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Décisions

CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 15 novembre 2001, n° 99-03205

VERSAILLES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Astratech France (SA)

Défendeur :

Coloplast A/S (Sté), Coloplast Laboratoires (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Laporte

Conseillers :

MM. Fedou, Coupin

Avoués :

SCP Bommart & Minault, SCP Keime-Guttin

Avocats :

Mes Quint, Galloux.

TGI Nanterre, 2e ch., du 12 avr. 1999

12 avril 1999

Faits, procédure et moyens des parties

Les sociétés Coloplast A/S et Laboratoires Coloplast d'une part et la société Astratech France d'autre part sont concurrentes sur le marché français des sondes urinaires. Les premières commercialisent leurs produits sous les marques Coloplast, Conveen, Conveen-Duo et Conveen Easicath, la seconde sous celle Lofric.

Faisant grief à la société Astratech France de l'édition et de la diffusion d'un document constituant, selon elles, une publicité comparative et dénigrante ainsi qu'un usage illicite de leurs marques, les sociétés Coloplast A/S et Laboratoires Coloplast ont saisi le Tribunal de grande instance de Nanterre d'une demande en réparation des préjudices qu'elles estimaient avoir subis.

Par jugement du 12 avril 1999, cette juridiction, qualifiant la plaquette litigieuse de document publicitaire, considérant que cette publicité comparative n'était pas soumise aux dispositions des articles L. 121-8 et suivants du Code de la consommation, et retenant sa compétence a déclaré la société Astratech France coupable de contrefaçon de la marque Conveen Easicath et d'actes de concurrence déloyale. Elle l'a condamnée à payer à la seule société Coloplast A/S la somme de 200 000 F et aux deux demanderesses celle de 500 000 F, en interdisant sous astreinte la distribution de la plaquette litigieuse, en autorisant la publication du jugement dans cinq revues. Elle a ordonné l'exécution provisoire et alloué aux sociétés Coloplast A/S et Laboratoires Coloplast une indemnité de procédure de 20 000 F.

Appelante de cette décision, la société Astratech France décrit les caractéristiques techniques des sondes urinaires Lofric qui sont pourvues d'une couche superficielle externe augmentant "l'osmolalité" c'est à dire réduisant, lors de l'introduction et du retrait par les voies naturelles, le frottement et par conséquent les risques de complications médicales. Elle explique que les laboratoires Coloplast ont, commercialisé une sonde prétendant avoir les mêmes caractéristiques sans cependant fournir de documentation scientifique probante, ce qui a amené des scientifiques indépendants à mener, en 1994, une étude comparative des deux modèles de sondes, publiée en avril 1997 dans la revue Spinal Cord. Elle précise que c'en est un résumé, établi par une équipe de médecins indépendants, qu'elle a fait figurer au verso d'une plaquette présentant ses produits.

Elle critique le jugement d'avoir dénié, en soulevant d'office cette exception, l'applicabilité des dispositions des articles L. 121-8 et suivant du Code de la consommation au motif que l'article de la revue s'adressait à des professionnels de la santé et non à des consommateurs. Elle expose qu'une sonde urétrale ne peut être considérée comme un médicament, n'est pas soumise à une prescription médicale obligatoire et est libre à la vente. Se référant au surplus à des jurisprudences, elle soutient que le caractère licite de la plaquette doit être examiné au regard des critères établis par l'article L. 121-8 du Code de la consommation.

Elle fait valoir que la comparaison est objective puisque portant à la connaissance des utilisateurs des résultats scientifiques, qu'elle porte sur les qualités intrinsèques significatives et vérifiables des produits comparés, lesquels sont de même nature et disponibles. Elle dénie tout caractère dénigrant ou trompeur de cette publication.

Elle conteste que le défaut de la communication préalable édictée par les dispositions de l'article L. 121-12 du Code de la consommation aurait pour conséquence la non-applicabilité des dispositions de l'article L. 121-8 dudit Code et le caractère illicite de la publicité comparative, faute par le demandeur de rapporter la preuve que le défaut de cette formalité lui aurait causé un préjudice spécifique.

