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Décisions

CA Grenoble, 1re ch. civ., 19 février 2001, n° 99-00146

GRENOBLE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

BMCA (SARL)

Défendeur :

Les 3 Suisses France (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Falletti-Haenel

Conseillers :

Mme Kueny, M. Vignal

Avoués :

SCP Calas, SCP Grimaud

Avocats :

Mes Ricquart, Dehors.

TGI Grenoble, 6e ch., du 3 déc. 1998

3 décembre 1998

Par acte d'huissier en date du 28 janvier 1997, la SARL BMCA a fait assigner la société en commandite simple Les Trois Suisses France aux fins:

- de l'entendre déclarer coupable de contrefaçon par reproduction, apposition, usage illicite de marque, de mise en vente et débit d'articles contrefaisant la marque Lola lui appartenant,

- d'interdire sous astreinte la mise en vente et l'usage, seul ou en combinaison, d'articles représentant la marque lui appartenant,

- d'ordonner la confiscation des articles revêtus de la marque contrefaisante et leur remise à la SARL BMCA sous astreinte,

- d'obtenir sa condamnation à lui payer les sommes suivantes :

-- 1.000.000 Frs à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'atteinte à la propriété et à la valeur de la marque,

-- 5.000.000 Frs en réparation du préjudice commercial né des bénéfices perdus, des ventes manquées et de l'économie procurée à la société Les Trois Suisses, représentant la redevance qu' elle n'a pas eu à verser dans l'hypothèse d'une exploitation de marque sous licence,

-- 500.000 Frs pour concurrence déloyale et agissements parasitaires,

- d'obtenir à titre subsidiaire la désignation d'un expert afin de déterminer le préjudice,

- d'obtenir la condamnation de la société Les Trois Suisses au paiement de la somme de 50.000 Frs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, le tout avec exécution provisoire.

Par jugement en date du 3 décembre 1998, le Tribunal de grande instance de Grenoble a débouté la SARL BMCA de l'intégralité de ses demandes, a rejeté la demande reconventionnelle de la société Les Trois Suisses, et a condamné la SARL BMCA à payer à la société Les Trois Suisses la somme de 10.000 Frs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La SARL BMCA appelante selon déclaration du 17 décembre 1998, demande à la Cour:

- de juger que le signe "Les dessous de Lola" est utilisé pour accompagner ou proposer à la vente les produits offerts par la société Les Trois Suisses,

- de juger que ce signe constitue la contrefaçon par reproduction de la marque Lola,

- de juger que la société Les Trois Suisses s'est rendue coupable de contrefaçon par usage illicite de cette marque,

- d'interdire à la société Les Trois Suisses toute mise en vente et tout usage, seul ou en combinaison, d'articles présentant la marque, sous astreinte,

- de condamner la société Les Trois Suisses à lui payer les sommes suivantes:

-- 100.000 Frs à titre de dommages et intérêts pour atteinte portée à la propriété de la marque Lola lui appartenant,

-- 900.000 Frs à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice constitué par la dépréciation de la marque Lola appliquée à des produits "bas de gamme" diffusés par la société Les Trois Suisses,

-- 3.000.000 Frs à titre de dommages et intérêts pour préjudice commercial résultant de la contrefaçon,

- de désigner au besoin un expert aux fins de déterminer la masse contrefaisante et le chiffre d'affaires dégagé sur l'ensemble des produits offerts à la vente sous le slogan "Les dessous de Lola", à compter du 1er septembre 1996,

-- 500.000 Frs à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale et agissements parasitaires,

-- 50.000 Frs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La SARL BMCA fait valoir ce qui suit :

Elle est propriétaire de la marque Lola ainsi que des marques périphériques (Lola Boutique, Lola Girls, Lola Métal Jean's...) servant à désigner des produits et services, vêtements, chaussures, chapellerie, lingerie, bas, collants (classe 25), bijoux fantaisie (classe 14), cuir, imitation cuir et accessoires en cuir, malles et valises (classe 18).

