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Décisions

CA Besançon, 2e ch. civ., 3 novembre 1999, n° 96-01602

BESANÇON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Conudep (SA)

Défendeur :

Besançon, IDMM, Agro (Sté), Mefina (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Rastegar

Conseillers :

Mme Vignes, M. Polanchet

Avoués :

SCP Leroux-Meunier, Me Graciano

Avocats :

Mes Aitali, Schmitt-Angel

CA Besançon n° 96-01602

3 novembre 1999

FAITS ET PRETENTIONS DES PARTIES

La SA Conudep dont l'objet est toutes opérations relatives aux travaux de décolletage et de tournage par commande numérique et la fabrication de pièces destinées à l'industrie avait été constituée au départ en SARL avec comme co-gérants Messieurs Agro et Besançon.

Par la suite elle s'est transformée en SA dont Monsieur Besançon était administrateur.

En raison de la mésentente entre les associés, ce dernier a quitté la société après avoir cédé ses actions et a créé une EURL IDMM dont il est le gérant et l'associé unique.

Estimant que la création de la société IDMM constituait un acte de concurrence déloyale, la SA Conudep a saisi le Tribunal de Grande Instance de Dole d'une demande tendant à interdire à la société IDMM ainsi qu' à Messieurs Besançon, Loye, Vuillet, Gauchet et Pinard de démarcher et d'embaucher ses salariés ainsi que de démarcher sa clientèle sous astreinte et 1.000.000 francs à titre de provision et à ordonner une expertise.

Par jugement rendu le 17 avril 1996, le Tribunal l'a déboutée de ses demandes et l'a condamnée aux dépens et au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 29 juillet 1996, la SA Conudep a interjeté appel de cette décision.

Monsieur Agro et la société Mefina interviennent volontairement.

Ils concluent à la recevabilité de cette intervention et à la condamnation solidaire de la société IDMM et de Monsieur Besançon à payer à la SA Conudep la somme de 3 270 000 francs à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale, 1 000 000 à Monsieur Agro et à la société Mefina, à titre subsidiaire à une expertise, à ordonner la publication du "jugement" à intervenir dans 5 revues ou journaux aux frais des défendeurs et à la condamnation solidaire de la société IDMM et de Monsieur Besançon à payer à la société Mefina et à Monsieur Agro la somme de 30 000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Ils exposent pour l'essentiel

- que la société IDMM fabrique des produits identiques à ceux de la société Conudep,

- que Monsieur Besançon a débauché les salariés de la société Conudep et a détourné à son profit une bonne partie de sa clientèle ce qui a entraîné une baisse du chiffre d'affaire.

- que l'intervention de Monsieur Agro et de la société Mefina est recevable car l'article 1625 du Code civil impose au vendeur d'assurer la possession paisible de la chose vendue,

- que l'évolution du litige impose cette intervention et la clause d'arbitrage insérée dans la promesse synallagmatique ne peut s'appliquer puisqu'il s'agit ni d'une question d'interprétation du contrat ni d'un problème d'exécution.

La société IDMM et Monsieur Besançon concluent à la confirmation du jugement entrepris, à l'irrecevabilité de l'intervention volontaire de Monsieur Agro et de la société Mefina, la Cour devant se déclarer incompétente au profit du tribunal arbitral, subsidiairement à son rejet, et à la condamnation de la société Conudep au paiement de 400 000 francs à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, 30 000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Ils exposent pour l'essentiel :

- que l'intervention volontaire de Monsieur Agro et de la société Mefina est irrecevable car la promesse synallagmatique de vente prévoit le recours à un tribunal arbitral, elle est mal fondée car l'article 1625 du Code civil ne peut s'appliquer, Monsieur Besançon n'ayant commis aucun trouble entraînant pour l'acheteur la privation totale ou partielle de l'exercice du droit cédé,

- qu'ils n'ont commis aucun acte de concurrence déloyale ni par démarchage de la clientèle,

- que le secteur industriel est hautement concurrentiel que les deux sociétés proposent également des produits différents, que la société Conudep ne justifie pas de la perte de son chiffre d'affaire ni que le débauchage de son personnel a été réalisé dans des conditions irrégulières,

- que la société Conudep n'a subi aucune diminution de son chiffre d'affaire qui a connu au contraire un constante progression.

Vu les pièces de la procédure et les écrits des parties auxquels il est référé pour plus ample exposé de leurs moyens et arguments.

La recevabilité de l'appel n'est pas contestée en la forme.

