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Décisions

CA Paris, 4e ch. B, 22 octobre 1999, n° 1997-01150

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Daniel Charpentier Evénement (SA)

Défendeur :

En Scène (SA), Legrand (SA)

T. com. Paris, 15e ch., du 18 oct. 1996

18 octobre 1996

Faits et procédure

Référence étant faite au jugement entrepris pour l'exposé des faits, de la procédure et des moyens antérieurs des parties, il suffit de rappeler les éléments essentiels suivants :

La SARL En Scène qui a été constituée en 1985 par Monsieur Charpentier et Madame Lebuhotel avait pour activités la conception, l'organisation et la réalisation de prestations publiques ou privées dans le domaine du spectacle et de l'événement.

Par jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 29 septembre 1992, cette société a été mise en redressement judiciaire.

Par jugement en date du 4 mars 1994, le tribunal a arrêté le plan de cession de la SARL En Scène au profit de la société Denis & Co avec faculté de substitution à une société en cours de constitution.

Par acte du 27 juin 1994, la SA En Scène constituée à cet effet par Monsieur Gérard Denis a racheté les actifs de la SARL En Scène (éléments corporels et incorporels) pour une somme de 450.000 F.

Il était précisé que les contrats de travail de 4 salariés de la SARL En Scène étaient repris dans les conditions de l'article L. 122-12 du code du travail, à savoir ceux de Monsieur Charpentier, directeur artistique, de Madame Lebuhotel, directrice des opérations, de Messieurs Gaudin et Bisagni respectivement attaché commercial et aide comptable.

Les contrats de travail signés le 4 mars 1994 entre la SA En Scène et Monsieur Charpentier et Madame Lebuhotel comportaient une clause de non concurrence.

Courant 1995, les rapports entre Monsieur Charpentier, Madame Lebuhotel et Monsieur Gérard Denis, PDG de la SA En Scène se sont détériorés et les deux premiers ont démissionné de leurs fonctions en octobre 1995.

Ils ont quitté la société sans accomplir leur préavis et constitué la société Daniel Charpentier Evénements laquelle immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 29 novembre 1995 avec un début d'exploitation au 1er novembre a pour activité : l'étude, l'organisation, la réalisation de conférences, de spectacles audiovisuels et spectacles vivants, d'entreprises de spectacles.

Monsieur Charpentier est devenu le Président Directeur Général et Madame Lebuhotel un des administrateurs de cette société.

Estimant que la société Daniel Charpentier Evénements avait commis à son encontre des actes de concurrence déloyale et qu'elle avait, avec le concours de la société Legrand, détourné de manière fautive le budget de l'opération organisé pour cette dernière à Séville en janvier 1996, la société En Scène après avoir fait procéder le 5 décembre 1995 par huissier à un constat au siège de la société Daniel Charpentier Evénements a, par exploit en date du 8 janvier 1996, assigné cette dernière ainsi que la société Legrand devant le tribunal de commerce de Paris.

Elle sollicitait la condamnation de la société Daniel Charpentier Evénements à lui payer en réparation de son préjudice moral et commercial la somme de 500.000 F à titre de dommages et intérêts et la condamnation in solidum de celle ci et de la société Legrand à lui verser la somme de 1.250.000 F au titre du manque à gagner pour le budget de Séville outre une somme de 30.000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

La société Daniel Charpentier Evénements demandait qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle offrait de régler la somme de 20.894,42 F et, pour le surplus, concluait au rejet des prétentions de la société En Scène et réclamait au titre de ses frais hors dépens la somme de 40.000 F.

La société Legrand concluait au débouté de la société En Scène et sollicitait le paiement d'une somme de 200.000 F à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et de celle de 20.000 F au titre de l'article 700 du NCPC.

