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Décisions

CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 27 mai 1999, n° 5125-97

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Gillet, Entropies (SARL)

Défendeur :

Traphot (Sté), Profil Industrie (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Assié

Conseillers :

Mme Laporte, M. Maron

Avoués :

SCP Gas, SCP Merle-Carena-Doron

Avocats :

Mes Dupeux, Casalonga.

TGI Nanterre, du 20 mai 1997

20 mai 1997

Faits et procédure :

Monsieur Gillet, sculpteur designer, a mis au point un modèle de support d'exposition dénommé "Cigogne" et, afin de l'exploiter commercialement, a créé en 1994 la société Entropies.

A l'occasion d'un salon à Paris, Monsieur Gillet a rencontré la société Traphot à qui il a remis un de ses modèles le 20 avril 1994. En novembre 1995, Monsieur Gillet et la société Entropies ont constaté, lors d'une visite dans les locaux de la société Traphot que celle-ci, qui s'était adjoint les services de la société Profil Industrie, avait mis sur le marché un modèle de support dénommé Chronoexpo, dont Monsieur Gillet a considéré qu'il était une imitation de son modèle Cigogne. Les parties ont tenté de se rapprocher dans le courant de l'année 1996 et d'établir un protocole transactionnel qui n'a pas abouti.

Apprenant que les sociétés Traphot et Profil Industrie étaient inscrites sur la liste des exposants du salon international des techniques (Sitem) devant se tenir à Dijon fin janvier 1997, Monsieur Gillet et la société Entropies ont saisi le Président du Tribunal de Grande Instance de Nanterre statuant en référé lequel, par ordonnance rendue le 28 janvier 1997, confirmée par la Cour d'Appel de ce siège, a interdit aux sociétés Traphot et Profil Industrie d'exposer et de vendre leur modèle Chronoexpo à ce salon.

Parallèlement, Monsieur Gillet et la société Entropies ont effectué une saisie-contrefaçon au siège de la société Traphot le 19 décembre 1997 et ont assigné les sociétés Traphot et Profil Industrie, à jour fixe, devant le Tribunal de Grande Instance de Nanterre, afin qu'elles soient condamnées à leur payer des dommages et intérêts pour contrefaçon et concurrence déloyale.

Ils ont, par ailleurs, sollicité la nomination d'un expert pour chiffrer leur préjudice et demandé qu'il soit fait interdiction aux sociétés Traphot et Profil Industrie de fabriquer, exposer et vendre le modèle Chronoexpo sous astreinte ainsi que la publication du jugement à intervenir.

Les sociétés Traphot et Profil Industrie ont conclu au rejet des prétentions adverses et ont sollicité, à titre reconventionnel, la condamnation de Monsieur Gillet et de la société Entropies à leur payer la somme de 300.000 F de dommages et intérêts.

Par jugement en date du 20 mai 1997, rectifié le 19 juin 1997 à la suite d'une erreur matérielle et auquel il est renvoyé pour plus ample exposé des éléments de la cause, le Tribunal de Grande Instance de Nanterre a débouté Monsieur Gillet et la société Entropies de leur action en contrefaçon de modèles et en concurrence déloyale, rejeté la demande reconventionnelle en dommages et intérêts formée par les sociétés Traphot et Profil Industrie, auxquelles il a alloué la somme de 15.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Appelants de cette décision, Monsieur Gillet et la société Entropies soutiennent que leur modèle Cigogne, qui a acquis une renommée importante auprès des professionnels de l'art et du design, est le fruit d'un long travail de mise au point et de réflexion dont l'originalité justifie la protection.

