Cass. com., 12 février 2002, n° 00-14.628
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Elvir (SAS), Compagnie laitière européenne (SCA)
Défendeur :
Président (SNC), Besnier (SA), Compagnie laitière Besnier
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Rapporteur :
M. Sémériva
Avocat général :
M. Jobard
Conseiller :
M. Métivet
Avocats :
SCP Baraduc, Duhamel, Me Choucroy
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 février 2000, n° 60, rectifié par arrêt du 29 mars 2000), que les sociétés Compagnie laitière européenne (CLE) et Elvir ont assigné la société Président, la société Besnier, devenue société BSA, et la société Compagnie laitière Besnier, devenue Groupe Lactalis, des chefs de contrefaçon de marques enregistrées entre 1992 et 1996 sous les numéros 92/405820, 92/416866, 96/622911 et 96/620539 employant l'expression "beurre tendre", et de concurrence déloyale ;
Sur le premier moyen : - Attendu que les sociétés CLE et Elvir font grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que l'expression "beurre tendre" figurant dans la marque dénominative "Beurre tendre d'Elle & Vire" et dans la marque semi-figurative "Beurre tendre Elle & Vire" dont la société CLE est titulaire, est dépourvue de caractère distinctif au sens de l'article L. 711-2 b du Code de la propriété intellectuelle, d'avoir dit que ni les marques "Tendresse", "Beurre tendre-Président-Tartine" et "Beurre tendre-Président-Tartine demi-sel" déposées par les sociétés Président et Besnier devenue BSA, ni les conditionnements sous forme de beurriers et de plaquettes utilisés par la société Président ne constituent des contrefaçons des marques précitées, et d'avoir débouté la société CLE de son action en contrefaçon, alors, selon le moyen : 1°) que le caractère distinctif d'un signe de nature à constituer une marque s'apprécie à l'égard des produits ou services désignés ; que les marques déposées par la société CLE désignent les "beurres" ; qu'en décidant que la dénomination "Beurre tendre" n'était pas distinctive en se référant à l'utilisation du terme "tendre" dans le domaine alimentaire non désigné lors du dépôt, la cour d'appel a violé l'article L. 711-2, alinéa 1er, du Code de la propriété intellectuelle ; 2°) que sont dépourvus de caractère distinctif les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service et notamment sa qualité ; qu'en décidant que la dénomination pouvait être dépourvue de caractère distinctif lorsqu'elle servait à désigner, non pas la qualité, c'est-à-dire la qualité essentielle et fondamentale du produit désigné, mais une des qualités du produit, la cour d'appel a violé l'article L. 711-2 b) du Code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'indépendamment des motifs critiqués par le pourvoi, l'arrêt constate que l'usage du terme "tendre" pour désigner une caractéristique du beurre apparaît dès 1991 dans une plaquette destinée au grand public et éditée par le Centre d'information des industries laitières et qu'il est également employé dans une base de données du CNRS datée de 1981 pour traduire la texture du beurre ;
Attendu, en second lieu, que la cour, après avoir énoncé à bon droit qu'il n'est pas nécessaire, au regard de l'article L. 711-2 b) du Code de la propriété intellectuelle, que la dénomination composant la marque soit la seule à permettre de qualifier le produit et qu'il suffit qu'elle puisse servir à désigner une de ses qualités, puis constaté que l'adjectif "tendre" exprime bien une caractéristique du produit, a légalement justifié sa décision déniant le caractère distinctif de l'expression "beurre tendre" pour désigner un beurre facile à tartiner dès sa sortie du réfrigérateur ;D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le deuxième moyen : - Attendu que le pourvoi fait encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions de la société CLE faisant valoir qu'au sens de l'article L. 711-2 a) du Code de la propriété intellectuelle l'expression "Beurre tendre" n'est pas nécessaire, générique ou usuelle (concl. du 9 novembre 1999, p 7 et 8), la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel, ayant écarté le caractère distinctif de la marque par application de l'article L. 711-2 b), n'était pas tenue de répondre à des conclusions que cette décision rendait inopérantes ;
Et sur le troisième moyen : - Attendu que le pourvoi reproche à l'arrêt d'avoir débouté les sociétés CLE et Elvir de leur demande de dommages-intérêts pour concurrence déloyale, alors, selon le moyen, que l'action en concurrence déloyale a pour objet de protéger celui qui ne peut pas se prévaloir d'un droit privatif ; qu'en décidant que l'usage de l'expression "beurre tendre", dénuée de tout pouvoir distinctif, n'est pas susceptible de constituer un acte fautif distinct de la contrefaçon, bien que, lorsque l'action en contrefaçon n'est pas admise, le demandeur soit en droit d'agir sur le fondement de la concurrence déloyale contre son concurrent, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt, constatant qu'il ne ressort pas de l'examen des conditionnements en cause une même impression d'ensemble de nature à engendrer un risque de confusion, et caractérise ainsi l'absence de toute faute dans la présentation des produits concurrents, est, par ce seul motif, légalement justifié ; Que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.