Le signe Lola est également protégé à titre de nom commercial, d'enseigne et de sigle de la SARL BMCA

Courant novembre 1996, elle a constaté que la société Les Trois Suisses proposait, par l'intermédiaire de son catalogue de vente par correspondance, différents articles féminins griffés "Les dessous de Lola".

Malgré une injonction, cette société a poursuivi son action contrefaisante dans les catalogues suivants.

Le Tribunal de grande instance de Grenoble, commettant une erreur de droit manifeste, a rejeté ses demandes en contrefaçon et en concurrence déloyale.

Elle est propriétaire de la marque dénominative ou verbale Lola, enregistrée sous le numéro 149-516 acquise en vertu d'une ordonnance de référé du Tribunal de grande instance de Paris du 12 avril 1996, de la marque semi-figurative Lola déposée et enregistrée le 23 novembre 1995 sous le numéro 95-6000 53, et de la marque semi-figurative Lola Boutique déposée et enregistrée le 14 novembre 1995 sous le numéro 95-597 838.

La société Les Trois Suisses offre à la vente des articles de lingerie sous le signe "Les dessous de Lola ". Ce signe, qui figure à cheval sur une double page de son catalogue, n'est pas inséré dans un texte de présentation d'argumentaire commercial, et ne figure pas non plus dans les argumentaires accompagnant les références des articles permettant la prise de commande de ceux-ci.

Les autres pages du catalogue proposent des dessous féminins présentant une même identité de structure, les produits offerts étant désignés sous des accroches commerciales ou des slogans spécifiques tels que: Chuchotements, Balenciaga, Cacharel, Sous Le Sens...., constituant soit des marques de fabricants, soit des marques appartenant à la société Les Trois Suisses.

Il est reproché à la société Les Trois Suisses des actes de contrefaçon par usage consistant à offrir à la clientèle des produits sous un slogan, signe ou accroche portant atteinte aux droits de la SARL BMCA sur la marque Lola, et non un délit d'apposition (étiquette) sur les produits. C'est donc à tort que le Tribunal a relevé que la locution litigieuse n'était ni reproduite ni apposée sur les produits commercialisés.

Selon la société Les Trois Suisses, le signe "Les dessous de Lola" est une simple accroche commerciale déconnectée du produit lui-même.

Or le signe contrefaisant est utilisé pour accompagner ou proposer à la vente les produits offerts par la société Les 3 Suisses. Le juge des référés a reconnu que le titre de la double page du catalogue désigne bel et bien l'ensemble des vêtements figurant sur celle-ci.

Le Tribunal a commis une erreur en ce qu'il a considéré que le signe Lola avait été utilisé en son sens usuel et non pas pour désigner ou accompagner des produits offerts à la vente par la société Les Trois Suisses. Les principes généraux du droit des marques ont été méconnus par le premier juge.

L'utilisation d'un signe à titre de marque ne peut tendre à la prohibition définitive de l'usage lorsque le signe est inséré dans un texte de présentation ou d'argumentaire commercial au sein duquel il doit se fondre puisqu'alors le signe incriminé n'est pas appelé à être utilisé pour accompagner ou offrir des produits à la vente.

Par exemple, dans l'affaire "Louisiane ", la Cour de cassation a rejeté, dans un arrêt du 6 mai 1996, le pourvoi formé contre un arrêt d'une Cour d'appel ayant jugé que ce signe, figurant dans un argumentaire commercial, n'avait pas été utilisé pour offrir ou accompagner des produits offerts à la vente par la société La Redoute.

En l'espèce, l'accroche "Les dessous de Lola" n'est pas utilisée dans un argumentaire commercial dans lequel il serait fondu, mais sert bel et bien à désigner et accompagner les produits offerts à la vente dans le même concept "marketing" que les autres pages du catalogue où les produits sont proposés ou accompagnés à la vente par des accroches constituant des marques.

S'agissant de la contrefaçon par reproduction ou par adjonction, il convient de rechercher si dans l'ensemble formé par le signe " Les dessous de Lola ", le signe Lola a ou non perdu de son pouvoir distinctif propre. Le vocable "Les dessous de" constitue un substantif descriptif et nécessaire du produit auquel il s'applique.

