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Décisions

CA Paris, 4e ch. B, 22 mars 2002, n° 2000-09699

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Gemey Paris New York (SNC)

Défendeur :

Bourjois (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Boval

Conseillers :

Mmes Schoendoerffer, Regniez

Avoués :

SCP Arnaudy-Baechlin, SCP Hardouin

Avocats :

Mes Bizollon, Stenger.

TGI Paris, 3e ch. 3e sect., du 22 févr. …

22 février 2000

LA COUR statue sur l'appel interjeté par la société Gemey Paris New York (ci-après Gemey) d'un jugement rendu à son encontre le 22 février 2000 par le tribunal de grande instance de Paris (3ème Chambre, Troisième Section) dans un litige l'opposant à la société Bourjois.

En 1996, Gemey a mis sur le marché une nouvelle gamme de fards (à joue : Pur Blush ; à paupières : Pure Couleur) dans un conditionnement translucide épousant la forme ronde et bombée de la pastille de fard située à l'intérieur.

L'apparition de ces produits a suscité une réclamation de Bourjois qui par lettre du 30 mai 1987 a fait savoir à Gemey qu'elle commercialisait depuis de très nombreuses années des fards appelés couramment " petites boites rondes " dont les caractéristiques essentielles " un fard rond et bombé contenu dans un boîtier également rond et de petite dimension " lui paraissaient avoir été reprises par les produits de Gemey, ce " parasitisme " étant selon elle accentué, d'une part, par la reprise pour les fards à joues Pur Blush de Gemey de ses teintes et appellations correspondantes, d'autre part par la publicité des fards " Pur Couleur " fortement inspirée de la sienne avec une " mise en avant semblable des couleurs et représentation similaire des fards selon un principe de cheminement avec la reprise d'ouverture des capots par intermittence ".

Bourjois a saisi en octobre 1997 la commission de conciliation de la Fedération française des industries de la parfumerie. La conciliation entreprise a échoué.

Le 23 janvier 1998, Bourjois a déposé sous le n° 98 714 426 une marque tridimensionnelle pour désigner en classe 3 des fards. Le dépôt mentionne que " La marque tridimensionnelle est constituée par la configuration du produit lequel se présente sous forme d'une pastille ronde dont la face supérieure est bombée ".

Le 26 février 1998, Bourjois a fait assigner Gemey devant le tribunal de grande instance de Paris. Elle faisait valoir que la forme de sa pastille de fard constituait une marque notoire et que Gemey qui avait porté atteinte à cette marque notoire et à sa demande d'enregistrement déposée en janvier 1998, avait également commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire en ce que : - le diamètre visible des pastilles de fard Gemey était identique à celui des pastilles de fard Bourjois, - Gemey avait adopté sans aucune nécessité pour sa gamme de fards à joues, des noms de teinte reproduisant cinq sur six de ceux utilisés par Bourjois, - Gemey avait adopté également sans aucune nécessité des nuances de teinte quasi- identiques à celles déjà utilisées par Bourjois pour les mêmes noms de teintes, - Gemey avait choisi une seule et même présentation pour son fard à joues et pour son fard à paupières, copiant ainsi la présentation unique des deux gammes de fards que Bourjois avait été la première à adopter, - et enfin les prix de Gemey pour ses produits étaient nettement inférieurs à ceux de Bourjois, alors que les prix des autres produits de maquillage de Gemey étaient supérieurs à ceux des produits Bourjois correspondants.

Outre les mesures habituelles d'interdiction sous astreinte, elle réclamait paiement d'une somme de 3 millions de francs de dommages et intérêts.

Gemey avait conclu au débouté, réclamant reconventionnellement la nullité de la marque revendiquée aux motifs notamment que la forme revendiquée présentait un caractère pratique, nécessaire, usuel et conférait au produit sa valeur substantielle, contestant avoir commis des actes de concurrence déloyale en l'absence de risque de confusion entre les produits en cause et de tout comportement parasitaire (elle insistait notamment à Cet égard sur le fait que le prix de son produit s'expliquait par son caractère beaucoup plus simple). Elle avait réclamé que Bourjois soit condamnée à lui payer 100 000 F à titre de dommages intérêts pour procédure abusive.