Sur la recevabilité de l'intervention volontaire de Monsieur Agro et de la société Mefina :

L'article 554 du nouveau Code de procédure civile permet aux personnes qui n'ont été ni parties ni représentée en première instance d'intervenir volontairement en appel à condition d'y avoir intérêt, de ne pas soumettre à la Cour un nouveau litige et de pas demander des condamnations personnelles afin de respecter le double degré de juridiction.

L'intervention volontaire de Monsieur Agro et de la société Mefina est fondée sur l'article 1625 du Code civil, or l'acte de cession des parts sociales n'est pas remis en cause et la demande tendant à la réparation de leur préjudice personnel est une demande nouvelle qui rend l'intervention volontaire irrecevable.

Au fond :

Le Tribunal a correctement analysé les moyens de fait et de droit dont il était saisi. Il y a répondu par des motifs clairs et exempts de contradiction que la Cour adopte, l'appelante ne faisant valoir en appel aucun moyen pour les infirmer.

Au surplus, il convient de rappeler à la société Conudep que la promesse synallagmatique de vente des actions signées le 15 mars 1994 prévoit expressément en son article 6 "De convention expresse entre les parties soussignées, la cession, si elle intervient, ne sera assortie d'aucune clause de non-concurrence dans la limite toutefois de la concurrence déloyale".

En vertu du principe de la liberté du commerce et de l'industrie, les entreprises sont libres de rivaliser entre elles afin de conquérir et de retenir la clientèle.

La société Conudep exerce dans une branche d'activité hautement concurrentielle puisque selon le courrier du directeur des affaires sociales et juridiques du Gimm en date du 11 juin 1997, il existe 300 entreprises dans le secteur de la mécanique pour le seul département du Doubs.

Il est évident que Monsieur Besançon, après la cession de ses actions et en l'absence de toute clause de non-concurrence, allait utiliser ses compétences professionnelles dans un secteur géographique manifestement spécialisé dans la micro mécanique et technique.

La société Conudep fonde sa demande sur plusieurs éléments.

Elle reproche à Monsieur Besançon d'avoir entrepris des démarches concurrentielles avant la cession de ses actions, mais tout comme en première instance, elle ne produit aucune preuve de ses affirmations.

L'ordre de mouvement des actions a été signé par Monsieur Besançon le 6 avril 1994, et selon le constat établi le 12 juin 1995 par la SCP Thouard-Couetoux, Huissiers de justice, les premières factures émise par IDMM et concernant des clients communs aux deux sociétés datent du mois de juin 1994.

Rien ne permet d'affirmer que ces clients ont été démarchés avant le départ de Monsieur Besançon de la société Conudep au surplus il ressort d'un courrier de la société Amp Matrix Aerospace Europe daté du 16 octobre 1995 que cette société ne travaille plus avec la société Conudep depuis 3 ans soit très antérieurement au départ de Monsieur Besançon et tous les bons de commandes produits par la société Conudep pour les clients communs aux deux sociétés sont postérieurs au début d'activité de la société IDMM.

S'agissant du démarchage des clients, il doit pour constituer un acte de concurrence déloyale s'accompagner de manœuvres, ce qui n'est pas soutenu en l'espèce, ou être systématique.

S'il ne peut être contesté que Monsieur Besançon a certainement mis à profit ses connaissances acquises antérieurement auprès de la société Conudep, comme l'a souligné le Tribunal, certaines sociétés (Frésard micro-mécanique ou Amphenol Socapex) ont entretenu des relations avec les deux sociétés. D'autres ont travaillé avec l'une ou l'autre et certaines ont lancé des appels d'offres auxquels la société Conudep n'a pas répondu. Les courriers de Fischer, Dinel et Rmb ne démontrent rien.

La comparaison des commandes de la société Conudep et des factures IDMM produites démontrent certes une similitude de certaines pièces pour un prix à peu près identique mais également que les clients ont contracté avec l'une ou l'autre des sociétés, par exemple IER qui a au cours de la période d'avril à décembre 1994 a passé commande tant à Conudep qu'à IDMM.

Au surplus et faute pour les acquéreurs ou pour la société Conudep d'avoir prévu une clause de non-concurrence, il ne saurait être reproché à la société IDMM d'exercer son activité dans le même secteur en fabriquant les mêmes éléments étant observé que si leurs publicités respectives reproduisent la photographie de pièces ressemblantes, rien ne permet d'affirmer qu'il y a eu plagia, ce qui n'est d'ailleurs pas soutenu, en outre elles différent totalement sur la présentation des services et compétences offertes.

Enfin la société Conudep ne démontre pas que le démarchage de ses clients lui a causé un préjudice.

