Cass. 1re civ., 27 novembre 2001, n° 00-11.306
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Greiner Labortechnik (Sté), Greiner und Sohne GMBH Austria (Sté)
Défendeur :
Polack, Becton Dickinson (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lemontey
Rapporteur :
M. Renard-Payen
Avocat général :
Mme Petit
Avocats :
Me Odent, SCP Richard, Mandelkern, SCP Thomas-Raquin, Bénabent.
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 23 novembre 1999) que les sociétés Greiner und Sohne, fabricante de tubes dits CTAD, en matière plastique pour prélèvements sanguins, et Greiner Labortechnik, filiale de la précédente chargée de la diffusion de ces tubes, ont fait assigner la société Becton Dickinson ainsi que M. Polack, praticien hospitalier devant le tribunal de grande instance de Montpellier en concurrence déloyale pour dénigrement à leur encontre ; que les deux sociétés ont invoqué à cet égard des propos tenus par M. Polack lors d'une conférence prononcée à l'occasion d'un colloque scientifique, ainsi qu'un article de ce praticien, dans une revue médicale, concernant les tubes CTAD en plastique, notamment ceux de la société Greiner et une lettre de la société Becton Dickinson destinée aux établissements hospitaliers, aux cliniques et aux laboratoires ; que l'arrêt attaqué a déclaré bien fondée l'exception d'incompétence du juge judiciaire soulevée par M. Polack en ce qui concernait l'action dirigée contre lui et débouté les sociétés Greiner de leurs demandes dirigées contre la société Becton Dickinson;
Sur le premier moyen: - Attendu que les sociétés Greiner font grief à la cour d'appel d'avoir ainsi dénié sa compétence, alors que la faute d'un praticien hospitalier est détachable de ses fonctions, lorsque son comportement a procédé d'une intention malveillante ou de la poursuite d'un intérêt personnel; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a estimé que les propos, tant oraux qu'écrits, tenus par le docteur Polack n'étaient pas détachables de ses fonctions, la preuve d'une intention de nuire ou de la poursuite d'un intérêt personnel n'étant pas rapportée, motif pris, notamment, de ce que les propos qu'il avait tenus lors du symposium de Montpellier n'appelaient nullement au boycott des tubes fabriqués par la société Greiner, sans rechercher, alors qu'elle y avait été invitée, si le docteur Polack n'avait pas précisément tenu, dans son article paru dans la revue "Thrombosis and Haemostasis", des propos de nature à décourager les professionnels de la santé de se fournir en tubes CTAD Greiner, a privé sa décision de base légale au regard de la loi des 16 et 24 août 1790;
Mais attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que la cour d'appel, englobant dans la même appréciation l'intervention orale de M. Polack et l'article publié ultérieurement en ce qu'ils portaient l'un et l'autre sur les tubes CTAD fabriqués par la société Greiner, a jugé qu'ils ne révélaient pas, au regard des pratiques administratives, une malveillance particulière ou une imprudence majeure caractéristiques d'une faute lourde détachable; qu'en ce qui concernait particulièrement l'article litigieux, elle a ajouté qu'à supposer qu'il constituât un dénigrement, il ne présentait pas la gravité attachée à la faute détachable du service;
Sur le second moyen pris en ses deux branches: - Attendu que les sociétés Greiner font encore grief à l'arrêt de les avoir déboutées de leur action en concurrence déloyale dirigée contre la société Becton Dickinson, alors, selon le moyen : 1°)que d'une part le dénigrement qui vise à jeter le discrédit sur les produits fabriqués par un concurrent, constitue un acte de concurrence déloyale; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui a estimé que la lettre diffusée par la société Becton Dickinson et tendant à promouvoir les tubes sous vide pour prélèvements sanguins en verre fabriqués par cette société, au détriment des tubes en plastique produits par la société Greiner, ne comportait aucun dénigrement sans rechercher si l'étude commandée par la société Becton Dickinson et démontrant que les tubes Greiner n'étaient pas conformes ne s'était pas référée à des normes et spécifications arbitrairement fixées par la société Becton Dickinson elle-même pour éliminer du marché les tubes produits par sa concurrente, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil; 2°) que d'autre part la publicité comparative n'est admise qu'à la condition d'être loyale véridique et insusceptible d'induire le consommateur en erreur, qu'en l'espèce la cour d'appel qui n'a pas examiné la légalité de la publicité comparative émise par la société Becton Dickinson dans sa lettre diffusée aux professionnels de la santé prétexte pris de ce qu'elle n'était pas caractérisée puisqu'il s'agissait seulement de préconiser l'utilisation des tubes fabriqués par la société Becton Dickinson plutôt que ceux de sa concurrente dans le seul cas de stockage des prélèvements sanguins a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 121-8 du Code de la consommation;
Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel a relevé que la lettre litigieuse renvoyait à une étude se référant à des critères en cours connus par le ou les laboratoires destinataires, qu'elle visait également diverses autres études scientifiques et qu'il n'était pas démontré qu'elle comportât des allégations erronées;
Attendu, d'autre part, que la cour d'appel, qui a relevé que seule une tentative de publicité comparative avait été soulevée et constaté que les appréciations émises en termes modérées dans la lettre de la société Becton Dickinson ne dépassaient pas la liberté de toute fabricant d'un produit médical d'informer les consommateurs professionnels et n'étaient pas de nature à induire en erreur ses destinataires, a légalement justifié sa décision; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.