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Décisions

CA Paris, 4e ch. B, 12 avril 2002, n° 2001-18973

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Carbon Blanc (SA), Bouffard-Mandon (Selarl), Sauterel (ès qual.)

Défendeur :

Sodiaal International (SA), Hassia Verpackungsmaschinen (GmbH)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Boval

Conseillers :

Mmes Schoendoerffer, Regniez

Avoués :

Me Baufume, SCP Roblin-Chaix de Lavarene, SCP Duboscq-Pellerin

Avocats :

Mes Desponds, Hollier Larousse, Cardin.

TGI Paris, 3e ch., du 22 juin 2001

22 juin 2001

LA COUR statue sur l'appel interjeté par la société CB (Carbon Blanc), d'un jugement rendu, le 22 juin 2001, par le tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre, 2e section, dans un litige l'opposant aux sociétés Sodiaal International et Hassia Verpackungsmaschinen GmbH.

La société Sodiaal International qui vient aux droits de la société Yoplait commercialise un fromage frais dénommé Petits Filous Tub's contenu dans un sachet souple de forme tubulaire ayant fait l'objet d'un dépôt de marque le 5 janvier 1995 sous le n° 95/552302 pour désigner le lait et les produits laitiers. Ces tubes de 40 grammes ont une partie principale monochrome qui comporte en son centre les marques "Yoplait" et "Petits Filous Tub's" qui s'inscrivent dans un cartouche bleu nuit et bleu roi et des extrémités blanches comportant des pointillés avec d'un coté la représentation d'une paire de ciseaux et de l'autre une flèche et une pré- découpe. L'ensemble des tubes est conditionné dans un étui de carton parallélépipédique dont la face principale mesure 18,5 cm x 8 cm et se compose d'un fond de couleur monochrome et d'une découpe transparente sur la partie gauche du conditionnement où sont représentés les fruits qui parfument les produits, les éléments d'identification du produit étant situés sur la partie droite.

Reprochant à CB de commercialiser un yaourt dénommé Goûter Chambourcy en adoptant des conditionnements reproduisant les caractéristiques essentielles de ses propres conditionnements, Sodiaal International a fait assigner cette société par acte du 2 février 2000 en contrefaçon de marque, contrefaçon "artistique" et en concurrence déloyale et parasitaire.

Invoquant un modèle d'utilité allemand déposé en 1993 par la société Hassia Verpackungsmaschinen, vendeur de la machine servant à conditionner les produits litigieux, CB a conclu à la nullité de la marque pour défaut de caractère distinctif ainsi qu'à l'absence de toute contrefaçon et concurrence déloyale en arguant de la nature différente des produits commercialisés (fromage frais d'un coté, yaourts biologiques de l'autre).

Par acte du 19 juin 2000, elle a appelé la société Hassia Verpackungsmaschinen en garantie de toutes les condamnations pouvant être prononcées contre elle.

Par jugement rendu le 22 juin 2001, le tribunal de grande instance de Paris a:

- déclaré valable la marque n° 95/552302,

- dit que la société CB, en offrant à la vente et en vendant des yaourts aux fruits conditionnés dans des sachets de forme tubulaire, a commis des actes de contrefaçon de la marque n° 95/552302 dont la société Sodiaal International est propriétaire,

- dit que cette société, en utilisant un sachet et un emballage reproduisant tous deux les éléments principaux des conditionnements dont fait usage la société Sodiaal International pour la commercialisation de fromages frais aux fruits dénommés "Petits Filous Tub's", a commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de cette société ainsi que des actes de contrefaçon de droits d'auteur du décor qui agrémente le sachet de fromage frais à la pêche,

En conséquence,

- interdit à la société CB la poursuite de tels agissements sous astreinte de 100 F par infraction constatée passé le délai d'un mois à compter de la signification de sa décision,

- condamné la société CB à verser à la société Sodiaal International la somme de 300.000 F à titre de dommages-intérêts ou sa contre-valeur en euros,

- autorisé la société Sodiaal International à faire publier le dispositif du jugement aux frais de la société CB dans trois revues ou journaux de son choix sans que le coût total de ces insertions n'excède la somme de 60.000 F ou sa contre-valeur en euros,

- rejeté le surplus des demandes,

- débouté la société CB de sa demande reconventionnelle et de son appel en garantie,

- condamné celle-ci à verser la somme de 18.000 F à la société Sodiaal International et celle de 8.000 F à la société Hassia Verpackungsmaschinen ou leur contre-valeur en euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- condamné la société CB aux dépens.

