CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 29 mars 2001, n° 98-03896
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Syndicat de la Distribution Directe
Défendeur :
Mediapost (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Laporte (faisant fonctions)
Conseillers :
MM. Fedou, Coupin
Avoués :
Me Treynet, SCP Gas
Avocats :
Mes Omaggio, Lehmann.
Faits et procédure :
Le Syndicat de la Distribution Directe, SDD, est un syndicat professionnel, ayant notamment pour objet social la représentation de ses membres en vue d'assurer la défense de leurs intérêts professionnels et la répression de toute infraction de nature à causer un préjudice aux intérêts de la profession.
Les adhérents de ce syndicat sont des entreprises de distribution d'imprimés, documents publicitaires et journaux gratuits.
La société Mediapost est une société commerciale de droit privé, filiale de la société Sofipost, société holding des filiales de La Poste, et elle-même société de droit privé régie par la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, et dont le capital est détenu par La Poste, exploitant public régi par la loi du 2 juillet 1990. Mediapost exerce une activité en partie concurrente de celle des membres du Syndicat.
Dans une publicité parue notamment dans le journal Stratégie n° 970 du 31 mai 1996 et dans la revue Décisions Media de septembre 1996, sont présentés les résultats de l'enquête Audiboite 20 000 réalisée par la Sofres à la demande de Mediapost ; cette publicité mentionne que les prospectus publicitaires distribués dans les boîtes à lettres bénéficient d'un taux de lecture de 90 %, d'un taux de conservation de 63 % et d'un score d'agrément de 66 % ; elle indique également que 16 % des boîtes à lettres sont inaccessibles aux imprimés publicitaires, sauf à passer par Mediapost.
C'est dans ces circonstances que, par acte d'huissier en date du 25 octobre 1996, le Syndicat de la Distribution Directe a fait assigner devant le Tribunal de commerce de Nanterre la société Mediapost, pour voir juger que celle-ci s'est rendue coupable de publicité mensongère et de comportement anti-concurrentiel, et pour voir condamner la défenderesse à payer au Syndicat la somme de 5 000 000 F à titre de dommages-intérêts, outre une indemnité de 50 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par jugement en date du 6 mars 1998, le tribunal a :
- reçu le Syndicat de la Distribution Directe, SDD, en ses demandes, et débouté celui-ci de ses prétentions ;
- débouté la SA Mediapost de sa demande de dommages-intérêts fondée sur l'article 32-1 du nouveau Code de procédure civile ;
- condamné le Syndicat de la Distribution Directe, SDD, aux dépens et au paiement à la société Mediapost de la somme de 15 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La Societé [sic] de Distribution Directe, SDD, a interjeté appel de ce jugement.
A titre préliminaire, elle indique qu'en l'état de ses statuts et du procès-verbal de la réunion de son Conseil d'Administration en date du 14 juin 1996, et conformément aux dispositions des lois du 21 mars 1824 et 12 mars 1990, elle justifie d'un intérêt à agir.
Sur le fond, elle fait valoir en premier lieu que la SA Mediapost détourne à son profit, dans un secteur d'activité soumis au jeu de la libre concurrence, le monopole postal et les privilèges de puissance publique y afférents, comportement constitutif d'un abus de position dominante au sens des dispositions de l'article 8-1° de l'ordonnance du 1er décembre 1986.
Elle explique qu'afin de préserver son monopole de distribution prévu par l'article L. 1 du Code des Postes, La Poste bénéficie de règles exorbitantes justifiées par ce monopole et par l'intérêt public et collectif qu'il est censé protéger, ce notamment en ce qui concerne la disposition des boîtes aux lettres et leur accès.
Elle fait observer que, dès lors que le monopole postal ne peut valablement trouver application aux autres activités que La Poste est en mesure d'exercer, telles que celles prévues par l'article L. 2 dudit Code, ces autres activités sont soumises au respect des règles de la concurrence, et il en est notamment ainsi relativement à la distribution d'articles et de documents publicitaires ou de journaux gratuits, laquelle recouvre l'activité exercée par les sociétés et entreprises membres du Syndicat de la Distribution Directe.
