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Décisions

Cass. com., 4 juin 2002, n° 00-14.688

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

CBI (SARL)

Défendeur :

Camara (SARL), Camara, Jousset (ès qual), Renoux, SMPI (SARL), Amiot, Bonnefon, Bruggeman, Descartes, Pryet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Rapporteur :

Mme Champalaune

Avocat général :

M. Lafortune

Avocats :

Mes Vuitton, SCP Baraduc, Duhamel.

T. com. Blois, du 5 déc. 1997

5 décembre 1997

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 13 janvier 2000), que la société Etablissements Corbier, aux droits de laquelle vient la société CBI, exploitait un fonds de commerce de vente et d'entretien de matériels de protection contre les incendies ; qu'alléguant que ses agents commerciaux, parmi lesquels M. Renoux, avaient rompu leurs relations pour pouvoir exercer une activité directement concurrente sous l'enseigne Etablissements Camara ainsi qu'à travers la société SMPI constituée à cet effet, la société CBI a saisi le tribunal de commerce aux fins de voir constater la violation, par ses anciens agents, de la clause de non-concurrence insérée dans chacun des contrats de ceux-ci et de les voir condamner à lui payer les sommes forfaitaires prévues dans un tel cas ; qu'était également réclamée leur condamnation, ainsi que celle de la société SMPI et des Etablissements Camara pour concurrence déloyale ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses trois branches : - Attendu que la société CBI fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré nulle la clause de non-concurrence invoquée par elle et d'avoir rejeté ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour concurrence déloyale, alors, selon le moyen : 1°) qu'en statuant ainsi sans détailler aucune pièce susceptible de fonder sa décision ni analyser au moins sommairement les pièces produites par elle, que la motivation générale de sa décision ne peut pallier, la cour d'appel a violé l'article 455 nouveau Code de procédure civile ; 2°) qu'en déclarant que la preuve d'actes déloyaux n'était pas rapportée, après avoir examiné uniquement les attestations produites, sans analyser et prendre en considération l'ensemble des pièces versées aux débats par elle, et dont il ressortait nécessairement l'existence d'actes de concurrence déloyale, la cour d'appel a violé les articles 5 du nouveau Code de procédure civile et 1353 du Code civil ; 3°) qu'en déclarant que le démarchage de la clientèle de leur ancien mandant n'était pas fautif pour leur avoir appartenu, bien que l'article 1er de la loi du 25 juin 1991 dispose expressément que les agents commerciaux agissent au nom et pour le compte de leur mandant, de sorte que la clientèle appartient nécessairement à ce dernier, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Mais attendu qu'ayant estimé que les attestations versées aux débats par la société CBI ne permettaient pas de démontrer l'existence de faits précis de concurrence déloyale et qu'il n'est pas anormal en particulier que les anciens agents commerciaux des Etablissements Corbier continuent de démarcher la clientèle dont ils étaient déjà titulaires avant qu'ils n'intègrent ces mêmes établissements, la cour d'appel, qui a ainsi analysé le contenu des attestations, a nécessairement écarté comme non probantes les autres pièces invoquées par la société CBI et n'a pas retenu que la clientèle démarchée était la propriété des agents mandataires, n'encourt pas les griefs du moyen lequel, non fondé en ses deux premières branches et manquant en fait en sa troisième branche, ne peut être accueilli;

Mais sur le premier moyen : - Vu le principe de la liberté du commerce et de l'industrie et l'article 14 de la loi du 25 juin 1991, devenu l'article L. 134-14 du Code de commerce ; - Attendu, selon le texte susvisé, que le contrat d'agent commercial peut contenir une clause de non-concurrence après la cessation du contrat et que cette clause doit concerner le secteur géographique ainsi que le type de biens ou de services pour lesquels l'agent exerce la représentation aux termes du contrat;

Attendu que pour décider que la clause de non-concurrence figurant sur les contrats invoqués était nulle tant au regard de la liberté du commerce et de l'industrie qu'au regard du statut particulier des agents commerciaux et rejeter la demande de la société CBI fondée sur la violation de cette clause, l'arrêt retient que " chacun des dix agents se voyait attribuer à peu près le même secteur géographique, composé en outre de 56 ou 57 départements, ce qui empêchait ces mêmes agents d'organiser une tournée de clientèle rentable et que la clause litigieuse les mettait dans l'impossibilité totale et matérielle de travailler " ;

Attendu qu'en se déterminant par ces seuls motifs, par référence à l'étendue territoriale de la clause, sans constater que celle-ci ne se limitait pas au secteur géographique et au type de biens ou services pour lesquels le contrat d'agent commercial avait été conclu et qu'elle n'était pas nécessaire à la protection des intérêts des Etablissements Corbier et sans vérifier de façon concrète si cette clause avait pour effet d'empêcher les anciens agents des Etablissements Corbier d'exercer toute activité professionnelle, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision;

Et sur le troisième moyen pris en sa première branche : - Vu l'article 1382 du Code civil, ensemble l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; - Attendu que pour mettre hors de cause M. Renoux au regard de la concurrence déloyale invoquée, l'arrêt retient qu'il a cessé toute activité dans le domaine de la distribution des extincteurs;

Attendu qu'en se déterminant par ces seuls motifs, alors que la seule mention de la cessation d'activité de M. Renoux, sans autre précision, n'était pas de nature à exclure tout comportement fautif de sa part, en l'état des allégations de la société CBI, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : casse et annule, mais seulement en ce qu'il a écarté la demande de la société CBI fondée sur la clause de non-concurrence, et en ce qu'il a mis hors de cause M. Renoux, l'arrêt rendu le 13 janvier 2000 entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris.