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Décisions

CA Paris, 4e ch. A, 14 janvier 1998, n° 96-02843

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Colgate Palmolive (SA)

Défendeur :

Elida Gibbs Fabergé (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Duvernier

Conseillers :

Mme Landel, M. Lachacinski

Avoués :

SCP Barrier Monin, SCP Fisselier Chiloux Boulay

Avocats :

Mes Combeau, Saint-Esteben.

CA Paris n° 96-02843

14 janvier 1998

Faits et procédure :

Courant le mois de mars 1994, la société Elida Gibbs Fabergé a orienté ses campagnes publicitaires en faveur des dentifrices Signal, et notamment du dentifrice Signal Ultra Protection Fluor autour de deux films publicitaires télévisés alléguant notamment que le plus grand test dentaire d'Europe aurait prouvé que des deux principaux types de fluor contenus dans les pâtes dentifrices, celui de Signal qui contient le fluorure de sodium (NaF) était supérieur au Monofluorophosphate de sodium (SMFP) ;

Considérant que cette publicité était destinée à induire en erreur et était constitutive de concurrence déloyale, la société Colgate Palmolive ci-après dénommée CP devant le président du Tribunal de commerce de Paris qui a rendu le 21 juin 1994 une ordonnance par laquelle il était fait interdiction à la société EGF de poursuivre la diffusion des films publicitaires Signal litigieux de 30 secondes et de 15 secondes ou de tout autre film reprenant les mêmes messages et ce, à partir du 26 juin 1994 ;

Frappée d'appel, l'ordonnance susvisée a été réformée par arrêt de la cour du 10 novembre 1995 au motif que la société CP n'établissait pas que " la publicité litigieuse constituerait un dénigrement actif de ses produits " ;

Ayant constaté qu'à compter du 24 mars 1995, la société EGF faisait à nouveau diffuser sur des chaînes de télévision française des films contenant un message publicitaire identique à celui émis au mois de mars 1994, la société CP assignait à jour fixe le 24 avril 1995 la société EGF devant le Tribunal de commerce de Paris afin qu'il soit :

- jugé que la société EGF en qualité d'annonceur :

* a la charge de la preuve de la véracité des allégations contenues dans les messages publicitaires qu'elle diffuse,

* ne démontre pas la supériorité du fluor NaF sur le fluor SMFP, et la véracité des allégations présentées et réitérées dans ses publicités,

* a commis du fait de ses agissements des actes constitutifs de publicité de nature à induire en erreur et de concurrence déloyale à son détriment,

- fait interdiction à la société EGF de diffuser les films publicitaires Signal litigieux de 10 secondes et de 30 secondes ou de tout autre film reprenant des affirmations publicitaires identiques ou similaires, sous astreinte de 250 000 F par diffusion constatée à compter de la signification du jugement à venir,

- et que la société EGF soit condamnée à lui payer la somme de 5 000 000 F en réparation du préjudice qu'elle a subi et celle de 100 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

En réponse, la société EGF a indiqué qu'elle prouve que le plus grand test dentaire d'Europe a démontré la supériorité du fluor NaF sur le fluor SMFP et qu'elle n'a par conséquent pas diffusé de publicité trompeuse de nature à justifier les griefs que lui reproche la société CP qui devra être condamnée à lui payer, outre la somme de 100 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, celle de 1 000 000 F à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait des actes de dénigrement de sa publicité qui devront cesser sous astreinte de 500 000 F par infraction constatée ;

Par jugement du 31 octobre 1995, le tribunal saisi a dit :

- sans objet au cas particulier la demande de la société Colgate Palmolive concernant la charge de la preuve,

- la société CP mal fondée en sa demande de voir interdire à la société EGF toute publicité faisant allusion à la supériorité de NaF, l'en a débouté, mais a toutefois fait interdiction à la société EGF d'employer dans ces (sic) publicités des formulations catégoriques et dont l'exactitude ne serait pas prouvée,

- que la société EGF devra indiquer dans ces (sic) publicités que la supériorité du NaF n'a été constatée que dans des dentifrices à base de silice,

- la société CP mal fondée en sa demande visant à faire reconnaître une concurrence déloyale et un préjudice en découlant, et l'en a déboutée,

- la société EGF mal fondée en l'ensemble de ses demandes reconventionnelles et l'en a déboutée,

- la société CP et EGF mal fondées dans le surplus de leurs demandes, et les en a déboutées,

et a condamné la société CP à payer à la société EGF la somme de 50 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure ;

La société CP appelante prie la cour d'infirmer le jugement déféré dans l'ensemble de ses dispositions, et tout particulièrement en ce qu'il a dit sans objet au cas particulier ses prétentions relatives à la charge de la preuve ;

Elle demande qu'il soit jugé que la société Elida Fabergé, en sa qualité d'annonceur doit établir la véracité des allégations contenues dans les messages publicitaires qu'elle diffuse et qu'elle ne démontre pas la supériorité du fluor NaF sur le fluor SMFP ;

Elle sollicite en conséquence la réformation du jugement susvisé en ce qu'il a dit qu'elle était mal fondée en sa demande de voir interdire à la société EF toute publicité faisant allusion à la supériorité du NaF sur le SMFP et de dire que la société intimée ne démontre pas que le test Stephen est " le plus grand test dentaire d'Europe " ;

Elle poursuit donc l'interdiction de toute allégation de cette nature, et reproche à la société EF, d'une part de ne pas démontrer la supériorité du dentifrice Signal Ultra Protection Fluor sur l'ensemble des dentifrices concurrents, et d'autre part d'apposer la certification ADF sur les messages en question, ensemble d'éléments qui sont tous de nature à induire en erreur le consommateur ;

Tout en requérant l'interdiction de diffusion des films publicitaires Signal litigieux de 10 secondes et de 30 secondes ou de tout film reprenant des affirmations publicitaires identiques ou similaires, sous astreinte de 250 000 F par diffusion constatée à compter de la signification de l'arrêt à venir du fait qu'elle estime que les agissements commis par la société EF sont constitutifs d'actes de concurrence déloyale, elle sollicite la condamnation de cette dernière à lui payer en outre la somme de 100 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, celle de 5 000 000 F à titre de dommages et intérêts ;

La société Elida Fabergé ci-après dénommée EF venant aux droits de la société Elida Gibbs Fabergé intimée demande à la cour de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, et soutient que le grief de publicité trompeuse ou déloyale n'est pas fondé du fait qu'elle établit que le plus grand test dentaire d'Europe a bien montré la supériorité du fluor NaF qui se trouve dans son dentifrice Ultra Protection Fluor sur le fluor SMFP, que les autres griefs formés par la société CP à l'encontre des publicités en cause ne le sont pas davantage, et qu'elle n'a commis aucun acte constitutif ni de publicité de nature à induire en erreur, ni de concurrence déloyale au détriment de la société CP qui ne démontre au surplus pas avoir subi un quelconque préjudice ;

Elle sollicite l'infirmation du jugement susvisé qui a déclaré mal fondée sa demande reconventionnelle tendant à obtenir la condamnation de la société CP à lui payer la somme de 1 000 000 F à titre de dommages et intérêts pour comportement fautif et procédure abusive, et évalue à la somme de 150 000 F ses frais hors dépens ;

Sur quoi, LA COUR,

Considérant qu'à la suite du litige opposant la société CP à la société EF portant sur la diffusion par cette dernière au mois de mars 1994 de deux messages publicitaires destinés aux télévisions, l'un d'une durée de 30 secondes :

" Le plus grand test dentaire d'Europe a prouvé que des deux principaux types de fluor, celui de Signal est supérieur ".