Elle se prévaut de l'exception de citation en droit des marques dans le cadre de la publicité comparative pour soutenir que la référence qu'elle a faite à la dénomination Conveen Easicath n'est pas constitutif de contrefaçon d'autant qu'elle souligne n'avoir ni reproduit, ni apposé, ni fait un usage frauduleux des marques de la société Coloplast A/S pour la commercialisation de ses produits.

Elle réfute le grief de concurrence déloyale en critiquant la valeur probante des attestations produites qui tendent à établir qu'elle aurait dénigré les produits Conveen, en expliquant que sa lettre au ministère du Travail et des affaires Sociales avait le simple objectif d'interroger cette administration sur la toxicité d'un produit mis en œuvre. Elle affirme que le dénigrement prétendu ne peut s'adresser qu'aux consommateurs ou aux médecins prescripteurs mais pas aux autorités administratives de tutelle.

Elle soutient que l'existence d'un comportement fautif n'est pas démontrée, que la preuve de la réalité et du quantum des préjudices allégués n'est pas rapportée et que n'est pas établi le lien de causalité.

Faisant grief à la société Coloplast A/S et la société Laboratoires Coloplast de mauvaise foi et d'un abus dans l'exécution du jugement de première instance, pourtant frappé d'appel, elle estime avoir subi un préjudice dont elle demande réparation.

Elle conclut à l'infirmation de la décision en toutes ses dispositions et à la condamnation des sociétés Coloplast A/S et Laboratoires Coloplast au paiement des sommes de 1 000 000 F à titre de dommages et intérêts et de 100 000 F en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Ces dernières répondent ensemble que la plaquette incriminée n'est pas un document d'information médicale et ne peut qu'être qualifiée de publicité comparative illicite. Elles en dénoncent le caractère intrinsèquement dénigrant et font observer que la société Astratech France a traduit et résumé très librement et sans l'accord des auteurs, l'article paru dans la revue Spinal Cord.

Elles exposent qu'elles n'ont pas été avisées, conformément à la loi, de la publicité et en infèrent la mise hors d'application du cadre légal de la publicité comparative en soulignant qu'elles se sont trouvées dans l'impossibilité de rectifier les fausses informations divulguées.

Elles expliquent que le caractère trompeur et dénigrant de ce document résulte du fait que le produit Coloplast testé en 1994 est différent de celui actuellement sur le marché car la modification du conditionnement à eu pour conséquence l'élimination des adhérences.

Elles en infèrent que les dispositions du Code de la consommation ne sont pas applicables au présent litige puisque, au surplus et selon elles, la publicité comparative ne s'applique pas dans les relations entre professionnels.

Elles considèrent que la société Astratech France s'est rendue coupable de contrefaçon des marques leur appartenant, non seulement par la diffusion de la documentation publicitaire, mais aussi par l'usage oral qu'en ont fait ses représentants lors de la présentation des produits.

Approuvant les premiers juges, elles font valoir que les pièces produites démontrent l'existence de dénigrements systématiques par les préposés de la société Astratech France qui a, par ailleurs, saisi la commission nationale de matério-vigilance en s'interrogeant sur la dangerosité du produit de son concurrent.

Elles font observer que, outre les indications objectives résultant des chiffres de l'évolution du marché du produit en cause, le préjudice qu'elles ont subi est considérable en terme d'image, de désorganisation de leur activité et de trouble commercial. Faisant état de la perte des parts de marché et du manque à gagner résultant de la campagne de dénigrement, elles chiffrent leur préjudice à la somme de 18 354 000 F.