Le tribunal retenant que la société Daniel Charpentier Evénements s'était rendue coupable de concurrence déloyale vis à vis de la société En Scène tant par sa communication externe que par ses actions dans le cadre de la convention de Séville et que, la société Legrand avait pour l'organisation de cet événement agi en complicité avec la société Daniel Charpentier Evénements a par le jugement entrepris :

- ordonné à la société Daniel Charpentier Evénements de détruire sans l'utiliser toute information en provenance de la société En Scene,

- condamné in solidum ces deux sociétés à payer à la société En Scène la somme de 1.000.000 F à titre de dommages et intérêts et celle de 10.000 F au titre de l'article 700 du NCPC,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

La société Daniel Charpentier Evénements qui a interjeté appel de cette décision le 19 novembre 1996, demande à la Cour par ses dernières conclusions signifiées le 10 août 1999 de

- dire et juger qu'elle n'a pas violé la clause de non concurrence ni détourné les budgets des sociétés Citroën, Alcatel et CCIP,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société En Scène de sa demande en paiement de la somme de 500.000 F à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et commercial et de rejeter la demande en paiement de la somme de 800.000 F,

- de dire qu'elle n'a commis aucun acte de concurrence déloyale et d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 1.000.000 F,

- à titre subsidiaire de considérer que la marge qu'elle a réalisée sur l'opération Legrand / Séville s'élève à la somme de 494.018,90 F,

- condamner la société En Scène devenue Groupe Denis & Co à lui payer la somme de 40.000 F au titre de l'article 700 du NCPC,

La société Legrand qui a interjeté appel du jugement le 22 novembre 1996 demande à la Cour par ses dernières conclusions signifiées le 26 juillet 1999 de débouter la société Groupe Denis & Co de l'ensemble de ses prétentions et reconventionnellement, elle sollicite la condamnation de celle ci à lui payer la somme de 200.000 F à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée et celle de 20.000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

La société Groupe Denis & Co venant aux droits de la société En Scène suite à une fusion absorption à effet du 1er janvier 1997, poursuit la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré la société Denis Charpentier Evénements coupable d'actes de concurrence déloyale et la société Legrand complice desdits actes et en ce qu'il a condamné ces deux sociétés au paiement de la somme de 1.000.000 F à titre de dommages et intérêts et à celle de 10.000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

Formant appel incident pour le surplus, elle sollicite la condamnation de la société Denis Charpentier Evénements à lui payer une somme supplémentaire de 800.000 F à titre de dommages et intérêts ainsi que le paiement des intérêts au taux légal majoré de 5 points à l'expiration d'un délai de 2 mois suivant les significations à partie de l'arrêt.

Par ailleurs elle demande diverses mesures de publication et le paiement d'une somme de 30.000 F au titre des frais hors dépens par elle engagés devant la Cour.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 2 septembre 1999.

Sur ce, LA COUR

I. Sur la procédure

Considérant que par lettres en date des 9 et 13 septembre 1999, l'avoué de la société Groupe Denis & Co sollicite le rejet des débats des pièces communiquées le 2 septembre 1999 par la société Daniel Charpentier Evénements ;

Mais considérant qu'outre le fait qu'aucun bordereau de communication de pièces en date du 2 septembre 1999 ne figure au dossier de la Cour et que les pièces en cause ne sont pas énumérées dans les lettres susvisées, il convient de relever qu'aux dernières conclusions signifiées le 10 août 1999 par la société Daniel Charpentier Evénements, ne sont annexés que 3 bordereaux de pièces en date des 11/4/97, 1/7/99 et 5/8/99 ;

Qu'en conséquence en vertu des dispositions de l'article 954 du NCPC, seules les pièces annexées à ces écritures doivent être considérées comme invoquées par la société Daniel Charpentier Evénements à l'appui de ses prétentions ;

Que la demande de rejet formée les 9 et 13 septembre 1999 est donc sans objet ;

II. Sur la demande principale

1. Sur les griefs formes a l'encontre de la seule société Daniel Charpentier Evénements

Considérant que la société Groupe Denis & Co formule un certain nombre de griefs à l'encontre de la seule société Denis Charpentier Evénements qu'il convient d'examiner successivement ;

A. Sur le recel de disquettes et vidéogrammes

Considérant que la société Denis Charpentier Evénements fait valoir qu'en ce qui concerne les cassettes format Umatic, qui sont de simples copies de films des spectacles réalisés à titre de souvenir, la société En Scène ne bénéfice sur ceux ci d'aucun droit, Monsieur Charpentier auteur, metteur en scène des créations audiovisuelles n'ayant jamais cédé ses droits d'auteur et le master appartenant au client qui l'a acheté ;