" Un meilleur fluor, c'est plus de protection ".

" Pour des enfants mieux protégés, Signal Ultra Protection Fluor ".

" Rien n'arrêtera Signal ".

l'autre de 15 secondes :

" Si on vous disait que des deux principaux types de fluor, l'un est supérieur, qu'il protège mieux les dents des enfants, en priveriez-vous vos enfants ?

Ce fluor est dans Signal ".

Qui ont fait l'objet d'une ordonnance rendue le 21 juin 1994 par le président du Tribunal de commerce de Paris portant interdiction faite à la société EGF de poursuivre la diffusion des films publicitaires Signal litigieux de 30 secondes et de 15 secondes ou de tout autre film reprenant les mêmes messages, et ce à partir du 26 juin 1994, la société CP reproche à la société EGF dans le litige soumis à la cour d'avoir repris à compter du 24 mars 1995 la diffusion de films publicitaires pour le dentifrice Signal Ultra Protection Fluor dans lesquels il était dit dans le film de 30 secondes :

" Le plus grand test dentaire d'Europe a prouvé que des deux principaux types de fluor, celui contenu dans Signal Ultra Protection Fluor est supérieur ".

" Un fluor plus efficace, c'est une protection supérieure ".

" Signal Ultra Protection Fluor, un meilleur fluor pour une meilleure protection ".

et dans celui de 10 secondes :

" Il existe deux principaux types de fluor ".

" Celui contenu dans Signal Ultra Protection Fluor est supérieur ".

" Aujourd'hui, pour mieux protéger les dents de vos enfants, donnez-leur Signal Ultra Protection Fluor ".

Considérant que la société CP fonde son action sur les dispositions de l'article L. 121-1 du Code de la consommation qui reproduit le paragraphe 1er de l'article 44 de la loi du 27 septembre 1973 lequel prévoit que :

" Est interdite toute publicité comportant, sous quelque forme que ce soit, des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur le consommateur lorsque celles-ci portent sur un ou plusieurs éléments ci-après : existence, nature, composition, qualités substantielles, teneur en principes utiles, espèce, origine, quantité, mode et date de fabrication, propriétés, prix et conditions de vente de biens ou de services qui font l'objet de la publicité, conditions de leur utilisation, résultats qui peuvent être attendus de leur utilisation, motifs ou procédés de vente ou de la prestation de services, portée des engagements pris par l'annonceur, identité, qualités ou aptitudes du fabricant, des revendeurs, des promoteurs ou des prestataires " ;

Elle indique qu'il incombe à l'annonceur de prouver la véracité et la sincérité des informations portées à la connaissance du public et reproche à la société EF d'avoir :

- en général usé d'une publicité hyperbolique de nature à induire en erreur le consommateur, et de s'être fondée dans un domaine relevant de la santé publique sur des données techniques et scientifiques qui donnent faussement un crédit à ses allégations, et en particulier d'avoir soutenu sans le démontrer que le test qu'elle invoque est " le plus grand test dentaire d'Europe ", ce qui constitue selon elle une publicité trompeuse,

- omis de la même façon de mentionner dans ses messages publicitaires que la supériorité du NaF n'avait été constatée que dans des dentifrices à base de silice ;

- soutenu que le fluor NaF est supérieur au fluor SMFP et que le dentifrice Signal Ultra Protection Fluor est par sa formulation plus efficace que n'importe quel dentifrice de formulation différente,

- affirmé que l'Association Dentaire Française a certifié les allégations soutenues ;

La société CP en soutenant que la publicité trompeuse réalisée par la société EF est constitutive d'acte de concurrence déloyale étaie également son action sur les dispositions de l'article 1382 du Code civil et indique que la diffusion de messages publicitaires de nature à induire les consommateurs en erreur est contraire à la loyauté commerciale et constitue une faute, puisqu'elle est destinée à avoir pour effet de détourner la clientèle au détriment des concurrents même si ceux-ci ne sont pas nommément désignés et être dès lors, compte tenu de ce que " les publicités diffusées par la société EGF ont eu un impact sensible sur le consommateur " à l'origine d'un préjudice tant matériel que moral ;

La société EF intimée pour contester l'ensemble des griefs que forme contre elle la société CP soutient que " de nombreuses études avaient déjà révélé une supériorité du NaF que Colgate et ses chercheurs ont avec constance toujours cherché à contester " et s'appuie sur une étude réalisée en 1989 sur une période de trois années par le professeur Stephen de l'université de Glasgow portant sur in fine 3 517 enfants de la région de Lankashire sur les 4 294 que comprenait le test au départ qui a révélé que le fluor NaF était supérieur au fluor SMFP lorsqu'il était incorporé dans des dentifrices à base de silice bien formulée ;

Elle indique que le Bureau de Vérification de la Publicité n'a émis aucune objection à la diffusion des films critiqués par la société CP tant avant la première campagne publicitaire qui a débuté au mois de mars 1994 qu'avant la seconde du mois de mars 1995 ;

Elle conteste l'affirmation soutenue par la société CP selon laquelle la charge de la preuve lui incomberait, puisque ce principe ne peut être écarté qu'en présence d'un texte légal lui portant exception, ce que les dispositions contenues à l'article L. 121-2 du Code de la consommation ne remettent pas en cause puisqu'elles ne prévoient aucun renversement de la charge de la preuve qui incombe par conséquent selon les principes généraux au demandeur à l'action ;

Elle rappelle que les premiers juges ont exactement estimé que la publicité en cause n'a pas eu le caractère mensonger évoqué par la société appelante, puisque le test dentaire réalisé par le professeur Stephen qui n'entre au surplus pas dans les conditions d'application de l'article L. 121-2 du Code de la consommation est effectivement le plus grand d'Europe ;

Qu'il n'existe aucune prétendue allégation trompeuse d'une supériorité générale et absolue du fluor NaF sur le fluor SMFP de laquelle il résulterait une omission mensongère dans la mesure où elle n'a fait qu'alléguer une supériorité du fluor NaF dans une publicité relative au seul dentifrice à base de silice Signal Ultra Protection Fluor et non au seul fluor ;

Elle soutient que les résultats statistiquement et cliniquement incontestables du professeur Stephen qui ne font que confirmer la quasi totalité tant des études connues en la matière que des conclusions du Comité Scientifique International réuni à Londres les 5 et 6 novembre 1994 et des tests réalisés par la Stiftung Warentest en Allemagne au mois d'août 1995 ont démontré que le fluor NaF présente une supériorité au niveau de la prophylaxie des caries chez l'enfant statistiquement significative de 6,4 % sur le fluor SMFP, ce que la société CP reconnaît d'ailleurs puisque :

- elle a lancé sur le marché deux produits " Colgate Total " et " Bicarbonate " qui contiennent du fluor NaF et qu'elle a remplacé le " Colgate Protection Caries " contenant un mélange de fluor et de fluor SMFP par un nouveau dentifrice " Colgate Protection Caries Ultra Fraîcheur " qui ne contient que du fluor NaF,

- que le produit équivalent au nouveau produit en Espagne " Colgate Ultra Protection Anti-Caries " contient également 0,32 % de fluor NaF et que l'emballage porte la mention " Colgate : le dentifrice au fluor n° 1 au monde " ;

SUR LA CHARGE DE LA PREUVE :

Considérant que la société EF a diffusé au mois de mars 1995 les films publicitaires susvisés qui affirmaient essentiellement que le meilleur fluor, le NaF qui se trouve dans le dentifrice Signal Ultra Protection Fluor résulte d'un test qui est le plus grand d'Europe, ce que la société CP conteste en soutenant que cette preuve n'est pas rapportée par la société EF qui estime ne pas avoir à la faire ;

Considérant que la société intimée soutient qu'il incombe à chaque partie en application de l'article 9 du nouveau Code de procédure civile de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention et que la charge de la preuve des faits allégués repose sur la société CP ;

Mais considérant que les articles L. 121-1 et suivants du Code de la consommation sur lesquels la société CP fonde son action font essentiellement partie du dispositif pénal issu de la loi du 27 décembre 1973 reprise par la loi du 26 juillet 1993 sur la publicité qui permet aux agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, à ceux de la direction générale de l'alimentation du ministère de l'agriculture, et à ceux de service de la météorologie au ministère de l'industrie " d'exiger de l'annonceur la mise à leur disposition de tous les éléments propres à justifier les allégations, indications ou présentations publicitaires .... la mise à leur disposition des messages publicitaires diffusés " ;

Que ces informations sont essentiellement destinées à permettre au procureur de la République d'apprécier le bien fondé des allégations émises par l'annonceur afin que soient envisagées d'éventuelles poursuites judiciaires contre lui s'il venait à ne pas démontrer ce qu'il affirme;

Considérant en l'espèce que s'agissant d'une action en concurrence déloyale, la société CP ne peut invoquer à son profit les dispositions susvisées qui ne sauraient lui être étendues;

Qu'elle doit par conséquent se voir imposer les règles communes de la preuve et ne peut donc puiser dans les dispositions qu'elle invoque un motif justifié pour en revendiquer le renversement à son profit en imposant à la société EF la preuve ab initio de ses affirmations qui seraient a priori considérées comme étant mensongères, puisqu'appliqué, il aurait pour conséquence de méconnaître le principe de la présomption de bonne foi qui doit présider à toutes relations commerciales ;

Qu'il appartient à la société CP de prouver que la société EF a diffusé des messages trompeurs en affirmant que le plus grand test dentaire d'Europe a certifié que le fluor NaF contenu dans le dentifrice Signal Ultra Protection Fluor est plus efficace que les dentifrices qui n'en contiennent pas ;

Que l'application de cette règle de preuve ne dispense cependant pas la société EF de la possibilité d'apporter la justification du bien fondé de ses messages publicitaires en démontrant que les indications qui y sont contenues sont exactes et qu'elles pouvaient valablement être portées à la connaissance du public ;

Que de l'analyse de la preuve et de la contre preuve surgira la justification du bien fondé de l'une ou de l'autre des thèses en présence ;

Que la société CP ne saurait davantage étendre comme elle le fait à la publicité trompeuse les règles spécifiques de la publicité comparative prévues par les articles L. 121-8 et L. 121-9 du Code de la consommation pour soutenir que l'annonceur doit conformément à l'article L. 121-12 du même Code prouver l'exactitude de ses allégations, indications ou présentations et avant toute diffusion communiquer l'annonce comparative aux professionnels visés dans un délai égal à celui exigé, selon le type de support retenu, pour l'annulation d'un ordre de publicité dans la mesure où la publicité litigieuse suivante les mérites d'un type de fluor qu'elle utilise pour l'un de ses produits sur un autre fluor ne met pas en comparaison les biens et les services expressément visés par l'article 121-8 susvisé ;

SUR LE CARACTÈRE DE LA PUBLICITÉ CRITIQUÉE :

Considérant comme le fait remarquer justement la société CP, que toute publicité mensongère ou de nature à induire en erreur est interdite en application de l'article L. 121-1 du Code de la consommation ;

Considérant que le message de 30 secondes diffusé en 1995 :

" Le plus grand test dentaire d'Europe a prouvé que deux des principaux types de fluor, celui contenu dans Signal Ultra Protection Fluor est supérieur ",

a été illustré par une image où sont représentées deux brosses à dents avec sur l'une du dentifrice à rayures rouges (Fluor Signal Ultra Protection Fluor) et sur l'autre du dentifrice de couleur blanche (fluor X) et en sous-titre la mention " Comparaison entre fluor NaF et fluor SMFP ",

et l'indication :

" Signal Ultra Protection Fluor, un meilleur fluor pour une meilleure protection " ;

Que le film de 10 secondes rapporte :

" Il existe deux principaux types de fluor : celui contenu dans Signal Ultra Protection Fluor est supérieur " ;

Considérant que la société CP soutient que :

- la société EF ne peut revendiquer le plus grand test dentaire d'Europe,

- la supériorité du fluor NaF sur le fluor SMFP,

et que les messages publicitaires accréditent dans l'esprit du consommateur que :

- le dentifrice signal ultra protection fluor serait d'une efficacité supérieure à celle des produits concurrents,

- le fluor NaF se trouverait dans les dentifrices à pâtes à rayures et que le fluor SMFP se trouverait dans les dentifrices à pâtes blanches qui se trouveraient ainsi justement dénigrés ;

Sur la revendication du plus grand test dentaire d'Europe :

Considérant que la société CP indique qu'elle a toujours contesté que le test du professeur Stephen puisse être présenté comme le plus grand test dentaire d'Europe portant sur la supériorité d'un agent anti caries du fait que le nombre de sujets concernés est totalement erroné ;

Considérant que la société CP est en droit de soutenir, ce que la société EF n'admet pas, qu'est trompeuse et viole les dispositions de l'article L. 121-1 du Code de la consommation la publicité qui affirme que l'étude scientifique du professeur Stephen a révélé que le fluor NaF incorporé dans le dentifrice signal plus protection fluor est meilleur que le fluor SMFP, si ladite étude contient des allégations fausses ou de nature à induire en erreur portant comme en l'espèce sur la composition, la qualité substantielle et la teneur en principes utiles du dentifrice ;

Considérant que " le plus grand test dentaire d'Europe " doit s'analyser comme étant non seulement celui qui s'applique au plus grand nombre de sujets qui y ont été soumis, mais également à celui qui a fait l'objet d'une durée d'étude clinique la plus longue et la plus complète dans la mesure où l'évolution des caries dentaires chez l'être humain est nécessairement tributaire du facteur temps ;

Qu'il s'agit par conséquent d'un critère tant quantitatif que qualitatif - nombre de sujets traités, durée de l'étude, moyens mis en œuvre - qui doit cependant en l'espèce être circonscrit à la seule opposition fluor NaF et fluor SMFP en ne tenant volontairement pas compte de la troisième formulation qui est contenue dans le rapport du professeur Stephen qui a en outre expérimenté une pâte dentifrice contenant du fluor NaF auquel il a été adjoint un autre agent anti carieux le trimétaphosphate de sodium (TMP), puisque la publicité litigieuse ignore cette troisième voie d'étude pour n'opposer que les deux premières ;

Considérant que les tests ont été appliqués au nombre d'enfants suivant (tableau 3 de la page 14 du rapport) :

EMPLACEMENT TABLEAU

et ont donc concerné 3433 enfants au début de l'expérimentation au mois d'août 1988 et 2820 enfants à l'issue de la période de trois années qui s'est terminée au mois de mars 1992 ;