Elle soutient qu'en l'occurrence, contrairement aux dispositions légales qui régissent son statut, La Poste s'organise, telle une société privée, afin de permettre à la société Mediapost de développer son activité de distribution de documents publicitaires, et de profiter non seulement de privilèges de puissance publique mais également de facilités financières, notamment au travers de la mise à disposition des agents postaux qui, parallèlement au traitement quotidien du courrier, distribuent pour le compte de la partie adverse des prospectus et autres journaux.
Elle relève que, si la position dominante n'est en elle-même pas prohibée, celle-ci devient illégale lorsqu'elle a pour objet ou peut avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché.
Elle considère que la pratique incriminée, qui consiste à détourner les agents publics de leur mission initiale pour les affecter à un secteur privé, est une entrave au fonctionnement normal de la concurrence, représentative d'un abus de position dominante, contraire tant aux dispositions de droit interne de l'article 8-1 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, qu'aux dispositions communautaires issues des articles 85 et 86 du traité de Rome, et à laquelle il convient de mettre fin dans l'intérêt de la profession.
En second lieu, le Syndicat de la Distribution Directe fait valoir qu'une publicité fausse ou de nature à induire en erreur peut avoir pour effet de détourner la clientèle d'autrui, et donc de constituer un acte de concurrence déloyale susceptible d'être sanctionné par application de l'article 1382 du Code civil.
Elle explique qu'en l'occurrence, au travers de la publicité litigieuse, la société Mediapost entretient volontairement une confusion entre "l'inaccessibilité" et l'accès réglementé aux boîtes aux lettres, à l'effet de marginaliser les entreprises de distribution afin de les écarter du marché pourtant soumis au principe de la libre concurrence en vertu des dispositions de l'article L. 2 du Code des postes et télécommunications, lesquelles délimitent le monopole postal.
Elle conclut que cette publicité, établie à partir d'une utilisation tendancieuse et trompeuse d'une enquête de la Sofres, est de nature à induire en erreur la clientèle des entreprises concurrentes évoluant et intervenant sur le même marché, ce en infraction aux dispositions de l'article 44-1 de la loi du 27 décembre 1973 modifiée, et codifiée à l'article L. 121-1 du Code de la consommation.
Alléguant que la preuve est rapportée d'un comportement fautif préjudiciable aux intérêts de ses membres, le Syndicat de la Distribution Directe demande à la cour de réformer dans toutes ses dispositions le jugement entrepris, et de :
- ordonner, en conséquence, sous astreinte, la cessation de la pratique anti-concurrentielle, consistant dans le détournement du monopole postal, afin de "permettre un rétablissement effectif des relations normales et équilibrées entre les partenaires économiques";
- ordonner, de la même manière, la cessation de telle publicité ou infraction litigieuse, sous astreinte de 100 000 F par infraction constatée ;
- condamner, par ailleurs, la société Mediapost à verser au Syndicat la somme de 1 000 000 F, en réparation de l'atteinte directe portée à la profession ;
- ordonner la parution de la décision à intervenir dans dix journaux au choix du Syndicat, aux frais de la société intimée, sans qu'une telle parution ne puisse excéder la somme de 25 000 F HT.
Le Syndicat appelant sollicite en outre la condamnation de la société intimée au versement de la somme de 50 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
La société Mediapost soulève à titre préalable la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir, dès lors qu'en l'absence de décision du Conseil d'Administration autorisant la partie adverse à diligenter la présente procédure, l'action n'a pas été valablement engagée.
D'abord, elle conteste l'existence d'une position dominante dont elle tirerait profit, dans la mesure où, en l'absence d'analyse par le Syndicat de la Distribution Directe du marché, tant sur le plan géographique qu'au regard des services concernés, il est impossible de procéder à la démonstration d'une quelconque position dominante sur le marché de référence.
