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Décisions

CA Amiens, ch. com., 31 mai 2002, n° 00-04420

AMIENS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Sofratel (SARL)

Défendeur :

Legros, Compagnie Européenne de Télésécurité (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chapuis de Montaunet

Conseillers :

M. Roche, Mme Rohart-Messager

Avoués :

Me Lemal, SCP Le Roy

Avocats :

Mes Gaterre, Desforges.

T. com. Chauny, du 27 sept. 2000

27 septembre 2000

Décision :

Vu le jugement du 27 septembre 2000 par lequel le Tribunal de Commerce de Chauny a :

- dit l'opposition de M. Legros à l'ordonnance d'injonction de payer rendue le 27janvier 1999 recevable,

- dit l'intervention volontaire de la société CET - Cie Européenne de Télésécurité recevable,

- prononcé la nullité du contrat passé entre M. Legros et la société Sofratel le 13 mai 1997 et condamné en conséquence, la société Sofratel à payer à M. Legros la somme de 1.085,40 F avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

- mis à néant l'ordonnance d'injonction de payer rendue le 27 janvier 1999,

- condamné la société Sofratel à payer à la société CET la somme de 80.000 F pour entrave à l'exécution des contrats CET et concurrence déloyale,

- fait interdiction à la société Sofratel d'intervenir sur le matériel CET avant résiliation du contrat et ce sous astreinte de 3.000 F par infraction constatée,

- condamné la société Sofratel à payer à M. Legros et à la société CET la somme de 8.000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- condamné la société Sofratel en tous les dépens de la présente instance, dont frais de greffe liquidés à la somme de 659,64 F TTC en ce compris les frais de l'ordonnance d'injonction de payer.

Vu l'appel interjeté par la société Sofratel et ses conclusions, enregistrées le 2 février 2001, et tendant à :

- la déclarer bien fondée en son appel et y faisant droit,

- infirmer le jugement et statuant à nouveau,

- condamner M. Legros à lui payer la somme de 36.903,60 F au titre des redevances d'abonnement impayées et de l'indemnité de résiliation,

- débouter la société CET de son intervention volontaire,

- condamner les intimés in solidum à lui verser une indemnité de 15.000 F en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel dont pour ces derniers distraction est requise au profit de Me Lemal, avoué aux offres de droit.

Vu, enregistrées le 9 avril 2001, les conclusions présentées par M. Legros et la STE Protection One France, anciennement dénommée CET, et tendant à :

- confirmer le jugement hormis en ce qui concerne le montant de l'indemnité allouée à la SA Protection One France, anciennement dénommée Cie Européenne de Télésécurité en réparation des actes de concurrence déloyale commis par la SARL Sofratel,

- porter le montant de ladite indemnité à la somme de 500.000 F augmentée des intérêts au taux légal à compter du 13 octobre 1999, date des conclusions de première instance de la SA Protection One France,

- débouter la SARL Sofratel de l'ensemble de ses prétentions,

- la condamner à leur payer la somme de 10.000 F chacun sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel,

- admettre la SCP Le Roy, avoué, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure.

Sur ce,

Attendu qu'il résulte de l'instruction que, par acte sous seing privé du 15 mars 1994, M. Legros souscrivait auprès de la société CET, représentée par M. Caryn, un contrat d'abonnement de télésurveillance d'une durée de 48 mois, lequel prévoyait, d'une part la pose, l'entretien et la location du matériel dont la société susvisée demeurant propriétaire, d'autre part la prestation de télésurveillance moyennant une redevance mensuelle de 625 F HT; que, le 16 mars 1994, un technicien de la société CET installait le matériel dont, en sa qualité de locataire, M. Legros devenait le gardien ; qu'en mai 1997, moins d'un an avant la fin de la période contractuelle prévue, M. Caryn rendait visite à M. Legros, l'informait qu'il travaillait désormais pour la société Sofratel et lui proposait de signer un nouveau contrat de télésurveillance dont les redevances seraient moins élevées ; qu'ainsi, il était précisé sur le contrat signé le 13 mai 1997 par M. Legros avec ladite société Sofratel qu'il ne paierait les redevances à cette dernière qu'en mars 1998, date d'expiration du premier contrat souscrit avec la société CET ; qu'estimant cependant, que contrairement aux engagements de M. Caryn à cet effet, la société Sofratel s'était abstenue de procéder à la résiliation du contrat du 15 mars 1994 et qu'au surplus ses prestations n'étaient pas satisfaisantes, M. Legros, a, par lettre du 6 février 1998, signifié à ladite société la résiliation du contrat souscrit avec elle et l'a mise en demeure de lui restituer le matériel appartenant à la société CET et démonté par ses soins et de lui rembourser le montant du dépôt de garantie et des frais de raccordement d'ores et déjà encaissés ; que si la société Sofratel ne répondait pas à ce courrier, elle présentait, néanmoins, une requête en injonction de payer à l'encontre de M. Legros pour un montant de 36.903,60 F en principal au titre de redevances d'abonnement non honorées ; que c'est à la suite de l'opposition formée le 9 février 1999 par M. Legros à l'ordonnance du 27 janvier 1999 accueillant la requête susvisée qu'est intervenu le jugement déféré.