Considérant que la société CP puise dans un article traduit de l'anglais référencé JdentRes 73 (IADR Abstracts) 1994 " Efficacités anti caries respectives de dentifrices Tricolsan/Copolymère/NaF de GM Hawley, FA Hamilton, HV Worthington , A Blinkhorn & RM Davies (Dental Health Unit, University of Manchester, UK) qui évoque une étude effectuée dans la région de Manchester sur une période de 4 mois incluant 4 000 enfants âgés de 11 à 13 ans (3 400 à l'issue de l'étude correspondant à 15 % de départ), la preuve selon elle que le test Stephen n'est pas le plus grand test d'Europe ;

Mais considérant que si le nombre d'enfants (3400) examiné dans cette étude est effectivement plus important que dans celle du professeur Stephen (2820), il convient cependant de faire observer que la durée limitée à 4 mois du test Hawley, même s'il est indiqué dans l'article que des examens ont eu lieu au 15e mois et après le 32e mois, rapportée au 43 mois de l'étude contestée ne permet pas à la société CP de prétendre que le test qu'elle invoque a été le plus grand d'Europe, alors surtout que cette affirmation doit nécessairement être restituée dans le contexte du litige opposant les parties qui concerne exclusivement l'opposition fluor NaF et fluor SMFP, puisque le message publicitaire affirme que :

" Le plus grand test dentaire d'Europe a prouvé que des deux principaux types de fluor, celui contenu dans Signal Ultra Protection Fluor est supérieur ",

alors que le test Hawley ne s'appliquait pas aux deux types principaux de fluor en concurrence, mais concernait la mise en œuvre dans la pâte dentifrice de silice/NaF à 0,243 %, de triclosan à 0,3% et de PVM/ME copolymère à 2 % ;

Que la société CP n'établit donc pas que l'étude qu'elle oppose est le plus grand test dentaire d'Europe, tandis que la société EF démontre au contraire que celle du professeur Stephen correspond à l'affirmation qu'elle a soutenue dans le message publicitaire télédiffusé à partir de mars 1995 ;

Qu'elle ne peut donc pas soutenir comme elle le fait qu'il y a eu tromperie du consommateur à mettre en avant une dimension inexacte du test sur lequel est fondé le message qui lui est adressé ;

Sur l'opposition fluor NaF et fluor SMFP :

Sur la date des preuves destinées à étayer les allégations soutenues par la société EF :

Considérant que la société CP reproche à la société EF de tenter d'établir la prétendue supériorité du fluor NaF sur le fluor SMFP par des études qui n'ont été publiées qu'en 1994 et en 1995 ;

Considérant que s'il appartient à tout annonceur qui prétend porter à la connaissance du public certaines allégations relatives à son produit d'être conformément aux dispositions contenues à l'article L. 121-2 du Code de la consommation en mesure de les justifier, sans avoir à rechercher dans les seuls éléments survenus postérieurement à la mesure de publicité la preuve de leur bien fondé, il lui est cependant possible à tout moment de les compléter par d'autres moyens qu'il n'avait pas à sa disposition au moment où les publicités ont été diffusées ;

Considérant que si la société EF ne disposait pas encore comme le soutient la société CP, et comme elle le reconnaît elle-même de l'ensemble de l'étude du professeur Stephen qui n'a fait l'objet d'une publication complète qu'au mois de juin 1994 dans l'International Dental Journal Vol 44, n° 3, supplément 1, elle détenait toutefois avant cette date des éléments d'information, certes fragmentaires mais suffisants pour prétendre comme elle l'a fait, que les effets sur les caries du fluor NaF étaient supérieurs au fluor SMFP;

Qu'elle établit cette assertion à l'aide d'un résumé des conclusions du test clinique publié au mois de mars 1993 dans le Journal of Dental Research qui révèle qu'il existerait une différence de 7 % favorable aux enfants qui se seraient brossé les dents avec du dentifrice au fluor NaF par rapport à ceux qui n'auraient utilisé que du dentifrice au fluor SMFP ;

Que ces résultats ont également fait l'objet de discussions scientifiques lors du colloque de l'International Association for Dental Research tenu à Chicago aux USA au mois de mars 1993, de celui du World Congress on Preventive Dentistry à Umea en Suède au mois de septembre 1993, et enfin de celui tenu à Stockholm également en Suède au mois de février 1994 ;

Que la société EF ajoute également que l'étude du professeur Marks qui a confirmé les observations du professeur Stephen avait été au mois de mars 1993 publiée dans l'International Dental Journal ;

Sur les critiques apportées par la société CP au test du professeur Stephen :

Considérant que la société CP soutient que l'équipe du professeur Stephen n'a pas procédé à une comparaison unique et homogène entre les groupes ayant utilisé un dentifrice comprenant du NaF et ceux ayant utilisé une pâte comprenant du SMFP, et que les résultats du test doivent être appréciés sur le plan de leur " significativité " (sic) tant statistique et clinique ;

Considérant qu'elle reproche à l'étude susvisée de ne pas être statistiquement fiable et de ne pas avoir utilisé les méthodes de correction " Guidelines " de 1988 proposées par l'Association Dentaire Américaine (ADA), lorsque le nombre des comparaisons effectuées lors d'un test est élevé, puisque selon elle plus le nombre de comparaisons est important, plus la possibilité de trouver une différence qui n'existe pas en réalité est grande, et fonde son affirmation sur l'étude de Howard M. Proskin, Ph D & Anthony R. Volpe, DDS, MS intitulée : " Comparaison de l'efficacité des dentifrices à base de fluorure sous forme de fluorure de sodium ou de monofluorophosphate de sodium dans la prévention des caries " qui à la page 16 préconise pour obtenir des conclusions significatives concernant la pertinence clinique de la comparaison de deux produits la mise en œuvre des directives publiées par le Conseil sur les thérapeutiques dentaires de l'American Dentist Association ADA ;

Considérant que la société EF qui précise que les recommandations de l'ADA interviennent dans un contexte américain différent du contexte français comme le reconnaissent le doyen Stamm et le docteur Stookey oppose aux critiques de la société CP les attestations du :

- docteur Volpe qui au cours d'une audition judiciaire indique que " les responsables de l'étude Stephen ont été formés et ont une grande qualité morale et intellectuelle. Ils n'ont modifié aucune des règles ou consignes pendant toute l'étude, et c'est exactement ce que j'aurais attendu du professeur Stephen qui est un spécialiste des caries dont la réputation n'est plus à faire ",

- professeur Peter Armitage statisticien qui déclare le 2 mars 1994 :

" A mon avis, il s'agit d'un compte rendu clair d'une étude documentaire bien conçue et parfaitement exécutée ; les méthodes statistiques sont impeccables. J'estime que le principal objectif de l'étude : la mise en évidence de l'indiscutable supériorité du fluorure de sodium NaF sur une formule identique contenant du monofluorophosphate de sodium SMFP est atteinte ",

- professeur Ronald G. Marks biostatisticien qui indique :

" Je considère que ce protocole est complet et convient parfaitement au projet de recherches employé pour cette étude. Ma lecture du protocole et de l'article me permet de conclure que les objectifs de la recherche ont été clairement précisés, que l'étude a été bien conduite et que les conclusions appropriées ont été tirées ",

- docteur J.L Fleiss biostatisticien qui écrit :

