Livv
Décisions

Cass. com., 25 avril 2001, n° 98-21.559

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Syndicat des professionnels européens de l'automobile

Défendeur :

Conseil national des professions de l'automobile

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Rapporteur :

Mme Champalaune

Avocat général :

M. Feuillard

Avocats :

SCP Bouzidi, SCP Gatineau.

T. com. Poitiers, du 22 nov. 1993

22 novembre 1993

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 26 octobre 1998), rendu sur renvoi après cassation (arrêt n° 1473 P de la Chambre commerciale, financière et économique de la Cour de Cassation du 9 juillet 1996, Bull. IV, n° 204 p. 175), que, se prévalant de la concurrence déloyale que leur auraient causée les sociétés Garage Gauvin et Garage Relais de Chauray, le Conseil national des professions de l'automobile (CNPA), la société Garage Saint-Christophe, la société Genève automobiles, la société Niort automobiles et la Société de diffusion automobiles niortaises (les concessionnaires) les ont assignées en réparation de leur préjudice et aux fins d'interdiction de vendre des véhicules irrégulièrement acquis ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident qui est préalable : - Attendu que le CNPA et les concessionnaires font grief à l'arrêt d'avoir rejeté pour la plus grande part leurs demandes indemnitaires, alors, selon le moyen : 1°) qu'il appartient au revendeur non agréé d'établir la régularité de l'origine des produits qu'il commercialise ; que ce revendeur doit, en conséquence, vérifier, connaître et pouvoir justifier de la provenance régulière de ses produits ; qu'en l'espèce, les revendeurs non agréés, s'ils fournissaient l'identité du dernier vendeur, ne justifiaient pas de l'origine des véhicules ; que la cour d'appel, qui a considéré que c'était aux concessionnaires exclusifs de rechercher l'identité du fournisseur agréé originel, quand c'était aux revendeurs non agréés d'établir la régularité de leur approvisionnement et de l'origine régulière des produits, a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du Code civil ; 2°) que le demandeur à une action en concurrence déloyale contre un revendeur non agréé ayant violé l'exclusivité découlant du réseau de distribution n'a pas à démontrer l'étanchéité de son réseau ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a fait peser sur les concessionnaires la charge de la preuve de l'étanchéité de leur réseau, pour leur reprocher, qui plus est à tort, de ne pas rapporter cette preuve, a violé l'article 1315 du Code civil ;

Mais attendu que s'il est vrai qu'il appartient à l'opérateur ayant acquis des véhicules neufs pour les revendre de faire la preuve qu'il les a régulièrement acquis sur un réseau parallèle ou auprès d'un autre concessionnaire, il ne saurait être tenu, aucune présomption d'approvisionnement illicite ne pouvant lui être opposée, de rapporter la preuve de l'acquisition régulière des véhicules litigieux par le vendeur auquel il s'est adressé, cette recherche incombant aux concessionnaires ou aux fabricants; qu'ayant fait application de cette règle, la cour d'appel, abstraction faite du motif surabondant justement critiqué par la deuxième branche du moyen, n'a pas inversé la charge de la preuve ; qu'il suit de là que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le pourvoi principal : - Sur le premier moyen : - Vu l'article 1382 du Code civil ; - Attendu que, pour condamner les sociétés Garage Gauvin et Garage Relais de Chauray pour concurrence déloyale, l'arrêt retient que doivent être considérés comme irréguliers les approvisionnements opérés auprès de sociétés de location de véhicules qui ont revendu comme neufs sans les avoir utilisés huit véhicules Peugeot, ces sociétés ayant servi de prête-nom et de simple intermédiaire pour éluder l'exclusivité confiée aux concessionnaires;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'existence d'une fraude commise par les sociétés de location en l'absence de constatation de l'existence d'une interdiction de revente des véhicules qui leur sont fournis par les constructeurs automobiles et sans relever la connaissance qu'auraient eue les sociétés Garage Gauvin et Garage Relais de Chauray de cette interdiction, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision;

Et sur la première branche du deuxième moyen : - Vu l'article 1382 du Code civil ; - Attendu que pour décider que les sociétés Garage Gauvin et Garage Relais de Chauray s'étaient rendues coupables de concurrence déloyale, l'arrêt retient que doivent être considérés comme irréguliers les approvisionnements opérés auprès de revendeurs non agréés s'étant faussement prétendus mandataires d'utilisateurs finaux;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans constater que les sociétés Garage Chauvin et Garage Relais de Chauray avaient connaissance de la fraude commise par leurs vendeurs, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision;

Et sur le troisième moyen : - Vu l'article 1382 du Code civil ; - Attendu que pour condamner les sociétés Garage Gauvin et Relais de Chauray à payer chacune en réparation du préjudice causé pour les actes de concurrence déloyale causés par elles différentes sommes, l'arrêt retient que doivent être considérés comme irréguliers les approvisionnements opérés auprès de sociétés de location de véhicules, auprès de revendeurs non agréés s'étant faussement prétendus mandataires d'utilisateurs finaux et auprès de concessionnaires en se prétendant manifestement faussement utilisateurs finaux;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans caractériser les fautes imputables à chacune des sociétés mises en cause, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision;

Par ces motifs : rejette le pourvoi incident ; casse et annule, mais seulement en ce qu'il a condamné les sociétés Gauvin et Relais de Chauray pour concurrence déloyale pour approvisionnement auprès de loueurs professionnels, auprès de revendeurs non agréés s'étant faussement prétendus mandataires d'utilisateurs finaux et auprès de concessionnaires en se prétendant faussement utilisateurs finaux, l'arrêt rendu le 26 octobre 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges.