CA Paris, 1re ch. C, 24 janvier 2002, n° 2000-01163
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Audika (Sté)
Défendeur :
Vaucluse Auto (SARL), Seta (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Pascal
Conseillers :
MM. Matet, Hascher
Avoués :
SCP Monin, Me Pamart
Avocats :
Mes Thery, Clément.
La société Sodaf, devenue la société Audika, a conclu le 18 juin 1987 en qualité de franchiseur un contrat de franchise avec la Société d'Exploitation des Techniques Acoustiques (SETA), représenté par Monsieur Lentheric qui exerçait une activité d'audiésiste au sein du réseau SARFFA à Nîmes et à Ales depuis 1982 et à Salons de Provence depuis 1986. Il convient de préciser que MM. Tonnard, dirigeants de la société Sodaf devenue Audika et M. Lentheric avaient auparavant fondé une association dénommée " Fédération Française de l'Audition " et qu'à partir de 1986 la société Sodaf avait régularisé avec un groupe de franchisés, dont M. Lentheric, un protocole d'accord définissant un contrat type.
Un second contrat de franchise a été signé le 6 avril 1987 dans les mêmes conditions avec une société Vaucluse Audio, représentée par M. Lentheric, contrat donnant à la société l'exclusivité pour la ville d'Avignon.
Les contrats étaient conclus pour cinq ans à compter du 1er mars 1986 et pouvaient se renouveler pour une même durée sauf dénonciation par l'une des parties, par lettre recommandée avec accusé de réception, six mois au moins avant l'expiration de la période en cours. L'article 25 prévoyait la possibilité pour chacune des parties de résilier le contrat en cas de redressement judiciaire de l'autre partie, la résiliation prenant effet un mois après sa dénonciation. L'article 29 comportait une clause compromissoire désignant la commission d'arbitrage de la Fédération Française de la Franchise pour résoudre tout litige.
Un différend est né dans la mesure où les sociétés SETA et Vaucluse Audio ont, par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 janvier 1994, notifié à la société Audika qu'elles avalent été déclarées le 5 janvier 1994 en redressement judiciaire et qu'en conséquence elles résiliaient les contrats en application de l'article 25, où elles se sont affiliées à un nouveau réseau appelé Entendre et où la société Audika a avisé par circulaires les clients de son fichier franchiseur de l'identité de ses nouveaux correspondants.
Les juridictions judiciaires s'étant déclarées incompétentes pour connaître du litige, les sociétés SETA et Vaucluse Audio ont, en application du règlement d'arbitrage de la Fédération Française de la Franchise, saisi la Chambre Arbitrale de Paris du litige. La société Audika ayant, au vu du projet de sentence du tribunal arbitral du premier degré en date du 19 août 1998, sollicité un examen de l'affaire au second degré, le tribunal arbitral composé de MM. Le Bihan, Breville et Luciani a, le 26 août 1999, rendu une sentence susceptible d'appel par laquelle il a :
- accueilli les sociétés SETA et Vaucluse Audio en leurs demandes et dit ces demandes partiellement fondées,
- dit que la société Sodaf Audika doit verser solidairement aux sociétés SETA et Vaucluse Audio la somme de 200.000 francs à titre de clause pénale pour tentative de détournement de clientèle,
- débouté les société SETA et Vaucluse Audio du surplus de leurs prétentions,
- accueilli la société Sodaf Audika en sa demande reconventionnelle et l'en a débouté,
- dit que la société Sodaf Audika doit verser aux sociétés SETA et Vaucluse Audio la somme de 16.295 francs à répartir par parts égales entre les deux sociétés demanderesses au titre du quart des frais d'arbitrage que, demanderesses, celles-ci ont versé par provision,
- laissé à la charge de la société Sodaf Audika les frais d'arbitrage qu'elle a versés au premier degré au titre de sa demande reconventionnelle, ainsi que les frais d'arbitrage du second degré,
- dit n'y avoir lieu, en l'espèce, à exécution provisoire de la sentence.
La société Audika a formé un appel principal contre cette sentence, les sociétés SETA et Vaucluse Audio formant quant à elles un appel incident.