Qu'en ce qui concerne les disquettes informatiques, elle prétend qu'il s'agit de disquettes relatant le travail personnel de Monsieur Charpentier et qu'au surplus elles ont été restituées à la société En Scène le li décembre 1995 ;

Considérant que la société intimée réplique que la société appelante a recélé ces documents en connaissance de cause, que Monsieur Charpentier et Madame Lebuhotel avaient l'obligation de les restituer, que les vidéocassettes réalisées étaient destinées à servir de référence auprès de futurs clients et que la société En Scène demeurait seule titulaire de l'ensemble des droits d'auteur afférents aux créations réalisées pour ses clients, la qualité de metteur en scène de Monsieur Charpentier n'ayant aucune incidence sur les droits exclusifs dont la société En Scène était titulaire tant en sa qualité de producteur de l'œuvre audiovisuelle qu'en sa qualité d'employeur de Monsieur Charpentier ;

Considérant ceci exposé que chacun des contrats de travail signés par Monsieur Charpentier et Madame Lebuhotel avec la SA En Scène comportait une clause 11 ainsi rédigée :

" lors de la rupture du contrat, Madame Lebuhotel (Monsieur Charpentier) devra rendre à En Scène toutes listes, correspondances, documents, notes, comptes, rapports appartenant à En Scène qui pourraient être en sa possession " ;

Considérant qu'il résulte du constat dressé le 5 décembre 1995 par Maître Babulaut, huissier de justice, au siège de la société Daniel Charpentier Evénements que celle-ci était en possession de 37 cassettes vidéo format Umatic relatives à certaines opérations événementielles réalisées par la société En Scène pour le compte de différents clients et de quinze disquettes informatiques dont une relative à des contrats et une autre à un fichier clients ;

Considérant que même si ces disquettes ont été restituées le 11 décembre 1995 par la société Daniel Charpentier Evénements, il demeure que la détention par cette société pendant plusieurs semaines d'éléments d'information sur une société directement concurrente, qui lui avaient été remis par d'anciens salariés de la société En Scène s'analyse comme un comportement contraire aux usages loyaux du commerce et constitue une faute au sens de l'article 1382 du code civil ;

Qu'il en est de même pour la détention des cassettes vidéo ;

Qu'en effet même si les opérations événementielles réalisées par la société En Scène ne rentrent pas dans le cadre d'œuvres de commande utilisées pour la publicité, il demeure que la société Daniel Charpentier Evénements ne rapporte pas la preuve qu'il s'agit d'œuvres protégées par le droit d'auteur et que Monsieur Charpentier en soit l'auteur, observation étant faite qu'aucune précision n'est donnée sur le contenu et les caractéristiques de ces opérations ;

Que ces cassettes vidéo conçues pour promouvoir les activités de la SA En Scène et présenter à ses clients ses réalisations sont sa propriété et leur détention sans son accord par une société concurrente constitue une faute ;

B. Sur "l'embauche" de Monsieur Charpentier et Madame Lebuhotel

Considérant que la société Daniel Charpentier Evénements fait valoir qu'il ne saurait lui être fait grief d'avoir embauché ces deux personnes alors qu'elles n'avaient pas accompli leur préavis dans la mesure où la société En Scène par son comportement fautif à leur égard les avait mis dans l'impossibilité de poursuivre normalement leur contrat de travail ;

Mais considérant qu'il est constant que Monsieur Charpentier et Madame Lebuhotel ont quitté en octobre 1995 la société En Scène sans exécuter le préavis de trois mois auquel ils étaient tenus et commencé dès le mois de novembre à travailler pour le compte de la société Denis Charpentier Evénements comme le démontre notamment le mailing, les coupures de presse et les prestations par eux effectuées pour un client, la société Legrand ;

Que Monsieur Charpentier est le président directeur général de la société qui porte son nom ce qui exclut qu'il en soit le salarié, et Madame Lebuhotel est un des deux administrateurs ;

Que la société appelante créée à l'initiative de Monsieur Charpentier et de Madame Lebuhotel savait nécessairement qu'ils n'avaient pas accompli leur préavis au moment où ils ont commencé leurs activités en son sein ;