La société CB a interjeté appel de cette décision le 5 octobre 2001. Par ordonnance rendue sur sa requête le 12 octobre 2002, elle a obtenu l'autorisation d'assigner à jour fixe les intimées et de plaider l'affaire à l'audience du 7 février 2002.

Par jugement du 19 novembre 2001, le tribunal de commerce de Bordeaux, a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de CB. Par conclusions du 29 janvier 2002, la Selarl Bouffard-mandon, en qualité de représentant des créanciers au redressement judiciaire de CB, et Maître Gilles Sauterel, en qualité d'administrateur au redressement judiciaire de la même société, sont volontairement intervenus à l'instance aux cotés de CB.

La Selarl Bouffard-Mandon en qualité de représentant des créanciers au redressement judiciaire de la société CB, Me Gilles Sauterel en qualité d'administrateur au redressement judiciaire de la société CB et la société CB, par leurs dernières écritures signifiées le 6 février 2002, concluent en ces termes :

" Recevoir la société CB en son appel et la déclarer recevable comme bien fondée.

Y faisant droit:

- Vu les articles L. 711-2c et L. 714-3 du C.P.I.

- Vu les dispositions de l'article L. 713-2 du Code de la Propriété Intellectuelle

- Vu les dispositions de l'article 1147 du Code Civil

- Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a déclaré valable la marque n° 95/552302 déposée par la société Sodiaal International.

Statuant à nouveau :

1- Prononcer la nullité de la marque tridimensionnelle n° 95/552302 appartenant à la société Sodiaal International déposée le 5 janvier 1995 pour désigner " le lait et produits laitiers " relevant de la classe 29 de la classification internationale.

2- Ordonner l'inscription du jugement à intervenir, devenu définitif, au Registre National des Marques, sur réquisition du greffier.

3- Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a dit qu'en offrant à la vente et en vendant des yaourts aux fruits conditionnés dans des sachets de forme tubulaire, la société CB a commis des actes de contrefaçon de la marque précitée.

4- Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a dit qu'en utilisant un sachet ou un emballage reproduisant les éléments principaux des conditionnements dont fait usage la société Sodiaal International pour la commercialisation de fromages frais aux fruits dénommés "Petits Filous Tubes", la société CB a commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de Sodiaal International ainsi que des actes de contrefaçon de droit d'auteur du décor qui agrémente le sachet de fromage frais "à la pêche".

Dire et juger que la société CB ne s'est pas rendue coupable de tels actes de concurrence déloyale, ni de contrefaçon de droits d'auteur.

5- Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a interdit à la société CB la poursuite de tels agissements sous astreinte, et en ce qu'il a condamné la société CB à verser à la société Sodiaal International la somme de 300.000 F (45.734,71 euros) à titre de dommages et intérêts.

6- Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a autorisé la société Sodiaal International à faire publier le dispositif du jugement aux frais de la société CB dans trois revues ou journaux de son choix.

7- Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté la société CB de sa demande de condamnation de la société Sodiaal International à lui payer la somme de 300.000 F à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

8- En conséquence, condamner la société Sodiaal International à payer à la société CB ladite somme de 300.000 F soit 45.734, 71 euros à titre de dommages et intérêts.

9- Confirmer le jugement des chefs ne faisant pas grief à la société CB, à savoir le débouté des demandes de contrefaçon au titre du droit d'auteur sur le poids et la taille des sachets, la fenêtre transparente, sur le décor pour les fraises des bois, sur le décor pour la pulpe de fraise, sur l'emballage en ce qu'il présente un fond bleu.

10- A titre subsidiaire, et pour le cas où la Cour, par impossible, validerait la marque de la société Sodiaal International, dire et juger que la société Hassia Verpackungsmaschinen GmbH doit à la société CB sa garantie et l'indemniser pour tous les préjudices subis du fait de l'impossibilité d'utiliser la machine conformément à ce pour quoi elle a été acquise avec toutes les conséquences qui s'y attachent.