La société Audika demande à la cour de :
- infirmer la sentence,
- débouter les sociétés SETA et Vaucluse Audio de l'intégralité de leurs demandes,
- condamner ces sociétés chacune en ce qui la concerne à lui verser, en application de l'article 1152 du code civil, une somme égale au chiffre d'affaires TTC des deux dernières années ayant précédé la rupture des contrats de franchise en application de la clause pénale visée à l'article 26-1 des contrats de franchise avec justification pour ces sociétés desdits chiffres d'affaires par la production des déclarations déposées par l'administration fiscale pour lesdites périodes, ainsi qu'à régler l'ensemble des frais d'arbitrage,
- condamner solidairement les société SETA et Vaucluse Audio à lui verser une somme de 50.000 francs en application de l'article 700 nouveau code de procédure civile.
En ce qui concerne sa condamnation, à titre de clause pénale et en application de l'article 18 du contrat, pour tentative de détournement de clientèle, elle conteste l'analyse faite par le tribunal arbitral et soutient qu'il existe deux fichiers de nature différente : un fichier de prospects constituant le fichier du franchiseur et un fichier de clientèle constituant celui du franchisé. Elle estime que certains clients du franchisé, recrutés par la politique de communication du franchiseur, figurent également dans le fichier de celui-ci. Elle affirme que ce sont ces clients qui ont reçu la lettre circulaire comportant le nom des nouveaux correspondants Audika et que, le fichier du franchiseur n'étant pas visé par l'interdiction d'exploiter de l'article 18, il n'y a pas lieu à application de la clause pénale.
Elle soutient que les sociétés SETA et Vaucluse Audio sont concernées, comme tous les autres franchisés par l'article 26-1 du contrat qui interdit au franchisé, en cas de résiliation du contrat à ses torts, de s'affilier, adhérer ou participer directement ou indirectement à un réseau national, régional ou international concurrent. Indiquant que les deux sociétés ont adhéré au réseau Entendre, ce qu'elles ne contestent pas, elle réclame l'application de la clause pénale prévue à l'article 26-1.
Répondant aux moyens de ses deux anciens franchisés, elle conteste avoir violé ses obligations contractuelles pendant le contrat de franchise. S'agissant du budget de publicité, elle dit avoir respecté à la lettre les stipulations du contrat, la commission chargée de l'examiner ayant été régulièrement réunie et M. Lentheric, dirigeant des deux sociétés intimées ayant participé à la plupart de ces réunions, les règles applicables à la répartition des budgets s'appliquant à tous les franchisés qu'ils soient indépendants, associés ou filiales. Elle ajoute que, pendant toute la durée du contrat et au moment de son renouvellement, les deux sociétés n'ont jamais contesté le montant du budget de publicité. En ce qui concerne la transformation alléguée du réseau de franchise en réseau de succursales, elle critique les chiffres avancés par les sociétés SETA et Vaucluse Audio. Pour ce qui est d'une éventuelle responsabilité de sa part dans le dépôt de bilan des deux sociétés, elle rappelle que la société SETA a toujours eu une exploitation bénéficiaire et que la société Vaucluse Audio a été reprise par les époux Lentheric qui n'ont pas réussi à la redresser à une époque où elle était déjà en difficultés. Elle nie que le montant des dépenses de publicité, qui n'a jamais été contesté en cours de contrat, soit à l'origine du redressement judiciaire. Elle affirme que les chiffres et pourcentages avancés par les deux sociétés ne sont pas fiables. Sur le préjudice, elle prétend que le résultat déficitaire des deux sociétés entre le 1er septembre 1993 et le 1er septembre 1995 est la conséquence de la rupture du contrat de franchise à leur propre initiative.
Les sociétés SETA et Vaucluse Audio demandent à la Cour de :
- confirmer la sentence en ce qu'elle les a déclarées partiellement fondées en leur demande en paiement d'une clause pénale pour tentative de détournement de clientèle,
- la réformer en condamnant la société Audika à leur payer, à chacune, la somme de 300.000 francs à titre de clause pénale,
- l'infirmer pour le surplus et statuant à nouveau,
- dire que la société Audika a violé ses obligations contractuelles pendant la durée du contrat de franchise et a exécuté ses obligations de mauvaise foi,
- dire que le budget de publicité était indéterminé et que la société Audika a commis un abus dans son application donnant lieu à une action en résiliation et/ou une action en indemnisation,
- dire que la société Audika a commis une faute contractuelle en abandonnant subrepticement le développement du réseau de franchise au profit d'un réseau de succursales et de filiales,
- dire que la société Audika est responsable de leur dépôt de bilan,
- en réparation condamner la société Audika à payer, à titre de dommages-intérêts,
-- à la société SETA une somme de 500.000 francs, -- à la société Vaucluse Audio une somme de 400.000 francs
- la condamner, outre aux dépens et au paiement des frais d'arbitrage, à leur payer, à chacune, la somme de 50.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Elles indiquent avoir résilié le contrat par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 janvier 1994 au visa de son article 25-2 et disent que la société Audika a d'une part déclaré des créances hors de proportion avec la réalité qui ont été rejetées par le juge commissaire et d'autre part tenté de faire utiliser leurs fichiers de franchisés par la Fédération Française de l'Audition.