Elle précise que le premier critère en matière de définition de la position dominante est celui des parts de marché détenues par les différentes entreprises, et qu'en l'espèce, la part de la société Mediapost sur le chiffre d'affaires global des imprimés sans adresse représentait à l'époque des faits l'équivalent de 4,7 % de ce marché.
Elle fait également observer que l'existence du monopole postal est sans incidence sur le présent litige, dès lors qu'il n'est pas contesté que la distribution de prospectus publicitaires ne relève pas du monopole postal, et peut donc être exercée de manière libre tant par la société intimée que par les adhérents du Syndicat de la Distribution Directe, dès lors en outre que le fait que La Poste bénéficie du monopole sur le marché du service public du courrier n'a en rien pour effet de placer Mediapost en position dominante sur le marché de la distribution de prospectus, et dès lors enfin que les allégations adverses suivant lesquelles l'intimée aurait eu accès à des facilités financières au travers de la mise à disposition des agents postaux distribuant pour son compte des prospectus et autres journaux, sont parfaitement gratuites et contraires à la réalité.
A cet égard, elle relève que l'accès aux boîtes aux lettres est sans rapport avec le monopole postal, mais dépend du choix de chacun, plus précisément de chaque gérant d'immeuble, de laisser un accès libre aux dites boîtes aux lettres, ou de limiter l'accès à certaines personnes.
Elle ajoute que le fait que les facteurs distribuent d'autres documents que du courrier sous monopole est parfaitement licite et ne constitue en rien un détournement du monopole postal.
De plus, la société intimée conteste le bien fondé du grief de publicité mensongère émis à son encontre, dès lors qu'à supposer que l'affirmation selon laquelle " 16 % des boîtes aux lettres sont inaccessibles aux imprimés publicitaires " ne soit pas conforme à la vérité, cela ne constituerait pas pour autant une publicité mensongère, et dès lors et surtout que cette affirmation correspond au résultat d'une enquête extrêmement sérieuse diligentée par la Sofres.
Elle soutient que le Syndicat appelant est mal fondé à se retrancher derrière la distinction entre " inaccessibilité " et " accès réglementé des boîtes aux lettres ", alors que, pour les immeubles affectés soit d'un digicode soit d'un interphone donnant un accès téléphonique dans chaque appartement, le défaut de libre accès à ces immeubles signifie en pratique l'inaccessibilité pour les distributeurs de prospectus, sauf à avoir négocié un accès particulier, ce que les adhérents du Syndicat ne prétendent pas avoir fait.
Aussi, la société Mediapost conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté le Syndicat de la Distribution Directe de l'ensemble de ses demandes, et en ce qu'il l'a condamné au paiement d'une somme de 15 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Se portant incidemment appelante de ce jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts, la société intimée demande à la cour de condamner le syndicat appelant à lui payer la somme de 50 000 F pour procédure et appel abusifs.
Enfin, elle sollicite la condamnation dudit syndicat au paiement d'une indemnité de 50 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Motifs de la décision :
Sur la fin de non-recevoir pour défaut de qualité à agir :
Considérant qu'au soutien de sa fin de non-recevoir, la société Mediapost fait valoir qu'en l'état actuel de la procédure, le procès-verbal de la réunion du Conseil d'Administration en date du 14 juin 1996 habilitant le Syndicat de la Distribution Directe à diligenter la présente procédure n'a pas été versé aux débats, de telle sorte que la Cour ne pourra que constater que l'action introduite par la partie adverse est irrecevable pour défaut de qualité de celle-ci à ester en justice ;
Mais considérant qu'il doit être observé qu'aux termes de la décision entreprise, le tribunal fait expressément état de ce que la décision du Conseil d'Administration du Syndicat en date du 14 juin 1996 confère à celui-ci la qualité à agir dans la cause ;
Considérant qu'au demeurant, il apparaît qu'en première instance, la société intimée n'avait pas contesté que le syndicat appelant avait été régulièrement autorisé à ester en justice ;
Considérant qu'en tout état de cause, est produit aux débats devant la cour un exemplaire du compte-rendu de la réunion du Conseil d'Administration du SDD en date du 14 juin 1996, duquel il ressort que la présente procédure a été diligentée avec l'accord de cet organisme;
Considérant qu'en fonction de ce qui précède, il convient de rejeter le moyen soulevé de ce chef par la société Mediapost, et de déclarer recevable l'action introduite par le Syndicat de la Distribution Directe.