Elles dénient enfin tout comportement fautif dans les publications du jugement de première instance, assorti de l'exécution provisoire et régulièrement signifié et contestent le préjudice allégué par la société Astratech France ;

Elles concluent à la confirmation du jugement sauf à porter à la somme de 18 354 000 F le montant de l'indemnisation de leur préjudice et à y ajouter une indemnité complémentaire de 100 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

La procédure a été clôturée par une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 13 septembre 2001 et l'affaire a été évoquée à l'audience du 02 octobre 2001.

Motifs de la décision

Considérant que n'est plus discuté devant la cour le caractère publicitaire du document litigieux comportant sur l'une de ses faces la présentation de la gamme des sondes et "kit" de sondage Lofric et sur l'autre face le compte-rendu d'une étude croisée se référant à une publication dans le magazine "Spinal Cord" ;

Considérant que cette plaquette publicitaire énonce que l'étude menée par les docteurs Waller, Telander et Sullivan avait pour but de "comparer les caractéristiques du revêtement des sondes Lofric (Astra Tech Abn Mölndal, Suède) et Conveen EasiCath (Coloplast A/S, Espergaerde, Danemark)" et en présente les résultats selon un tableau à double entrée faisant apparaître pour chacune des deux sondes les valeurs mesurées pour trois critères d'osmolalité, de friction (sous les deux unités Newton et grammes) et de difficulté au retrait ; qu'elle constitue donc, à l'évidence, une publicité comparative ;

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 121-8 du Code de la consommation, une telle publicité n'est autorisée que si elle est loyale, véridique et n'est pas de nature à induire en erreur le consommateur ; que la destination de la publicité incriminée principalement à des médecins prescripteurs n'a pas pour effet d'écarter du cas de l'espèce l'application de ce texte ;qu'en effet, les sondes urinaires ne sont pas des médicaments,que leur délivrance n'est pas soumise à l'exigence d'une ordonnance,qu'elles peuvent être achetées directement par les utilisateurs ;qu'il n'est, au surplus, ni allégué ni démontré que cette plaquette n'aurait pas été utilisée, directement ou par l'intermédiaire des prescripteurs, à des fins publicitaires auprès des utilisateurs ;

Considérant qu'une publicité comparative doit être limitée à une comparaison objective qui ne peut porter que sur des caractéristiques essentielles, significatives, pertinentes et vérifiables de biens de même nature disponibles sur le marché ;

Considérant que les quatre premiers critères sont, en l'espèce, respectés puisque le compte-rendu concerne la mesure du taux d'osmolalité et de frottement de sondes urinaires dont l'une des qualités essentielles doit être la facilité de retrait sans lésion épithéliale de la muqueuse urétrale, et que les mesures de l'osmolalité, du frottement et du nombre constaté d'adhérences au retrait, annoncées pour chacune des deux sondes, correspondent à celles mentionnées par l'étude publiée dans la revue Spinal Cord ;

Considérant en revanche que la plaquette traduit, de cet article, la mention : "résultant en une différence globale entre les sondes de 55 %, mesurées comme valeurs moyennes par patient et par jour" par la formule "55 % de frottement en plus avec la sonde Conveen EasiCath par rapport à la sonde Lofric"; qu'elle mentionne en conclusion "cette étude objective des paramètres de frottement très faible lors du retrait de la sonde pour la sonde Lofric. L'osmolalité de la couche superficielle de la sonde Lofric est proche de celle de l'urine, ce qui peut expliquer ses meilleurs qualités de glissement" ; qu'elle ajoute "ces propriétés diminuent le risque de lésion de l'épithélium urétral chez les patients pratiquant les sondages intermittents" sans faire pourtant état de la constatation de l'étude qui indique "deux épisodes d'infection des voies urinaires ont été enregistrés pendant le sondage avec Lofric et trois avec Easicath" ; qu'en tirant ainsi à son avantage les conclusions de l'étude, la société Astratech France a manqué au respect de la condition d'objectivité exigée par l'article L. 121-8 du Code de la consommation ;qu'en ajoutant aux observations de l'étude scientifique des commentaires avantageux pour les sondes Lofric, elle a visé à mettre en avant son produit, portant ainsi nécessairement atteinte à ses concurrents ;