Par son jugement du 22 février 2000, le tribunal a estimé que Bourjois était en droit à se prévaloir d'une marque notoire, qu'en raison de cette notoriété il n'y avait pas lieu d'examiner les contestations de la validité de la marque tridimensionnelle déposée le 23 janvier 1998, que la contrefaçon de cette marque était avérée, que Gemey s'était en outre rendue coupable d'agissements parasitaires en reproduisant les dimensions des pastilles de fard, en reprenant certaines des nuances de teintes et leurs désignations, enfin en adoptant l'idée d'une présentation unique pour les fards à joues et à paupières.

Le jugement du 22 février 2000 a ainsi :

- vu l'article 6 bis § 1 de la Convention d'Union de Paris,

- dit que la société Bourjois est titulaire de la marque notoire caractérisée par " la forme particulière du produit qui tient en ce que la pastille de fard est ronde et a une face supérieure bombée ",

- dit que la société Gemey, en offrant à la vente et en vendant depuis mi 1996 ; des pastilles de fard rondes dont la face supérieure est bombée, sans l'autorisation de la société Bourjois, a commis la contrefaçon de la marque notoire susvisée dont est titulaire la société Bourjois ,

- dit que la société Gemey a commis des agissements parasitaires au préjudice de Gemey,

- en conséquence :

- interdit à la société Gemey de faire usage de la marque notoire susvisée dont la société Bourjois est propriétaire, sous astreinte de 500 francs par acte illicite dans le délai de 2 mois à compter de la signification du jugement,

- condamné la société Gemey à verser à la société Bourjois la somme de 300 000 francs à titre de dommages et intérêts en réparation de la contrefaçon de la marque notoire et celle de 500.000 francs en réparation des agissements parasitaires,

- autorisé la société Bourjois à faire publier le dispositif dans trois journaux ou revues de son choix, aux frais de la société Gemey, sans que le coût total d'insertion n'excède 70.000 francs hors taxes,

- ordonné l'exécution provisoire à concurrence de la moitié des sommes allouées à titre de dommages et intérêts et pour la mesure d'interdiction,

- condamné la société Gemey à verser à la société Bourjois la somme de 15 000 francs par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Ayant interjeté appel, Gemey, aux termes de ses dernières écritures signifiées le 30 juillet 2001, poursuit l'infirmation du jugement et prie la cour de :

- dire et juger que la forme bombée du fard de la société Bourjois ne présente aucun caractère distinctif et ne peut constituer une marque valable,

- dire et juger que la forme bombée du fard de la société Bourjois ne constitue pas un signe notoire,

- annuler la marque tridimensionnelle de la société Bourjois du 23 janvier ; 1998 enregistrée sous le numéro 98 714 426,

- débouter la société Bourjois de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la société Bourjois à payer à la société Gemey la somme de 50 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

- subsidiairement, au cas où par impossible la Cour confirmerait le jugement de première Instance en ce qu'il a déclaré que la société Gemey a commis des actes de contrefaçon et des agissements parasitaires, dire et juger que l'astreinte ne courra qu'à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

- condamner Bourjois aux dépens de première instance et d'appel.

Bourjois dans ses dernières conclusions du 20 septembre 2001 conclut à la confirmation pure et simple du jugement et réclame que son adversaire soit condamnée aux dépens d'appel.

Sont ici expressément visées les conclusions ci-dessus mentionnées.

Sur ce LA COUR :

Considérant qu'ayant estimé après examen des pièces produites par la société demanderesse " que la marque revendiquée par Bourjois est connue d'une large fraction du public qui à son énoncé [?] ne peut qu'avoir le réflexe quasi-automatique de penser au produit qu'elle représente, c'est à dire une pastille ronde dont la face supérieure est bombée " le tribunal a retenu la notoriété de la forme bombée du fard de Bourjois, écarté, en disant n'y avoir lieu de les examiner, les contestations de la validité du signe déposé par Bourjois à titre de marque, et dit la contrefaçon avérée au motif que le produit commercialisé par Gemey comportait une pastille ronde de fard ayant la face supérieure bombée ;

Considérant que ce raisonnement est à juste titre critiqué par Gemey ;

