CA Paris, 4e ch. A, 30 janvier 2002, n° 2000-07643
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Porsche AG (AG)
Défendeur :
Targa Service (Srl)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Marais
Conseillers :
Mmes Magueur, Rosenthal-Rolland
Avoués :
SCP Narrat Peytavi, Me Bruno Nut
Avocats :
Mes Dauquaire, Kopacz, Stenger.
La société Porsche AG est titulaire de la marque internationale verbale "Targa" visant la France, déposée le 16 juin 1991, en renouvellement d'un enregistrement antérieur du 16 juin 1971, enregistrée sous le numéro R 379 525, pour désigner les automobiles et leurs parties, produits relevant de la classe 12.
La société Targa Services SRL est propriétaire de la marque internationale semi-figurative "Targa Services" déposée le 7 septembre 1998, enregistrée sous le numéro 699 365, visant la France, pour désigner les services suivants : publicité, gestion des affaires commerciales, administration commerciale, travaux de bureau, assurances, affaires financières, affaires monétaires, affaires immobilières, construction, réparation, services d'installation, télécommunications, transport, emballage et entreposage de marchandises, organisation de voyages, traitement de matériaux, éducation, formation, divertissement, activités sportives et culturelles, relevant des classes 35, 36, 37, 38,39, 40 et 41.
Estimant que le dépôt de cette marque portait atteinte à ses droits antérieurs sur la marque "Targa", la société Porsche a saisi le tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir constater des actes de contrefaçon de marque et des agissements parasitaires.
Par jugement du 15 octobre 1999, le tribunal a :
- dit que l'enregistrement international de la marque "Targa Services" pour désigner des services de construction et de réparation en ce qu'il vise la France, constitue des actes de contrefaçon de la marque Targa n° R 379 525 dont est titulaire la société Porsche,
- prononcé pour la France la nullité de l'enregistrement de la marque Targa Services n° 699 365 pour les services de construction et de réparation,
- interdit à la société Targa Service de faire usage de cette marque en France pour les produits susvisés, sous astreinte de 1.000 F par infraction constatée, à compter de la signification du jugement,
- condamné la société Targa Service à verser à la société Porsche la somme de 30.000 F à titre de dommages-intérêts ainsi que celle de 15.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- dit que le jugement sera transmis à l'INPI sur réquisition du greffier pour transmission au bureau international de l'OMPI,
- débouté la société Porsche du surplus de sa demande,
- condamné la société Targa Service aux dépens.
LA COUR,
Vu l'appel de cette décision interjeté le 25 février 2000 par la société Porsche et le 6 avril 2000 par la société Targa Services;
Vu les dernières écritures signifiées le 26 novembre 2001 par lesquelles la société Porsche demande à la Cour de :
- prononcer la déchéance des droits de la société Targa Services sur l'enregistrement de marque "Targa Services" N° 699 365 du 7 septembre 1998,
- infirmer partiellement le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de son action en contrefaçon ou imitation illicite au regard de l'enregistrement "Targa Services" couvrant les services de publicité, gestion des affaires commerciales, administration commerciale, travaux de bureau, assurances, affaires financières, affaires monétaires, affaires immobilières, services d'installation, télécommunications, transport, emballage et entreposage de marchandises, organisation de voyages, traitement de matériaux, éducation, formation, divertissement, activités sportives et culturelles,
- infirmer partiellement le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de son action pour agissements parasitaires,
- porter le montant de l'astreinte à 50.000 F par infraction constatée et le montant des dommages-intérêts à 300.000 F,
- condamner solidairement la société Targa Services et les sociétés Fiat Auto à lui payer la somme de 50.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Vu les dernières conclusions signifiées le 22 novembre 2001 aux termes desquelles la société Targa Services, relevant qu'elle a renoncé partiellement pour la portion française de sa marque, sous la forme de suppression ou de limitation de services, sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les prétentions de la société Porsche AG et son infirmation pour le surplus, au vu du dernier état de l'enregistrement, et demande à la Cour de condamner la société Porsche à lui verser la somme de 50.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Sur quoi,
- Sur la déchéance des droits de la société Targa Services sur la marque "Targa Services" :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 714-5 du CPI, encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans 1 'enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans,
Considérant que la société Porsche est irrecevable à opposer la déchéance pour non-usage de la marque "Targa Services" déposée le 7 septembre 1998, le délai de cinq ans prévu à l'article L. 714-5 du Code de la Propriété Intellectuelle n'étant pas entièrement expiré à ce jour ; que le fait que les services désignés dans ces enregistrements soient identiques à ceux visés dans des enregistrements précédents déposés par la société Fiat Auto est inopérant dès lors qu'il s'agit de signes distincts appartenant à des personnes morales distinctes.
