CA Nîmes, 2e ch. B, 3 juin 1999, n° 97-5470
NÎMES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Toits de France (SARL)
Défendeur :
Créabat (EURL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Conseillers :
MM. Bestagno, Bancal
Avoués :
Mes d'Everlange, Tardieu
Avocats :
SCP Delran Brun Marin, Me Billon.
Faits et procédure,
Prétentions et moyens des parties :
Le 13 février 1997, la SARL Toits de France faisait assigner l'EURL Créabat, en lui reprochant une contrefaçon, pour avoir photographié une maison construite par elle et l'avoir présentée dans une exposition tenue devant un centre commercial.
Elle invoquait les dispositions du code de la Propriété Intellectuelle,
- pour solliciter des dommages et intérêts,
- la publication du jugement à intervenir
- et une indemnité au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par jugement du 17 octobre 1997, le Tribunal de Commerce de Nîmes,
- déclarait irrecevable la société Toits de France dans ses demandes d'application des dispositions relatives à la Propriété Intellectuelle,
- déboutait la SARL Toits de France de l'ensemble de ses prétentions,
- déboutait l'EURL Créabat de sa demande de dommages et intérêts,
- condamnait la société Toits de France à payer à l'EURL Créabat la somme de 1 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
- condamnait la société Toits de France aux dépens.
Le 21 novembre 1997, la SARL Toits de France interjetait appel.
Par écritures signifiées les 20 mars 1998 et 23 novembre 1998, elle conclut à l'infirmation.
A titre principal, elle demande :
- de constater l'existence d'une contrefaçon,
- de condamner l'EURL Créabat À lui payer la somme de 140.000 F à titre de dommages et intérêts,
- à lui restituer la photographie et son négatif.
Elle réclame en outre :
- que soit ordonnée la publication de l'arrêt à intervenir dans les journaux,
- Midi Libre,
- 30
- Top Hebdo
aux frais de l'EURL Créabat,
- sollicitant en outre sa condamnation à lui payer la somme de 10.000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
A titre subsidiaire,
- elle invoque la faute de négligence et d'imprudence de l'EURL Créabat pour réclamer:
- 140.000 F à titre de dommages et intérêts,
- 10.000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Elle fait valoir que l'œuvre, à savoir la construction de la villa présentait un caractère original, que la contrefaçon est prouvée, puisque la clientèle pouvait croire que la maison présentée sur photographie avait été construite par Créabat, ce qui créait un risque de confusion.
Par écritures signifiées les 14 août 1998, 29 décembre 1998, et 11 janvier 1999, l'EURL Créabat conclut à la confirmation,
- et sollicite la condamnation de la SARL Toits de France à lui payer:
- 50.000 F à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- 20.000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Elle estime que la société Toits de France n'a absolument rien créé d'original et qu'elle ne peut donc se prévaloir des dispositions concernant le droit de Propriété Intellectuelle,
A titre subsidiaire, au cas où la maison en question serait considérée comme une œuvre de l'esprit, elle ajoute que la preuve d'une contrefaçon n'est pas rapportée, puisque d'une part, elle n'a pas construit de villa du même type et sur le même plan et que d'autre part, elle a montré la photographie en précisant que ce n'était pas une maison construite par elle.
Motifs de la décision :
La recevabilité de l'appel principal, et celle de l'appel incident, ne sont ni contestable ni contestée.
Sur l'atteinte aux droits de Propriété Intellectuelle
En l'absence de tout dépôt à l'INPI, et de toute publicité, la SARL Toits de France ne peut revendiquer le bénéfice de la propriété Industrielle et estimer qu'il y ait eu atteinte à un droit privatif.
Si elle semble revendiquer un droit d'auteur sur la villa construite par elle et dont les plans ont été établis par des architectes, elle ne justifie pas pour autant de l'originalité de l'aspect extérieur de cette villa.
C'est donc à juste titre que les premiers Juges ont écarté les prétentions de la SARL Toits de France qui se prévalait d'une contrefaçon.
Le jugement déféré doit donc être confirmé de ce chef.
Sur la concurrence déloyale :
1- En droit.
Constitue un agissement parasitaire, le fait pour un agent économique, de s'introduire sur un marché, avec ou sans risque de confusion, mais en utilisant une valeur économique d'autrui, fruit d'un investissement en argent ou en travail. Le parasitisme est sanctionné car il fausse le jeu normal de la concurrence, et il constitue un manquement aux usages professionnels, le commerçant auteur des actes déloyaux, profite des efforts réalisés par une entreprise concurrente sur le plan technique ou commercial.
