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Décisions

CA Paris, 4e ch. A, 7 février 2001, n° 1998-19260

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Exocom (SARL)

Défendeur :

Boomerang (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Marais

Conseillers :

M. Lachacinski, Mme Magueur

Avoués :

SCP Baskal, SCP Narrat Peytavi

Avocats :

Mes Dubest, Mayer.

T. com. Paris, 4e ch., du 30 janv. 1997

30 janvier 1997

La société Exocom qui réalise et importe des objets publicitaires destinés à assurer la promotion de produits ou d'entreprises publie un bulletin bimestriel dénommé "Les infos".

Ayant découvert que le numéro 18 du bulletin "Propaganda" diffusé au mois de septembre 1996 par la société concurrente Boomerang reproduisait son propre bulletin publié au mois d'août précédent assorti de commentaires qu'elle considère dénigrants, la société Exocom l'a assignée le 30 janvier 1997 devant le tribunal de commerce de Paris en paiement à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait des actes de concurrence déloyale et de contrefaçon du fait de l'atteinte portée à ses droits d'auteur, des sommes de 1.000.000 F et de 200.000 F ainsi que de celle de 30.000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

- débouté la société Exocom de sa demande au titre des actes de contrefaçon,

- condamné la société Boomerang à payer à la société Exocom la somme d'un franc en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale,

- ordonné la publication du dispositif du jugement deux mois de suite dans la revue "Propaganda" sans autre commentaire sur un emplacement et dans un graphisme identique à celui du numéro 18 du mois de septembre 1996,

- condamné la société Boomerang à verser à la société Exocom la somme de 8.000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

LA COUR,

Vu l'appel interjeté le 21 juillet 1998 par la société Exocom ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 27 novembre 2000 aux termes desquelles la société Exocom sollicite de la Cour la confirmation du jugement qui a constaté que la société Boomerang avait commis des actes de concurrence déloyale mais son infirmation pour ne pas avoir retenu à l'encontre de ladite société la contrefaçon des éléments caractéristiques de son journal d'informations et en conséquence de condamner la société Boomerang à lui verser en réparation du préjudice qu'elle a subi les sommes de :

- 1.000.000 F pour les actes de concurrence déloyale,

- 200.000 F pour les actes de contrefaçon,

- 30.000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- une mesure de publication complémentaire devant en outre être ordonnée;

Vu les dernières conclusions signifiées le 3 décembre 1999 par la société Boomerang qui sollicite:

- l'infirmation du jugement qui a à tort retenu à son encontre des faits de concurrence déloyale,

- la confirmation de la décision en ce qu'elle a rejeté les demandes formées par la société Exocom au titre des actes de contrefaçon, la revue "Les Infos" ne constituant pas une œuvre originale susceptible de bénéficier de la protection au titre du droit d'auteur et subsidiairement en ce qu'elle a fixé à la somme d'un franc le préjudice subi par la société Exocom du fait des actes de concurrence déloyale,

- le rejet de la demande de publication et la condamnation de la société Exocom à lui payer, outre la somme de 10.000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, celle de 50.000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive

Sur quoi,

- Sur la procédure :

Considérant que la société Boomerang sollicite le rejet des conclusions et des pièces numérotés de 16 à 28 signifiées le 27 novembre 2000 par la société Exocom;

Mais considérant que la clôture de la procédure étant intervenue le 4 décembre 2000, la société Boomerang disposait du temps nécessaire pour prendre connaissance des conclusions dont elle demande le rejet ainsi que des pièces qui étaient jointes

Que sa demande de rejet des conclusions doit donc être écartée;

- Sur la contrefaçon :

Considérant que la société Exocom reproche à la société Boomerang d'avoir diffusé au mois de septembre 1996, en première page de sa publication "Propaganda", la reproduction intégrale en fac-similé du recto de son bulletin "Les infos" daté des mois de juillet-août 1996 accompagné de commentaires outrageants ;

Considérant que la société Boomerang réplique que le journal "Les Infos" ne fait preuve d'aucune originalité et qu'elle n'a pas tiré profit de la reproduction de la publication mais s'en est servie pour y adjoindre un certain nombre de commentaires au sens de l'article L. 122-5 du Code de la propriété intellectuelle

Mais considérant que si comme le soutient pertinemment la société Exocom l'idée du bulletin périodique d'informations de la clientèle n'est pas en soi protégeable, en revanche, la maquette intégrant les textes, les dessins et leur agencement constitue, quelqu 'en soit le mérite, une œuvre de l'esprit protégeable au titre du droit d'auteur ;

Considérant que le bulletin "Les Infos" caractérisé par un support en papier cartonné de couleur beige, un titre en caractères irrégulièrement disposés cerclés de trois rectangles rouges, des encadrés enserrant un dessin et reproduisant une conversation téléphonique entre la société et un client constitue une œuvre protégeable qui révèle la personnalité de son créateur ;

Que la société Exocom qui a divulgué cette œuvre est présumée à l'égard des tiers poursuivis en contrefaçon être régulièrement titulaire des droits qui y sont attachés;

Considérant que la société Boomerang ne conteste pas avoir reproduit le recto du bulletin "Les Infos" sans avoir obtenu le consentement de la société Exocom ;

Qu'elle invoque toutefois les dispositions de l'article L. 122-5 du Code de la propriété intellectuelle selon lesquelles l'auteur d'une œuvre protégée ne peut en interdire la parodie, le pastiche ou la caricature compte tenu des lois du genre;

Mais considérant que la société Boomerang a reproduit servilement la première page du bulletin "Les infos" sans y apporter les modifications de nature à considérer que la nouvelle œuvre créée constitue une parodie, un pastiche ou une caricature correspondant aux critères légalement admissibles ;