11- En conséquence, condamner la société Hassia Verpackungsmaschinen GmbH à payer à la société CB la somme de 8.500.000 F soit 1.295.816,60 euros à titre de dommages et intérêts représentant le coût de la machine, contre restitution de ladite machine à la société Hassia Verpackungsmaschinen GmbH.

12- La condamner à payer à la société CB la somme de 10 MF soit 1.524.490,10 euros à titre de dommages et intérêts au titre des préjudices commerciaux subis, en ce cas, par la société CB.

- Ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans trois revues ou journaux au choix de la société CB et aux frais de la société Sodiaal International, à concurrence de 60.000 F HT maximum 9.146,94 euros par insertion.

13- Condamner la société Sodiaal International à payer à la société CB la somme de 40.000 F soit 6.097,96 euros au titre de l'article 700 du NCPC.

14- Condamner la société Sodiaal International et la société Hassia Verpackungsmaschinen GmbH en tous les dépens de première instance et d'appel (...)"

La société Sodiaal International (société de Diffusion Internationale Agroalimentaire), par conclusions signifiées le 7 février 2002, demande à la Cour de :

" Déclarer la société CB mal fondée en son appel, l'en débouter,

Confirmer le jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 22 juin 2001 en ce qu'il a :

- déclaré valable la marque n° 95/552302 de la société Sodiaal International

- dit que la société CB, en offrant à la vente et en vendant des yaourts aux fruits conditionnés dans des sachets de forme tubulaire, a commis des actes de contrefaçon de la marque n° 95/552302 dont la société Sodiaal International est propriétaire,

- dit que la société CB, en utilisant un sachet reproduisant les éléments principaux du décor qui agrémente le sachet de fromage frais à la pêche de la société Sodiaal International, a commis des actes de contrefaçon des droits d'auteur de la société Sodiaal International,

- dit que la société CB, en utilisant un sachet et un emballage reproduisant tous deux les éléments principaux des conditionnements dont fait usage la société Sodiaal International pour la commercialisation de fromages frais aux fruits dénommés "Petits Filous Tub's", a commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de cette société,

- en conséquence, interdit à la société CB la poursuite de tels agissements sous astreinte de 100 F (15,24 euros) par infraction constatée passé le délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement, et ce avec exécution provisoire,

- débouté la société CB de sa demande reconventionnelle formée à son encontre,

Y ajoutant pour le surplus :

- dire que la société CB, en utilisant ses sachets pour les yaourts à la fraise et à la framboise reproduisant tous deux les éléments principaux des décors qui agrémentent les sachets de fromage frais à la fraise et aux fruits des bois de la société Sodiaal International, a commis des actes de contrefaçon des droits d'auteur de la société Sodiaal,

- dire que la société CB s'est également rendue coupable d'acte de concurrence parasitaire au préjudice de la société Sodiaal International,

- en conséquence, condamner la société CB à verser à la société Sodiaal International la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- autoriser la société Sodiaal International. à faire publier le dispositif de l'arrêt à intervenir aux frais de la société CB dans 5 revues ou journaux de son choix, sans que le coût total de ses insertions n'excède la somme de 15.000 euros (HT) ou sa contre-valeur en euros,

- condamner la société CB à verser à la société Sodiaal International la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Vu le redressement judiciaire de la société CB,

- fixer la créance de la société Sodiaal International au passif de la société CB pour un montant de 125.000 euros en principal,

- la condamner aux entiers dépens (...). "

La société Hassia Verpackungsmaschinen Gmbh, par des écritures en date du 6 février 2002 conclut en ces termes :

" Recevoir la société Hassia Verpackungsmaschinen Gmbh en ses présentes écritures et, l'y disant bien fondée, lui en adjuger l'entier bénéfice,

En conséquence,

A titre principal :

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté la société CB de son appel en garantie à l'encontre de la société Hassia Verpackungsmaschinen Gmbh;

A titre subsidiaire :

- déclarer que, les dispositions contractuelles liant les société Hassia Verpackungsmaschinen Gmbh et CB comportant explicitement une clause compromissoire au profit de la Chambre de Commerce Internationale, seule cette dernière a compétence pour connaître d'une demande de dommages et intérêts relative aux conséquences de leurs relations commerciales ; en conséquence, se déclarer incompétente en la matière et renvoyer la société CB à se mieux pourvoir;

- déclarer mal fondées les demandes de la société CB au motif qu'elles reposent sur les dispositions de la loi française alors que les dispositions contractuelles en cause se réfèrent explicitement à la compétence de la loi du vendeur, à savoir en l'espèce la loi allemande;

A titre très subsidiaire :

- déclarer que la société Hassia Verpackungsmaschinen GmbH n'a pas failli à son obligation de conseil à l'égard de la société CB en l'espèce, déclarer les demandes de la société CB de ce chef mal fondées ; en conséquence, rejeter les demandes de la société CB aux fins de se voir attribuer la somme de 18.500.000 F à titre de dommages et intérêts.

