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Décisions

CA Nîmes, 2e ch. B, 28 février 2002, n° 01-3182

NÎMES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Décathlon (SA)

Défendeur :

Syndicat du Textile et de la Nouveauté de Nîmes et du Gard

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Espel

Conseillers :

MM. Bancal, M. Bertrand

Avoués :

SCP Tardieu, SCP Aldebert Pericchi

Avocats :

Mes Pecnard, Chabannes.

T. com. Nîmes, du 8 juin 2001

8 juin 2001

Faits et procédure :

Reprochant à la SA Décathlon d'avoir ouvert, sans autorisation, le dimanche 9 juillet 2000, son magasin de Nîmes, le Syndicat du Textile et de la Nouveauté de Nîmes et du Gard, a fait assigner cette Société, par acte du 13 novembre 2000, devant le Tribunal de commerce de Nîmes, en invoquant des faits de concurrence déloyale, et en sollicitant sa condamnation à lui payer la somme de 300.000 F à titre de dommages et intérêts, outre 15.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, avec exécution provisoire.

Par jugement rendu le 8 juin 2001, les Juges consulaires de Nîmes ont :

- déclaré recevable l'action du Syndicat,

- dit que la SA Décathlon avait commis un acte de concurrence déloyale,

- condamné celle-ci à payer au Syndicat du Textile et de la Nouveauté de Nîmes et du Gard :

-- 300.000 F à titre de dommages et intérêts,

-- 3.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- avec exécution provisoire.

Le 9 août 2001 la SA Décathlon interjetait appel.

Elle saisissait, en outre, le Premier Président de la Cour de ce siège, afin d'obtenir un arrêt de l'exécution provisoire. Cette demande était rejetée par ordonnance du 9 novembre 2001.

Prétentions des parties :

Par conclusions signifiées le 26 octobre 2001, la SA Décathlon soulève, à titre principal, l'irrecevabilité de l'action du Syndicat, au motif, que la SA Décathlon et le Syndicat opèrent dans des secteurs d'activité différents, et que le Syndicat n'est donc pas susceptible de voir ses intérêts lésés par l'ouverture dominicale de la SA Décathlon, et sollicite donc l'infirmation du jugement. A titre subsidiaire, la SA Décathlon estime qu'aucun préjudice n' a été subi par le Syndicat et demande l'infirmation.

En toute hypothèse, elle sollicite la condamnation de l'intimé, à lui payer la somme de 30.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Un bordereau récapitulatif de pièces est annexé aux dites écritures.

Par conclusions signifiées le 11 janvier 2002, le Syndicat du Textile et de la Nouveauté de Nîmes et du Gard sollicite la confirmation, et la condamnation de la SA Décathlon à lui payer la somme de 3.000 Euros au titre de l'article de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Motifs de la décision :

Sur la recevabilité :

La recevabilité des appels n'est ni contestable, ni contestée.

Un syndicat professionnel a, en application des dispositions de l'article L. 411-2 du Code du Travail, qualité pour agir, à l'occasion de faits de nature à causer un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession.

Alors que la SA Décathlon vend, dans son magasin de Nîmes, des articles textiles, le Syndicat du Textile et de la Nouveauté de Nîmes et du Gard, dont la qualité de syndicat professionnel n'est nullement contestée, a bien qualité pour invoquer en justice, une violation des dispositions de l'article L. 221-5 du Code du Travail, concernant te repos dominical, violation constituant, selon lui, un acte de concurrence illicite, portant atteinte à l'intérêt collectif de la profession qu'il représente.

Contrairement, à ce qu'allègue la SA Décathlon, qui semble soulever une fin de non recevoir, tirée du défaut d'intérêt pour agir, ou du défaut de qualité pour agir, cette Société n'établit nullement la violation des dispositions des articles 31 du Nouveau Code de Procédure Civile, et L 411-11 du Code du Travail.