Que les commentaires qui entourent l'œuvre servilement reproduite ne s'intègrent manifestement pas à elle et ne sauraient correspondre aux exceptions pour lesquelles l'autorisation de l'auteur n'est pas nécessaire ;

Considérant en outre à supposer que les commentaires entourant la reproduction du recto du bulletin "Les Infos" forment avec celui-ci une œuvre originale distincte de la reproduction que l'auteur ne peut interdire, les insinuations utilisées par la société Boomerang sur l'honnêteté de la société Exocom traitée de Focucom ne constituent manifestement pas une pastiche répondant à la définition "d'œuvre littéraire ou artistique où l'on imite le style d'un auteur, soit pour assimiler sa manière, soit dans une intention parodique" mais révèlent un comportement dénigrant;

Que le jugement déféré doit en conséquence être infirmé;

Sur la concurrence déloyale :

Considérant que la société Boomerang admet que la publication dans sa revue "Propaganda" d'un numéro de la revue "Les Infos" était destinée à riposter aux actions qu'elle jugeait déloyale émanant de la société Exocom qui exerce dans le même secteur d'activités que le sien;

Mais considérant que si tout agent économique a le droit de vanter la qualité des produits et des services qu'il fournit à sa clientèle, il lui est cependant interdit de dénigrer ses concurrents et ceci quand bien même ceux-ci auraient eu à son encontre un comportement qu'il estimerait déloyal ;

Considérant que constituent des actes de dénigrement commis à l'encontre de la société Exocom le fait de commenter les encadrés figurant dans le bulletin "Les Infos" sous le titre "La chasse aux blaireaux ", d'indiquer "J'ai un produit Bewear. Est ce que vous pouvez le copier ?. oui" - "J'ai un sac à dos Sofrie. Est ce que vous pouvez le copier ? Oui" - "Est ce que vous connaissez le Zipizi ? J'en voudrais 100.000 PCS. Oui, je m'en suis inspiré pour le Zipup, pas de problème" - "Maintenant, vous avez tout compris ! Nos armes sont : faire comme les autres. Nos atouts sont les prix directs d'usine et la garantie des emmerd'avec" - "Vous avez un catalogue ? Oui, celui de mes concurrents ", de signer "Focucom" et de conclure "Ils nous ont bien fait rire".

Que ces commentaires ont pour but de faire croire aux lecteurs que la société Exocom est un professionnel de la contrefaçon, qu'elle profite irrégulièrement des activités de ses concurrents et que les produits qu'elle offre à la vente sont de mauvaise qualité;

Que la société Boomerang ne peut prétendre qu'elle n'a jamais eu l'intention de détourner la clientèle de la société Exocom alors que le procédé qu'elle a employé était manifestement destiné à atteindre la clientèle ou la future clientèle de la société concurrente afin de la dissuader de poursuivre ses relations commerciales ou d'en entreprendre de nouvelles ;

Qu'il importe peu comme le soutient la société intimée que la clientèle n'ait pas été effectivement détournée dès lors que le comportement de la société Boomerang traduisait la poursuite de cet objectif;

Que les griefs avancés par la société Boomerang, à les supposer établis, selon lesquels la société Exocom aurait copié ses méthodes commerciales ainsi que son bulletin de diffusion, se serait identifiée à elle en copiant son procédé de publicité et de communication, aurait utilisé le signe Zipup qui contreferait sa marque déposées Zipizi ne sauraient certainement pas constituer une justification du comportement adopté par la société intimée ;

Qu'il s'ensuit que les premiers juges ont à bon droit considéré que la société Boomerang avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité au titre des actes de concurrence déloyale commis ;

Sur le préjudice :

Considérant qu'il s'infère des actes de contrefaçon commis par la société Boomerang à l'encontre de la société Exocom un préjudice qui doit être fixé à la somme de 100.000 F ;

Considérant que s'il n'est pas contesté que le chiffre d'affaires de la société Exocom n'a subi aucune baisse à la suite des actes dénigrants commis par la société Boomerang, la société appelante a nécessairement subi un préjudice qui se traduit par une perte de crédibilité tant auprès de sa clientèle que pour les lecteurs du bulletin "Propaganda"

Que le préjudice résultant du trouble commercial et de l'atteinte à la réputation de la société Exocom qui n'est pas tributaire du détournement de clientèle ou de la baisse du chiffres d'affaires doit être fixé à la somme de 200.000 F ;

Considérant qu'il convient de compléter la mesure de publication ordonnée par les premiers juges comme il sera indiqué au dispositif ci-après ;

Considérant que les frais d'appel non compris dans les dépens à la charge de la société Boomerang doivent être fixés à la somme de 20.000 F;

Que la société Boomerang qui succombe doit être déboutée de ses demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive et de remboursement de ses frais irrépétibles

Par ces motifs, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions à l'exception de celles qui ont rejeté la demande au titre des actes de contrefaçon et fixé à un franc le préjudice de la société Excocom au titre des actes de concurrence déloyale, Statuant à nouveau, Dit que la société Boomerang s'est rendue coupable d'acte de contrefaçon, Condaivlne la société Boomerang à payer à la société Exocom les sommes de 100.000 F et de 200.000 F respectivement au titre de la contrefaçon et de la concurrence déloyale, Ordonne la publication du dispositif du présent arrêt, en entier ou par extrait dans trois journaux ou revues au choix de la société Exocom et aux frais de la société Boomerang sans que le coût de chaque insertion ne dépasse la somme de 20.000 F hors taxes, Condamne la société Boomerang à payer à la société Exocom la somme de 20.000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Déboute la société Boomerang de ses demandes, La condamne aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.