Que seul le salarié ayant qualité pour contester les conditions de la rupture de son contrat de travail et prétendre que sa démission qui aurait été obtenue à l'aide de procédés vexatoires, s'analyse comme un licenciement , la société Daniel Charpentier Evénements, tiers au contrat de travail ne saurait se prévaloir de ce moyen pour échapper à sa responsabilité ;

Que le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a dit que la société Daniel Charpentier Evénements avait commis une faute en utilisant, dans ces conditions, les services de Monsieur Charpentier et Madame Lebuhotel ;

C. Sur la communication externe de la société Daniel Charpentier Evénements

Considérant que la société appelante expose que si Monsieur Charpentier et Madame Lebuhotel étaient tenus par une clause de non concurrence, celle ci ne s'appliquait pas aux clients acquis par la SARL En Scène avant reprise de l'entreprise par la SA En Scène le 4 mars 1994 ;

Qu'elle en conclut qu'il ne peut lui être fait grief, pour faire connaître son existence, d'avoir envoyé un "mailing" aux anciens clients de la SARL En Scène non compris dans le champ d'application de la clause de non concurrence, à des prospects non clients de la société En Scène (SARL ou SA) ainsi qu'à des journalistes ;

Qu'elle ajoute que les sociétés Citroën, Alcatel et CCIP étant d'anciens clients de la SARL En Scène , elle avait tout loisir de les contacter ;

Considérant que la société intimée réplique que la société Daniel Charpentier Evénements a, en violation de la clause de non concurrence, prospecté plusieurs de ses clients notamment au moyen d'un mailing et de l'ensemble des pièces comptables et administratives de l'ancienne SARL En Scène conservées par son ancienne gérante Madame Lebuhotel ;

Considérant ceci exposé que les contrats de travail de Monsieur Charpentier et de Madame Lebuhotel comportaient une clause de non concurrence rédigée de la manière suivante :

Dans le cas de rupture de ce contrat pour quelque motif que ce soit et que cette rupture soit imputable à l'une ou à l'autre des parties, Madame Lebuhotel / Monsieur Charpentier s'engage expressément à ne pas entretenir pour son propre compte ou le compte d'un autre employeur ou de tout tiers, directement ou indirectement des relations d'ordre professionnel avec la clientèle de la SA En Scène, ceci pendant une période de 2 ans après son départ, sauf accord formel de la direction de la SA En Scène. Il est expressément précisé que cette clause ne s'applique pas aux clients acquis par la SARL En Scène, avant reprise de l'entreprise par la SA En Scène (4 mars 1994)" ;

Considérant qu'il résulte des extraits de presse mis aux débats par la société Daniel Charpentier Evénements, que la société Alcatel, et la Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris étaient des clients de la SARL En Scène au 4 mars 1994, la preuve étant rapportée qu'antérieurement à cette date celle-ci a organisé pour elles diverses prestations ;

Considérant en revanche, qu'à défaut de précision sur la nature des événements qui auraient été mis en place par la SARL En Scène, la seule citation du nom de la société Citroën dans le journal édité par cette société ne suffit pas à démontrer que ce constructeur automobile était son client avant mars 1994 ;

Considérant cependant que si la SA En Scène comptait parmi ses clients, au moment où Monsieur Charpentier et Madame Lebuhotel ont démissionné, la société Citroën et si en 1999 la société appelante s'est prévalue de ce qu'elle créait des événements pour la même société, il demeure que la preuve n'est pas rapportée que la société Daniel Charpentier Evénements a eu recours à des procédés contraires au usages loyaux du commerce pour obtenir la clientèle de cette société ;

Qu'une entreprise ne bénéficie d'aucun droit privatif sur sa clientèle ;

Que l'envoi d'un mailing ne comportant aucun propos dénigrant, aucune allégation mensongère ou injurieuse envers un concurrent et n'étant susceptible de faire naître aucun risque de confusion dans l'esprit des consommateurs ne constitue pas une faute mais s'inscrit dans le cadre d'une information commerciale compatible avec le principe de la libre concurrence ;

Considérant de plus que la société Groupe Denis & Co ne rapporte pas la preuve que la société Denis Charpentier Evénements a adressé ce mailing à des clients de la SA En Scène ;