Elles reprochent au franchiseur des violations de ses obligations contractuelles et en premier lieu de leur avoir imposé un budget publicitaire fixé unilatéralement et arbitrairement dans son montant et sa répartition. Elles soutiennent que le montant cumulé des redevances et de la publicité a représenté entre 1989 et 1993 une part variant entre 19 et 29 % du chiffre d'affaires de la société SETA et entre 25 et 29 % du budget de la société Vaucluse Audio.
Elles lui font grief en second lieu d'avoir peu à peu transformé le réseau de franchise en réseau de succursales, les franchisés, de moins en moins nombreux et dont le poids dans la commission était devenu dérisoire, ayant financé, par la publicité, le développement des succursales.
En troisième lieu elles prétendent que le montant exorbitant des redevances et de la publicité a été la cause de leur dépôt de bilan.
Elles évaluent leur préjudice à la moyenne de la somme des pertes subies entre le 1er septembre 1993 et le 1er septembre 1995 augmentée des dépenses de publicité entre 1991 et 1.993.
S'agissant de la violation des obligations contractuelles après résiliation des contrats, elles reprennent leur moyen de première instance et l'analyse du tribunal arbitral qui a considéré qu'il y avait eu tentative de détournement de clientèle. Elles estiment cependant que l'indemnité de 100.000 francs, dérisoire, doit être portée à 300.000 francs pour chacune d'entre elles.
Elles disent que les contrats de franchise doivent être résiliés aux torts du franchiseur.
Sur ce, LA COUR,
Considérant qu'il convient de statuer successivement sur les manquements aux obligations du franchiseur invoqués par les sociétés SETA et Vaucluse Audio, sur la tentative de détournement de clientèle reprochée à la société Audika puis sur la demande d'indemnisation formée par la société Audika sur le fondement de l'article 21-6 des contrats de franchise ;
Sur les manquements à ses obligations contractuelles reprochés au franchiseur :
Considérant que les sociétés SETA et Vaucluse Audio soutiennent que le budget de publicité était indéterminé et que la société Audika a commis dans son application un abus ouvrant droit à réparation, que le franchiseur a commis une deuxième faute en abandonnant subrepticement le développement du réseau de franchise au profit d'un réseau de succursales et de filiales et que la société Audika est responsable de leur dépôt de bilan ; qu'elles réclament une indemnisation de 500.000 francs pour la société SETA et de 400.000 francs pour la société Vaucluse Audio ;
Que la société Audika conteste chacun de ces griefs ;
Considérant qu'il résulte de l'article 8 des contrats de franchise que la politique commerciale est de la compétence du franchiseur qui s'oblige à promouvoir et développer la notoriété de la marque et à orienter la clientèle auprès de ses franchisés ; que le franchiseur met au point un budget soumis pour avis aux franchisés, cet avis étant donné par une commission réunie annuellement ; que le budget, modifié en fonction de l'avis de la commission, s'impose aux franchisés, le franchiseur devant en outre leur rendre compte de son utilisation ;
Considérant ainsi que l'ajustement constaté le tribunal arbitral que les contrats ont été librement discutés par les parties, toutes deux professionnelles avisées et ayant l'habitude de travailler ensemble avant même la signature des contrats, que les deux sociétés ont payé les redevances et les factures de publicité pendant plusieurs années sans jamais se plaindre de leur caractère indéterminé et ont renouvelé leur contrat sans remettre le système en cause, que M. Lentheric, dirigeant des deux sociétés, avait participé à la création du réseau audiésite avec la SARFFA depuis 1982, que la société Audika a appliqué le mécanisme contractuel de fixation du budget publicitaire alors que M. Lentheric a participé à plusieurs reprises aux travaux de la commission ;