Ce vocable d'adjonction est descriptif et ne peut constituer l'élément attractif ou distinctif de l'ensemble. Dès lors, la distinctivité du signe est assurée par la marque "Lola", et accentuée par la mise en valeur du signe Lola, assurée par une majuscule suivie de trois minuscules, alors que le signe descriptif "dessous" a été accompagné d'une police de caractères minuscules, non précédée d'une majuscule pour la lettre "d".

Quant au préjudice, la SARL BMCA soutient :

- que la contrefaçon est réputée de plein droit porter atteinte aux droits de propriété sur la marque ; que la vente par correspondance de produits "bas de gamme" porte en outre une atteinte grave à la valeur et à l'image de la marque Lola véhiculée par la SARL BMCA, et portant sur des produits féminins "haut de gamme",

- que le préjudice commercial peut être évalué à 3 millions de francs, soit 10% du chiffre d'affaires dégagé par la société Les Trois Suisses sur les produits désignés sous le slogan "Les dessous de Lola",

- qu'elle a déposé la marque Lola afin de faire ressortir le caractère féminin et jeune de l'ensemble des produits offerts à la vente ; que ce signe, déposé à titre de marque, constitue également l'enseigne, le nom commercial et le sigle de la SARL BMCA,

- qu'elle met en œuvre chaque année d'importantes actions commerciales et publicitaires afin d'asseoir le renom et l'image des produits conçus, fabriqués et distribués par elle sous les marques Lola, Lola Boutique, Lola Girls...,

- qu'il est manifeste que la société Les Trois Suisses essaie de profiter de la réputation de la marque Lola et des efforts entrepris pour accaparer par des moyens déloyaux une cible féminine identique,

- que la déloyauté de cette société est d'autant plus caractérisée que la société La Redoute, concurrente directe, distribue les produits Lola conçus et fabriqués par la SARL BMCA,

- qu'elle est donc fondée à solliciter la condamnation de la société Les Trois Suisses pour concurrence déloyale, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, et action parasitaire.

La société Les Trois Suisses conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté la SARL BMCA de l'intégralité de ses demandes, et en ce qu'il a condamné, dans le principe, la SARL BMCA au paiement d'une indemnité de procédure.

Elle forme appel incident et demande à la Cour de condamner la SARL BMCA à lui payer la somme de 1.000.000 Frs à titre de dommages et intérêts et celle de 100.000 Frs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Elle répond ce qui suit :

Les premiers juges ont relevé que seules la marque semi-figurative Lola Boutique, enregistrée sous le numéro 95-597838, et la marque dénominative Lola, enregistrée sous le numéro 1495516, sont justifiées. Pour la marque semi-figurative Lola (n° 95-600053), il n'est pas rapporté la preuve d'un enregistrement.

La SARL BMCA vise, au soutien de ses prétentions, l'article L. 713-2 et 3 du Code de la propriété intellectuelle, alors qu'en première instance, elle se prévalait des dispositions de l'article L. 716-1 dudit code. Elle reproche à la société Les Trois Suisses des actes de contrefaçon par usage consistant à offrir ou accompagner à la vente des produits sous un slogan, signe ou accroche, portant atteinte aux droits de la SARL BMCA sur la marque Lola.

L'intitulé de la double page litigieuse, "Les dessous de Lola", constitue une simple accroche commerciale générique, déconnectée du produit lui-même, insusceptible d'entraîner elle- même la prohibition d'un mot la composant, et qui n'est aucunement utilisée à titre de marque.

Les articles présentés sur cette double page ne sont pas offerts à la vente sous la marque ou sous la griffe "Les dessous de Lola ". Ils sont commercialisés sous les marques 3 Suisses et/ou Le Chouchou ...

La locution "Les dessous de Lola" n'est pas utilisée à titre distinctif des produits concernés.

