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Décisions

CA Paris, 5e ch. B, 7 février 2002, n° 2000-8476

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Miele (SAS)

Défendeur :

Multi Axes (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Main

Conseillers :

Mme Pezard, M. Faucher

Avoués :

Me Ribaut, SCP Fisselier, Chiloux, Boulay

Avocats :

Mes Quiliquini, Vizior Giroux.

T. com. Bobigny, 5e ch., du 3 févr. 2000

3 février 2000

La Cour est saisie de l'appel interjeté par la SAS Miele du jugement contradictoirement rendu le 3 février 2000 par le Tribunal de commerce de Bobigny qui, dans le litige l'opposant à la SARL Multi Axes, représentante de la société italienne Cominox, à l'occasion d'une action en concurrence déloyale, l'a déboutée de ses demandes et l'a condamnée, outre aux dépens, à payer une indemnité de 6.000 francs à l'intimée sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions du 17 octobre 2001 l'appelante fait valoir :

- que, commercialisant des laveurs-désinfecteurs à usage médical qui, figurant dans la classe II A au regard de la directive 93-42 CE et du décret n° 95-292 du 16 mars 1995, ont obtenu le marquage CE par un organisme certificateur, elle a eu la surprise de constater que la société Multi Axes distribuait pour la société italienne Cominox des laves-instruments qui, comme cela résulte d'une lettre du Ministère de l'Emploi et de la Solidarité, sont de la classe I et doivent, pour leur mise sur le marché, avoir fait l'objet d'une déclaration CE de conformité et d'un marquage CE portant le numéro d'identification de l'organisme notifié, ce qui n'est pas le cas en l'espèce et désorganise donc le marché,

- qu'il existe un risque de confusion entre les simples laveurs " Omniwash " diffusés par la société Multi Axes et les laveurs-désinfecteurs commercialisés par la société Miele dans la mesure où la plaquette publicitaire relative à la machine Omniwash :

- porte un marquage CE non conforme,

- mentionne qu'il s'agit d'un " appareil pour le lavage des instruments odontologiques, opération nécessaire avant le procédé de stérilisation " et que cette machine " évite les risques d'infection par suite de blessures accidentelles causées par des instruments infectés tranchants ou acérés, au cours du lavage manuel ",

- que ces agissements délictueux lui causent un dommage, de sorte qu'elle est fondée à demander la cessation des activités de la société Multi Axes et la désignation d'un expert pour évaluer son préjudice,

- que la demande de dommages-intérêts formée à son encontre n'est pas justifiée.

En conséquence la société Miele demande à la Cour d'infirmer la décision du Tribunal, de dire que la société Multi Axes a commis des actes de concurrence déloyale, de lui faire injonction, sous astreinte, de cesser la vente en France des laves-instruments Omniwash de marque Cominox, d'ordonner une expertise pour permettre d'évaluer son préjudice, de condamner l'intimée à lui payer une provision d'un montant de 50.000 francs à valoir sur son dommage définitif, de condamner la société Multi Axes à lui payer 20.000 francs en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et à publier, à ses frais, à concurrence de 50.000 francs, l'arrêt à intervenir dans plusieurs journaux.

Dans ses uniques écritures du 2 mars 2001 la société Multi Axes fait valoir pour sa part :

- qu'elle commercialise en l'espèce, non un dispositif médical répondant à la définition de l'article L. 665-3 du Code de la santé publique, mais un " simple lave-vaisselle ..., dont seuls le format et l'aménagement intérieur sont adaptés à sa fonction particulière de lave-instrument et justifient son prix plus élevé ",

- que ce lave instrument porte la marquage CE dans la mesure où seule s'applique la directive n° 73/23/CEE modifiée dite " basse tension " relative à la sécurité des matériels électriques,

- que, ayant saisi la Commission Nationale d'Homologation du Ministère de la Santé par courrier recommandé du 18 mai 1999, réitéré le 23 janvier 2001, celle-ci n'a pas encore répondu,

- que la violation de la directive européenne n'est pas établie, à tel point qu'une plainte a fait l'objet d'un classement sans suite,

- que, comme l'a jugé le Tribunal, il n'appartient pas à l'autorité judiciaire de " faire la police des réglementations sanitaires de ce pays ... ",

- que les " fiches produits " par elle établies ne font que décrire de façon tout à fait objective les produits vendus, sans aucun artifice ou tentative de créer une quelconque confusion dans l'esprit des éventuels acquéreurs, tous professionnels et capables de faire la différence entre laver, désinfecter et stériliser,

- que l'acharnement de l'appelante à la poursuivre sur des motifs non fondés lui a causé un préjudice moral, commercial et financier dans la mesure où, en particulier, elle a suspendu la commercialisation des appareils litigieux jusqu'à la solution définitive du litige.

