Livv
Décisions

Cass. com., 2 juillet 2002, n° 00-14.886

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Vestra (SA)

Défendeur :

GMBH Brandt sportive mode (Sté), Wurtz, Jung, Delplace, Recher, Noirjean, Rodier, Tonati, Hurtado

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Rapporteur :

Mme Champalaune

Avocat général :

M. Feuillard

Conseiller :

M. Métivet

Avocats :

SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, SCP Bachellier, Potier de La Varde, SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin.

TGI Colmar, ch. com., du 12 mai 1997

12 mai 1997

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 25 janvier 2000), que la société Vestra, fabricant et distributeur en France d'articles d'habillement, commercialisait depuis 1983, sous la marque Maco, des articles fabriqués par la société Brandt sportive mode (société Brandt), au moyen d'une équipe composée de onze représentants dirigés par un chef de vente ; qu'en mai 1992, elle a acheté la société Kempel, également fabricant de vêtements ; qu'elle a alors annoncé à la société Brandt qu'elle diminuerait ses commandes, avant de lui faire connaître, le 31 août 1992, qu'elle cesserait avec elle toutes relations commerciales ; que, dans le même temps, elle a décidé de restructurer son réseau de distribution et en a informé, le 8 juillet 1992, ses représentants, lesquels ont considéré que la nouvelle situation proposée leur était défavorable ; que sept d'entre eux, MM. Jung, Delplace, Recher, Noirjean, Rodier, Tonati et Hurtado, puis, ultérieurement, le chef des ventes, M. Wurtz, ont alors démissionné, les représentants ayant saisi la juridiction prud'homale en estimant que la rupture était imputable à l'employeur par suite des modifications substantielles du contrat de travail qui leur étaient imposées ; que ces sept représentants et le chef de vente sont entrés au service de la société Brandt, en qualité d'agents commerciaux, après avoir fondé à cet effet des sociétés entre janvier et février 1993 ; que la société Vestra a alors assigné la société Brandt et ses anciens salariés sur le fondement de la concurrence déloyale pour débauchage fautif et désorganisation de son entreprise résultant de ces recrutements ; qu'elle a, en outre, reproché à la société Brandt d'avoir contrefait un de ses modèles et d'avoir commis à son encontre des faits constitutifs de parasitisme ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches : - Attendu que la société Vestra fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société Brandt ainsi que de MM. Wurtz, Jung, Delplace, Recher, Noirjean, Rodier, Tonadi et Hurtado à lui payer des dommages-intérêts pour concurrence déloyale, alors, selon le moyen : 1°) qu'en se bornant à relever que la société Vestra ne rapportait pas la preuve de l'existence de manœuvres de débauchage imputables à la société Brandt et que le départ concerté des sept représentants, suivi de celui du responsable commercial, n'avait pas été motivé par la volonté de ces salariés de désorganiser leur entreprise pour entrer au service d'une entreprise concurrente, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la démission, massive, de la plupart de ses salariés du réseau commercial de la société Vestra, suivie de l'embauche, quasi immédiate, de ceux-ci par la société Brandt, qui avait privé la société Vestra de l'essentiel de son réseau commercial, n'avait pas totalement désorganisé cette société, ce que la société Brandt, qui prétendait ne pas être à l'origine de ces démissions, ne pouvait ignorer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du Code civil ; 2°) qu'en écartant le grief de concurrence déloyale allégué après avoir cependant constaté que la société Brandt avait simultanément engagé la quasi totalité des salariés qui constituaient le réseau commercial de la société Vestra, qui distribuait antérieurement ses propres produits, et avec laquelle elle se trouvait désormais en situation de concurrence, pour les employer aux fins de commercialiser les mêmes articles, sur le même secteur, auprès de la même clientèle, à un moindre prix, la cour d'appel n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient nécessairement au regard des articles 1382 et 1383 du Code civil ; 3°) qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était invitée, si le fait, pour les anciens représentants de la société Vestra, de commercialiser, pour le compte de la société Brandt, les mêmes produits que ceux qu'ils commercialisaient antérieurement pour le compte de la société Vestra (s'agissant de la part de la gamme Maco qui était fabriquée par la société Brandt et distribuée par la société Vestra) sur le même secteur, auprès de la même clientèle, n'était pas de nature à créer un risque de confusion entre ces deux sociétés auprès de leur clientèle commune, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, que l'arrêt relève que la rupture entre les salariés de la société Vestra et celle-ci se situe dans un contexte bien défini de restructuration du réseau de vente de la société Vestra à la suite du rachat de la société Kempel, puis de la rupture des relations entre la société Vestra et la société Brandt ainsi que d'une politique de délocalisation poursuivie par la société Vestra qui a abouti à la fermeture de certains sites de production ; que l'arrêt constate que ces mesures de restructuration, qui faisaient grief aux représentants les plus anciens, ont été prises dès le début de juillet 1992, à une époque où la société Vestra n'avait pas encore rompu ses relations avec la société Brandt ; que l'arrêt en déduit que le départ concerté de sept des représentants de la société Vestra avait pour origine un conflit du travail ; qu'ayant ainsi fait ressortir que la désorganisation alléguée par la société Vestra du fait de la démission concomitante, suivie de leur embauche par la société Brandt, de sept de ses représentants était le résultat de la restructuration qu'elle avait seule décidée, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de considérer que ces départs et recrutements ne pouvaient être imputés à faute aux salariés et à la société assignée ;