En tout état de cause :

- condamner la société CB à lui verser la somme de 10.000 euros au titre de l'application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- condamner la société CB aux entiers dépens de première instance et d'appel (...). "

Ceci exposé, LA COUR,

Sur la validité de la marque n° 95/552302 et sa contrefaçon :

Considérant que CB, la Selarl Bouffard-Mandon ès qualités et Me Gilles Sauterel ès qualités concluent à l'infirmation du jugement qui a retenu la validité de la marque tridimensionnelle n° 95/552302 en faisant valoir que celle-ci est dépourvue de tout caractère distinctif car la forme du conditionnement qui est son constituant exclusif est imposée par la nature du produit, répond à une fonction technique, est en outre la forme nécessaire pour produire un résultat industriel, dès lors qu'il existe un certificat d'utilité et un brevet européen visant la fabrication de tubes souples, parce qu'enfin, depuis de très nombreuses années divers produits alimentaires sont mis sur le marché dans des tubes souples semblables et notamment la moutarde, le ketchup, le café lyophilisé, les glaces à sucer etc... ;

Que Sodiaal International conclut à la confirmation du jugement qui a retenu que le modèle d'utilité allemand protégeait certaines caractéristiques techniques mais non la forme du sachet destiné à l'administration orale et au vidage de médicaments, qu'il n'était pas établi que la forme dont il était demandé protection à titre de marque était déjà utilisée par des distributeurs de lait ou de produits laitiers et que ladite marque présentait donc un caractère arbitraire pour désigner les produits visés dans l'enregistrement ;

Considérant que la marque tridimensionnelle n° 95/5523302 dont s'agit, déposée en couleur, est reproduite ci-dessous :

EMPLACEMENT TABLEAU

que le modèle de la marque la décrit comme consistant en un "conditionnement de forme tubulaire" et présente ce conditionnement dans une couleur blanche uniforme : qu'il est précisé que la marque est destinée à désigner les "lait et produits laitiers" ;

Considérant que la forme tubulaire déposée à titre de marque est une configuration géométrique de base qui, loin d'être inhabituelle ou de présenter un caractère de fantaisie, est au contraire banale sur le marché puisqu'il n'est pas contesté qu'elle était déjà employée en 1995 pour le sucre, la moutarde, le ketchup, le café lyophilisé et les glaces à sucer; que les glaces à sucer étant fréquemment des produits à base de lait, et le sucre étant un produit complémentaire des produits à base de lait, cette forme tubulaire usuelle déposée telle quelle, dans une couleur uniformément blanche sans décor ni inscription, ne peut être tenue pour distinctive pour désigner le lait et les produits laitiers parce qu'au regard de l'impression d'ensemble qui se dégage de la seule forme du tube litigieux, la marque ne permet pas au public concerné de distinguer les produits visés de ceux ayant une autre origine commerciale lorsqu'il est appelé à arrêter son choix lors d'un achat;

Considérant que par réformation du jugement la marque tridimensionnelle invoquée sera en conséquence annulée; qu'il va de soi que le grief de contrefaçon de marque sera corrélativement repoussé;

Sur la contrefaçon de droits d'auteur :

Considérant qu'alors qu'en première instance Sodiaal soutenait qu'était constitutive de contrefaçon artistique la reprise des caractéristiques essentielles de l'emballage du produit proprement dit et du conditionnement en carton, le tribunal a rejeté ses prétentions en ce qui concerne le conditionnement en carton, mais a retenu que l'un des sachets incriminés, celui des yaourts parfumés à l'abricot de CB, contrefaisait le décor du sachet servant à contenir le fromage frais à la pêche de la demanderesse;

