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Décisions

Cass. com., 4 décembre 2001, n° 99-16.449

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Maison Arnaud (SARL)

Défendeur :

Sacasac (Sté), de Saint-Rapt (ès qual.), Rafoni

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Rapporteur :

Mme Mouillard

Avocat général :

M. Jobard

Avocats :

SCP Lesourd, Me Guinard.

T. com. Aix-en-Provence, du 9 janv. 1995

9 janvier 1995

LA COUR : - Sur le moyen unique, pris en ses trois branches : - Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 1er avril 1999) que, suivant acte du 2 mai 1991, la société Maison Arnaud a vendu à la société Sacasac, à l'exception de l'enseigne "Maison Arnaud", un fonds de commerce de maroquinerie situé à Aix-en-Provence, rue des Cordeliers, en s'interdisant de se rétablir pendant cinq ans dans un rayon de cent mètres à vol d'oiseau du fonds vendu, mais en se réservant la possibilité de poursuivre l'exploitation de son autre fonds, situé rue Fabrot à Aix-en-Provence ; que reprochant à la société Maison Arnaud d'avoir violé la garantie d'éviction en ouvrant un fonds de commerce similaire le 11 avril 1992 rue Méjanes à Aix-en-Provence, la société Sacasac l'a assignée en paiement de dommages- intérêts ;

Attendu que la société Maison Arnaud fait grief à l'arrêt de sa condamnation alors, selon le moyen : 1- qu'il appartient à l'acquéreur d'un fonds de commerce qui s'estime évincé de rapporter la preuve d'actes précis de concurrence déloyale commis par le vendeur dudit fonds; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui se borne à constater l'ouverture par le vendeur d'un magasin respectant l'éloignement imposé par la clause de non-concurrence et qui estime que le vendeur a manqué à la garantie d'éviction, sans relever des faits précis de détournement de clientèle, ne donne pas de base légale à sa décision au regard de l'article 1626 du Code civil; 2- que l'article 1628 du Code civil ne fait pas obstacle à la validité de la clause par laquelle l'acheteur qui a été pleinement renseigné sur une circonstance antérieure à la vente susceptible de provoquer éventuellement son éviction, a accepté cependant, d'en supporter le risque; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui relève que l'acquéreur a accepté, lors de la vente, que celle-ci exclue la cession de l'enseigne " Maison Arnaud ", circonstance susceptible de provoquer son éventuelle éviction, et qui estime qu'en utilisant précisément cette enseigne, la société Maison Arnaud a manqué à son obligation d'éviction, ne déduit pas de ses constatations les conséquences légales au regard de l'article 1628 du Code civil ; 3- qu'il appartient aux juges du fond de caractériser le lien de causalité existant entre les agissements fautifs et le préjudice subi; qu'en l'espèce, la société Maison Arnaud avait fait valoir dans ses conclusions devant la cour d'appel que les difficultés que connaît la société Sacasac sont apparues plusieurs années après l'installation du nouveau magasin et qu'elles ne sont que la conséquence d'actes de mauvaise gestion ; que la cour d'appel, en s'abstenant de répondre à ces conclusions démontrant l'existence d'autres causes de la baisse du chiffre d'affaires de la société Sacasac, viole l'article 455 du nouveau Code de procédure civile;

Mais attendu, en premier lieu, que recherchant la commune intention des parties, l'arrêt retient que l'absence de cession de l'enseigne avait seulement pour objet de permettre à la société Maison Arnaud de continuer d'exploiter le magasin de la rue Fabrot ; que de cette appréciation, la cour d'appel a pu déduire que cette clause ne démontrait pas que la société Sacasac avait accepté que la société Maison Arnaud ouvre un nouvel établissement au mépris de la garantie légale d'éviction ;

Attendu, en second lieu, que l'arrêt constate que, bien qu'il respecte l'éloignement conventionnel, le magasin litigieux est situé à environ 300 mètres, par les voies de circulation usuelles, du fonds vendu, qu'il se trouve dans la même partie du centre ville d'Aix-en- Provence et appartient à la même "zone d'achalandage", qu'il vend des articles des mêmes marques et de la même gamme de prix que la société Sacasac, qu'il présente un aménagement intérieur qui rappelle celui de l'ancien magasin et qu'il utilise comme enseigne le nom "Gilbert Arnaud", similaire de celui de "Maison Arnaud" de l'ancienne boutique ; que les juges en déduisent qu'en ouvrant un magasin en "parfaite concurrence" avec le fonds cédé et en utilisant une enseigne semblable à celle qui le désignait auparavant, de façon à indiquer à la clientèle qu'elle poursuivait son activité dans un autre lieu, la société Maison Arnaud a commis des actes de nature à diminuer l'achalandage et à détourner la clientèle de son ancien magasin, en violation de la garantie légale d'éviction ; qu'ils relèvent à cet égard que le chiffre d'affaires de la société Sacasac, qui s'élevait pour la première année d'exploitation (mai 1991 à avril 1992) à 2 230 134 F, était passé pour la même période suivante (1992-1993), qui correspondait à l'ouverture du magasin litigieux, à 1 738 347 F, puis pour l'exercice 1993-1994 à 1 384 312 F et que, acquis pour 1 million de francs, le fonds n'a été revendu en 1996 que pour 450 000 F; qu'à partir de ces constatations et énonciations répondant suffisamment aux conclusions prétendument omises, la cour d'appel, qui a caractérisé à la charge de la société Maison Arnaud des agissements ayant eu pour effet de lui permettre de reprendre la clientèle du fonds cédé, a légalement justifié sa décision; que le moyen n'est fondé en aucune de ses trois branches.

Par ces motifs, Rejette le pourvoi.