" ... A mon avis, la conception factorielle était parfaitement appropriée pour atteindre les objectifs de l'étude ",

- professeur C. Chastang biostatisticien qui conclut :

" Le problème que vous me posez m'apparaît simple quant à la valeur des conclusions de l'étude publiée par le professeur Stephen. Cette étude répond aux critères de qualité exigée des essais thérapeutiques, tant pour sa planification que sa conduite, son analyse. Je réitère ma conviction dans la véracité des conclusions publiées dans l'Int. Dent. J. par le professeur Stephen. Quant aux critiques relatives à l'analyse statistique, elles ne sont pas fondées. Je souhaite indiquer qu'il ne serait pas sensé de procéder à de telles analyses en comparaisons multiples ",

et les propres travaux de Anthony R. Volpe et de Robin Davies publiés dans " Efficacité clinique anti caries des dentifrices au NaF et au SMFP. Vue d'ensemble et résolution de la controverse scientifique " (J. Cli Dent 6 : 1-28 1995 n° spécial),

Tandis que cette dernière produit les résultats du professeur Gilbert Saporta qui explique que la différence de 5 % en faveur du NaF " provient de l'usage d'un test de Student utilisant une estimation de l'écart type plus faible que celle que l'on peut faire dans chacun des groupes, après avoir cumulé les échantillons dosés à 1 000 et 1 500 ppm ", du docteur H.V Worthington qui écrit " J'ai appliqué aux données trois des techniques les plus couramment employées à savoir la modification du test de Fonferroni, le test de Scheffe et le test de Tukey en utilisant l'erreur moyenne au carré de l'analyse Anova présentée dans le tableau 6. Lorsque ces deux tests ont été appliqués aucune des comparaisons deux à deux entre l'accroissement moyen dans les trois groupes ne s'est avérée statistiquement significative ", et du docteur Howard M. Proskin qui conclut en page 13 " En résumé, compte tenu de ce qui précède, les résultats de l'étude Stephen ne présentent pas un argument convaincant en faveur de la revendication selon laquelle les dentifrices à base de SMFP et de NaF confèrent une protection plus élevée contre les caries " ;

Que l'application des méthodes de comparaison multiples décrites dans la lettre du docteur Howard M. Proskin a fait l'objet de vérifications par huit professionnels spécialisés en statistique, en physique, en microbiologie et en parodontologie (William E. Strawderman, John J. Miller, Mark E. Cohen, Dennis A. Abramsohn, Scott V.W Sutton, Timothy M. Blieden, Ted H. Szatrwski et Bernard J. Isselhardt) qui ont conclu page 11 : " Ainsi, les résultats des analyses rapportées dans la lettre de Proskin ont été vérifiés par les participants au présent exercice. Ceux-ci indiquent que sur les quatre méthodes de comparaison de séries appariées qui ont été appliquées à l'analyse des données récapitulatives fournies dans l'article Stephen, seule l'application répétée des tests t - méthodologie de nature à accroître le risque d'obtenir un résultat faussement significatif - fait apparaître la présence d'une différence statistiquement significative entre la protection contre les caries assurée par les dentifrices SMFP et celle assurée par les dentifrices au NaF.

Compte tenu de ce qui précède les résultats de ces analyses, il est impossible de conclure à l'existence d'une différence statistiquement significative entre l'efficacité anti-caries respective des dentifrices au SMFP et au NaF, contrairement à la conclusion rapportée dans l'article Stephen. " ;

Considérant que la société EF réfute ce pourcentage de 10 % en faisant référence à la consultation donnée par le professeur Bouloc qui écrit " ... peu important que la supériorité d'un résultat soit très importante ou faible, l'essentiel était qu'il y ait supériorité " ;

Considérant que la société CP indique au soutien de ses prétentions que l'Assemblée Scientifique Internationale réunie sur le thème de " l'efficacité anti- caries comparée des dentifrices au fluorure de sodium et au monofluorophosphate de sodium ", congrès dont la composition est critiquée par la société EF du fait qu'y auraient participé des personnes qui auraient eu des intérêts avec la société appelante organisatrice, a conclu le 18 août 1993 :

" Les membres de l'Assemblée sont convenus de ce que les études cliniques publiées et disponibles à ce jour soutiennent la conclusion que le fluorure de sodium et le monofluorophosphate de sodium, dans des concentrations semblables (allant de 1 000 ppm 21F à 1 500 ppm F) dans des dentifrices disponibles dans le commerce dans le monde ont une efficacité comparable contre les caries.

La profession dentaire peut en confiance recommander les dentifrices au fluorure de sodium ou au monofluorophosphate de sodium, parce que les preuves disponibles ne permettent pas de démontrer la supériorité d'un fluorure sur l'autre " ;

Que l'article " Fluorure de sodium ou monofluorophosphate de sodium ? Analyse critique d'une méta- analyse portant sur leur efficacité relative dans les dentifrices par Philipp J. Holloway, PhD, MSc BDS & Helen V. Wirthington, Mscn Fis publié dans le volume 6, numéro spécial de septembre 1993 de l'American Journal of Dentistry page 558 conclut :

" Enfin, que le choix des articles repose sur des principes généraux et spécifiques, le résultat est le même, c'est-à-dire que rien ne permet d'affirmer que le NaF ou le SMFP, quand ils sont utilisés, à la même concentration, soit supérieur à l'autre ",

ce que le docteur Kenneth E. Burrel du Conseil de Thérapie Dentaire de l'American Dental Association, John Hunt Directeur général et secrétaire du British Dental Association, Matti Anderson du Advertising Standards Authority, l'Association grecque des agences de publicité, le Comité d'Ethique de l'Association hongroise de publicité, la Mexican Chamber of Dentists ont confirmé par lettres datées respectivement des 4 février 1993, 11 février 1994, 9 février 1994, 22 septembre 1993, 1er octobre 1993, 12 août 1993, et 20 octobre 1993 ;

Qu'également, le professeur des Universités Monique Triller, le professeur de Santé dentaire de l'Université de Manchester AS Blinkhorn, le professeur de Médecine dentaire de l'Université de Michigan Robert A. Bagramian, le docteur Jonathan Mann de l'Ecole Hadassah de médecine dentaire de l'Université hébraïque de Jérusalem, la professeur Bengt G Rosling de l'Université de Gothenburg Göteborg, le Docteur Angel Bellet Cubbels de Barcelone qui ont produit des attestations motivées dont certaines à des dates postérieures au mois de juin 1994 date de parution du rapport du professeur Stephen sont d'avis que le fluorure de sodium et le monofluorophosphate de sodium présentent une efficacité équivalente dans la prévention des caries pour des concentrations analogues ou es concentrations comparables ;

Que le rapport publié dans The Journal of Clinical Dentistry volume VI de 1995 par Anthony R. Volpe, Margaret E. Petrone, Robin Davies, et Howard M. Proskin intitulé " Efficacité clinique anti-caries des dentifrices au NaF et au MFPS : vue d'ensemble et résolution de la controverse scientifique " indique essentiellement sur la base des seules études statistiquement et cliniquement satisfaisantes de Blinkhorn de 1988, de Beiswanger de 1989, de De Paola de 1993 et de Stephen de 1993 et 1994 que :

" 1° Il n'y pas de différence statistiquement significative entre l'efficacité anti-caries des dentifrices à base de fluorures sous forme de SMFP ou de NaF,

2° Il n'y a pas de différence à laquelle doive être attachée une importance clinique entre efficacité anti-caries des dentifrices à base de fluorures sous forme de SMFP ou de NaF (page 1), et conclut :

Conclusions globales :

L'efficacité anti-caries des dentifrices à base de fluorure sous la forme de MFPS est équivalente d'un point de vue clinique à celle de dentifrices à base de fluorure sous forme de NaF.