Sur l'intervention à la procédure de la société CET

Attendu que si l'appelante indique, tout d'abord, que la société CET ne démontre pas être recevable à intervenir à l'instance, il sera observé que le contrat litigieux souscrit le 13 mai 1997 par M. Legros avec la société Sofratel l'a précisément été en considération de l'engagement de cette dernière à prendre à sa charge les conséquences de la résiliation anticipée du contrat initialement conclu le 15 mars 1994 ; qu'il existe, ainsi, un lien entre les engagements successivement pris par M. Legros avec les sociétés susmentionnées, la société CET expliquant, pour sa part, l'attitude de son cocontractant par les manœuvres de la société Sofratel à laquelle elle reproche des actes de dénigrement et de démarchage systématique de la clientèle ; que l'intéressée doit dès lors, être regardée comme recevable à intervenir sur le fondement des articles 325 et 329 du Nouveau Code de Procédure Civile et à présenter à son profit des prétentions propres se rattachant, par un lien suffisant, à celles de M. Legros.

Sur la nullité du contrat conclu entre M. Legros et la société Sofratel le 13 mai 1997

Attendu qu'aux termes de l'article 1116 du Code Civil : " Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ... ".

Attendu, en l'espèce, qu'il ressort de l'ensemble des éléments de la cause et, notamment, des déclarations reprises dans le constat dressé par Me Lebrun, Huissier de justice à Chauny, le 6 février 1998, que M. Legros ne s'est engagé vis-à-vis de la société Sofratel que sur les seules indications erronées et mensongères de son préposé lui indiquant, comme au demeurant à d'autres clients de la société CET, que cette dernière avait cessé son activité et que son employeur faisait son affaire de la résiliation du précédent contrat souscrit ; qu'au regard de ces circonstances c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé qu'une telle attitude était constitutive d'un dol, lequel entraîne, conformément à l'article précité, la nullité du contrat ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres causes de nullité avancées par les intimés, il y a lieu de confirmer le jugement de ce chef.

Sur la demande en dommages-interêts formée par la société CET

Attendu que si l'appelante prétend que " M. Caryn n'a jamais emporté ni détourné de fichier-clients ni démarché de façon systématique la clientèle de son ancien employeur ni colporté de fausses informations sur la société CET ", il ressort des pièces du dossier, et en particulier des attestations - non utilement contredites - émanant, notamment, de M. Bertagnol ainsi que de Mme Decourt que la société Sofratel s'est livrée à des actes de concurrence déloyale caractérisés par le dénigrement de son concurrent, la société CET, prétendument en cessation d'activité par l'opacité tarifaire des produits proposés interdisant aux clients potentiels toute comparaison avec les prestataires intervenant sur le marché considéré ainsi que par des incitations à la rupture anticipée d'un contrat en cours au moyen de promesses - non tenues - de prise en charge de la résiliation de celle-ci ;que ces entraves multiformes à l'exécution des contrats conclus entre la CET et ses clients et le détournement de clientèle en ayant résulté justifient la condamnation de la société Sofratel au paiement de dommages-intérêts,lesquels doivent être évalués, au regard des contrats résiliés et de leur montant, à la somme de 16.000 euros, interdiction étant, par ailleurs, faite à la société Sofratel d'intervenir sur le matériel CET avant résiliation du contrat; qu'enfin la condamnation au versement de ladite somme de 16.000 euros sera assortie des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Attendu qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'il y a lieu de confirmer le jugement sauf à porter à 16.000 euros le montant des dommages-intérêts alloués à la société CET.

Sur l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Attendu que la société Sofratel versera à chacun des intimés la somme de 800 euros sur le fondement de l'article susvisé.

Par ces motifs, LA COUR ; Statuant publiquement et contradictoirement ; Reçoit les appels principal et incident jugés réguliers en la forme ; Au fond, confirme le jugement sauf à porter à 16.000 ? le montant des dommages-intérêts alloués à la société CET et à dire que ladite somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ; Déboute les parties du surplus de leurs conclusions respectives ; Condamne la société Sofratel aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Le Roy, avoué ; La condamne aussi à verser à chacun des intimés la somme de 800 ? au titre des frais hors dépens.