Cass. com., 29 janvier 2002, n° 99-21.396
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Société d'Etudes et de Réalisations Métalliques (Sté)
Défendeur :
Altrad Equipement Mefran (sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dumas
Rapporteur :
Mme Champalaune
Avocat général :
M. Lafortune
Conseiller :
M. Métivet
Avocats :
Me Cossa, SCP Tiffreau.
LA COUR : - Sur le moyen unique, pris en ses cinq branches : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 septembre 1999) que la société Serem fabrique et commercialise du mobilier à structure tubulaire destiné aux collectivités et notamment des tables démontables pourvues sur les côtés de leurs pieds d'un dispositif permettant leur raccordement, tandis que la société Altrad équipement Mefran (la société Mefran) met en œuvre une gamme de produits à base de tubes démontables et notamment des échafaudages, des podiums et des stands ; que la société Serem a assigné la société Mefran en paiement de dommages-intérêts sur le fondement de la concurrence déloyale en lui reprochant la fabrication et la commercialisation de modèles de tables entraînant des risques de confusion avec le produit qu'elle-même fabrique et vend ;
Attendu que la société Serem fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le moyen : 1°) qu'après avoir constaté que la société Serem vendait des tables modulables destinées principalement aux collectivités, que la société Mefran avait ensuite commercialisé pour le même usage des tables dont les cotes étaient strictement identiques et dont l'apparence générale était similaire, la cour d'appel devait s'interroger sur l'existence d'une politique commerciale de normalisation des tables litigieuses qui aurait permis leur utilisation indifférenciée ; qu'en rejetant l'action en concurrence déloyale sans avoir procédé à cette recherche, aux motifs inopérants que les tables en cause étaient "banales" et "indifférenciables", la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1382 et 1383 du Code civil ; 2°) que dans ses conclusions d'appel, la société Serem avait fait valoir que les tables modulables ne faisaient l'objet d'aucune normalisation officielle ni d'aucune fabrication standardisée qui aurait justifié la copie servile de la présentation et des cotes des tables par la société Mefran ; qu'elle offrait en preuve les catalogues d'autres concurrents qui mettaient en œuvre le même concept de tables dites "infinies" mais de façon distincte ; qu'en rejetant l'action en concurrence déloyale sans répondre à des conclusions la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; 3°) que dans ses conclusions d'appel la société Serem avait fait également valoir que pour accentuer la confusion, la société Mefran avait, comme elle-même, présenté le modèle de table modulable dans son catalogue en le photographiant de façon identique et avec un chariot de stockage similaire ; qu'en rejetant l'action en concurrence déloyale aux motifs que " la différence de couleur ou d'apparence de pieds de table des produits opposés était de nature è éviter le risque de confusion sans davantage répondre è ces conclusions, la cour d'appel a derechef violé l' article 455 du nouveau Code de procédure civile ; 4°) que l'action en concurrence déloyale suppose seulement l'existence d'une faute dont il n'est pas exigé qu'elle soit intentionnelle ; qu'en l'espèce, après avoir établi le caractère strictement identique des cotes de tables modulables et la similitude de leur apparence générale, la cour d'appel a considéré pour rejeter l'action en concurrence déloyale, que la société Serem ne démontrait pas que " la société Mefran avait reproduit son modèle dans le but de tromper le public sur l'origine de la marchandise " ; qu'en exigeant ainsi la preuve d'une faute intentionnelle, elle a violé les articles 1382 et 1383 du Code civil ; 5°) que dans ses conclusions d'appel, la société Serem avait encore fait valoir, en se prévalant de son brevet afférent aux tables modulables qu'elle avait exploité jusqu'à son extinction, que même en l'absence de confusion, la société Mefran avait eu un comportement parasitaire en cherchant à exploiter sa notoriété et ses efforts commerciaux, qu'en rejetant l'action en concurrence déloyale aux motifs que la société Serem ne démontrait pas la notoriété qu'elle avait acquise sans non plus répondre à ces conclusions, la cour d'appel a une nouvelle fois violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt constate que tant la différence de couleur ou d'apparence des pieds de tables des produits opposés, que les mentions du nom des fabricants sur les catalogues qu'ils éditent ou sur ceux diffusés par des tiers qui commercialisent leurs produits, sont de nature à éviter le risque de confusion allégué, dès lors que les consommateurs qui sont essentiellement des collectivités effectuant des achats importants après avoir procédé à un examen comparatif approfondi des articles proposés peuvent rattacher lesdits produits avec certitude à l'une ou l'autre des sociétés; que l'arrêt relève que la compatibilité ou l'adaptabilité des produits opposés alléguée par la société Serem n'est pas démontrée et ne constitue pas en soi une faute dans la mesure où lors de leur commercialisation, il n'est fait aucune référence susceptible de créer un risque de confusion dans l'esprit de l'acheteur moyen sur l'origine des produits respectifs ; que l'arrêt relève encore que le moyen présenté par la société Serem selon lequel en l'absence même de tout risque de confusion entre les produits, la société Mefran aurait eu à son encontre un comportement parasitaire n'est pas fondé dans la mesure où elle ne démontre pas que le modèle de table qu'elle commercialise bénéficie d'une réputation ou d'une notoriété telle que la société Mefran en mettant sur le marché un produit similaire aurait cherché à se placer dans son sillage ; qu'ayant ainsi écarté les griefs de confusion entre les produits litigieux et de parasitisme allégués et répondu aux conclusions prétendument omises, la cour d'appel qui n'avait pas à procéder à la recherche visée à la première branche du moyen que ses constatations sur l'absence de compatibilité prouvée entre les produits en cause rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision, abstraction faite des motifs erronés mais surabondants critiqués par la quatrième branche du moyen ; qu'inopérant en sa première branche, le moyen ne peut être accueilli en sa quatrième branche et n'est pas fondé pour le surplus ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.