Il peut agir sans intention de nuire.
Il s'infère nécessairement des actes déloyaux constatés, l'existence d'un préjudice.
2- En fait.
En l'état des explications des parties, et des quelques pièces soumises à l'appréciation de la Cour et notamment des procès-verbaux de constat de Maître Marseille, du 5 juillet 1996, de Maître Villefranque, du 9 août 1996,
- de l'attestation de Monsieur Gérard Besse, des différents plans et du permis de construire concernant la villa des Epoux Appy à Caveirac,
il est établi,
- que l'EURL Créabat exerce la même activité que la SARL Toits de France à savoir la construction de maisons individuelles,
- a son siège dans la même Commune, à Nîmes,
- que l'un de ses responsables a photographié une villa construite par la SARL Toits de France à Caveirac,
- et a disposé ensuite ladite photographie à l'entrée d'un supermarché à Nîmes où elle avait disposé des panneaux relatant son activité,
- que ladite photographie a été apposée sur les panneaux de l'EURL Créabat sans que soit mentionnée la moindre réserve et notamment le fait que la maison n'avait pas été construite par elle.
Ce comportement traduit donc l'appropriation par l'intimée du travail d'autrui, à savoir la construction d'une villa individuelle, pour l'utiliser dans le cadre de sa politique commerciale, notamment lors d'une exposition dans un centre commercial.
L'apposition sur ses propres panneaux par l'EURL Créabat d'une photographie est de nature à induire en erreur la clientèle.
Ainsi, en exposant sans précaution ladite photographie, dans un stand présentant son activité de constructeur de maisons individuelles, et en créant ainsi un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle, l'EURL Créabat a eu un comportement déloyal.
En l'absence de production par la Société appelante, de tous éléments techniques chiffrés concernant le prix des différentes villas construites par cette Société et la villa litigieuse, de tous documents comptables, ou de toutes pièces fiscales, la Cour ne peut qu'évaluer forfaitairement le préjudice résultant du comportement fautif de l'EURL.
Il y a lieu de considérer que la SARL Toits de France a subi un préjudice moral à savoir un trouble commercial.
Compte tenu des circonstances de la cause, de la période concernée, les dommages et intérêts que l'EURL Créabat devra payer à la Société Toits de France doivent être fixés par la Cour à une somme de 20.000 F.
Il y aura lieu également d'ordonner la restitution de la photographie litigieuse, et la publication du présent arrêt dans 3 journaux locaux, aux frais de l'EURL.
Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive :
C'est à juste titre que les premiers Juges ont estimé que l'EURL Créabat ne justifiait nullement du caractère abusif de la procédure engagée par la SARL Toits de France.
Sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile :
Il parait inéquitable de laisser à la SARL Toits de France la charge des frais, exposés par elle, et non compris dans les dépens, il convient de lui allouer, la somme de 8 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par contre, l'équité ne commande nullement d'allouer à l'EURL Créabat, la moindre somme au titre des frais exposés par elle, et non compris dans les dépens.
Sur les dépens :
Succombant, l'EURL Créabat supportera les dépens de première instance et d'appel.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement, En la forme: Reçoit les appels. Au fond : Confirme partiellement le jugement déféré en ce qu'il a : - rejeté les demandes de la SARL Toits de France fondées sur le code de la Propriété Intellectuelle, - débouté l'EURL Créabat de sa demande de dommages et intérêts, Le réforme pour le surplus, Et statuant à nouveau, Déboute l'EURL Créabat de sa demande d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, Le complétant, Dit que l'EURL Créabat a été l'auteur, à l'égard de la SARL Toits de France, d'une faute, en raison de faits de concurrence déloyale commis par elle, La condamne à remettre à la SARL Toits de France, la photographie correspondant à la villa construite à Caveirac (Gard) pour Monsieur et Madame Appy, par cette Société. Condamne l'EURL Créabat à payer à la SARL Toits de France : 1- vingt mille francs (20.000 F) à titre de dommages et intérêts, 2- huit mille francs (8.000 F) au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Ordonne la publication du présent arrêt au frais de l'EURL Créabat, dans les journaux : - Le Midi Libre, - Le 30, - Top Hebdo, sans que le coût de chaque publication puisse excéder la somme de dix mille francs (10 000 F). Condamne l'EURL Créabat aux dépens de première instance et d'appel, et autorise Maître d'Everlange. avoué, a recouvrer ces derniers conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.