CA Paris, 3e ch. C, 5 février 2002, n° 2000-01954
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Dauphin OTA (SA)
Défendeur :
Decaux Publicité Extérieure (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Albertini
Conseillers :
Mme Le Jan, M. Bouche
Avoués :
SCP Narrat-Peytavi, SCP Dauthy-Naboudet
Avocats :
Mes Gravier, de Constanza.
Vu l'appel relevé par la société Dauphin OTA du jugement, rendu le 22 octobre 1999 par le tribunal de commerce de Paris, qui
- dit que l'installation du mobilier de la société Dauphin OTA sur le terrain de Mme Dillenschneider a été faite en toute connaissance des droits acquis antérieurement par la société Decaux publicité extérieure, et constitue un acte de concurrence déloyale,
- ordonne la dépose du mobilier de la société Dauphin OTA, sous astreinte de deux mille francs par jour de retard à compter du dixième jour qui suivra la signification,
- autorise la société Decaux publicité extérieure, dans l'hypothèse où la société Dauphin OTA ne s'exécuterait pas dans un délai de quarante jours après la signification, à procéder elle-même au démontage du dispositif litigieux et à la remise en état de l'emplacement loué, aux frais de la société Dauphin OTA,
- condamne la société Dauphin OTA à payer à la société Decaux publicité extérieure la somme de 100.000 francs à titre de dommages et intérêts et celle de 10.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Vu les dernières conclusions déposées au greffe le 26 février 2001 pour la société Dauphin OTA, appelante, qui prie la cour, par voie de réformation, de rejeter l'ensemble des demandes de la société Decaux publicité extérieure et de condamner celle-ci à lui verser la somme de 70.000 francs à titre de dommages et intérêts et celle de 10.000 francs par application de l'article 00 du nouveau code de procédure civile ;
Vu les conclusions déposées au greffe le 22 août 2000 pour la société Decaux publicité extérieure, intimée, qui prie la cour de :
- constater qu'elle a pris à bail l'emplacement sur la propriété de Mme Lemasson et de la société Proliance selon contrats du 28 janvier 1998, l'installation de son " mobilier ", étant prévue le 10 août 1998,
- constater que l'emplacement était précédemment loué par la société Dauphin qui a vu son bail régulièrement dénoncé par les bailleurs et qui s'est engagée à déposer son " mobilier publicitaire " le 10 août 1998 ;
- constater que la société Decaux publicité extérieure a conclu le 22 février 1998 un accord de droit de passage avec Mme Dillenschneider moyennant le versement d'une redevance annuelle de 2.000 francs,
- constater que la société Decaux publicité extérieure a déposé un dossier de déclaration préalable auprès de la mairie de Nantes le 9 avril 1998,
- constater que la société Dauphin s'est positionnée sur le terrain voisin sis 104-106 route de Vannes à Mantes selon un contrat postérieur,
- constater que la société Dauphin a été informée des droits acquis par la société Decaux publicité extérieure dès le 11 mai 1998,
- constater que la société Dauphin a attendu le 1er juillet 1998 pour procéder à la dépose de son " mobilier publicitaire " , soit plus de trois mois après le délai contractuellement prévu,
- constater que l'installation du " mobilier " de la société Dauphin sur le terrain de Mme Dillenschneider effectuée délibérément et en toute connaissance de cause au mépris des droits acquis antérieurement par la société Decaux publicité extérieure, constitue un acte de concurrence déloyale " au sens de l'article 1382 du code civil " ;
- confirmer en conséquence le jugement déféré, rejeter toutes des demandes de la société Dauphin et condamner cette dernière au paiement de la somme de 30.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Sur ce, LA COUR
Considérant que par contrats signés les 16 et 24 avril 1997, M. Cognée et Mme Lemasson ont donné à bail à la société Dauphin OTA le mur pignon de la maison dont ils étaient copropriétaires à Nantes 100 route de Vannes, pour y installer un panneau d'affichage publicitaire ;
Considérant que M. Cognée ayant vendu son bien à la société Proliance, celle-ci et Mme Lemasson, ont par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 6 février 1998, signifié à la société Dauphin OTA qu'ils entendaient se prévaloir de la clause du contrat de vente les autorisant, selon les termes de leur lettre, à résilier à tout moment le bail moyennant un préavis de trois mois ; qu'ils invitaient la société Dauphin OTA à leur confirmer son accord pour cesser son exploitation, déposer son panneau et remettre en état le support dans les meilleurs délais ;
Considérant que suivant contrats en date du 28 janvier 1998, la société Proliance et Mme Lemasson avaient donné à bail, le même mur pignon à la société Decaux publicité extérieure, pour y installer " un mobilier publicitaire " ;