Considérant que celle-ci relève exactement, sur la notoriété alléguée de la marque consistant en la forme de sa pastille de fard :

- que Bourjois elle-même n'en a nullement fait état dans sa lettre de réclamation ci- dessus citée du 30 mai 1997,

- qu'il serait incompréhensible, si la forme de ce fard avait constitué, comme elle le prétend, un signe distinctif notoire depuis la fin du siècle dernier, que Bourjois, spécialisée dans le domaine des cosmétiques où les marques revêtent une importance considérable, n'ait pas déposé ladite marque lorsqu'en 1964 la loi française a fait dépendre l'acquisition du droit sur la marque de l'enregistrement et non plus de l'usage et ait attendu pour déposer une demande d'enregistrement, le 23 janvier 1998, soit un mois seulement avant l'assignation,

- que si les pièces mises aux débats montrent que le fard de Bourjois vendu dans une petite boîte ronde qui lui est associée bénéficie d'un succès important depuis de nombreuses années, les articles de presse (en réalité des publicités rédactionnelles) et les publicités communiquées insistent sur la forme du conditionnement (la petite boîte ronde) mais non pas sur celle de la pastille de fard, dont la configuration bombée n'est pas mise en évidence, beaucoup de photos montrant la pastille de fard vue du haut, à la verticale,

- que si une publicité parue dans un journal anglais en 1988 et une publicité rédactionnelle parue dans la revue Notre Temps en avril 1997 mentionnent la forme " de dôme " de la pastille de fard, les autres documents mis aux débats pourtant visiblement commandés par Bourjois ne font pas mention de cette forme de la pastille de fard mais de la " petite boîte ronde ", et Bourjois elle-même le 22 mars 1996 a procédé à un dépôt de modèle international DM-037139 (qu'elle n'invoque d'ailleurs pas) couvrant l'ensemble de son conditionnement à savoir sa boite ronde spécifique représentée ouverte avec la pastille de fard apparente,

- qu'un article paru en septembre 1997 (après le début du litige) dans le journal Télé 7 Jours consacré à l'histoire de la marque Bourjois depuis 1863 mentionne à sept reprises les " petites boites rondes " de fard, sans jamais évoquer la forme de la pastille de fard elle-même ;

Considérant en effet que, dans ces conditions, Bourjois qui elle-même n'en faisait même pas état quelques mois avant l'introduction de l'instance, ne démontre pas que la forme bombée de son fard [aurait exercé un pouvoir d'attraction propre, indépendant du fard auquel elle s'applique, ni en toute hypothèse qu'elle] aurait été perçue et connue en tant que marque par une partie significative du public concerné par les produits en cause ; que le jugement a retenu à tort la notoriété alléguée par Bourjois, dans le cadre d'un litige où la chronologie des faits montre qu'en réalité cette prétendue notoriété a été " découverte " tardivement par la demanderesse, pour tenter d'opposer un droit privatif antérieur à la mise sur le marché des produits de Gemey par elle contestés ;

Considérant qu'en toute hypothèse, c'est à tort également que les premiers juges ont estimé n'y avoir lieu d'examiner les contestations portant sur la validité de la marque tridimensionnelle revendiquée par Bourjois, alors notamment qu'ils étaient saisis d'une demande reconventionnelle expresse en nullité de la marque déposée le 23 janvier 1998 par cette société ;

Considérant qu'il résulte de l'article L. 711-2 du Code de la propriété intellectuelle que les signes dépourvus de caractère distinctif ne peuvent constituer une marque valable ; que de ce point de vue, Gemey fait valoir que la marque invoquée par Bourjois, exclusivement constituée par la forme d'une pastille circulaire dont la face supérieure est bombée est parfaitement banale et ne présente aucune spécificité, aucune caractéristique particulière, aucun élément arbitraire ou de fantaisie pouvant lui conférer une aptitude à distinguer un produit ; que Bourjois réplique que Gemey ne peut pas soutenir que la forme litigieuse serait dépourvue de caractère arbitraire alors qu'elle en a revendiqué la qualité d'auteur en première instance ; qu'elle ajoute surtout qu'elle- même exploite cette forme depuis la fin du XIXe siècle, et que, si dans les années 1920- 1950 plusieurs autres fabricants de cosmétiques ont adopté la même configuration, elle seule l'a toujours conservée et l'a utilisée de manière exclusive jusqu'à l'apparition sur le marché des produits critiqués de Gemey ;

