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Décisions

Cass. com., 4 décembre 2001, n° 99-19.665

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Garrigos

Défendeur :

SN Diamond's création coiffure (SARL), Primadonna (SARL), Galaurchi, Hemici, GiIlio

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Avocat général :

M. Jobard

Avocats :

Me Foussard, SCP Defrenois, Levis, Me Le Prado.

T. com. Cannes, du 6 avr. 1995

6 avril 1995

LA COUR : - Statuant tant sur le pourvoi principal formé par Mme Garriqos que sur le pourvoi incident relevé par la société Diamond's création coiffure: - Attendu, selon l'arrêt attaqué, (Aix-en-Provence, 24 juin 1999) que se plaignant de la concurrence déloyale par détournement de sa clientèle exercée à son encontre par la société Primadonna et par cinq de ses anciens salariés embauchés par la société Primadonna parmi lesquels Mme Garrigos, la société Diamond's création coiffure (la société Diamond's) a assigné la société Primadonna et ses anciens salariés en paiement de dommages-intérêts;

Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en ses quatre branches: - Attendu que Mme Garrigos fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée in solidum avec la société Primadonna et ses collègues à payer à la société Diamond's, une somme de 100 000 F à titre de dommages- intérêts pour faits de concurrence déloyale, alors selon le moyen : 1°) qu'il appartenait à la société Diamond's en sa qualité de demanderesse de faire la preuve des faits de concurrence déloyale dont elle se prévalait à l'appui de sa demande de dommages- intérêts; qu'en se bornant à retenir qu'il n'était pas contesté que les personnes physiques intimées s'étaient concertées pour démissionner concomitamment et s'étaient toutes mises au service de la société Primadonna, sans se référer à aucun élément de preuve positif, mettant ainsi la Cour de Cassation dans l'impossibilité de s'assurer de la vérification par le juge, de la réalité des faits invoqués au soutien de la demande, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1315 et 1382 du Code civil et des règles régissant la concurrence déloyale; 2°) que si le démarchage actif de la clientèle de son employeur peut permettre de caractériser, à l'encontre d'un salarié, un fait de concurrence déloyale, il en va autrement, en l'absence de toute convention particulière, si le salarié s'est borné à encourager la clientèle qui lui était attachée personnellement dès avant son embauche à lui rester fidèle postérieurement à sa démission; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans réfuter préalablement les motifs du jugement, dont la confirmation était demandée, selon lesquels un détournement de clientèle ne pouvait être caractérisé puisque c'était la clientèle de Mme Garrigos elle-même qui l'avait suivie dans le salon dont elle prenait la gérance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil et des règles régissant la concurrence déloyale; 3°) que subsidiairement, le démarchage de clientèle imputé à Mme Garrigos - à le supposer établi - ne pouvait de la même manière, lui être imputé à faute s'il pouvait être constaté, comme l'avaient retenu les premiers juges, que l'apport personnel de clientèle qu'elle avait réalisé lors de son embauche avait pour contrepartie un salaire majoré et que cette contrepartie avait disparu puisqu'en décembre 1992, son salaire avait été réduit de moitié, cette circonstance l'autorisant à récupérer la clientèle qu'elle avait jadis apportée; qu'en s'abstenant de prendre parti et sur la contrepartie dont était assorti l'apport personnel de clientèle, et sur la disparition de cette contrepartie, les juges du fond ont de nouveau privé leur décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil et des règles régissant la concurrence déloyale; 4°) qu'il ne peut être objecté que les juges du fond ont retenu l'existence d'une concurrence déloyale au vu d'un ensemble d'actes pour en déduire que les motifs relatifs à tel acte ou tel acte en particulier peuvent être tenus pour surabondants; qu'en effet, les énonciations de l'arrêt montrent que le préjudice a été évalué en tenant compte de l'ensemble des faits que le juge a cru devoir qualifier d'actes de concurrence déloyale, de sorte que la décision doit être regardée, en tout état de cause, comme dépourvue de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil et des règles régissant la concurrence déloyale ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant d'abord relevé que Mme Garrigos a démissionné par lettre datée du 28 octobre 1993 dont les termes sont cités et ensuite rapporté la teneur de différentes attestations dont elle a déduit que Mme Garrigos avait démarché la clientèle alors qu'elle se trouvait encore dans les liens de son contrat de travail avec la société Diamond's, la cour d'appel a légalement justifié sa décision;

Et attendu, en second lieu, qu'ayant retenu que les usages de la profession n'autorisent pas un salarié à faire publicité de sa nouvelle installation auprès des clients de son employeur et au temps de son travail, peu important qu'il puisse avoir été engagé en considération d'un "apport personnel" de clientèle, d'autant que cet " apport " avait déjà pour contrepartie un salaire " spécial ", et relevé que la diminution de son salaire n'exonérait pas Mme Garrigos de ses obligations de loyauté envers son employeur, la cour d'appel, qui a ainsi écarté l'allégation selon laquelle la clientèle détournée aurait été celle du salarié ainsi que le fait justificatif tiré d'une diminution de salaire, a légalement justifié sa décision ;D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches;

Et sur le moyen unique du pourvoi incident : - Attendu que la société Diamond's fait grief à l'arrêt d'avoir fixé à la seule somme de 100 000 F le montant des dommages-intérêts résultant de la concurrence déloyale, alors, selon le moyen, que le préjudice moral et le trouble commercial résultant d'actes de concurrence déloyale doivent être réparés ; qu'en l'espèce, en ne recherchant pas, bien qu'y étant invitée, si suite aux agissements de Mme Garrigos et des autres membres du personnel démissionnaires, la société Diamond's n'avait pas subi de tels préjudices constitués par l'impossibilité dans laquelle elle s'est trouvée de payer ses cotisations à l'URSSAF et par la procédure de redressement judiciaire qui s'en est suivie, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Mais attendu qu'examinant les différents chefs de préjudice invoqués par la société Diamond's et relevant que la baisse de chiffre d'affaires est pour partie nécessairement la suite de l'ouverture licite d'un autre salon de coiffure très proche et que cette société a connu de graves difficultés financières plus de dix mois avant les démissions en chaîne, l'arrêt, qui retient qu'au vu de cet examen, des données comptables et de la convergence de facteurs qui ne révèlent pas tous l'incidence d'une concurrence déloyale, le préjudice doit être fixé à la somme de 100 000 F, est légalement justifié; qu'il suit de là que le moyen n'est pas fondé;

Par ces motifs : rejette les pourvois tant principal qu'incident.