- Sur le grief lié à l'abus de position dominante de la société Mediapost :
Considérant que si, en application de l'article L. 1 du Code des postes et télécommunications, dans sa rédaction issue de la loi du 2 juillet 1990, La Poste bénéficie d'un monopole pour le transport des lettres ainsi que des paquets et papiers n'excédant pas le poids de 1 kilogramme, il résulte de l'article L. 2 dudit Code que la distribution de journaux, recueils, annales, mémoires, bulletins périodiques et tous imprimés ne relève pas du monopole postal et peut donc être exercée par La Poste, au même titre que par toute autre entreprise, dans le respect des règles de la concurrence ;
Considérant qu'au soutien de sa prétention suivant laquelle la société Mediapost, filiale du Groupe La Poste, abuse de sa position dominante, le Syndicat de la Distribution Directe fait valoir qu'en violation des dispositions de l'article 8-1° de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et au mépris du droit communautaire, la société intimée détourne à son profit, dans un secteur d'activité soumis au jeu de la libre concurrence, le monopole postal et les privilèges de la puissance publique, en ce qu'elle bénéficie des règles exorbitantes inhérentes à ce monopole, notamment quant aux facilités d'accès aux boîtes aux lettres et au travers de la mise à disposition des agents postaux ;
Considérant que le syndicat appelant précise que les avantages dont profite la société Mediapost pour entrer dans l'ensemble des immeubles (avec digicodes, ouvre-portes, télécommandes par occupant, clés PTT, cartes magnétiques...), consistant à détourner les agents publics de leur mission initiale pour les affecter à un service privé, est une entrave au fonctionnement normal de la concurrence, représentative d'un abus de position dominante, lequel s'exerce au détriment des adhérents du Syndicat de la Distribution Directe, eux-mêmes exclus du bénéfice de ces prérogatives exorbitantes ;
Mais considérant qu'en premier lieu, le fait que La Poste bénéficie du monopole sur le marché du service public du courrier n'a pas pour effet de placer la société Mediapost en situation de position dominante sur le marché de la distribution de prospectus;
Considérant qu'en effet, non seulement les deux entités que sont La Poste et Mediapost sont juridiquement distinctes, mais les marchés de la distribution du courrier et de la distribution des prospectus publicitaires sont différents;
Considérant qu'au surplus, il est constant que Mediapost n'intervient pas dans la distribution du courrier, mais seulement dans la distribution de prospectus et autres journaux, secteur dans lequel elle se trouve en concurrence avec les adhérents du Syndicat de la Distribution Directe ;
Considérant que, de surcroît, la critique faite par celui-ci des méthodes d'exploitation de La Poste, en tant que celle-ci s'organise telle une société privée afin de permettre à la société Mediapost de développer son activité de distribution des imprimés publicitaires, ne peut utilement prospérer dans le cadre de ce litige, dès lors que La Poste n'a pas été attraite dans la présente procédure ;
Considérant qu'en second lieu, il est constant que l'analyse du marché des produits et services en cause est un préalable nécessaire à la détermination de l'abus de domination ;
Considérant qu'il doit être rappelé que le marché de référence ou "marché pertinent" comprend les produits ou services offerts par l'entreprise concernée ainsi que les produits ou services substituables, et géographiquement accessibles pour la clientèle de cette entreprise ;
Or considérant que les documents produits aux débats ne renseignent nullement sur la question de savoir si les produits ou services offerts par les entreprises en cause dans le présent litige se situent ou non sur le même marché de référence ;
Considérant qu'il s'ensuit que l'absence de définition de ce marché n'autorise pas à conclure que la société Mediapost se trouve en situation de position dominante dans son secteur d'activité ;
Considérant qu'au demeurant, la Cour de justice des Communautés européennes a défini la notion de position dominante comme: "une position de puissance économique détenue par une entreprise qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d'une concurrence effective sur le marché en cause" (arrêt United Brands c/ Commission) ;