Considérant que le tribunal arbitral a relevé que la société Audika produisait des documents montrant d'une part les règles de répartition des budgets de publicité, ces règles étant selon elle appliquées de manière uniforme et permanente depuis l'instauration du réseau de franchise à tous les franchisés indépendants, associés ou filiales et d'autre part que les budgets de publicité étaient communiqués aux franchisés avec une comparaison par rapport aux budgets passés; que ceci n' est pas sérieusement discuté en appel ;
Considérant que les parties sont en désaccord sur les chiffres relatifs au développement des succursales et à la baisse corrélative du nombre de franchisés ; que la société Audika n'avait pris aucun engagement contractuel sur ce point et que les sociétés SETA et Vaucluse Audio n'établissent pas qu'un tel développement se soit fait à leur détriment alors qu'il vient d'être vu que les succursales participaient aussi aux dépenses de publicité ;
Et considérant que le tribunal arbitral a estimé, à juste titre, que la dégradation de la situation des sociétés SETA et Vaucluse Audio était due, non à l'augmentation des redevances et du budget publicitaire, mais à l'acquisition de la société Vaucluse Audio, déjà en difficulté, à une époque où une détérioration de la situation économique ne permettait pas de faire face à cet achat; qu'il est d'ailleurs démontré que les résultats de la société SETA étaient demeurés positifs lors de l'exercice précédant son dépôt de bilan ;
Que, dès lors, en l'absence de preuve de fautes contractuelles de la société Audika ou de mauvaise foi de sa part dans l'application du contrat, les demandes d'indemnisation des sociétés SETA et Vaucluse Audio doivent être rejetées ;
Sur la tentative de détournement de clientèle reprochée à la société Audika :
Considérant qu'il est établi et non contesté que, postérieurement à la rupture des contrats de franchise, certains clients des sociétés SETA et Vaucluse Audio, figurant dans leurs fichiers, ont reçu de la Fédération Française de l'Audition une lettre circulaire datée du 28 septembre 1994 leur indiquant quels étaient les nouveaux correspondants d'Audika à Nîmes et à Alès ;
Considérant que les sociétés SETA et Vaucluse Audio voient dans cette diffusion une infraction à l'article 18 du contrat selon lequel :
"Dans l'exercice de son activité, le franchisé s'oblige à constituer un fichier, lequel concernera toute la clientèle existante ou future de sa prestation d'audioprothésiste, avec laquelle il a été mis en contact soit dans son propre Centre, soit dans le Centre d'un membre affilié au réseau. Le franchisé s'oblige à exploiter ce fichier, selon les normes mises au point par le franchiseur et plus amplement rapportées dans le Manuel du Savoir Faire, et à en rendre compte à ce dernier ou, s'il ne peut l'exploiter efficacement lui-même, s'oblige à en remettre le contenu au franchiseur pour lui permettre, notamment, d'assurer la communication publicitaire nationale.
En tout état de cause, il déclare avoir été parfaitement informé du contenu de la loi dite " Informatique et Libertés " et s'oblige à s'y conformer en tout point.
A l'exception du fichier national constitué par la politique de communication du franchiseur et du fichier affilié, le fichier du franchisé reste sa propriété exclusive, le franchiseur renonçant à l'exploiter à l'issue du contrat quelle qu'en soit la cause, sachant en corollaire que le franchisé s'interdit de le porter à la connaissance, à quelque titre et quelque forme que ce soit, à un réseau ou une organisation concurrente du franchiseur pendant toute la durée du contrat et les deux années qui suivront l'issue du contrat.