Ils précisent que ce modèle a fait l'objet de deux dépôts auprès de l'INPI, le premier le 16 décembre 1992 avec un socle en béton, le second le 20 avril 1994 avec socle en métal. Ils font observer que le dépôt et la protection qui y est attachée ont porté sur une forme extrêmement simple dont la création, par Monsieur Gillet, n'est, selon eux, ni une idée, ni un genre, mais la réalisation concrète d'un modèle de support d'exposition original et faisant œuvre artistique. Ils prétendent qu'il s'agit d'une forme nouvelle, qui rompt avec l'art antérieur, et que la forme des modèles antérieurs ou postérieurs au dépôt que leur opposent les sociétés Traphot et Profil Industrie est radicalement différente qu'ainsi, l'appareil breveté Nimlock utilise des arcs entiers et non des segments d'arc, nécessitant de ce fait plusieurs points de fixation pour tenir l'ensemble ce qui donne une sensation de lourdeur opposée à la légèreté et au caractère aérien du modèle Cigogne. Ils estiment que ce sont précisément ces éléments caractéristiques de leur modèle, à savoir deux segments d'arcs insérés dans un socle, qui ont été copiés servilement par les sociétés Traphot et Profil Industrie, alors que les différences entre les modèles Cigogne et Chronoexpo ne concernent pas ces éléments caractéristiques protégés du modèle Cigogne. A cet égard, ils reprochent au tribunal d'avoir confondu le caractère fonctionnel, différent dans les deux modèles, et le caractère ornemental, alors que c'est précisément l'aspect visuel qui fait l'originalité du modèle Cigogne. Ils font d'ailleurs observer que les lames du support Cigogne peuvent se croiser, contrairement à ce qu'affirment les intimées, et qu'en tout état de cause le profil, objet du dépôt, est identique dans les deux supports, de même que l'aspect bombé du socle ainsi que l'angle et l'insertion des segments d'arc.

Ils prétendent que ces ressemblances suffisent à établir la contrefaçon, alors que les différences entre les deux modèles sont seulement fonctionnelles ou n'ont d'autre objet que de masquer la contrefaçon et n'affectent en rien les caractéristiques protégées du support.

Ils considèrent que les sociétés Traphot et Profil Industrie ont agi de mauvaise foi et tenté de banaliser le modèle Cigogne, et demandent qu'elles soient condamnées à leur verser une somme de 400.000 F en réparation de la contrefaçon.

Ils reprochent également aux sociétés Traphot et Profil Industrie d'avoir commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire en se faisant remettre le modèle Cigogne sous prétexte de le commercialiser et en réalité dans le seul but de le copier à loisir pour créer en "catimini" leur modèle Chronoexpo, utilisant directement le travail créatif de Monsieur Gillet. Ils exposent à cet égard que les deux sociétés se trouvent sur les mêmes salons, prospectent la même clientèle et que leurs produits sont destinés au même public, Cigogne n'étant nullement réservé à des clients haut de gamme, alors même que les modèles Chronoexpo sont vendus trois fois moins cher; que de ce fait, la société Entropies a subi une perte de chiffre d'affaires et a vu ses démarches commerciales injustement détournées au profit des sociétés Traphot et Profil Industrie. lIs font d'ailleurs observer que ces dernières ne justifient nullement avoir engagé des frais de recherche liés au modèle Chronoexpo, mais uniquement des frais de prototype, d'achat de matière première et de dépôt de brevet.

Ils demandent, en conséquence, que leur soit alloué l'entier bénéfice de leur exploit introductif d'instance.

Les sociétés Traphot et Profil Industrie sollicitent pour leur part la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a débouté Monsieur Gillet et la société Entropies de leur action, mais forment appel incident pour obtenir reconventionnellement 300.000 F de dommages et intérêts pour le préjudice moral et commercial résultant, selon elles, des procédures abusives engagées à leur encontre, et 20.000 F d'indemnité complémentaire au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Les deux sociétés font remarquer qu'elles ont développé depuis 1991 une gamme étendue de mobilier d'exposition, et qu'elles ont fait évoluer leurs produits en 1994 vers un nouveau support publicitaire, Chronoexpo, modulable, facilement transportable et peu coûteux, pour lequel elles ont demandé un brevet d'invention en 1995 et engagé un investissement conséquent en frais de prototype, d'achat de matière première et de dépôt de brevets.

Elles prétendent que Monsieur Gillet leur a remis en 1994 un modèle Cigogne pour vérifier si leur clientèle serait intéressée, mais que celui-ci s'étant avéré statique, trop coûteux et d'un poids inadapté aux expositions itinérantes, elles ont proposé leur réalisation, Chronoexpo, plus légère, moins chère et plus facile à transporter ; qu'à l'issue de multiples réunions, un projet de protocole transactionnel a été établi mais n'a pas abouti en raison des tergiversations de Monsieur Gillet.