Elle ne conteste pas que son chiffre d'affaire est en constante augmentation depuis l'année 1993. Elle n'allègue par ailleurs ni préjudice moral ni trouble commercial.

Les tableaux établis par la société Conudep ne permettent pas à la Cour de vérifier la réalité de l'éventuel effondrement de son chiffre d'affaires par la société IDMM les chiffres indiqués étant sans commune mesure avec les factures établies par IDMM pour leurs clients communs.

Le débauchage des salariés :

La société Conudep reproche à la société IDMM le débauchage de salariés.

Il convient d'écarter le cas de Monsieur Besançon et des membres de sa famille Messieurs Revon et Gaillard qui ont été licenciés et ont tous 3 signés une transaction avec Conudep le 31 mars 1994.

La société Conudep fait également état du départ de 6 salariés (Sarai Va, Cantarero, Renaud, Ecoffard, Castro, et Geraldes) pour lesquels il n'est pas démontré qu'ils ont rejoint la société IDMM ni que leur départ aurait été motivé par le dénigrement de Monsieur Besançon qui aurait indiqué à une date ignorée que "la société Conudep allait immanquablement déposer le bilan" ce qui apparaît d'autant moins crédible que le chiffre d'affaire de la société a augmenté au cours de la même période et que Monsieur Agro se vantait dans la presse locale d'avoir conquis un client important et d'avoir restructuré son entreprise en diminuant le nombre de ses salariés.

Les salariés Loye, Vuillet, Gauchet, Pinard, Landry et Ponzi, ont effectivement démissionné de leur emploi à Conudep et ont été embauchés par IDMM. Cependant la société Conudep ne conteste pas qu'aucune clause de non-concurrence ne figurait dans leurs contrats de travail et elle ne justifie d'aucune désorganisation de l'entreprise. D'une part ils avaient des qualifications différentes et d'autre part leur départ a été étalé dans le temps. Les salariés ont par ailleurs parfaitement respecté leurs obligations envers leur ancien employeur en effectuant leur préavis ou en obtenant l'autorisation d'en être dispensé.

Il convient en outre de rappeler que Monsieur Loye avait chez elle la qualification de responsable d'atelier pour un salaire de 11.805,44 francs et non de directeur technique comme elle le prétend, fonction qu'il occupe effectivement à la société IDMM.

La société Conudep ne justifie d'aucune manœuvre pour débaucher les salariés et ceux qui ont refusé de rejoindre IDMM en 1994 ne font état d'aucune pression ou promesse quelconque.

Monsieur Ponzi a quitté la société Conudep en septembre 1996 soit plus de deux ans après la création de la société IDMM et a répondu à une annonce parue dans la presse le 15 juin 1996 dont rien ne permet d'affirmer comme le fait Conudep qu'elle était "cousue de fil blanc" si tel avait été le cas, la société IDMM pouvait faire l'économie d'une telle annonce car le jugement déféré a été rendu le 17 avril 1996.

Les salariés non soumis à cette clause de non-concurrence ont la liberté de changer d'employeur surtout quant l'entreprise qui les employait a effectué une restructuration puisque de l'aveu même de Monsieur Agro l'effectif des salariés est passé de 40 à 27.

Force est de constater que la société Conudep ne démontre en appel aucun des faits reprochés à la société IDMM.

La Cour ne saurait pallier à sa carence en ordonnant une expertise.

Elle devra être condamnée aux dépens d'appel exceptés ceux résultant de l'intervention volontaire qui resteront à la charge de Monsieur Agro et de la société Mefina.

1Il est équitable de la faire participer aux frais irrépétibles exposés par la société IDMM et Monsieur Besançon à concurrence de 20.000 francs.

Les intimés ne justifiant pas du caractère abusif de l'appel qui, bien que mal fondé, a été soutenu, leur demande en dommages et intérêts sera rejetée.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré, Déclare l'intervention volontaire de Monsieur Agro et de la société Mefina irrecevable, Déclare l'appel recevable mais mal fondé et le rejette, Confirme le jugement entrepris, Condamne la SA Conudep aux dépens d'appel exceptés ceux résultant de l'intervention volontaire qui restent à la charge de Monsieur Agro et de la société Mefina, avec possibilité de recouvrement direct au profit de Maître Graclano, Avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile, La Condamne en outre à payer à la société IDMM et à Monsieur Besançon la somme de Vingt Mille Francs (20.000 francs) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Rejette toutes autres conclusions plus amples ou contraires, Ledit arrêt a été prononcé en audience publique et signé par Madame F. Rastegar, Président de Chambre, Magistrat ayant participé au délibéré et Madame J. Coquet, Greffier.