Considérant que ce mur étant en limite séparative de propriété et contigu à l'immeuble appartenant à Mme Dillenschneider, lui même situé 104 / 106 route de Vannes, la société a conclu avec cette dernière une convention, en date du 22 février 1998, qui lui conférait un droit de passage sur la propriété de sa cocontractante ;
Considérant que le 17 juin 1998, Mme Dillenschneider a donné à bail à la société Dauphin OTA un emplacement de parking, voisin de l'immeuble appartenant à la société Proliance et à Mme Lemasson, pour y installer un panneau portatif trivision ; que cette installation, entreprise le 30 juin 1998, a été achevée le lendemain par le montage d'un panneau publicitaire masquant de manière quasi totale le mur pignon de l'immeuble sis au numéro 100 de la route de Vannes (faits constatés par procès-verbal dressé les 30 juin et 1er juillet 1998 par Me Jean-Jacques Hulaud, huissier de justice) ;
Considérant que telles sont les circonstances dans lesquelles la société Decaux publicité intérieure a par assignation à bref délai en date du 29 janvier 1999, demandé au tribunal, notamment, de dire que l'installation du mobilier de la société Dauphin sur le terrain de Mme Dillenschneider constitue un acte de concurrence déloyale, d'en ordonner la dépose sous astreinte et de condamner la société Dauphin à lui verser la somme de 122.960,54 francs au titre de son préjudice commercial d'exploitation, celle de 20.000 francs pour préjudicie moral et celle de 10.000 francs par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Considérant que le tribunal a rendu le jugement déféré ;
Considérant qu'il résulte du constat dressé par Me Hulaud, huissier de justice, que le panneau litigieux a été démonté que le 28 décembre 1999 ;
Considérant qu'au soutien de son appel la société Dauphin OTA fait valoir que l'existence du bail consenti par la société Proliance et Mme Lemasson à la société Decaux publicité extérieure, n'a été portée à sa connaissance que le 2 juillet 1998 tandis que, selon elle, celle du bail que lui a consenti Mme Dillenschneider a été dénoncée à la société Decaux publicité extérieure dès le 13 mai 1998 ; qu'elle en déduit qu'il ne saurait lui être reproché d'avoir monté le panneau litigieux en toute connaissance de ce qu'elle agissait en violation des droits de cette dernière ;
Considérant que la lettre par laquelle Decaux publicité extérieure informait la société Dauphin OTA de la signature du bail conclu avec Mme Lemasson et la société Proliance a été expédiée sous forme de pli recommandé avec demande d'avis de réception le 1er juillet 1998 à 17 h 45 et par télécopie le même jour à 9 heures 26 ; que la société Decaux publicité intérieure s'abstient de verser aux débats l'accusé de réception attestant de la date de la remise effective du pli à son destinataire ; que si le courrier recommandé n'a pu, dans la meilleure des hypothèses, parvenir à la société Dauphin OTA que le lendemain de son expédition, il n'en reste pas moins qu'elle a reçu la télécopie le 1er juillet 1998 à 9 h 27 comme l'établit le rapport d'émission versé aux débats ; qu'à cette heure, comme en fait foi le procès-verbal de l'huissier de justice dressé le même jour, les travaux de montage étaient en cours et qu'il lui était encore possible de les interrompre et d'y renoncer ;
Considérant qu'ayant pris le parti dans de telles conditions de les parachever, puis de refuser de démonter le panneau sur pieds ainsi érigé, alors qu'elle savait pour avoir été le précédent locataire du mur pignon de l'immeuble implanté 100 route de Vannes, nouvellement loué à la société Decaux, que l'érection sur le terrain voisin appartenant à Mme Dillenschneider, était de nature à masquer, pour une large part, à la vue des passants la publicité de son concurrent dont elle connaissait les droits, la société Dauphin OTA ne saurait utilement soutenir avoir agi de bonne foi ;
Considérant que rien n'étaye les allégations de la société Dauphin OTA selon lesquelles Decaux publicité extérieure aurait elle même fait montre de déloyauté en incitant ses anciens bailleurs à résilier le bail en leur faisant miroiter la perspective d'un contrat financièrement plus profitable ;
Considérant que la société Decaux publicité extérieure est dès lors fondée à soutenir que les agissements de l'appelante constituent des actes de concurrence déloyale à son détriment dont elle doit réparer les conséquences dommageables ;
Considérant que la société Dauphin OTA n'apporte aucun élément de nature à combattre l'estimation retenue par les premiers juges laquelle est de nature à réparer exactement le préjudice subi ;
Considérant que l'équité commande d'allouer à la société Decaux publicité intérieure la somme de 2.286 Euros, au titre de ses frais non taxables d'appel ;
Par ces motifs, Confirme le jugement déféré, Condamne la société Dauphin OTA à verser à la société Decaux publicité intérieure la somme de 2.286 Euros au titre de ses frais non taxables d'appel, Condamne la société Dauphin OTA aux dépens d'appel lesquels pourront être recouvrés par la SCP Dauthy - Naboudet, avoué, dans les conditions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.