Les deux sociétés reconnaissent que, vue de profil, la mise en tension des mâts donne un aspect en arc de cercle commun aux deux modèles, mais prétendent qu'il s'agit là d'un concept, comme l'admet Monsieur Gillet lui-même dans ses plaquettes publicitaires, et qu'un concept, pas plus qu'une idée, n'est protégeable en droit d'auteur, seules l'étant les formes déterminées et déterminables qui ne sont pas fonctionnelles et se distinguent du domaine public. Elles ajoutent que le concept Cigogne à géométrie variable n'est d'ailleurs nullement reproduit par Chronoexpo et que, de ce fait, Monsieur Gillet et la société Entropies en sont réduits à caractériser l'originalité de leur produit à la seule forme de profil des deux arcs, alors que selon elles cette forme est exclusivement dictée par la tension exercée sur les mâts par l'intermédiaire de câbles pour la mise en place des calicots et qu'il s'agit là d'un principe fonctionnel et technique des plus classique, non protégeable en vertu de l'article L 511-3 alinéa 2 du code de la propriété industrielle; qu'en l'espèce, si cette forme était jugée valable, cela aboutirait à protéger toutes les formes du même genre obtenues selon le même procédé alors même qu'il existe depuis longtemps des modèles de support d'affiche, ayant fait l'objet d'inventions brevetées. Elles ajoutent que l'observation des appelants selon laquelle ces inventions présentent un aspect moins aérien est inopérante puisque c'est précisément le seul profil des modèles Cigogne qu'ils estiment protégeable, et que la différence alléguée entre segments d'arc et arcs entiers est spécieuse, procédant en tout état de cause du même principe de mise en tension.

Elles soutiennent par conséquent qu'il n'y a pas eu contrefaçon, la seule ressemblance entre les deux modèles étant la forme en arc de cercle vue de profil, qui est fonctionnelle et appartient au domaine public, et ce d'autant que le risque de confusion allégué, qui doit s'apprécier en comparant les modèles respectifs pris dans leur ensemble, est en l'occurrence inexistant en raison des nombreuses différences entre les deux modèles. Elles font observer à cet égard que le modèle Chronoexpo ne se conçoit que tendu muni d'une affiche sous laquelle il disparaît, ajoutant qu'il est démontable, inséparable de la forme choisie, non modulable, qu'il possède un socle en forme de H, lequel est d'ailleurs lui-même une déclinaison du socle Totem conçu par les sociétés Traphot et Profil Industrie en 1993, et enfin que ses éléments de tension sont constitués de tiges tubulaires en 5 morceaux articulés par des disques de jonction très visibles, tandis que le modèle Cigogne est fait pour être vu, ne s'effaçant pas derrière l'affiche qu'il supporte, est modulable, a un angle d'insertion multiple, un socle sans barre verticale, et se compose de deux mâts ou lames monobloc d'un seul tenant.

Elles ajoutent que les deux modèles sont d'autant moins susceptibles d'être confondus que leur désignation est radicalement différente.

Les sociétés Traphot et Profil Industrie contestent également les actes de concurrence déloyale qui leur sont reprochés, considérant que Monsieur Gillet et la société Entropies n'apportent aucun élément de preuve constituant des faits distincts de la contrefaçon, elle-même non fondée.

Elles font remarquer que le modèle Chronoexpo, qui a fait l'objet, d'investissements intellectuels et financiers importants, loin d'être une copie servile du modèle Cigogne, ne présente avec lui qu'une seule similitude sur la forme de profil qui constitue un aspect visuel mineur ; que les publics et la destination des deux modèles sont différents, Cigogne étant défini par ses auteurs eux-mêmes comme produit "haut de gamme", ce qui justifie la différence de prix, de même que la composition du modèle dont le socle, de forte épaisseur, et les lames en fibre de carbone sont forcément plus coûteux.

Enfin, les sociétés Traphot et Profil Industrie affirment n'avoir jamais caché à Monsieur Gillet leur propre support d'affichage et soutiennent que c'est en raison des prétentions financières sans cesse modifiées de Monsieur Gillet que l'accord ne s'est pas fait.

Motifs de la décision :

*Sur le caractère protégeable du modèle Cigogne :

Considérant que Monsieur Gillet a mis au point un support d'exposition dénommé Cigogne, constitué de deux lames monoblocs insérées dans un socle, mises sous tension au moyen de deux câbles, et dont on peut, en modifiant les écartements des arcs ainsi créés, faire varier la forme géométrique afin de pouvoir y insérer des affiches, tableaux ou panneaux de tout format; qu'il s'agit de là d'un procédé original, mais qui ne peut, en tant que tel, bénéficier de la protection accordée au titre du droit d'auteur dans la mesure où celle-ci doit porter sur une forme précise et individualisée, ce qui est antinomique avec le principe même de modularité élaboré par Monsieur Gillet.