Ce que cela signifie sur le plan pratique :

Les dentistes doivent conseiller à leurs clients d'utiliser les dentifrices au NaF et au MFPS comme deux produits interchangeables, dans la mesure où l'on ne peut attendre ni de l'un ni de l'autre, un avantage marqué sur le plan de l'efficacité anti-caries. "

Qu'enfin l'étude de Howard Proskin et de Ph D & Anthony R. Volpe parue le 19 février 1995 dans le Journal of American Dentistry intitulée " Comparaison de l'efficacité des dentifrices à base de fluorure sous forme de fluorure de sodium ou de forme fluorophosphate de sodium dans la prévention des caries " parvient aux mêmes conclusions puisqu'il y est mentionné :

" Nous répétons les conclusions qui se dégagent actuellement. En se basant sur toutes les études cliniques pertinentes publiées à ce jour, et après la prise en compte logique et bien fondée des informations disponibles, ont peut conclure que les dentifrices contenant des fluorures sous forme de SMFP confèrent une protection contre les caries cliniquement équivalente aux dentifrices contenant des fluorures sous forme de NaF. "

Que par lettre datée du 24 mai 1995 et pour répondre aux objections formées par la société EF, Howard M. Proskin répondait qu'il était inexact de prétendre qu'il aurait partagé l'opinion selon laquelle plusieurs études auraient démontré la supériorité des dentifrices NaF par rapport aux dentifrices SMFP, et indiquait :

" En fin de compte, cependant, même si on persistait à utiliser l'ensemble de ces chiffres, la conclusion globale resterait la même ; les dentifrices au SMFP apportent un niveau d'efficacité anti-caries qui est équivalent à celui apporté par les dentifrices NaF, selon les critères habituellement appliqués pour effectuer de telles évaluations " ;

Considérant que la société EF pour contester les rapports et les avis sus évoqués qui ne font état d'aucune supériorité démontrée scientifiquement d'un fluor sur l'autre soutient que 10 des 11 études recensées avant l'étude des professeurs Stephen et Marks montrent des résultats favorables au fluor NaF ;

Qu'elle produit également :

- un rapport de synthèse qu'elle a initié comme le démontre la lettre du Royal Society of Medecine datée du 8 décembre 1994 du Comité Scientifique International sur le rôle des fluorures en cariologie qui s'est réuni les 5 et 6 novembre 1994 à la Société Royale de Médecine de Londres, sous l'égide des professeurs J. Arends ; W.M. Edgar, G. Emery, T. Ericson, M. Golberg, D. O'Mullane, J.W. Stamm ; K.W. Stephen, G.K. Stookey, J.M. Ten Cata et des docteurs T. Imfeld, A. Kingmann, P. Marsch, S. Morganstein duquel il convient d'extraire des termes :

" Ce comité international estime que l'écrasante majorité des preuves scientifiques actuellement disponibles corrobore le fait que, pour une concentration de fluorure équivalente, le fluorure de sodium est un agent de prévention contre les caries plus efficace que le monofluorophosphate de sodium s'il est correctement formulé dans un dentifrice à base de silice ",

- conclusions page 73 paragraphe 5 de l'étude " Efficacité relative au fluorure de sodium et au monofluorophosphate de sodium comme agents carieux dans les pâtes dentifrices " éditée par W.H. Bowen : " Le panel scientifique international a examiné et discuté les preuves disponibles in vivo et in vitro portant sur le mode d'action et l'efficacité clinique du NaF et du SMFP. Son opinion est qu'en s'appuyant sur l'écrasante majorité des preuves scientifiques actuellement disponibles, on peut affirmer qu'à concentration équivalente de fluor, le fluorure de sodium utile dans un dentifrice correctement formulé à base de silice est un agent de prévention des caries plus efficace que le monofluorophosphate de sodium ".

- un article de la Stiftung Warentest " Kariesschutz aus der Tube " test 8/95 qui révèle à la page 67 :

" ... Les dentifrices contiennent des fluors. Selon les études cliniques, ceux qui offrent le plus d'avantages sont ceux au fluorure animé et au fluorure de sodium.

En tout état de cause, ceux-ci sont plus efficaces que le monofluorophosphate de sodium. En outre une teneur plus élevée en fluor (dans les limites autorisées par la loi) a obtenu une meilleure appréciation qu'une teneur plus faible.

L'efficacité d'une pâte dentifrice ne peut se réduire à la nature et à la quantité de fluor qu'elle contient. Elle dépend également de la formule globale du dentifrice. ",

- un rapport de la Société Portugaise de Stomatologie et de Médecine Dentaire qui indique le 15 septembre 1994 que :

" La publication des ces deux travaux (Stephen et Marks) vient renforcer l'avis que nous avions émis précédemment, savoir : " l'analyse des différentes études publiées dans la littérature scientifique sur ce sujet au cours des vingt dernières années suggère une efficacité plus grande du fluorure de sodium sur le monofluorophosphate de sodium " ;

- les conclusions de l'Institut portugais civil d'autodiscipline de la publicité datées du 25 octobre 1994 qui évoquent le dentifrice Pepsodent qui comprenant du fluor NaF ne viole pas les principes de véracité et de loyauté et ne constitue pas une forme de publicité mensongère ou de concurrence déloyale ;

Que la société EF soutient également que la société CP n'a pas contesté cette décision portugaise et que la réunion qui s'est tenue au mois de septembre 1993 a été initiée par la société CP qui le reconnaît mais qui rappelle toutefois qu'elle a eu lieu à une date où elle n'avait aucun intérêt à privilégier un fluor plutôt qu'un autre, puisqu'elle ne savait pas que la publicité litigieuse de la société EF allait être diffusée 6 mois plus tard ;

Que la société intimée explique aussi que la société CP tente elle-même d'établir une supériorité du fluor NaF en se basant sur le slogan figurant sur un dentifrice espagnol " Le dentifrice avec fluor numéro 1 au monde " ;

Sur le rôle de l'abrasif à base de silice associé au fluor :

Considérant que la société EF affirme que la supériorité du fluor NaF sur le fluor SMFP a été démontrée scientifiquement par une étude effectuée par le professeur Stephen qui écrit :

" La présente conclusion fournit une nouvelle preuve évidente de la supériorité de NaF par rapport au SMFP aux niveaux de fluorure utilisés dans la pâte dentifrice commercialisée actuellement et concorde parfaitement avec les résultats d'une récente analyse statistique qui a combiné les données obtenues par neuf études cliniques avec NaF et SMFP menées entre 1972 et 1990, bien que Proskin ait contesté la sélection des tests. L'importance de la différence pour les données uniquement cliniques observées dans la présente étude étaient de 6,4 %, c'est à dire inférieure à la différence de 11 % rapportée par LU et de 12 à 16 % rapportée par Beiswanger " ;

En conclusion, au cours de cette étude clinique des caries en double aveugle sur une période de trois années, le NaF s'est révélé supérieur au SMFP lorsqu'il a été incorporé à des dentifrices bien formulés à base de silice " ;

