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Décisions

Cass. com., 22 mai 2002, n° 99-21.579

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

La Redoute catalogue (SA)

Défendeur :

Moreno, Carrasset-Marillier (ès qual.), SLD (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Dumas

Rapporteur :

M. Métivet

Avocat général :

M. Viricelle

Avocats :

SCP Gatineau, Me Bertrand.

TGI Paris, 3e ch., 1re sect., du 26 juin…

26 juin 1996

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 octobre 1999), que la société SLD (la SLD) commercialisait sous la marque Bodylin concédée par son propriétaire M. Gilbert Moreno, des articles de sport, dont un espalier de porte ; qu'en 1992 et 1993, la société La Redoute catalogue (La Redoute) s'est approvisionnée auprès de la SLD et a commercialisé les espaliers de porte de cette société sous la marque " Bodylin ", accompagnés d'une notice réalisée par M. Gilbert Moreno ; qu'à compter de son catalogue " printemps-été 1994 ", La Redoute a retiré le produit Bodylin de son catalogue pour offrir à sa clientèle un produit concurrent qu'elle a commercialisé sous sa propre marque " Ready " ; que reprochant à La Redoute une substitution de marque en raison des ventes réalisées à partir du catalogue " automne-hiver 93-94 " et dénonçant des actes de contrefaçon et de concurrence déloyale à leur égard, la SLD et M. Moreno l'ont assignée en réparation de leur préjudice ;

Sur le premier moyen : - Attendu que La Redoute fait grief à l'arrêt d'avoir dit qu'elle avait commis des actes de contrefaçon à l'encontre de M. Moreno et de l'avoir en conséquence condamnée à payer à ce dernier la somme de 200 000 francs, alors, selon le moyen, que seul le préjudice certain et direct est réparable ; que la seule existence de la faute n'entraîne pas existence du préjudice qui doit être démontrée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a réparé un préjudice prétendument patrimonial subi par M. Moreno ; que, cependant, elle avait elle-même reconnu que l'éventuelle copie ne concernait qu'une partie de la notice litigieuse, et avait simplement consisté en la reprise de quelques photographies et de légendes ; qu'en tout état de cause, la contrefaçon subie par M. Moreno était symbolique, eu égard tant à l'originalité très relative de la seule partie de la notice arguée de contrefaçon, qu'à l'absence de réelle valeur marchande de cette notice ; que la cour d'appel, qui a cependant condamné la société La Redoute à verser la somme de 200 000 francs à M. Moreno, en réparation d'un préjudice tant moral que patrimonial, sans avoir aucunement caractérisé, ne fût-ce sommairement, l'existence d'un préjudice patrimonial certain, autre que symbolique, subi par M. Moreno, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil et du principe de la réparation intégrale ;

Mais attendu qu'ayant décidé que La Redoute avait commis un acte de contrefaçon à l'égard de M. Moreno, la cour d'appel, qui a souverainement apprécié le montant du préjudice en résultant dont elle a justifié l'existence par l'évaluation qu'elle en a fait, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen : - Attendu que La Redoute fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer la somme de 250 000 francs au liquidateur de la société SLD au titre de la concurrence déloyale, alors, selon le moyen, que seul le préjudice certain est réparable ; qu'en matière de concurrence déloyale, il appartient au demandeur d'établir la réalité de la perte subie et du gain manqué par lui du fait des agissements prétendus fautifs ; qu'il lui appartient également de manière obligatoire d'établir le lien de causalité existant entre la faute et le dommage allégués ; que les juges du fond quant à eux doivent caractériser dans leur décision les conditions de l'octroi de dommages-intérêts, et en particulier le lien de causalité, sans lequel toute réparation est exclue ; qu'en l'espèce, dans la mesure où il était constant que la notice litigieuse considérée comme contrefaisante était vendue à l'intérieur du paquet envoyé par La Redoute à ses clients, lesquels ne la découvraient qu'après avoir acquis l'appareil de gymnastique, il était en soi impossible que l'utilisation de la notice par la société La Redoute ait provoqué le moindre parasitisme au détriment de la société SLD, ni la moindre confusion ou captation de clientèle ; que n'existait donc aucun lien de causalité entre les agissements reprochés à La Redoute et un prétendu dommage subi par la société SLD, dont cette dernière ne justifiait d'ailleurs à aucun moment ; que la cour d'appel, qui n'a aucunement caractérisé l'existence du préjudice, ni surtout le lien de causalité nécessaire avec le fait de la société La Redoute, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil et du principe de la réparation intégrale ;

Mais attendu qu'ayant constaté que La Redoute avait fait, grâce à la contrefaçon, l'économie des frais d'établissement de la notice destinée à accompagner la vente des produits de marque Ready commercialisés par la société SLD, caractérisant ainsi le comportement parasitaire de cette société dont il est nécessairement résulté un préjudice fût-il seulement moral, pour la société SLD et dont elle a souverainement apprécié le montant, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : Rejette le pourvoi.