Considérant qu'il est admis que la domination d'un marché se caractérise d'abord par la place qu'occupe l'entreprise concernée sur ce marché ;
Que l'importance de la part du marché contrôlé est le critère principal d'appréciation de cette domination ;
Or considérant que la société Mediapost indique, sans être contredite sur les éléments chiffrés fournis par elle, que, sur un chiffre d'affaires global des imprimés sans adresse s'élevant à l'époque des faits à un montant de plus de 4 milliards de F, la part de la société intimée n'était que d'environ deux cents millions de F, soit l'équivalent de 4,7 % de ce chiffre d'affaires global;
Considérant qu'il ne peut donc se déduire de la modeste proportion de la part de marché détenue par la société Mediapost dans le secteur de la distribution des imprimés publicitaires que cette société se trouverait en situation de position dominante sur ce marché;
Considérant qu'en fonction de ce qui précède, il convient de confirmer par substitution de motifs le jugement déféré en ce qu'il a débouté le Syndicat de la Distribution Directe de ses demandes se rattachant à un prétendu abus de position dominante.
- Sur le grief de publicité trompeuse :
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 44-1 de la loi du 27 décembre 1973, codifié à l'article L. 121-1 du Code de la consommation, est interdite : " Toute publicité comportant sous quelque forme que ce soit, des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur lorsque celles-ci portent un ou plusieurs éléments ci-après: existence, nature, composition, qualités substantielles, teneur en principes utiles, espèce, origine, qualité, mode, et date de fabrication " ;
Considérant qu'en l'occurrence, la publicité que la société Mediapost a fait paraître dans le journal "Stratégie" n° 970 du 31 mai 1996 et dans le journal "Décisions Media" dans son numéro du 15 septembre au 14 octobre 1996 est rédigée de la manière suivante :
" 16 % des boîtes à lettres sont inaccessibles aux imprimés publicitaires, sauf quand on passe par Médiapost. La boîte à lettres est un grand média. Depuis plusieurs mois, nous vous en apportons les preuves grâce aux résultats issus de notre grande enquête réalisée sur les Français et leurs boîtes à lettres : l'Audiboite 20 000 Médiapost/Sofres. Il est vrai qu'avec son taux de lecture de 90 %, son taux de conservation de 63 % et son score d'agrément de 66 %, ce média présente des performances indéniables. Bien sûr, pour en profiter, il est primordial de mettre d'abord l'imprimé publicitaire dans la boîte à lettres : un jeu d'enfant, nous direz-vous : Eh bien non, car elles sont très protégées : clés, gardiens et codes rendent inaccessibles 16 % des logements, et donc des boîtes à lettres. Avec Médiapost, ce frein n'existe pas, car nous disposons de toutes les clés, de tous les codes et de toutes les autorisations nécessaires pour accéder à toutes les boîtes à lettres... Médiapost est donc la seule entreprise qui peut s'engager à distribuer vos imprimés directement dans toutes les boîtes à lettres... ";
Considérant qu'au soutien de sa prétention du chef de publicité trompeuse, le Syndicat de la Distribution Directe expose qu'en contradiction avec la disposition légale ci-dessus rappelée, la société Mediapost n'a pas hésité à faire publier une publicité qui, par sa présentation et par les termes utilisés, donne aux particuliers et aux professionnels une image trompeuse du marché de la distribution des journaux ;
Considérant que le Syndicat appelant précise que les paramètres qui ont servi de base à l'enquête de la Sofres, sur le fondement de laquelle la société intimée aurait établi la plaquette litigieuse, sont faussés par le fait que le terme "inaccessible" a une résonance et une signification qui ont été dévoyées par la partie adverse ;
Considérant qu'il ajoute qu'une publicité fausse ou de nature à induire en erreur peut être constitutive d'un acte de concurrence déloyale s'il a pour objectif de détourner la clientèle des entreprises concurrentes évoluant et intervenant sur le même marché ;