Considérant que la société CP reproche à la société EF de soutenir que le fluor NaF incorporé à son dentifrice est supérieur au fluor SMFP en omettant de préciser que cette affirmation ne s'applique qu'à des dentifrices ayant un abrasif à base de silice ;

Considérant que la société EF rétorque que cette omission ne saurait constituer une faute dans la mesure où précisément le dentifrice Signal Ultra Protection Fluor est à base de silice, et non de calcium, d'alumine, de carbonate de calcium, de phosphate de calcium, de sodium bicarbonate, de dicalcium phosphate comme certaines autres pâtes dentifrices ;

Considérant que s'il n'est pas contesté par les parties que le dentifrice Signal Ultra Protection Fluor est à base de silice qui additionné à du fluor NaF posséderait une supériorité prophylactique anti-carieuse par rapport à une pâte renfermant une même base et une égale proportion de fluor SMFP, en revanche rien de l'étude du professeur Stephen ne permet d'affirmer si une quantité identique de fluor SMFP mélangée à une autre base que la silice telle le calcium, le sodium bicarbonate, ou l'alumine etc. n'aurait pas un effet supérieur sur les caries que le mélange proposé par le dentifrice Signal Ultra Protection Fluor;

Qu'ainsi soutenir comme le fait la société EF que le fluor NaF qu'elle utilise dans le dentifrice susvisé est supérieur au fluor SMFP sans préciser que cette supériorité résulte d'un élément qu'elle tait qui est l'emploi de la silice comme base abrasive constitue une omission de nature à tromper puisque le message publicitaire contient une allégation fausse qui porte sur la composition et la teneur en principes utiles du produit vanté de nature à induire en erreur un consommateur moyen qui n'est pas en mesure de connaître l'influence de la base abrasive d'un dentifrice lors de l'adjonction de fluor si cet élément n'est pas précisé dans le message publicitaire;

Que la société EF ne peut valablement soutenir que la silice est une base " neutre ", alors que l'article qu'elle invoque paru dans " Oral Hygiene Products and Practice " de Morton Pader ne mentionne pas cette affirmation, mais seulement que : " Silicia is the most chemically inert abrasive available ", l'abrasif disponible chimiquement le plus inerte ;

Considérant ceci exposé que s'il n'appartient effectivement pas au juge comme le soutient avec raison la société EF de prendre part à une controverse scientifique, il entre cependant dans sa mission comme la société CP le lui demande d'ailleurs, de vérifier si les allégations avancées par la société EF sont scientifiquement et incontestablement vérifiées, et qu'elles ne résultent pas uniquement d'une simple affirmation mal ou insuffisamment étayée ;

Considérant qu'en matière de publicité et pour ne pas encourir la sanction prévue par les dispositions de l'article L. 121-1 du Code de la consommation, les annonces publicitaires ne peuvent contenir aucune allégation, indication ou présentation fausses ou de nature à induire en erreur ;

Considérant qu'il résulte des documents produits à la Cour, qu'à la date de la diffusion de la publicité par la société EF, rien du débat scientifique ne permettait d'affirmer comme l'a fait la société intimée de façon péremptoire que le fluor NaF incorporé dans un dentifrice à base de silice apporte au niveau de la prophylaxie des caries une supériorité au dentifrice ayant la même base mais dans lequel a été incorporé le fluor SMFP;

Considérant en effet que parce que la société CP apporte la preuve qu'il existe au sujet du fluor NaF et du fluor SMFP un débat virulent qui oppose la communauté scientifique et ne permet pas de dégager un consensus sur la supériorité du fluor NaF sur le fluor SMFP adjoint à une base de silice, elle démontre par là-même que la société EF n'était pas en mesure au moment où cette dernière a fait diffuser les annonces publicitaires au mois de mars 1995 de soutenir les affirmations de supériorité du fluor NaF qu'elle allègue dans les publicités litigieuses, et qu'elle trompe par conséquent le consommateur moyen en affirmant ce qui scientifiquement n'est à aucun moment établi de façon irréfutable;

Qu'il n'est pas possible d'opposer comme le fait la société EF " la vérité juridique " à " la vérité scientifique " si celle-ci n'est pas considérée par l'ensemble de la communauté scientifique comme étant La Vérité puisque que d'une incertitude scientifique ne peut naître une vérité qui serait juridiquement acceptable ;

Que la présentation dans le film publicitaire d'une brosse à dent recouverte de pâte dentifrice striée caractéristique de la marque Signal avec la mention Fluor Ultra Protection Fluor à côté d'une brosse à dent sur laquelle a été appliquée une pâte dentifrice blanche avec l'indication Fluor X induit que le dentifrice de la société EF possède une protection supérieure à celle des autres dentifrices concurrents dans la mesure où toute notion de " supériorité " suppose l'existence d'une comparaison ;

Que la société EF ne peut donc utiliser des résultats provenant des tests du professeur Stephen contestés par un certain nombre de personnes de la communauté scientifique dans un domaine qui concerne au surplus la santé publique pour soutenir que " des deux principaux types de fluor, celui contenu dans Signal Ultra Protection Fluor est supérieur " sans risquer de se voir appliquer les dispositions légales susvisées puisqu'elle ne démontre pas la véracité de son affirmation ;

Que ne le faisant pas, la publicité qu'elle a diffusée sous forme de films d'une durée de 30 et de 10 secondes doit être considérée comme trompeuse, parce qu'incomplète;

Sur l'apposition de la certification de l'Association Dentaire Française (ADF) :

Considérant que la société CP reproche à la société EF d'avoir reproduit dans ses films publicitaires de 10 et de 30 secondes la certification de l'Association Dentaire Française, faisant ainsi croire que cette dernière cautionne l'allégation de supériorité du fluor NaF sur le fluor SMFP et donc du Dentifrice Signal Ultra Protection Fluor sur les autres dentifrices concurrents ;

Considérant que si l'article 24 de la loi du 10 janvier 1978 interdit effectivement à quiconque de faire " croire ou tenter de faire croire faussement, notamment par l'utilisation d'un mode de présentation prêtant à confusion, qu'un produit industriel, un produit agricole non alimentaire transformé, ou un bien d'équipement bénéficie d'un certificat de qualification ", il appartient en revanche à la société CP de démontrer que la mention " Certifié Association Dentaire Française " figurant sur les dernières images du film telles qu'elles sont reproduites pour l'une d'entre elle sur le synopsis constitue une affirmation de nature à tromper le consommateur ;

Que ne rapportant pas la preuve de ce que la société EF n'a pas obtenu cette certification émanant de l'Association Dentaire Française, la société CP devra voir ce moyen rejeté, alors surtout que la société intimée démontre au contraire par la production d'une lettre datée du 10 février 1994 avoir obtenu du Laboratoire National d'Essais mandaté par l'Association Dentaire Française la reconduite de son droit à usage de la marque ADF ;

Sur l'avis du Bureau de Vérification de la Publicité BVP :

Considérant que la société EF soutient pour étayer sa bonne foi que le BVP ne s'est pas opposé à la nouvelle campagne publicitaire qu'elle a lancée en 1995 et qu'elle a au contraire obtenu le 22 mars 1995 un avis favorable pour sa diffusion malgré les oppositions de la société CP ;

