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Décisions

Cass. com., 6 mai 2002, n° 00-13.657

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Ambulances Favier (SA)

Défendeur :

Ambulances Gérard Drouard (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Rapporteur :

Mme Champalaune

Avocat général :

M. Feuillard

Avocats :

SCP Defrenois, Levis, SCP Cécile, Blancpain, Soltner.

Cass. com. n° 00-13.657

6 mai 2002

LA COUR : Vu la communication faite au Procureur général : - Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Amiens, 11 janvier 2000), que les sociétés Ambulances Gérard Drouard (société Drouard) et Ambulances Favier (société Favier) exploitent une activité de transports sanitaires ; que la première, qui exerçait son activité notamment au titre d'une convention signée avec le centre hospitalier de Château-Thierry, comptait huit chauffeurs ; qu'à compter du 14 mars 1993, le marché public du centre hospitalier de Château-Thierry a été confié à la société Favier aux lieu et place de la société Drouard ; que quatre chauffeurs, liés par une clause de non-concurrence avec la société Drouard ont démissionné et ont été embauchés par la société Ambulances les saules dirigée par M. Favier laquelle les a mis disposition de la société Favier ; que la société Drouard a alors assigné la société Favier en paiement de dommages-intérêts sur le fondement de la concurrence déloyale en lui reprochant le recrutement de ses anciens chauffeurs ;

Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches : - Attendu que la société Favier fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée au paiement d'une certaine somme à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen : 1. qu'a la qualité d'employeur la société qui exerce son autorité sur le salarié et un contrôle sur son activité, ce dernier se trouvant placé dans un état de subordination, peu important l'affectation du salarié à une autre société ; qu'en l'espèce, en ne recherchant pas, bien qu'y étant invitée, si les salariés mis à la disposition des Ambulances Favier n'étaient pas restés en état de subordination à l'égard de la société Les Saules et si celle-ci n'avait pas continué à exercer son autorité sur eux et à contrôler leur activité même après leur mise à disposition de la société Ambulances Favier, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 122-1 du Code du travail ; 2. qu'en toute hypothèse, ni l'embauche à une même période de plusieurs salariés d'un concurrent, tous démissionnaires, ni l'attribution à ce personnel de fonctions identiques dans un même secteur, ni le transfert d'une part importante de clientèle et, par conséquent, la chute du chiffre d'affaires, ne caractérisent l'existence de manœuvres déloyales ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ; 3. qu'en toute hypothèse, d'autre part, n'est pas constitutive de concurrence déloyale l'embauche d'un salarié tenu par une clause de non-concurrence, lorsque le nouvel employeur ignore cette clause ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ; 4. qu'en toute hypothèse, enfin, il résulte des constatations souveraines de l'arrêt que les quatre démissions litigieuses et les ré embauchages qui s'en sont suivis sont une conséquence directe de la prise en charge du contrat public au 15 mars 1993 ; qu'il s'ensuit que l'embauche du personnel démissionnaire ne pouvait constituer une faute ; qu'en décidant le contraire, la cour d' appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant énoncé que l'identification de l'employeur s'opère par l'analyse du lien de subordination et qu'est employeur celui au profit duquel le travail est accompli et sous l'autorité et la direction duquel le salarié exerce son activité, et constaté que les anciens salariés travaillaient à Château-Thierry pour la société Favier ce dont elle a déduit sa qualité d'employeur, la cour d'appel a effectué la recherche prétendument omise ;

Et attendu, en second lieu, que l'arrêt retient, par motifs propres, que la société Ambulances des saules avait mis à disposition de la société Favier quatre chauffeurs de la société Drouard en violation des clauses de non-concurrence contenues dans leurs contrats de travail et relève, par motifs adoptés, l'artifice de faire intervenir une société proche avec "similitude" de direction ; qu'ayant ainsi fait ressortir la connaissance qu'avait la société Favier de l'existence des clauses de non-concurrence, et dès lors que la seule nécessité invoquée par la société Favier de recruter des chauffeurs à la suite de l'obtention d'un marché public ne peut constituer un fait justifiant l'emploi de salariés liés par de telles clauses, la cour d'appel a justement décidé que l'embauche de ces chauffeurs était fautive, sans avoir à caractériser l'existence d'autres agissements ; Qu'il suit de là que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Mais sur le second moyen, pris en sa second branche : Vu l'article 1382 du Code civil : - Attendu que pour condamner la société Drouard à payer la somme de 375 689 francs à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient, par motifs propres, que les premiers juges ont justement fixé le préjudice à cette somme par des motifs que la cour adopte et, par motifs adoptés, qu'à défaut d'autres éléments, le préjudice sera fixé à un forfait de 50 % ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du second moyen : Casse et Annule, mais seulement en ce qu'il a fixé à la somme de 375 689 francs le montant des dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 11 janvier 2000, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ; Condamne la société Ambulances Gérard Drouard aux dépens ; Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de la société Ambulances Gérard Drouard et de la société Ambulances Favier ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six mai deux mille deux.