Dès lors l'intimée sollicite la confirmation du jugement critiqué, sauf à préciser que la condamnation au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile est de 9.000 francs et non de 6.000 francs comme mentionné par erreur, et, à titre incident, la condamnation de la société Miele à lui payer 400.000 francs de dommages-intérêts et une indemnité complémentaire de 20.000 francs au titre de ses frais irrépétibles.

Sur ce :

Considérant que la société Multi Axes, représentante en France de la société italienne Cominox, distribue entre autres appareils un " lave-instruments Omniwash " qui, fabriqué par cette société italienne, est destiné aux chirurgiens-dentistes; que la société Miele, qui commercialise pour sa part des " laveurs-désinfecteurs pour instruments dentaires ", reproche à la société Multi Axes des actes de concurrence déloyale caractérisés, selon elle, par une mise sur le marché en l'absence de toute déclaration au ministère chargé de la santé, ce contrairement à la directive 93/42/CEE du Conseil du 14 juin 1993 relative aux dispositifs médicaux, et par une confusion entretenue avec les laveurs désinfecteurs ;

Considérant que sur ce dernier point l'appelante incrimine une fiche de présentation du " lave-instruments Omniwash " qui comporte le sigle CE et les indications suivantes :

" Appareil pour le lavage des instruments odontologiques, opération nécessaire avant le procédé de stérilisation. Evite des risques d'infection par suite de blessure accidentelle, causée par des instruments infectés, tranchants ou acérés, au cours du lavage manuel. Panier fix en grillage en acier inox avec emplacement pour cuves et à compartiments individuels pour instruments délicats ou fragiles. Tourniquets de lavage et rinçage positionnés dans la partie supérieure et inférieure du panier pour une plus grande efficacité du lavage. Double filtre en grillage en acier inox pour protéger le fonctionnement de la pompe. Arrêt du cycle en cas d'ouverture de la porte. Arrêt du rinçage en cas de température au-dessous de 850 C. Thermomètre à panneau pour le contrôle de la température de lavage.

Cycle opérationnel comprenant : Prélavage à froid. Lavage à 45° C + 55° C. Rinçage à 85° C. Ecoulement total de l'eau à fin de cycle. Départ automatique de la phase de séchage. Durée du cycle de lavage : 20 minutes. Durée du cycle complet de séchage: 50 minutes " ;

Considérant que les indications qui précèdent ne peuvent sérieusement induire en erreur les professionnels de l'art dentaire auxquels la machine Omniwash est destinée dans la mesure où :

- d'une part, si son utilisation évite des risques d'infection, cet état de fait s'explique par l'opposition entre le lavage manuel et le lavage automatique où ces risques sont moins importants, et non par une fonction de désinfection qu'elle remplirait puisque rien ne l'indique,

- d'autre part, si la notice litigieuse mentionne que le lavage est une " opération nécessaire avant le procédé de stérilisation ", force est de constater, avec le Tribunal et la fiche technique de la société Miele, que la phase de stérilisation est distincte tant de celle de la désinfection que de celle du lavage, ce qui, là encore, ne peut échapper à un chirurgien dentiste ou un assistant dentaire,

- enfin la présence du logo CE sur la fiche technique est en l'espèce licite puisque certifiant la conformité de l'appareil incriminé aux normes basse tension, ce qui n'est pas contesté ;

Considérant que de ces observations il résulte qu'aucune confusion n'est possible entre les " laveurs-désinfecteurs " de la société Miele et le " lave-instruments Omniwash " de la société Cominox; que ces machines ne sont pas susceptibles d'entrer en concurrenceet que par voie de conséquence sont inopérants les développements de l'appelante sur l'illicéité de la commercialisation du " lave-instruments Omniwash " au regard de la directive 93/42/CEE du Conseil du 14 juin 1993 relative aux dispositifs médicaux et du Code de la santé publique ;

Considérant que par ces motifs, et ceux non contraires des premiers Juges, la Cour ne peut que confirmer la décision du Tribunal ;

Considérant toutefois que si la société Miele n'est pas fondée à se prétendre victime d'actes de concurrence déloyale de la part de la société Multi Axes, celle-ci ne peut lui reprocher d'avoir fait valoir ses droits en saisissant, outre le Tribunal, les services de la Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes; que de la sorte, en l'absence de faute prouvée de la société Miele dans l'exercice de son droit d'agir en justice, l'intimée ne peut lui réclamer des dommages-intérêts ;

Considérant en revanche qu'il est équitable d'allouer à la société Multi Axes au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel une indemnité de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Considérant que la société Miele, partie perdante, ne peut obtenir le remboursement de ses frais irrépétibles ;

Par ces motifs : Confirme le jugement déféré dans ses dispositions non contraires au présent arrêt, le réforme en ce qui concerne l'indemnité allouée au titre de l'aride 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et condamne la société Miele à payer à ce titre à la société Multi Axes une indemnité de 2.500 euros au titre des frais irrépétible de première instance et d'appel, Condamne la société Miele aux dépens de première instance et d'appel ; admet la SCP Fisselier, Chiloux & Boulay, Avoué, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.