Mais considérant que si Gemey qui avait principalement fait valoir devant les premiers juges que la forme revendiquée par Bourjois était non distinctive, parce que fonctionnelle et usuelle, avait indiqué dans le corps de ses écritures qu'elle justifiait avoir créé dès les années 30 une forme de fard rond et bombé strictement identique à celle invoquée par Bourjois et que les droits qu'elle détenait sur cette forme contribuaient à invalider le dépôt de son adversaire, il ne peut en être déduit qu'elle aurait ainsi reconnu de manière non équivoque le caractère distinctif de la forme litigieuse ; qu'il résulte des pièces mises aux débats que de nombreux fabricants de fards, dans les années 1930- 1950 ont exploité des fards en formes de pastilles rondes à la surface bombée et que dans la période ayant précédé le présent contentieux ont été commercialisés notamment des fards Arcancil Innoxa, Chanel présentant cette forme ; que parce qu'elle ne justifie pas en avoir eu l'exclusivité, mais aussi parce qu'elle ne démontre pas comme cela a été dit précédemment que cette forme aurait été perçue comme une marque, Bourjois ne peut pas être admise à soutenir que ladite forme aurait acquis un caractère distinctif par l'usage qu'elle en a fait ; que la marque tridimensionnelle revendiquée par Bourjois ne peut donc pas individualiser les produits visés et les distinguer de ceux ayant une autre origine commerciale ; que cette circonstance, qui s'ajoute aux autres éléments auparavant examinés pour exclure que soit reconnue l'existence de la marque notoire alléguée par Bourjois, conduit également à invalider la marque déposée par Bourjois le 23 janvier 1998 en raison de son absence de caractère distinctif ; que la cour prononcera la nullité de cette marque n° 98714 426 et ordonnera d'office la transmission du présent arrêt à l'INPI pour transcription de ce chef au Registre national des marques ;

Considérant que Bourjois ne pouvant se prévaloir d'une marque notoire ou déposée, elle n'est pas fondée sur le premier point à prétendre engager la responsabilité civile de son adversaire, ni s'agissant de la marque déposée (en toute hypothèse postérieure à la mise sur le marché des produits Gemey) à incriminer une contrefaçon ; que le jugement sera réformé en ce qu'il a retenu à l'encontre de Gemey le grief de contrefaçon ;

Considérant, sur la concurrence déloyale, que le tribunal a estimé que Gemey avait eu un comportement fautif (qu'il a qualifié de parasitaire) en reprenant le diamètre visible des pastilles de fard de Bourjois, en adoptant les mêmes nuances et en leur donnant les mêmes appellations, enfin en copiant la gamme de Bourjois par l'adoption d'une même présentation pour les fards à joues et à paupières ; que si Bourjois conclut à la confirmation du jugement de ce chef, Gemey en poursuit en revanche la réformation en faisant valoir que les teintes, les dénominations de teintes, les diamètres des pastilles sont des éléments du domaine public qu'il est loisible à tout intervenant d'exploiter, et qu'elle n'a commis aucune faute en adoptant le même conditionnement pour les fards à joues et à paupières, cette décision relevant d'un choix de gestion destiné à réduire les coûts de fabrication ; qu'elle ajoute sur ce dernier point, qu'au contraire des fards Gemey qui ne signalent pas, sur le dessus, l'usage du fard, les conditionnements Bourjois distinguent de manière très apparente les fards à joues " Visages-pastel- joues " et les fards à paupières " Regard-pastel-lumière " ; qu'elle fait encore valoir qu'il ne peut exister de risque de confusion entre les deux produits, les conditionnements étant radicalement différents, ses boites translucides, dont le haut, vissé sur la base, épouse la forme ronde et bombée de la pastille de fard se trouvant à l'intérieur et visible au travers du couvercle transparent, se différenciant nettement des boites cylindriques en plastique opaque de Bourjois, dotées d'une charnière et d'un petit fermoir doré, renfermant, outre la pastille de fard, un miroir et une houppette (la complexité du boîtier Bourjois et les accessoires qu'il renferme expliquant selon elle la différence de prix entre les produits) ;