Que ses allégations selon lesquelles Madame Lebuhotel aurait conservé l'ensemble des pièces comptables de l'ancienne société En Scène ne sont confortées par aucun élément et contredites par l'attestation de Maître De Thore mandataire judiciaire de la SARL En Scène ;

Que ce grief n'est donc pas fondé ;

2. Sur le grief formé à l'encontre des deux sociétés appelantes

Considérant que le tribunal a par ailleurs retenu que la société Daniel Charpentier Evénements avait obtenu le budget de la société Legrand en utilisant des informations recueillies par Monsieur Charpentier et Madame Lebuhotel lors de leur contrat de travail avec la société En Scène et que la société Legrand s'était rendue complice de ces agissements fautifs ;

Considérant que la société Daniel Charpentier Evénements critiquant le jugement sur ce point, fait valoir que la société Legrand est un ancien client de la SARL En Scène exclu de la clause de non concurrence et qu'à la date où Monsieur Charpentier et Madame Lebuhotel ont quitté la SA En Scène, celle ci n'avait signé aucun contrat avec la société Legrand ;

Qu'elle ajoute, que ce n'est qu'à partir du mois de novembre 1995 que Monsieur Charpentier a commencé à travailler à l'élaboration d'une proposition présentée à la société Legrand le 24 novembre et que c'est en raison de la confiance que cette société portait à Monsieur Charpentier et au professionnalisme de celui ci et de Madame Lebuhotel qu'elle a obtenu le budget ;

Considérant enfin, qu'elle précise qu'elle a été à même de monter l'opération en deux mois et que Monsieur Charpentier et Madame Lebuhotel qui en octobre 1995 étaient monopolisés par l'organisation de trois autres manifestations n'ont nullement préparé le projet présenté par la société En Scène à la société Legrand ;

Considérant que la société Legrand qui confirme avoir été un client de la SARL En Scène expose qu'elle avait toute latitude pour traiter avec la société Daniel Charpentier Evénements dans la mesure où elle n'avait concrétisé aucun accord avec la SA En Scène tant sur le contenu exact de l'événement que sur les modalités de mise en œuvre ou le coût global ;

Considérant ceci exposé, qu'il n'est pas contesté que la société Legrand avait confié en 1990 et 1991 plusieurs opérations à la SARL En Scène ;

Qu'en conséquence la clause de non concurrence stipulée aux contrats de travail de Monsieur Charpentier et de Madame Lebuhotel ne s'applique pas à ce client ;

Mais considérant qu'il résulte des pièces mises au débat et notamment de notes de frais que, courant août 1995, la SA En Scène a effectué des opérations de repérage à Séville en vue de soumettre à la société Legrand un projet pour l'organisation d'une convention du 8 au 11 janvier 1996 ;

Qu'une de ces notes ayant été réglée à Monsieur Daniel Charpentier et son nom ainsi que ceux de Messieurs Legendre et Monteau étant portés sur une facture de billets d'avion (Paris - SVQ - abréviation de Séville - Paris) il en résulte que ces trois personnes ont participé à ce déplacement ;

Considérant qu'il est constant que la société Legrand n'avait, au cours de l'été 1995, imposé aucune ville particulière pour l'organisation de sa convention aux sociétés créatrices d'événements par elle sollicitées ;

Que l'agence Villadalesia avait proposé Strasbourg, Bruxelles, Genève et Mediaction la ville de Prague ;

Considérant que Monsieur Charpentier et Madame Lebuhotel ont quitté la société En Scène fin octobre 1995 et ont immédiatement travaillé pour le compte de la société Daniel Charpentier Evénements dont ils sont les fondateurs ;

Que celle-ci n'a commencé ses activités que le 1er novembre 1995 et que si Monsieur Charpentier s'est rendu courant novembre 1995 à Limoges, ville où la société Legrand a son siège social, en revanche il n'est pas démontré qu'il ait effectué le moindre déplacement à Séville pour le compte de la société Daniel Charpentier Evénements avant la présentation du budget prévisionnel ;

Que Messieurs Legendre et Monteau qui avaient précédemment travaillé pour la SA En Scène et qui s'étaient rendus à Séville en août 1995, ont été respectivement employés par la société appelante du 15 novembre au 31 décembre 1995 et du 20 décembre 1995 au 31 janvier 1996 en qualité de "dive.prod." et responsable logistique soit précisément au cours de la période de préparation et de réalisation de l'opération Legrand ;