L'utilisation d'un signe à titre de marque ne peut tendre à la prohibition définitive de l'usage de ce signe, lorsque ce dernier est inséré dans un texte de présentation, ou au sein d'un argumentaire commercial dans lequel il se fond, puisque ce signe n'est pas appelé à être utilisé pour accompagner ou offrir à la vente des produits. Tel est bien le cas de l'expression "Les dessous de Lola ".

Cette locution est utilisée comme un simple slogan dénué de tout caractère descriptif le prénom "Lola" perd son individualité et son caractère distinctif, l'expression, "Les dessous de Lola "constituant un tout indivisible excluant toute possibilité de contrefaçon de marque.

Le juge de la mise en état ne s'y est pas trompé lorsque saisi par la SARL BMCA de demandes d'interdiction de commercialisation et de diffusion du catalogue, il a relevé que "l'utilisation de la locution "Les dessous de Lola ", à des fins d'accroche publicitaire, ne fait pas ipso facto référence à la marque "Lola ".

La jurisprudence écarte tout grief de contrefaçon dès lors qu'un signe, déposé à titre de marque par son titulaire, n'est utilisé que pour être "fondu" dans un slogan ou une accroche publicitaire.

Dans l'affaire "Louisiane", la Cour de cassation a rejeté le pourvoi en considérant que l'utilisation du terme géographique Louisiane, "non pour désigner des produits offerts à la vente mais pour évoquer une atmosphère et l'ambiance caractérisant les intérieurs de l'Etat de Louisiane au XIXème siècle...", ne constitue pas la contrefaçon de la marque "Louisiane".

L'expression "Les dessous de Lola" n'est pas une marque, mais sert à créer l'atmosphère, à constituer la "vitrine" dont est dépourvu un catalogue. Cette locution est la définition générique d'un rayon du "magasin".

Dans la locution litigieuse, "de" est une préposition d'appartenance, et en aucun cas un "de" descriptif par rapport à une référence à une marque quelconque.

Le prénom "Lola" se situe dans la tendance actuelle de la mode, et installe mieux l'atmosphère jeune et dynamique de ces pages destinées à une clientèle 'Junior".

Ainsi, de nombreuses campagnes publicitaires font référence au prénom "Lola", et un film utilise ce prénom dans son titre.

Comme l'a rappelé le juge des référés, un prénom ne peut faire l'objet d'une appropriation lorsqu'il est utilisé dans son sens usuel. Le prénom Lola peut perdre son caractère distinctif lorsqu'il est utilisé dans une expression qui lui donne ce sens de prénom féminin.

Les premiers juges ont à juste titre relevé que ce slogan, qui ne peut être confondu avec la marque des produits offerts à la vente, fait un usage normal du mot "Lola" pris dans son sens commun. Ce prénom perd son individualité et le pouvoir distinctif propre qui caractérise les marques détenues par la SARL BMCA, pour reprendre son acception usuelle, soit comme identifiant d'une personne physique, non d'une ligne de vêtements.

Le graphisme de l'expression "Les dessous de Lola" est uniforme, avec une majuscule en début de phrase et une majuscule au début du prénom Lola. Les règles de l'écriture ont été respectées, et il n'y a aucune mise en exergue, comme le soutient la SARL BMCA, du terme "Lola", la police de caractères étant la même pour l'ensemble de l'expression.

Quant aux différents chefs de préjudice, la société Les Trois Suisses soutient qu'ils sont inexistants.

Sans faire aucune démonstration, la SARL BMCA sollicite la somme de 100.000 Frs pour une prétendue atteinte à la marque. Il n'est justifié ni de l'existence d'un préjudice ni du quantum de celui-ci.

La SARL BMCA, qui prétend que les articles du catalogue sont "bas de gamme ", commercialise des vêtements de prêt-à-porter par l'intermédiaire du catalogue de vente par correspondance La Redoute. On ne voit donc pas l'atteinte à la "valeur de la marque".

La demande à hauteur de 900.000 Frs n'est pas justifiée.