Considérant que Bourjois convient elle-même que la pastille de fard de Gemey " a approximativement le même diamètre que les pastilles de fard Bourjois " ; qu'outre que les dimensions ne sont effectivement pas identiques, les pièces mises aux débats par Gemey montrent qu'un grand nombre de fards comportant des pastilles de produits ayant sensiblement la même taille sont ou ont été commercialisés ; que ni la dimension des pastilles de fard, ni la présentation dans le même genre de conditionnement des fards pour joues et des fards pour paupières (compte tenu des éléments de différenciation exactement détaillés à cet égard par Gemey et ci-dessus mentionnés) ne peuvent être tenus comme des actes constitutifs de concurrence déloyale ;

Considérant que, s'agissant des nuances de fards et de leurs appellations, alors que Bourjois reproche à Gemey d'avoir repris exactement les teintes et les noms des fards Abricot, Canelle, Rose Vénitien, Rose Thé et Bois de Rose, l'appelante fait valoir qu'il s'agirait de couleurs banales et de dénominations descriptives déjà utilisées par elle-même ou d'autres fabricants ; que, cependant, si elle démontre avoir précédemment commercialisé un fard " Abricot " et un autre baptisé " Brun Canelle ", elle n'apporte aucune justification de ce qu'elle aurait diffusé auparavant la gamme des fards Canelle, Rose Vénitien, Rose Thé et Bois de Rose, qui, comme l'indique l'intimée, reprennent effectivement à la fois des teintes et des dénominations dont elle a initié la déclinaison ; que cette imitation d'une partie de la gamme de produits de Bourjois est manifestement constitutive de concurrence déloyale (sans qu'il soit besoin de recourir à la notion de parasitisme retenue par les premiers juges dont la décision sera réformée de ce chef, d'autant plus qu'ils avaient tenus pour fautifs des actes que la cour ne juge pas répréhensibles) ;

Considérant qu'étant observé qu'il n'est pas réclamé de mesures d'interdiction au titre de la concurrence déloyale, mais que la poursuite de ces actes jugés illicites engagerait de plus fort la responsabilité de Gemey, il convient au vu des éléments de la cause et notamment de l'ampleur considérable donnée à la diffusion des produits incriminés, du trouble commercial et des frais hors dépens générés par le litige (frais au titre desquels le tribunal avait alloué, pour la première instance une indemnité de 15 000 F) de condamner Gemey à payer à Bourjois la somme de 60.000 euros à titre de dommages intérêts ;

Considérant que les parties succombant chacune partiellement, et Bourjois en particulier étant déboutée de sa demande en contrefaçon en même temps qu'est annulée la marque qu'elle a déposée dans des conditions critiquables un mois avant l'assignation, les mesures de publication sollicitées ne sont pas appropriées ;

Par ces motifs : Réforme le jugement entrepris ; Statuant à nouveau ; Prononce la nullité de la marque n° 98 714 426 déposée le 23 janvier 1998 par la société Bourjois ; Dit que le présent arrêt sera transmis par les soins du greffe à l'Institut national de la propriété industrielle pour transcription de ce chef au Registre national des marques ; Déboute la société Bourjois de toutes ses demandes fondées sur des atteintes à la marque ci-dessus mentionnée ou à la prétendue marque notoire dont elle s'est prévalue à tort ; Dit qu'en copiant, tant pour les teintes que pour les désignations, la déclinaison des fards Canelle, Rose Vénitien, Rose Thé et Bois de Rose, initiée par la société Bourjois, la société Gemey Paris New York a commis au préjudice de celle-ci des actes constitutifs de concurrence déloyale ; Condamne la société Gemey Paris New York à payer à la société Bourjois la somme de 60 000 euros à titre de dommages intérêts ; Rejette toute autre demande ; Condamne la société Gemey aux dépens de première instance et d'appel ; Admet la SCP Hardouin, avoué, au bénéfice de l'article 699 du NCPC.