisqu'elle subit un désavantage dans la concurrence qui l'oppose aux autres opérateurs de la télévision payante, spécialement la société TPS, qui ont accès aux écrans publicitaires des intimées ;

Mais considérant que si ces dernières acceptent d'ouvrir leurs antennes à la diffusion de messages faisant la promotion des acteurs intervenant sur le seul marché de la télévision payante, y compris CanalSatellite, contrôlée par la société Canal+, laquelle a refusé de diffuser de la publicité pour TPS, aucune d'entre elles n'a consenti à utiliser ses écrans publicitaires pour la promotion d'un quelconque service de télévision opérant, comme elles et comme le fait aussi Canal+, sur le marché de la télévision gratuite et sur celui de la publicité télévisuelle ;

Considérant qu'il résulte de cette seule constatation que la discrimination invoquée n'est pas établieet qu'il résulte des motifs énoncés relativement au moyen fondé sur la prétendue exploitation abusive d'une position dominante que l'abus de droit allégué à l'encontre de l'ensemble des sociétés intimées n'est pas davantage caractérisé ;

Considérant qu'il y a lieu, en conséquence, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société Canal+ de toutes ses prétentions ;

Considérant que la société Canal+ n'a fait qu'user, sans commettre d'abus de son droit d'agir en justice ; que la demande en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive présentée par les sociétés M6 et M6 Publicité sont rejetées ;

Considérant qu'il convient d'accueillir partiellement les demandes formées par les intimées en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement rendu entre les parties, le 17 janvier 2000, par le tribunal de commerce de Paris ; Y ajoutant : Condamne la société Canal+ à payer, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile : la somme totale de 25 000 F aux sociétés TF1 et TF1 Publicité, la somme totale de 25 000 F aux sociétés France 2, France 3 et France Espace, la somme totale de 25 000 F aux sociétés M6 et M6 Publicité ; Rejette toute autre demande ; Condamne la société Canal+ aux dépens d'appel lesquels seront recouvrés dans les conditions prévues à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.