La demande en paiement de la somme de 3.000.000 Frs ne peut prospérer, la SARL BMCA n'apportant aucune preuve de ce prétendu préjudice. En l'absence de contrefaçon, elle ne peut avoir ressenti une perte de chiffre d'affaires. Le compte de résultat de l'année 1997 montre que la SARL BMCA a réalisé un chiffre d'affaires de plus de 49.000.000 Frs , soit une progression de plus de 14.000.000 Frs par rapport à l'exercice précédent. Quant au résultat courant avant impôt, il est en très nette progression.

La SARL BMCA n'est pas victime de concurrence déloyale ou d'agissements parasitaires.

La SARL BMCA n'hésite pas à se contredire en prétendant que la "cible" serait identique alors qu'elle dénigre la vente par correspondance et prétend que les articles diffusés par la société Les Trois Suisses sont "bas de gamme ".

Cette société ne produit aucun justificatif. Elle se borne à poser en postulat l'existence de griefs imaginaires afin de formuler des demandes exorbitantes.

Elle prétend que le slogan "Les dessous de Lola", s'il ne constituait pas une contrefaçon de marque, démontrerait que la société Les Trois Suisses aurait sciemment utilisé une construction publicitaire évocatrice du signe "Lola ", et ce, à des fins déloyales, dès lors en outre, que la société Les Trois Suisses serait directement concurrente de la Société La Redoute qui distribue les produits "Lola".

Les demandes indemnitaires seront en conséquence rejetées.

Enfin, sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts, la société Les Trois Suisses fait valoir qu'elle a dû provisionner des sommes importantes dans des conditions qui lui ont causé un préjudice; que le résultat d'exploitation de l'année 1997 s'est trouvé obéré d'une somme de 6.500.000 Frs, de façon parfaitement artificielle; que le montant excessif des provisions affecte le montant des dividendes versés et surtout amoindrit les capacités d'investissement; que les demandes de la SARL BMCA ont entraîné un coût structurel important; que cette procédure entache sa réputation et son image de marque ; que cette atteinte est d'autant plus sensible que l'action a été introduite par une entreprise qui est en liaison étroite avec le principal concurrent, la société La Redoute.

Motifs de l'arrêt

- Sur l'action en contrefaçon :

Attendu que la SARL BMCA exploite un fonds de commerce de conception, fabrication, négoce, import-export, vente, d'articles de prêt-à-porter et accessoires, à l'enseigne "Lola" ;

Que la SARL BMCA justifie être propriétaire :

- de la marque dénominative Lola, enregistrée le sous le numéro 1 495 516 (classe 25),

- de la marque semi-figurative Lola, enregistrée sous le numéro 95/600053, comme en atteste un certificat d'identité de marque délivré le 28 avril 1999 par le directeur de l'Institut national de la propriété industrielle (classe 14, bijoux fantaisie),

- de la marque semi-figurative Lola Boutique, enregistrée sous le numéro 95/59783 8 (classes 14, 18, 25),

- des marques Lola Girls (n° 95/56 1279), Little Lola (n° 95/56 1280), Lola Métal Jeans (n° 92/44 1520), Lolametal (n°92/441521), Lola Café (n°97/692750), La Lo (n°97/692258) ;

Que la classe 25 s'applique aux vêtements, lingerie féminine comprise ;

Attendu qu'il est constant que la société Les Trois Suisses, offre à la vente, au moyen d'un catalogue, des dessous féminins présentés notamment dans deux doubles pages, 320-321 et 322-323 de l'édition Printemps-été 1997, sous le groupe de mots "Les dessous de Lola", placé à cheval sur chaque double page, en haut de celle-ci, en caractères de couleur rouge ;

Que les produits (lingerie féminine) surmontés de cette locution sont similaires à ceux protégés dans les enregistrements des marques Lola et Lola Boutique (classe 25) ;

Attendu qu'il n'est pas contesté que la locution litigieuse "Les dessous de Lola" n'est ni apposée ni reproduite sur les articles proposés à la vente dans ces deux doubles pages ;

Attendu que la SARL BMCA reproche à la société Les Trois Suisses des actes de contrefaçon en reproduisant la marque Lola dans le signe "Les dessous de Lola ", et en usant de façon illicite de cette marque ;