Considérant toutefois que ce support d'exposition est présenté, dans la documentation de la société Entropies, avec un modèle dit de "base", dont la forme est individualisée, et que c'est ce même modèle de base qui a été déposé à deux reprises par Monsieur GILLET, avec simplement une différence au niveau du socle ; que ce modèle est représenté, de profil, sous la forme d'un segment d'arc de cercle et vu de face, sous la forme de deux arcs de cercle insérés dans un socle, plat dans le premier dépôt, bombé dans le second, s'évasant vers le haut.

Considérant que ce modèle de base a un aspect esthétique incontestable, notamment quant à l'élégance et à la simplicité de sa forme; que, pris dans son ensemble, il se différencie totalement des modèles de supports d'affiche commercialisés antérieurement au dépôt par les sociétés Traphot et Profil Industrie, ces modèles étant soit plans, soit courbés mais n'ayant à aucun égard la forme simple et élancée que les deux arcs de cercles divergents donnent au modèle Cigogne; que ces qualités esthétiques ne se retrouvent pas, non plus, dans les différents modèles ayant fait l'objet de demandes de brevets d'invention qui n'ont en commun, avec le modèle Cigogne, que le profil courbe des arcs sous tension ; qu'il y a donc lieu de considérer que le modèle déposé Cigogne, pris dans son ensemble, est une création nouvelle et originale de Monsieur Gillet qui mérite d'être protégée au titre des droits d'auteur.

- Sur la contrefaçon :

Considérant que le support Cigogne, tel que l'a conçu Monsieur Gillet, peut prendre diverses formes selon la disposition des lames introduites dans le socle qui peuvent rester parallèles, être divergentes ou se croiser ; que des transversales coulissantes ou des fixations permettent d'accrocher des panneaux ou des objets de toutes dimensions et qu'ainsi, le support Cigogne peut, comme Chronoexpo, être tendu d'une affiche, derrière laquelle il disparaît.

Mais considérant que Monsieur Gillet et la société Entropies ne peuvent prétendre monopoliser toutes les formes de support de modèles d'affiche ; que ce principe à géométrie variable n'est pas protégeable, ainsi qu'il a été dit ci-dessus.

Considérant que pour apprécier la contrefaçon, il y a lieu, par conséquent, d'examiner le modèle Cigogne tel qu'il a été déposé, et tel qu'il est protégé au titre des droits d'auteur.

Considérant à cet égard que, vu de face, le modèle se présente avec deux arcs divergents, qui restent apparents lorsqu'ils supportent un tableau, une affiche ou un objet; que cet aspect visuel, qui fait toute l'originalité du modèle Cigogne n'est pas reproduit par le modèle Chronoexpo dont les lames sont croisées et qui se présente toujours muni d'une affiche derrière laquelle il disparaît.

Considérant, en revanche, que de profil, les deux modèles ont une forme identique, en segment d'arc de cercle, et les mêmes dimensions.

Mais considérant que cette forme, en segment d'arc de cercle est d'une part commandée par la fonction, puisque c'est la tension des câbles qui donne aux câbles leur forme courbe ; que les demandes de brevet pour support d'affichage présentées par les sociétés Traphot et Profil Industrie reposent sur ce même principe alors qu'elles sont, à une exception près, antérieures au dépôt du modèle Cigogne ; que le fait que celui-ci présente, de profil, sous la forme de segment d'arc et non d'arc entier, comme sur les demandes de brevet, est un effet technique, permettant d'éliminer la multiplicité des points de fixation, pour lequel la protection ne peut être accordée qu'au titre des inventions brevetables, comme le prévoit l'article L 511-3 alinéa 2 du code de la propriété intellectuelle ; qu'en tout état de cause, le segment d'arc de cercle, pris isolément n'est pas original en soi, s'agissant d'une simple forme géométrique; que ce n'est pas cette forme isolée qui fait l'originalité du modèle Cigogne, qui est esthétique et novateur quand il est vu de face ou de trois quarts, étant observer que c'est d'ailleurs toujours ainsi qu'il est présenté dans la documentation de la société Entropies.

Considérant qu'outre le profil, Monsieur Gillet et la société Entropies font remarquer que les deux modèles ont des socles bombés et que l'angle et l'insertion des segments d'arc sont identiques.

Mais considérant que le modèle Cigogne n'a été déposé avec un socle bombé qu'en 1994, alors qu'en 1993, les sociétés Traphot et Profil Industrie proposaient déjà un modèle Totem avec un socle de forme bombée; que les angles et l'insertion des arcs sont des caractéristiques techniques indissociables de l'esthétique générale du modèle Cigogne.