Attendu, d'autre part, que l'arrêt constate que la société Vestra ne distribuait plus les produits Brandt pour avoir rompu ses relations avec elle et relève l'absence de toute confusion, dénigrement ou utilisation d'informations détenues par la société Vestra dans la commercialisation que la société Brandt faisait de ses propres produits ;que l'arrêt, qui en déduit que la vente de ces mêmes produits auprès de la même clientèle, fût-ce à un prix moindre, par les anciens salariés de la société Vestra, pour le compte de la société Brandt, était licite, toute faute dans le recrutement de ceux-ci ayant été écartée, a statué à bon droit ;

Attendu, de troisième part, qu'il ne résulte ni des conclusions, ni de l'arrêt que la société Vestra ait invoqué le risque de confusion entre elle-même et la société Brandt résultant de l'affectation de ses anciens salariés sur le même secteur d'activité que celui qui leur était auparavant dévolu pour distribuer des produits identiques ;que le grief est nouveau et mélangé de droit et de fait ; Qu'il suit de là que le moyen n'est pas fondé en ses deux premières branches et est irrecevable en sa troisième branche ;

Et sur le second moyen, pris en ses deux branches : - Attendu que la société Vestra fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société Brandt à lui payer des dommages-intérêts pour concurrence déloyale, alors, selon le moyen : 1°) qu'en se bornant à relever " que la diffusion sous sa propre marque d'un produit banal reflétant la tendance de la mode du moment n'est pas de nature à créer une confusion dans l'esprit de la clientèle connue des deux sociétés ", sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si, en l'espèce, la reproduction à l'identique et la commercialisation par la société Brandt du modèle de surveste de la société Vestra n'était pas de nature à entraîner une confusion entre les produits de ces deux entreprises, ce modèle de surveste étant de surcroît commercialisé par les anciens représentants de la société Vestra, auprès de leur ancienne clientèle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du Code civil ; 2°) qu'en se bornant à relever, pour écarter toute concurrence parasitaire de la part de la société Brandt, que la clientèle visée a toujours vendu des produits Brandt sous la marque Maco ; la société Brandt, qui est fabricant de vêtements depuis longtemps, disposait de toute une gamme de produits sportswear et n'avait nullement besoin de se placer dans le sillage de la société Vestra, même si celle-ci avait été pendant de longues années son distributeur en France rien ne permet d'affirmer, en l'absence de toute création originale, que la société Brandt aurait expressément copié le modèle de la société Vestra pour s'économiser des frais de recherche ou de création, la cour d'appel, qui s'est déterminée à partir de motifs inopérants, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant constaté que la commercialisation par la société Brandt de la veste litigieuse se faisait sous sa propre marque dont elle a déduit l'absence de risque de confusion dans l'esprit de la clientèle des deux sociétés et dès lors que la seule circonstance que ce produit ait été commercialisé par les anciens salariés de la société Vestra n'était pas fautive, la cour d'appel, a légalement justifié sa décision ;

Et attendu, d'autre part, en l'état du seul fait distinct de parasitisme invoqué par la société Vestra consistant dans la vente à un moindre prix d'un modèle prétendument contrefait, la cour d'appel, qui a écarté la contrefaçon et retenu que la vente à un prix inférieur d'un produit banal n'est pas fautive, a légalement justifié sa décision ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.