Considérant que les appelants poursuivent la réformation du jugement de ce dernier chef en soutenant que leur adversaire ne peut s'approprier "l'emploi d'un fond monochrome avec des extrémités blanches purement fonctionnelles et la représentation des fruits contenus dans le produit"; que Sodiaal ne critique pas la décision entreprise en ce qu'elle a repoussé sa demande en contrefaçon des emballages en carton contenant les sachets individuels, mais forme appel incident pour réclamer que soient jugés contrefaisants tous les décors des sachets de yaourt de son adversaire;

Considérant que l'examen des sachets invoqués montre que loin de ne comporter -comme l'allèguent inexactement les appelants- qu'un fond monochrome avec des extrémités blanches purement fonctionnelles et la représentation des fruits, ils se caractérisent par la combinaison de la disposition des fruits en suspension sous un éclairage particulier et sur un fond de couleur rappelant le parfum du fruit dont le produit contient une partie de la pulpe, avec une inscription centrale associant les couleurs bleu roi et bleu marine; que cette combinaison de caractéristiques (que ne présente aucune réalisation antérieure versée aux débats) confère aux décors des sachets de Sodiaal une originalité portant l'empreinte de la personnalité de leurs créateurs et justifiant qu'ils soient protégés au titre du droit d'auteur;

Considérant qu'au-delà de différences accessoires (fruits représentés seulement sur la droite du sachet, qui comporte de l'autre coté un logo Chambourcy, parfums différents quoique proches, d'une part, fraise, framboise et abricot, d'autre part, fraise, fruits des bois - framboises, groseilles, mures- et pêche), tous les décors des sachets incriminés et non pas seulement comme l'a dit le tribunal ceux à l'abricot, apparaissent contrefaisants; qu'en effet l'examen de ces sachets incriminés fraise, framboise, abricot, pris chacun de manière globale conduit à retenir qu'ils reproduisent respectivement la combinaison des caractéristiques qui fait l'originalité des sachets fraise, fruits des bois et pêche de Sodiaal (disposition des fruits en suspension sous un éclairage particulier et sur un fond de couleur rappelant le parfum du fruit, combinée avec une inscription centrale associant précisément les mêmes couleurs bleu roi et bleu marine); que par réformation du jugement le grief de contrefaçon sera retenu également s'agissant des sachets incriminés destinés à contenir des produits à la fraise et aux framboises;

Sur la concurrence déloyale

Considérant que CB, la Selarl Bouffard-Mandon ès qualités et Me Gilles Sauterel ès qualités font valoir qu'aucune concurrence déloyale ne peut être retenue en l'espèce dès lors que le produit commercialisé par CB n'est pas un fromage frais mais un yaourt issu de l'agriculture biologique, qu'il serait radicalement différent en terme d'image et vendu dans un rayon particulier, qu'au demeurant les griefs qui sont faits quant à la présentation du produit (sachets plastiques et emballages cartons) sont ceux déjà utilisés au titre de la contrefaçon et sont dès lors inopérants

Considérant que Sodiaal International souligne le risque de confusion engendré par les très nombreuses ressemblances dans les emballages et le conditionnement retenus par CB et conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu la concurrence déloyale mais demande à la Cour d'ajouter à la décision entreprise en disant en outre que CB a cherché à s'inscrire dans son sillage, à profiter de ses importants investissements publicitaires et s'est ainsi rendue coupable d'agissements parasitaires ;

Considérant que la Cour adopte les motifs du tribunal qui a retenu que s'agissant dans les deux cas de produits à base de lait destinés aux enfants, dont il n'est pas démontré qu'ils seraient vendus dans des rayons différents, présentés dans un emballage ludique qui a pour but de faire consommer lesdits produits en dehors des repas en tous endroits, la reprise de l'ensemble des éléments principaux des conditionnements de Sodiaal, en particulier la présentation des sachets dans des emballages cartonnés pareillement dotés d'une fenêtre (qui n'est pas d'usage courant pour ces marchandises et n'a pas de nécessité fonctionnelle dans les emballages de CB où les produits des trois parfums proposés sont représentés sur l'une des faces de l'étui) traduisent la volonté manifeste de CB se rapprocher au plus près de la présentation générale du produit de la société concurrente et de créer une confusion destinée à s'approprier la clientèle attachée au produit commercialisé par cette dernière;