Considérant, par conséquent, que s'il existe des similitudes entre les modèles Cigogne et Chronoexpo, elles ne portent que sur des éléments fonctionnels ou qui sont dans le domaine public ; qu'en revanche, les deux modèles sont différents dans leur aspect général et que les éléments originaux qui donnent son esthétique au modèle Cigogne ne sont pas reproduits ; que le délit de contrefaçon n'est donc pas établi.

*Sur la concurrence déloyale :

Considérant qu'il appartient à Monsieur Gillet et à la société Entropies de caractériser les actes de concurrence déloyale qu'ils reprochent aux sociétés Traphot et Profil Industrie.

Considérant qu'ils prétendent que la société Traphot s'est fait remettre le modèle Cigogne sous le prétexte de le commercialiser et en réalité pour l'examiner et le copier tout à loisir.

Mais considérant que Monsieur Gillet a remis volontairement son modèle Cigogne, et que, s'il soutient avoir été abusé quant à la finalité de ce dépôt, il n'apporte pas la preuve de ses allégations, si ce n'est par voie d'affirmation ; qu'il n'apporte pas non plus la preuve d'une faute des sociétés Traphot et Profil Industrie quant à la rupture des négociations qui ont été engagées entre les deux parties, le simple fait que les parties ne se soient pas accordées sur les conditions financières de la distribution du produit litigieux n'étant pas en lui-même constitutif d'une faute.

Considérant que Monsieur Gillet et la société Entropies reprochent encore aux sociétés Traphot et Profil Industrie d'avoir banalisé le modèle Cigogne en commercialisant un produit trois fois moins cher, mais reconnaissent, dans leurs écritures, que les deux sociétés ont conçu, à partir de leur modèle, une seconde génération plus légère, plus industrielle, moins chère; qu'ils admettent ainsi que la différence de prix n'avait pas pour but de capter la clientèle de la société Entropies.

Considérant que Monsieur Gillet et la société Entropies font également observer que les deux modèles visent la même clientèle, et sont destinés au même public.

Mais considérant que les sociétés Traphot et Profil Industrie ont développé leur propre modèle Chronoexpo qui a pour caractéristique d'être démontable et de ce fait adapté aux expositions itinérantes;que ce modèle n'est pas la copie servile du modèle Chronoexpo ; qu'ainsi, Monsieur Gillet et la société Entropies ne démontrent pas en quoi la concurrence entre les deux sociétés revêt un caractère déloyal.

Considérant enfin que les appelants reprochent aux sociétés Traphot et Profil Industrie des actes de parasitisme, pour avoir copié ou tout le moins s'être inspiré du travail intellectuel et des investissements de Monsieur Gillet, et font observer à cet égard que les deux sociétés ne font pas état de frais de recherche liés au modèle Chronoexpo.

Mais considérant que, outre que ces allégations ne sont pas établies, les sociétés Traphot et Profil Industrie qui ont fabriqué, comme il vient d'être dit, le modèle Chronoexpo sans contrefaire, ni copier servilement le modèle Cigogne, ne saurait se voir imputer à faute l'utilisation d'un support à géométrie variable, commandé essentiellement pour la fonction recherchée, et que Monsieur Gillet ne peut prétendre monopoliser.

*Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts :

Considérant que Monsieur Gillet et la société Entropies ont obtenu en référé l'interdiction de l'exposition et la vente du modèle Chronoexpo au salon international des techniques (SITEM) ; que ce faisant, elles n'ont fait qu'user de leur droit légitime à agir en justice sans qu'aucune faute ou abus de procédure abusive ne puisse leur être reproché; qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les sociétés Traphot et Profil Industrie de leur demande de dommages et intérêts.

Considérant en revanche, qu'il serait inéquitable de laisser à la charge des sociétés Traphot et Profil Industrie les frais qu'elles ont été contraintes d'exposer en cause d'appel ; que Monsieur Gillet et la société Entropies seront condamnés à leur verser une indemnité complémentaire de 8.000 F en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Par ces motifs, La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Reçoit Monsieur Christophe Gillet et la SARL Entropies en leur appel principal et les sociétés Traphot et Profil Industrie en leur appel incident, Dit ces appels mal fondés, Confirme en toutes ses dispositions, mais par substitution partielle de motifs, le jugement déféré, Y ajoutant, Condamne Monsieur Christophe Gillet et la SARL Entropies à payer aux sociétés Traphot et Profil Industrie une indemnité complémentaire de 8.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, Les condamne également aux entiers dépens de première instance et d'appel et autorise la SCP d'avoués Merle-Carena-Doron à poursuivre directement le recouvrement de la part la concernant, comme il est dit à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.