- Sur la contrefaçon :
Considérant que la marque "Targa Services" ne constituant pas la reproduction à l'identique de la marque "Targa", il convient de rechercher s'il existe entre ces deux dénominations un risque de confusion ; que ce risque doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce ; que cette appréciation globale doit être fondée sur l'impression d'ensemble produite par celles-ci en tenant compte de leurs éléments distinctifs dominants ;
Considérant que l'adjonction du terme "services", évocateur voire descriptif s'agissant d'une marque recouvrant une offre de services multiples, ne fait pas perdre au vocable "Targa" son caractère distinctif; que placé en position d'attaque, il demeure l'élément essentiel de la marque seconde et lui confère à lui seul son pouvoir attractif ;
Considérant que les services de construction et de réparation visés dans le libellé initial de l'enregistrement de la marque seconde apparaissent comme complémentaires des automobiles et leurs parties couverts par le dépôt antérieur ; qu'en effet, le consommateur qui est habitué à faire procéder aux réparations de son véhicule automobile auprès du concessionnaire qui le lui a vendu, leur attribuera la même origine ; que la limitation, inscrite par la société Targa Service le 22 juin 2000, aux services de réparation de véhicules en panne sur le lieu de la panne, est sans incidence sur le risque de confusion s'agissant toujours de remise en état de véhicules ;
Considérant en revanche qu'il n'existe pas de lien étroit entre d'une part, les automobiles et d'autre part, les services de publicité, gestion des affaires commerciales, administration commerciale, travaux de bureau, assurances, affaires financières, monétaires et immobilières, les services d'installation, les télécommunications, l'emballage et entreposage de marchandises, l'organisation de voyages, le traitement de matériaux, l'éducation et la formation visés dans l'enregistrement second, qui concernent des activités économiques de nature différente, assurées par des prestataires distincts, même si les constructeurs d'automobiles sont susceptibles de proposer ponctuellement certains de ces services ;
Considérant que le seul fait que l'automobile constitue un moyen de transport est insuffisant pour relever une similarité entre ce produit et les services de transport au sens large ;
Considérant que si les véhicules automobiles que construit la société Porsche participent à des compétitions sportives, il n'est pas établi que le public opère un rapprochement entre le modèle précis de véhicule de type coupé Targa et les activités sportives et culturelles visées dans l'enregistrement de la marque "Targa Services" ;
Qu'il s'ensuit que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a estimé que la société Targa Service avait commis des actes de contrefaçon en déposant la marque "Targa Services" pour désigner les services de construction et de réparation.
- Sur les agissements parasitaires :
Considérant que la société Porsche soutient que l'automobile Targa est l'une des plus prestigieuses dans le monde, que cette dénomination, empreinte d'une image de luxe, de vitesse et de performance, est particulièrement attractive sur le marché automobile et que la société Targa Services en s'emparant de cette image et en l'utilisant pour ses propres produits a eu un comportement constitutif de parasitisme ;
Considérant qu'il ressort des extraits de magazines spécialisés dans le domaine de l'automobile produits aux débats que le véhicule de type coupé, à toit rigide amovible, Targa figure parmi les modèles prestigieux de la société Porsche depuis de nombreuses années, de telle sorte que la société Targa Service, en sa qualité de professionnel dans le domaine de l'automobile, ne pouvait méconnaître l'usage constant fait de cette dénomination par la société Porsche pour désigner un des modèles de sa gamme;
Qu'il n'est pas en revanche établi que cette dénomination jouit auprès du public français d'une renommée qui le conduit à l'associer immédiatement aux produits de cette société et à l'image de luxe qui s'y attache; qu'en effet, les états d'immatriculation de voitures particulières produits aux débats par la société Fiat démontrent que la vente de ce type de véhicule en France a toujours revêtu un caractère confidentiel (53 véhicules vendus entre 1996 et 1998) ; qu'en outre, il résulte du sondage réalisé par les instituts Taylor Nelson et Sofres au mois de novembre 1998, versé aux débats par la société Fiat, dont les résultats ne sont pas contestés par la société Porsche, que sur les 10,7 % de personnes interrogées connaissant la dénomination Targa, seuls 2,3 % ont identifié le modèle de la société Porsche; que la société Porsche ne rapporte donc pas la preuve qu'en faisant usage de cette dénomination pour désigner une carte de crédit proposant une gamme de services aux automobilistes, la société Targa Service a cherché à tirer profit des investissements réalisés pour promouvoir le modèle Targa;
Qu'il s'ensuit que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté ce grief.
- Sur les mesures réparatrices :
Considérant que la marque litigieuse n'étant pas exploitée sur le territoire français, les premiers juges ont exactement évalué le préjudice subi par la société Porsche du fait de l'atteinte portée à la valeur patrimoniale de sa marque en lui allouant la somme de 30.000 F à titre de dommages-intérêts ;
Considérant que les mesures d'interdiction prononcées doivent être confirmées pour mettre un terme aux agissements illicites ;
Que la demande de nullité de l'enregistrement pour les services de construction est devenue sans objet, la société Targa Service ayant renoncé à ceux-ci le 22 juin 2000 ; qu'il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la nullité de l'enregistrement pour les services de réparation, tout en observant que la société Porsche ne forme aucune demande à l'encontre du dépôt limité aux services de réparation de véhicules en panne sur les lieux de la panne ;
Considérant que la solution du litige commande de rejeter les demandes au titre de l'article 700 du nouveau Code de Procédure Civile formées par les parties et de laisser à la charge de chacune d'elles ses propres dépens ;
Par ces motifs, Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a prononcé la nullité de l'enregistrement de la marque "Targa Services" n° 699 365 pour les services de construction, Vu l'évolution du litige, Dit que cette demande en nullité est devenue sans objet, la société Targa Services ayant supprimé le service de construction (classe 37) dans l'enregistrement n° 699 365, Y ajoutant, Déclare irrecevable l'exception de déchéance soulevée par la société Porsche, Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.