Mais considérant que l'avis du BVP comme cet organisme le rappelait dans ses lettres datées du 24 et 29 mai 1995 dans lesquelles elle indiquait que " l'avis du BVP se réfère exclusivement à la publicité : la véracité des informations et/ou justifications fournies par l'annonceur quant aux caractéristiques des produits et/ou services reste sous son entière responsabilité " ne permet pas à la société EF de soutenir que sa responsabilité doit être dégagée puisqu'elle possède l'obligation de s'assurer personnellement que les messages publicitaires qu'elle diffuse sont sincères, véridiques et loyaux ;

SUR L'ACTION EN CONCURRENCE DÉLOYALE :

Considérant que selon les affirmations non contredites, la société EF est membre du groupe Unilever qui détient plus de 30 % des parts de marché français des dentifrices vendus en grande distribution tandis que la société CP qui est son principal concurrent en possède 25 % ;

Considérant que si la recherche de la clientèle participe à l'essence même du commerce, en revanche la mise en œuvre d'arguments publicitaires à l'aide de moyens dénués de critères de vérité vérifiable et incontestable constitue une entorse aux règles de loyauté qui doivent présider les relations commerciales ;

Considérant qu'il est désormais établi que les messages publicitaires diffusés par la société EF sont trompeurs en ce qu'ils accréditent dans l'esprit d'un consommateur moyen l'idée que :

- le plus grand test dentaire d'Europe a prouvé que le fluor NaF est supérieur au fluor SMFP,

- le fluor NaF est supérieur au fluor SMFP,

- le dentifrice Signal Ultra Protection Fluor à rayures ;

Que cette concurrence qui est par conséquent déloyale est constitutive d'une faute qui occasionne aux concurrents un préjudice direct et certain du seul fait de l'existence de ces affirmations trompeuses ;

Que cette concurrence est d'autant plus réellement démontrée que l'étude de marché ARES n° 2207 du mois de septembre 1995 à la suite de la diffusion des films en 1994 et en 1995 mentionne page 6 que " c'est le composant fluor qui constitue la notion majeure dans la perception du produit à travers ces films " et que " ... le taux d'enquêtées qui attribuent spontanément au fluor de Signal une " valeur ajoutée " atteint 49 %, soit une femme sur deux sur l'ensemble des 4 films ", et que page 7 " quelle que soit la nature des questions posées, la supériorité de Signal s'affirme dans des proportions importantes ... avec dans l'étude 1 une adhésion massive à l'idée que le fluor de Signal est d'une qualité plus efficace que les autres fluors, et dans l'étude 2 l'idée que la notion de fluor de qualité supérieure induit la supériorité de Signal sur les autres dentifrices fluorés dans environ un cas sur deux " ;

Considérant que la société EF ne saurait puiser dans le propre comportement de la société CP qui aurait également diffusé sur le marché une pâte dentifrice intégrant du fluor NaF sur une base de silice " Colgate Protection Caries " la preuve d'un aveu de reconnaissance de la supériorité du fluor NaF sur le fluor SMFP alors que cet acte de commercialisation qui est parfaitement régulier résulte de la seule politique commerciale de la société CP qui n'a pas fait précéder ou suivre la diffusion de son produit par des informations publicitaires trompeuses portant sur la supériorité d'un fluor sur l'autre ;

Que les critiques formées par la société EF sur la qualité des dentifrices " Colgate Sensation Blancheur " et " Colgate sensation propreté intense " qui ne contiennent que du fluor SMFP et qui ne seraient pas destinés à lutter contre les caries sont dépourvues de pertinence dans la mesure où la communauté scientifique est unanime pour admettre que l'addition d'un quelconque fluor à une pâte dentifrice avec une base indifférente favorise la prévention des caries ;

SUR LE PRÉJUDICE SUBI PAR LA SOCIÉTÉ CP :

Considérant que le jugement déféré sera réformé en ce qu'il a :

- dit sans objet au cas particulier la demande de la société CP concernant la charge de la preuve,

- rejeté la demande d'interdiction faite à la société EGF de faire de la publicité faisant allusion à la supériorité du fluor NaF,

- fait interdiction à la société EGF d'employer dans ces publicités des formulations catégoriques dont l'exactitude ne serait pas prouvée,

- enjoint à la société EGF de préciser que la supériorité du fluor NaF n'a été constatée que dans les dentifrices à base de silice,

- déclaré mal fondée la société CP en sa demande formée sur la concurrence déloyale,

- condamné la société CP à payer à la société EGF la somme de 50 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Qu'il convient en conséquence de faire interdiction à la société EF de diffuser les films publicitaires Signal litigieux de 10 secondes et de 30 secondes ou de tout film reprenant des affirmations publicitaires identiques sous astreinte de 250 000 F par diffusion constatée à compter de la signification du présent arrêt ;

Considérant que le comportement fautif de la société EF qui a commis des actes de concurrence déloyale à l'égard de ses principaux concurrents justifie qu'elle soit condamnée à payer à la société CP et compte-tenu de l'importance de l'enjeu commercial telle que le démontrent les frais de campagne publicitaire engagés par la société intimée (12 108 000 F en 1994 et 2 278 000 F en 1995) la somme de 3 000 000 F ;

Considérant qu'il n'apparaît pas équitable de laisser à la charge de la société CP la totalité des frais qu'elle a dû engager en cause d'appel qui ne sont pas compris dans les dépens et qu'il convient de compenser à hauteur de la somme de 100 000 F ;

Considérant que compte-tenu de la solution apportée au présent litige opposant la société CP à la société EF, les demandes de condamnations à titre de dommages et intérêts et à celui des frais non compris dans les dépens formées par cette dernière devront être rejetées ;

Par ces motifs : Infirme le jugement rendu le 31 octobre 1995 par le Tribunal de commerce de Paris dans l'intégralité de ses dispositions, Et statuant à nouveau, Dit que la charge de la preuve des faits allégués par la société Elida Fabergé incombe à la société Colgate Palmolive, Constate que la société Colgate Palmolive ne démontre pas que le test du professeur Stephen n'est pas le plus important test dentaire d'Europe et qu'il était interdit à la société Elida Fabergé de se prévaloir de la certification de l'Association dentaire française ADF, Mais constate en revanche qu'elle prouve que : - la société Elida Fabergé ne pouvait affirmer dans ses films publicitaires que le fluor NaF contenu dans le dentifrice Signal Ultra Protection Fluor était supérieur au fluor SMFP, - le dentifrice Signal Ultra Protection Fluor n'est pas supérieur aux autres dentifrices qui ne contiennent pas de fluor NaF, Constate que la société Elida Fabergé a diffusé courant l'année 1995 des films publicitaires de nature à induire en erreur le consommateur, Fait en conséquence interdiction à la société Elida Fabergé de diffuser les films publicitaires Signal Ultra Protection Fluor litigieux de 10 secondes et de 30 secondes ou de tout film reprenant les affirmations publicitaires identiques ou similaires sous astreinte de 250 000 F par diffusion constatée à compter de la signification du présent arrêt, Dit que la société Elida Fabergé a également commis des actes de concurrence déloyale à l'égard de la société Colgate Palmolive, Condamne pour ces faits la société Elida Fabergé à payer à la société Colgate Palmolive la somme de 3 000 000 F à titre de dommages et intérêts, Rejette les autres demandes formées par la société Elida Fabergé, et toutes celles autres, plus amples ou contraires des parties, Condamne la même à payer à la société Colgate Palmolive la somme de 100 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne la société Elida Fabergé aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction pour ces derniers au profit de la SCP d'avoués Barrier Monin dans les conditions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.