Considérant que les sociétés Coloplast A/S et Laboratoires Coloplast ne peuvent efficacement invoquer que la publicité comparative est illicite au motif qu'elle vise un produit qui n'est plus disponible ; qu'elles affirment que l'emballage des sondes Easicath a subi, en avril 1995, une modification ayant eu pour effet d'améliorer les performances cliniques et de créer ainsi un produit différent ; mais considérant qu'à l'appui de cette affirmation, elles se bornent à produire un document intitulé "Analyse des réclamations de la clientèle avant et après la modification de l'emballage de la sonde conveen easicath en avril 1995", sous la signature du directeur assurance qualité, qui constitue un document interne dépourvu de caractère probant ; que ni le nom, ni la référence du produit n'ont été changés ; qu'il n'est fait état d'aucune communication externe sur le caractère prétendument nouveau de ce produit; que la constatation d'un moindre taux de réclamation de la clientèle n'a pas pour effet de démontrer que les mesures publiées dans la revue Spinal Cord se seraient trouvées modifiées par l'abandon de l'emballage en papier ; qu'il n'est ainsi aucunement démontré que la sonde Easicath commercialisée depuis 1995 serait un produit différent de celui visé par l'étude, et qui n'aurait donc plus été disponible lors 'de la publication de la plaquette publicitaire comparative ;

Considérant que la société Astratech France ne conteste pas avoir manqué à l'obligation, édictée par les dispositions de l'article L. 121-12 du Code de la consommation, de communiquer aux sociétés Coloplast A/S et Laboratoires Coloplast, avant sa diffusion, l'annonce comparative ; qu'un tel comportement constitue, à l'évidence, un manquement à l'obligation de loyauté visée par l'article L. 121-8 dudit Code ; que les sociétés Coloplast justifient, en effet, d'avoir discuté les conclusions de l'article de Spinal Cord et protesté auprès de l'un de ses auteurs ; que le défaut de communication préalable les a privées de la possibilité de faire valoir leurs prétentions à rectification éventuelles de ce qu'elles considèrent comme des fausses informations, leur causant par-là un préjudice distinct de celui des effets de la publicité comparative, la décision d'un juge des référés, qui a constaté à cet égard l'existence d'une contestation sérieuse, restant sans portée sur la démonstration de l'inexistence, alléguée par la société Astratech France, du préjudice ;

Considérant que le défaut de loyauté et d'objectivité de la publicité comparative incriminée prive la société Astratech France du bénéfice des dispositions de l'article L. 121-8 du Code de la consommation et, par conséquent, de l'exception à l'article L. 713-2 du Code de la propriété intellectuelle qui dispose que sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, la reproduction l'usage ou l'apposition d'une marque ;que c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que l'usage de la marque Conveen Easicath, dont la propriété de la société Coloplast A/S n'est pas discutée, constitue une atteinte aux droits privatifs conférés par son dépôt, portant atteinte à sa notoriété, dès lors que n'est pas établie la bonne foi de l'utilisateur qui cherchait, non dans un but scientifique mais publicitaire, à vanter la supériorité prétendue de sa propre marque dans le cadre du document de publicité comparative incriminé ;

- Sur la concurrence déloyale

Considérant qu'il résulte de nombreuses attestations produites aux débats que les préposés de la société Astratech France, chargés de la promotion commerciale des sondes Lofric, ont distribué, en clientèle ou lors de manifestations professionnelles, la plaquette de publicité comparative, ce qu'au demeurant la société Astratech France ne conteste pas ;