Mais considérant que, d'une part, il est démontré par les documents produits aux débats que la société Mediapost a fait procéder par la Sofres à une étude du marché des imprimés et publicités reçus dans les foyers français, et que les indications chiffrées figurant dans la publicité susvisée résultent directement de l'enquête effectuée par cet organisme ;
Considérant que, d'autre part, par l'expression "16 % des boîtes à lettres sont inaccessibles..., sauf quand on passe par Médiapost", il faut entendre que ces boîtes à lettres n'ont pas de libre accès dès lors que cet accès est entravé par des digicodes ou interphones;
Considérant que cette expression doit se comprendre en ce sens qu'en raison des moyens à sa disposition, la société Mediapost peut librement accéder à certains immeubles, à la différence des autres entreprises exerçant la même activité de distribution, lesquelles ne peuvent prétendre bénéficier d'un tel accès ;
considérant qu'au demeurant, aux termes de ses écritures de première instance, le Syndicat de la Distribution Directe avait reconnu la réalité des faits allégués dans cette publicité, puisqu'il avait expressément admis qu'à la différence des distributeurs dépendant de ce syndicat, lesquels doivent se faire ouvrir la porte par les occupants pour pouvoir accéder aux boîtes aux lettres, la société Mediapost est certaine d'accéder à toutes les boîtes aux lettres par l'intermédiaire des préposés de La Poste ;
Considérant qu'au surplus, il doit être observé que, s'agissant de professionnels, les destinataires des journaux dans lesquels a paru le texte incriminé n'ont pu se méprendre sur la véritable signification des informations contenues dans ce document ;
Considérant que, dès lors qu'en fonction de ce qui précède, la publicité dont s'agit ne comporte aucune allégation fausse ou de nature à induire en erreur les destinataires de ces journaux professionnels,il convient de confirmer le jugement déféré également en ce qu'il a débouté le Syndicat de la Distribution Directe de ses demandes tendant à voir ordonner la cessation de cette publicité et tendant à se voir allouer des dommages-intérêts en réparation de l'atteinte directe portée à la profession.
Sur les demandes annexes :
Considérant que, dans la mesure où le Syndicat de la Distribution Directe est débouté de l'ensemble de ses demandes principales, la demande accessoire, présentée par lui, de parution du présent arrêt dans plusieurs journaux, ne peut qu'être rejetée ;
Considérant que, dès lors qu'en interjetant appel du jugement déféré à la cour, ledit syndicat n'a fait qu'utiliser les voies de droit qui étaient à sa disposition, la société Mediapost doit être déboutée de sa demande tendant à l'allocation de dommages-intérêts pour appel abusif ;
Considérant que l'équité commande d'allouer en cause d'appel à la société intimée, sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, une indemnité de 10 000 F, venant en complément de celle qui lui a été octroyée de ce chef en première instance ;
Considérant qu'en revanche, il n'est pas inéquitable que le syndicat appelant conserve la charge de l'intégralité des frais non compris dans les dépens exposés par lui dans le cadre de la présente procédure ;
Considérant que le Syndicat de la Distribution Directe, qui succombe dans l'exercice de son recours, doit être condamné aux entiers dépens.
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, déclare recevable l'appel interjeté par le Syndicat de la Distribution Directe, le dit mal fondé ; confirme, par substitution partielle de motifs, le jugement entrepris ; déboute le Syndicat de la Distribution Directe de l'ensemble de ses demandes ; Y ajoutant : condamne le Syndicat de la Distribution Directe à payer à la société Mediapost, sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, une indemnité de 10 000 F, en remboursement des frais non compris dans les dépens exposés en cause d'appel par la société intimé ; déboute la société Mediapost de sa demande de dommages-intérêts pour appel abusif ; condamne le Syndicat de la Distribution Directe aux dépens d'appel, et autorise la SCP Gas, société d'Avoués, à recouvrer directement la part la concernant, conformément à ce qui est prescrit par l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.