Attendu que la formule "Les dessous de Lola" n'est pas utilisée par la société Les Trois Suisses à titre de marque ;

Qu'en effet, le prénom "Lola", forme avec les autres mots de la locution, un ensemble indivisible dans lequel il perd son individualité ainsi que le pouvoir distinctif et attractif propre qui caractérise les marques dont la SARL BMCA est propriétaire ;

Que ce prénom "dans l'air du temps", comme l'a relevé le premier juge est utilisé dans un intitulé ayant pour but d'attirer l'attention des destinataires de ce catalogue sur une ligne de lingerie féminine destinée à une clientèle "junior" ;

Qu'il figure dans une formule qui lui donne le sens d'un prénom féminin "à la mode", utilisé fréquemment dans le domaine des marques et dans la publicité ("Le petit haut de Lola"); que "Lola" est également le titre d'une revue féminine parue en juin 1996; que ce prénom a été utilisé dans le titre d'un film, "Cours Lola cours" ;

Qu'il ressort en outre du graphisme utilisé que le prénom "Lola" n'est pas mis en évidence dans la locution critiquée; qu'en effet, il a été utilisé une écriture cursive, des caractères identiques pour tous les mots, avec un "L" majuscule au début de la locution, et un "L" majuscule au début du prénom ;

Que c'est à juste titre que le Tribunal a jugé que la société Les Trois Suisses, dans la locution litigieuse, a fait un usage normal du prénom Lola, identifiant ainsi une personne physique et non une ligne de vêtements, et que le dépôt d'un prénom à titre de marque ne saurait tendre à la prohibition définitive de celui-ci dans son sens usuel.

Que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté l'action en contrefaçon de marque ;

- Sur la concurrence déloyale et les agissements parasitaires :

Attendu que la SARL BMCA ne démontre pas à l'encontre de la société Les Trois Suisses des actes de concurrence déloyale distincts de ceux qu'elle a allégués à l'appui de son action en contrefaçon ;

Que le fait par la société Les Trois Suisses d'utiliser dans la locution critiquée le prénom féminin "Lola", alors que ce prénom sert de sigle et d'enseigne à SARL BMCA n'est pas en soi une pratique anticoncurrentielle ;

Que les premiers juges ont justement relevé que les circonstances de l'usage de la locution "Les dessous de Lola" excluent tout risque de confusion tant avec les marques qu'avec le nom commercial, l'enseigne ou le sigle de la SARL BMCA, et ne sont pas de nature à affaiblir le pouvoir attractif de ces signes;

Que la démonstration que la société Les Trois Suisses essaie de profiter de la réputation de la marque Lola pour "accaparer... une cible féminine identique" n'est pas rapportée; qu'il convient de relever que la SARL BMCA indique vendre des produits "hauts de gamme ", alors que "Les dessous de Lola" étaient, selon elle, des produits "bas de gamme " ;

Que l'utilisation par la société Les Trois Suisses de la locution "Les dessous de Lola", ne constitue pas un acte de concurrence déloyale; qu'elle ne constitue pas davantage un agissements parasitaire ;

Que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté la SARL BMCA de ce chef de demande ;

- Sur l'appel incident de la société Les Trois Suisses :

Attendu que la société Les Trois Suisses ne justifie pas du préjudice qu'elle allègue ; qu'elle ne produit aucune pièce comptable permettant d'établir qu'elle a dû inscrire des provisions importantes, obérant ainsi son résultat d'exploitation; qu'elle ne justifie nullement des retombées néfastes de la présente instance quant à son image de marque ;

Que c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté ce chef de demande ;

Attendu en revanche qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Les Trois Suisses, en cause d'appel, des frais non compris dans les dépens.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi, confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré, y ajoutant, condamne la SARL BMCA à payer à la société Les Trois Suisses, en cause d'appel, la somme de 40.000 Frs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, condamne la SARL BMCA aux dépens d'appel avec application au profit de la SCP Grimaud des dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.