Que certaines de ces attestations établissent en outre que ces délégués médicaux ont tenu des propos alarmistes sur les risques liés au mode de stérilisation à l'oxyde d'éthylène de la sonde Easicath ;qu'il en est ainsi des attestations de messieurs Pierre Manoha, Michel Munet, de mesdames Catherine Matra, Chantal Bezaut, Lydie Adenis ; que le caractère indirect des témoignages ne les prive pas de toute qualité probante eu égard, précisément, à l'effet de rumeur induit par la démarche de la société Astratech France ;

Que l'attestation du docteur Espirac ne peut pas être prise en considération du fait de la position de directeur médical de Coloplast de son auteur ; que celle délivrée par le docteur Maupu en sa qualité de médecin libéral, ne peut en revanche perdre tout caractère probant au seul motif que cette personne serait l'épouse d'un responsable régional de Coloplast ;

Que ces attestations, nombreuses et concordantes, sont corroborées par les courriers provenant du CHU de Dijon, du CRNRF de Coubert, de l'hôpital de Rangueil à Toulouse qui démontrent la réalité d'une véritable inquiétude résultant de propos tenus par les représentants de la société Astratech France de nature à faire accroire que les sondes Conveen présenteraient des risques pour les patients, et notamment un risque cancérigène ; que la société Laboratoires Coloplast produit aux débats les courriers qu'elle s'est trouvée contrainte d'adresser à l'institution Nationale des Invalides à Paris et au CHU de Grenoble pour répondre aux mêmes inquiétudes téléphoniquement exprimées ;

Considérant enfin que la société Astratech France a adressé le 28 avril 1997 au ministère de Tutelle, une lettre visant à attirer l'attention de cette administration sur la mise sur le marché de la sonde concurrente, expliquant "compte tenu du fait que ce set est stérilisé à l'oxyde d'éthylène et que l'ampoule d'eau est en plastique, nous nous posons la question sur la sécurité de ce produit et le risque que le sérum physiologique dans l'ampoule soit contaminé par l'oxyde d'éthylène" et posant, in fine, la question "Le produit est-il conforme aux normes en vigueur et selon vous, est-ce qu'il assure une sécurité acceptable pour une utilisation à long terme?" ;

Que cette démarche a provoqué une demande de renseignement de la part du ministère qui a abouti, après saisine de la commission nationale de matério-vigilance, à la constatation, le 7 novembre 1997, qu'aucun risque n'était imputable au dispositif et à une décision de classement de dossier ;

Considérant que de tels procédés qui visent à créer, de toute pièce, une rumeur particulièrement dénigrante sur un produit concurrent, avec des méthodes insidieuses, dans un domaine professionnel extrêmement sensible à la mise en œuvre du principe de précaution, sont constitutifs d'actes de concurrence déloyale sans que la société Astratech France ne puisse sérieusement prétendre que le dénigrement ne se serait pas adressé aux consommateurs ;

- Sur les préjudices

Considérant que les actes de contrefaçon par l'usage de la marque dans une plaquette publicitaire comparative illicite portant atteinte à son image, ont causé à la société Coloplast A/S, propriétaire, un dommage ; que c'est à bon droit que les premiers juges ont condamné la société Astratech France à indemniser le préjudice qu'ils ont justement évalué à la somme de 200 000 F, au demeurant non critiquée par les parties ;

Considérant que les préjudices résultant des actes de concurrence déloyale sont distincts du précédant ; qu'ils consistent notamment en la perte de marge nette au titre du chiffre d'affaires que les societes Coloplast et Laboratoires Coloplast auraient été en mesure de réaliser sans la concurrence dénigrante de la société Astratech France ; Que ces préjudices étaient chiffrés devant les premiers juges à la somme de 2 500 000 F par les demanderesses qui la portent, devant la cour, à celle de 18 354 000 F ;