Considérant que ces différents éléments démontrent que la société Daniel Charpentier Evénements pour être à même de soumettre dès le 25 novembre 1995 à la société Legrand, sans avoir effectué au préalable de déplacement à Séville, un budget prévisionnel envisageant, comme la SA En Scène, d'organiser la convention de la société Legrand à Séville et proposant des lieux aussi précis que la gare de Cordoue ou la Place d'Espagne pour des soirées, a nécessairement profité et utilisé les informations recueillies et les repérages effectués par Monsieur Charpentier et Monsieur Monteau lors de leur voyage à Séville en août 1995 lorsqu'ils étaient au service de la société En Scène ;

Qu'un tel comportement contraire aux usages loyaux du commerce, constitue une faute au sens de l'article 1382 du code civil et engage la responsabilité de la société Daniel Charpentier Evénements ;

Considérant s'agissant de la société Legrand, qu'il est établi que, par lettre recommandée avec avis de réception du 23 novembre 1995, la SA En Scène lui a précisé que l'opération événementielle de début janvier 1996 à Séville était à l'étude depuis plusieurs mois au sein de l'agence En Scène et que le détournement d'un marché pour lequel En Scène avait engagé de nombreux investissements et débours n'était pas envisageable et qu'en conséquence elle souhaitait connaître les intentions que la société Legrand ;

Que la société Legrand lui a répondu le 29 novembre suivant qu'elle s'estimait libre de confier le marché à la société Daniel Charpentier Evénements dans la mesure où elle n'avait signé aucun accord avec la société En Scène ;

Considérant qu'il est constant que la société Legrand est un des clients échappant à la clause de non concurrence dans la mesure où la SARL En Scène travaillait déjà pour elle en 1990 ;

Considérant que s'il est exact que la société appelante avait présenté au cours de l'été 1995 un budget prévisionnel à la société Legrand pour la convention prévue en janvier 1996, il demeure que celle ci n'avait pris aucun engagement formel à son égard ;

Qu'il n'est pas démontré que le prix proposé par la société Daniel Charpentier Evénements ait été pour des prestations identiques inférieur à celui de la SA En Scène ou que la société Legrand ait demandé à la société Daniel Charpentier Evénements de reprendre certaines des propositions faites par la SA En Scène ;

Que dans ces conditions, la société Legrand qui connaissait Monsieur Charpentier et Madame Lebuhotel depuis plusieurs années et qui manifestement appréciait leur travail, n'a pas eu de comportement fautif à l'égard de la SA En Scène en décidant le 30 novembre 1995, soit postérieurement à leur démission et après qu'un projet de budget prévisionnel lui a été présenté de confier le marché en cause à la société Daniel Charpentier Evénements ;

Que le jugement doit donc être réformé en ce qu'il a dit que cette société s'était rendue coupable de complicité dans les actes de concurrence déloyale de la société Daniel Charpentier Evénements ;

3. Sur le préjudice

Considérant que la société Groupe Denis & Co réclame tout d'abord le paiement d'une somme de 800.000 F au titre du préjudice moral et commercial qu'elle a subi suite au comportement particulièrement dolosif de la société Daniel Charpentier Evénements ;

Qu'elle fait valoir que cette société a réalisé d'importantes opérations pour des sociétés comme Citroën et CCIP qui étaient auparavant ses clients ;

Que par ailleurs elle sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il lui alloué au titre de la perte du budget Legrand la somme de 1.000.000 F en exposant que la marge brute réalisée par la société Daniel Charpentier Evénements peut être fixée à la somme de 1.058.338 F ;

Considérant que cette société lui oppose qu'elle ne justifie d'aucun préjudice moral et commercial et que les sociétés Alcatel, Citroën et CCIP étaient exclues de la clause de non concurrence ;

Considérant qu'en ce qui concerne l'opération menée pour la société Legrand à Séville, elle expose que le budget initialement prévu à 5.300.000 F a été ramené à 4.000.000 F, qu'il est tout à fait légitime de tenir compte d'une part, des salaires versés à Monsieur Charpentier, à Madame Lebuhotel et à Messieurs Legendre et Monteau lesquels ont consacré durant la période de préparation tous leurs efforts et l'intégralité de leur temps de travail à cette opération, d'autre part des différents frais mentionnés dans son calcul ;