Toute violation de la présente clause par l'une ou l'autre des parties donne lieu à une indemnité, à titre de clause pénale, de cent mille francs, pour autant que soit dûment constatée et reconnue, au besoin par voie judiciaire, ladite violation. "
Considérant que la société Audika conteste cette infraction, soutenant que les fichiers du franchiseur et du franchisé comportent partiellement mais nécessairement des noms identiques ;
Considérant que le tribunal arbitral, interprétant l'article 18 précité pour définir les frontières entre le fichier national du franchiseur et ceux des franchisés, a après avoir analysé la constitution de ces fichiers, la correspondance entre les parties et notamment les comparaisons périodiques entre le contenu des fichiers, justement dit que la seule interprétation du texte conforme tant avec l'esprit du contrat de franchise qu'avec la pratique des parties était de constater que le fichier national du franchiseur n'est à l'origine peuplé que de prospects ayant réagi à une action publicitaire nationale du franchiseur et que le fichier personnel du franchisé se compose de sa clientèle existante, des prospects résultant d'une action de promotion locale menée par le franchisé et de la " clientèle future " ayant pour origine l'action de prospection nationale ;qu'il a à juste titre décidé, s'agissant de cette dernière catégorie, qu'il y a un effet de transfert du fichier national du franchiseur vers le fichier personnel du franchisé, l'événement déclencheur de ce transfert étant la prise de contact d'un " prospect national " avec le franchisé ; que le tribunal a remarqué, avec pertinence, que la conservation d'un droit pour le franchiseur à contacter toute personne ayant été, un jour, un prospect reviendrait à vider de tout sens la reconnaissance par lui du droit exclusif du franchisé sur son fichier personnel ; qu'il a donc décidé à bon droit que le franchisé, par la production des lettres adressées à ses clients, démontrait que le franchiseur n'avait pas respecté l'interdiction qui lui était faite par le contrat et avait commis un acte de concurrence déloyale par tentative de détournement de clientèle ;
Considérant que le montant de la clause pénale prévue à l'article 18 du contrat n'est pas, compte tenu de l'ensemble des éléments de l'espèce, manifestement dérisoire ; qu'il convient donc, émendant la sentence sur ce point, de condamner la société Audika à payer une somme de 15.244,90 euros (soit 100.000 francs) à chacune des deux sociétés ;
Sur l'indemnisation du franchiseur pour rupture fautive du contrat par le franchisé :
Considérant que la société Audika réclame le versement, à titre de clause pénale, par chacune des deux sociétés d'une indemnité égale au montant du chiffre d'affaires TTC réalisé par elle dans les deux années précédant la rupture au motif qu'après avoir résilié les contrats de franchise, elles se sont affiliées à un réseau dénommé Entendre en infraction avec l'article 26 du contrat ;
Considérant que les sociétés SETA et Vaucluse Audio contestent le caractère fautif de la rupture du contrat faite en application de l'article 37 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Considérant que l'article 26 du contrat qui prévoit une clause de non rétablissement sanctionnée par une clause pénale s'applique :
" en cas de :
- résiliation aux torts du franchisé,
- non-renouvellement du contrat à l'une des échéances,
- retrait définitif du franchisé par cession du droit de priorité sous réserve de l'agrément,
- absence du respect des engagements pris par le franchisé dans le cadre des présentes " ;
Qu'aucune de ces hypothèses n'est réalisée en l'espèce ; qu'en effet les deux sociétés ont résilié leur contrat respectif, par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 janvier 1994 visant l'article 25-2 alinéa 2 du contrat et faisant expressément référence au jugement ayant prononcé leur redressement judiciaire ;
Que l'article 25 du contrat prévoit notamment que " sous réserve de l'article 37 de la loi du 25 janvier 1985..., chacune des parties pourra résilier le contrat en cas de redressement judiciaire de l'autre partie " ; que l'article 37 précité - devenu l'article L. 621-28 du code de commerce - est le texte qui confie à l'administrateur seul, en cas de redressement judiciaire, la faculté d'exiger l'exécution des contrats en cours en fournissant la prestation promise au cocontractant ; que l'option ouverte à l'administrateur, en l'espèce à M. Lentheric, dirigeant des deux sociétés, étant d'ordre public, la résiliation du contrat ne peut être imputée à faute aux franchisés ;
Que la demande de la société Audika doit donc être rejetée ;
Considérant que l'équité et les circonstances de la cause imposent de ne faire application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile au bénéfice d'aucune des deux parties ; que la société Audika qui succombe sur toutes ses demandes doit supporter les dépens d'appel ;
Par ces motifs, confirme la sentence déférée dans toutes ses dispositions à l'exception du caractère solidaire de la condamnation prononcée et de la monnaie dans laquelle est exprimée la condamnation, émendant sur ces deux seuls points, condamne la société Audika (anciennement Sodaf) à payer à chacune des sociétés SETA et Vaucluse Audio une somme de 15.244,90 euros (soit 100.000 francs), rejette toute autre demande des parties, condamne la société Audika aux dépens d'appel et admet Me Pamart, avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.