C'est donc à juste titre que les premiers Juges ont déclaré recevable l'action du Syndicat.

Sur la concurrence illicite :

En ouvrant son magasin de Nîmes, sans autorisation municipale, le dimanche 9 juillet 2000, la SA Décathlon a rompu l'égalité voulue par la loi, entre les commerçants vendant du textile sur la région du Nîmes, au préjudice de ceux respectant les règles légales, et a faussé le jeu normal de la concurrence et du marché.

Si la SA Décathlon estime être de bonne foi, la Cour relève :

- qu'elle est un professionnel du négoce,

- qu'elle ne peut dénier avoir connaissance de la réglementation applicable, notamment pour l'ouverture dominicale, et disposer d'un service juridique, apte à conseiller utilement les responsables des différents magasins.

Au surplus, l'avis favorable du comité d'établissement de la région méditerranée de cette Société, ne fait nullement disparaître la violation d'une obligation légale, dûment fixée par le Code du Travail.

L'ouverture du magasin de Nîmes de la SA Décathlon, intervenue le dimanche 9 juillet 2000, en période de soldes, au début des vacances d'été, a donné à cette Société, un avantage économique et commercial certain, au détriment des commerçants vendant du textile et respectant la réglementation applicable.

D'après les documents que produit la SA Décathlon elle-même (pièces 8 et 13), elle a ouvert son supermarché, de 9 heures à 20 heures, a employé, ce jour-là, 52 personnes non cadres, et aurait eu un chiffre d'affaires total de 251.378 F, dont 110.355 F au titre du textile, soit 1.497 articles vendus. Même si la Cour peut regretter qu'aucun document certifié par des professionnels du chiffre, n'ait été produit par la SA Décathlon, il n'est pas contesté que cette Société ait réalisé, ce jour-là, un chiffre d'affaires significatif au titre de la vente d'articles textiles.

Le Syndicat du Textile et de la Nouveauté de Nîmes et du Gard, représentant des commerçants vendant du textile sur la région de Nîmes, peut donc invoquer, à juste titre, l'existence du préjudice tant moral que matériel, subi par les membres qu'il représente ; ce préjudice résulte de la violation d'une disposition légale, d'une atteinte aux règles de la concurrence, et de la vente de produits textiles, un dimanche, sur un segment de marché où les autres commerçants respectaient le jour de fermeture légale. Compte tenu des explications données, et des pièces produites, le syndicat justifie donc d'un préjudice résultant de l'attitude fautive de la SA Décathlon, qui doit être indemnisé à hauteur de 15.250 Euros.

Le jugement déféré sera donc partiellement confirmé en ce qu'il a retenu l'attitude fautive de la SA Décathlon, estimé qu'il en résultait un préjudice pour le Syndicat, mais réformé quant au montant des dommages et intérêts.

Sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile :

En première instance, l'équité commandait d'allouer au Syndicat, une indemnité au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

En cause d'appel, il paraît également inéquitable de lui laisser supporter, la charge de ses frais irrépétibles, et il convient de lui allouer une somme supplémentaire de 1.200 Euros, au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

En revanche, alors que la SA Décathlon a eu un comportement fautif, à l'origine d'un préjudice, l'équité ne commande nullement de lui allouer la moindre somme, au titre des dispositions précitées.

Sur les dépens :

Compte tenu des circonstances de la cause, la SA Décathlon supportera les dépens.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement ; Reçoit les appels ; Confirme le jugement déféré, sauf à réduire à 15.250 Euros le montant des dommages et intérêts dû par la SA Décathlon, au Syndicat du Textile et de la Nouveauté de Nîmes et du Gard ; Y ajoutant, Condamne la SA Décathlon, à payer au Syndicat du Textile et de la Nouveauté de Nîmes et du Gard, la somme de 1.200 Euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Condamne la SA Décathlon aux dépens d'appel, et autorise la SCP Aldebert Pericchi, avoués, à les recouvrer, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.