Considérant que la réparation intégrale des actes de concurrence déloyale incluant celle des faits qualifiés de parasitaires par Sodiaal, les critiques adressées par l'intimée au jugement ne sont pas fondées alors qu'il a retenu le grief de concurrence déloyale;

Que le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les mesures réparatrices :

Considérant que si le jugement est réformé sur la contrefaçon de marque, il l'est par ailleurs également en ce qu'il a n'a pas retenu la contrefaçon de deux des trois sachets incriminés; que mêmes si les éléments du préjudice ont ainsi été modifiés, la somme fixée par les premiers juges apparaît néanmoins, dans ces circonstances, réparer exactement, au vu actuel de l'ensemble des éléments de la cause, le dommage global subi par Sodiaal; que compte tenu de la mise en redressement judiciaire de l'appelante, une fixation de créance sera substituée à la condamnation à dommages intérêts;

Considérant que les mesures d'interdiction sous astreinte et de publication seront confirmées sous réserve des précisions apportées au dispositif ci-après;

Que le jugement sera confirmé en son principe en ce qu'il a alloué à Sodiaal Intenational une somme de 18.000 F sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, une fixation de créance étant substituée à la condamnation prononcée qu'en outre, la créance de cette société au titre des frais irrépétibles d'appel sera fixée à la somme de 2.500 euros ;

Sur la demande reconventionnelle de CB, de la Selarl Bouffard-Mandon ès qualités et de Me Gilles Sauterel ès qualités :

Considérant que les appelants étant déboutés de l'essentiel de leurs prétentions principales, leur demande reconventionnelle en dommages intérêts pour procédure abusive sera repoussée;

Sur la demande de garantie de la société Hassia Verpackungsmaschinen :

Considérant que les appelants reprochent à Hassia Verpackungsmaschinen de ne pas avoir averti CB des droits de propriété industrielle existant sur les tubes fabriqués au moyen de la machine vendue par elle;

Qu'Hassia Verpackungsmaschinen conclut à titre principal à la confirmation du jugement qui a débouté CB de toutes ses demandes à son encontre;

Considérant que les faits de contrefaçon et de concurrence déloyale qui ont été retenus à l'encontre de CB sont imputables à cette seule société à qui il incombait d'éviter toute confusion avec des produits déjà mis antérieurement sur le marché et qui ne peut donc rechercher utilement la garantie de la société qui a fourni la machine ayant servi à fabriquer les sachets litigieux ;

Que les appelants seront déboutés de toutes leurs demandes à l'encontre d' Hassia Verpackungsmaschinen et le jugement confirmé sur ce point ;

Considérant que, faute de justifier d'une déclaration de créance, Hassia Verpackungsmaschinen les demandes de condamnation formées par cette société à l'encontre de CB sont irrecevables;

Par ces motifs, Confirme le jugement sauf en ce qu'il a rejeté la demande de nullité de la marque n° 95/552302, retenu le grief de contrefaçon de celle-ci, repoussé les demandes en contrefaçon visant les sachets utilisés par CB pour le conditionnement de ses produits à la fraise et à la framboise, et prononcé des condamnations pécuniaires à l'encontre de la société CB; Réformant de ces seuls chefs statuant à nouveau et ajoutant: Prononce la nullité de la marque n° 95/552302, déposée le 5 janvier 1995; Dit que le présent arrêt sera transmis par le greffier à l'INPI pour transcription de ce chef au Registre national des marques; Déboute la société Sodiaal International de ses demandes en contrefaçon de marque; Dit qu'en fabriquant et vendant ses sachets de produits à la fraise et à la framboise la société CB a commis des actes de contrefaçon des décors des sachets de fromage frais à la fraise et aux fruits des bois commercialisés par la société Sodiaal International, et lui fait interdiction de poursuivre ces actes; Dit que les mesures de publication ordonnées par les premiers juges devront tenir compte du présent arrêt; Déclare irrecevables les demandes de condamnations pécuniaires formées par la société Hassia Verpackungsmaschinen; Dit qu'aux condamnations pécuniaires prononcées par le jugement au profit de la société Sodiaal International seront substituées des fixations de créances; Fixe à 2.500 euros la créance de la société Sodiaal International à l'encontre des appelants au titre de ses frais irrépétibles d'appel ; Dit que les dépens d'appel resteront à la charge des appelants; Dit n'y avoir lieu à distraction des dépens.