Qu'elle en conclut qu'après imputation de la TVA non récupérée, la marge brute par elle réalisée s'établit à la somme de 494.018,90 F soit 10,3 % de l'opération et que le préjudice subi par la société intimée ne saurait être évalué à une somme supérieure à ce montant ;

Considérant ceci exposé, que la seule responsabilité de la société Daniel Charpentier Evénements étant retenue, il convient de déterminer le préjudice subi par la société Groupe Denis & Co du fait des détournements de différents documents, des conditions dans lesquelles Monsieur Charpentier et Madame Lebuhotel son entrés au service de la société Daniel Charpentier Evénements et de la réalisation de l'opération événementielle de Séville pour la société Legrand, observation étant faite que la faute commise par la société Daniel Charpentier Evénements est distincte de celle éventuellement imputable à Monsieur Charpentier et à Madame Lebuhotel et a généré un préjudice distinct ;

Considérant qu'il convient de rappeler que les sociétés Alcatel et CCIP étaient des clients de la SARL En Scène échappant à la clause de non concurrence tandis que la société Citroën devait être considérée comme un client de la SA En Scène ;

Considérant qu'il y a lieu de prendre en compte le fait que le départ des deux fondateurs de la SARL En Scène, Monsieur Charpentier et Madame Lebuhotel, largement rapporté par la presse professionnelle n'a pu que déstabiliser et désorganiser la société Groupe Denis & Co s'occupant de l'organisation d'opérations événementielles et porter atteinte à son image de marque ;

Considérant qu'eu égard également à l'importance du budget de Séville, aux opérations réalisées depuis sa création par la société appelante pour la société Citroën (Mondial de l'automobile) au taux de marge habituelle pour ce type d'opérations, la Cour possède les éléments d'appréciation suffisants pour fixer le préjudice subi par la société Groupe Denis & Co toutes causes confondues à la somme de 1.000.000 F ;

Que la Cour confirmant le montant des dommages et intérêts alloués par les premiers juges, la somme de 1.000.000 F produira intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement et dans les conditions fixées par la loi ;

Considérant qu'à titre d'indemnisation complémentaire, il y a lieu de faire droit aux mesures de publication du présent arrêt dans les conditions précisés au dispositif ;

III. Sur la demande de la société Legrand

Considérant que la société Legrand qui ne rapporte pas la preuve que la présente procédure lui a causé un préjudice et qui ne démontre pas davantage que l'action de la société Groupe Denis & Co procède d'une volonté de nuire à ses intérêts, sera déboutée de sa demande en paiement de dommages et intérêts ;

IV. Sur l'article 700 NCPC

Considérant que la société Daniel Charpentier Evénements qui succombe conservera la charge de ses propres dépens.

Considérant que l'équité commande d'allouer à la société Groupe Denis & Co pour les frais hors dépens par elle exposés devant la Cour une somme de 30.000 F et à la société Legrand une somme de 20.000 F laquelle sera mise à la charge de la société Groupe Denis & Co ;

Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges, Dit sans objet la demande de rejet de pièces, Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a dit que la société Legrand s'était rendue coupable de complicité dans les actes de concurrence déloyale de la société Daniel Charpentier Evénements, Réformant de ce seul chef, statuant à nouveau et y ajoutant, Déboute la société Groupe Denis & Co de ses prétentions en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de la société Legrand, Autorise la société Groupe Denis & Co à faire publier le dispositif du présent arrêt dans 2 revues ou journaux de son choix et aux frais de la société Daniel Charpentier Evénements dans la limite de 25.000 F par insertion, Condamne la société Daniel Charpentier Evénements à payer à la société Groupe Denis & Co une somme supplémentaire de 30.000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC, Condamne au même titre la société Groupe Denis & Co à payer à la société Legrand la somme de 20.000 F, Rejette toute autre demande des parties, Condamne la société Daniel Charpentier Evénements aux dépens d'appel, Admet la SCP Bernabe, Ricard, Chardin, Cheviller et la SCP Gibou-Pignot Grapotte Benetreau au bénéfice de l'article 699 du NCPC.