Considérant qu'il résulte des éléments chiffrés produits aux débats et, notamment des relevés du Groupement d'Etudes Statistiques, dit Gers, que la campagne publicitaire comparative et les actes de concurrence déloyale déployés par la société Astratech France ont infléchi les courbes d'évolution favorables tant des parts de marché que du chiffre d'affaires des sondes Coloplast ; que de mai 1997 à mai 1998, la part de marché est passée de 69,94 % à 65,89 % ; que le chiffre d'affaires a diminué brutalement en juillet 1997 pour ne retrouver qu'au mois de décembre le niveau qu'il avait atteint en juin ; que ces diminutions correspondent précisément à la période où le ministère de Tutelle avait été saisi et où certains professionnels de la santé, alertés par les rumeurs, avaient exprimé leurs inquiétudes ;

Considérant que l'évolution prospective des parts de marché, à laquelle procèdent les sociétés Coloplast, n'est pas vraisemblable puisqu'elle résulte de la projection simpliste, sur dix-huit mois de chiffres constatés sur un seul trimestre et sans prendre en compte l'arrivée de produits concurrents ; que la perte effective de part de marché résultant des actes de concurrence déloyale peut être estimée à une moyenne de trois points, sur la période de mai 1997 à août 1998 retenue par la société Laboratoires Coloplast, laquelle précise que le marché total sur cette période s'est établi à 79 749 262 F ;

Qu'il en résulte que le manque à gagner, en terme de chiffre d'affaires, s'élève à la somme de 2 372 000 F ;

Considérant que la société Laboratoires Coloplast produit aux débats l'analyse de ses marges moyennes sur cathéters qui révèle, sur la période 97/98, un taux de marge brut moyen de 50 % ; que le taux de marge nette n'est pas précisé ; qu'il peut raisonnablement être estimé à 30 % ; que le préjudice de manque à gagner trouvant sa cause dans la concurrence déloyale doit en conséquence être valorisé à la somme arrondie de 700 000 F ;

Considérant qu'outre les pertes de bénéfice, les actes de concurrence déloyale ont causé aux sociétés Coloplast un préjudice commercial dès lors qu'elles se sont trouvées contraintes de faire un effort particulier d'explication auprès des médecins prescripteurs et du ministère de Tutelle pour faire reconnaître l'innocuité de leurs productions mise en cause par les allégations et rumeurs propagées par la société Astratech France et de consacrer à cet effet un temps important de leurs collaborateurs techniciens et commerciaux ; que ce préjudice sera justement indemnisé par l'allocation d'une somme qu'il convient de fixer à 200 000 F ;

- Sur les autres demandes

Considérant que la société Astratech France ne démontre pas le caractère abusif du comportement des sociétés Coloplast A/S et Laboratoires Coloplast qui ont seulement procédé à l'exécution provisoire du jugement de première instance que cette décision avait ordonnée ; que les publications n'ont pas, comme elle le soutient, été faites dans des conditions malveillantes ; qu'une publication est destinée à être vue et que le choix, à cet effet, d'un fond jaune ne constitue pas un abus ; qu'il n'est pas allégué que le coût de ces parutions ait excédé la somme de 50 000 F hors taxes fixée par les premiers juges ; que sa demande de dommages et intérêts doit être rejetée ;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser aux sociétés Coloplast A/S et Laboratoires Coloplast la charge des frais qu'elles ont été contraintes d'engager en cause d'appel ; que la société Astratech France sera condamnée à leur payer une indemnité complémentaire de 10 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Considérant que l'appelante qui succombe dans l'exercice de son recours doit être condamnée aux dépens ;

Par ces motifs, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme par substitution partielle de motifs le jugement entrepris sauf à porter à 900 000 F (137 204,12 euro) le montant de la condamnation de la SA Astratech France au bénéfice des sociétés Coloplast A/S et Laboratoires Coloplast en réparation des préjudices nés des faits de concurrence déloyale, Y ajoutant, Condamne la SA Astratech France à payer aux sociétés Coloplast A/S et Laboratoires Coloplast la somme complémentaire de 10 000 F (1 524,49 euro) sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, la condamne aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par la SCP Keime-Guttin, société-titulaire d'un office d'avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.