CA Pau, 2e ch. sect. 1, 11 mai 1999, n° 97-01273
PAU
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Anaïs (SARL)
Défendeur :
Marie-Jeanne Godard (SARL), Beauté et parfums (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Pujo-Sausset
Conseillers :
M. Roux, Mme Del Arco Salcedo
Avoués :
SCP de Ginestet Duale, Me Marbot
Avocats :
Mes Claverie, Verniau.
Par jugement en date du 13 janvier 1997, le Tribunal de commerce de Tarbes a notamment, en la condamnant à payer la somme de 1 F à titre de dommages et intérêts et celle de 10 000 F sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, débouté la SARL Anaïs de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la SA Marie-Jeanne Godard,
La SARL Anaïs a régulièrement relevé appel de cette décision par acte du 6 mars 1997 en sollicitant la condamnation de la SA Marie-Jeanne Godard, au visa des dispositions de l'article 1382 du code civil,
- à lui payer la somme de 2 500 000 F en réparation du préjudice que cette société lui cause par la captation illicite d'une partie de sa clientèle de Tarbes par la commercialisation de produits dits " food ", pratique commerciale incompatible avec la vente de produits relevant des contrats de distribution sélective dont elles bénéficient toutes les deux,
- à cesser, sous astreinte de 20 000 F par jour de retard, de commercialiser les produits de luxe par libre service, pratique commerciale incompatible avec la vente de produits relevant des contrats de distribution sélective dont elles bénéficient toutes les deux,
- à lui payer la somme de 50 000 F sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
La SA Marie-Jeanne Godard a conclu pour sa part, outre à la jonction de cette procédure avec une autre concernant la SARL MJ G. Béarn, pendante devant la Cour sur l'appel d'un jugement du Tribunal de commerce de Pau par la SARL Anaïs et dans laquelle elle a été intimée,
- à la confirmation de cette décision en toutes ses dispositions, sauf à élever à la somme de 300 000 F le montant des dommages et intérêts alloués,
- à l'allocation de la somme de 50 000 F sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
L'ordonnance de clôture de cette procédure a été rendue le 12 janvier 1999,
Par jugement en date du 8 janvier 1997, le Tribunal de commerce de Pau a notamment, en la condamnant à payer la somme de 1 F à titre de dommages et intérêts et celle de 30 000 F sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, débouté la SARL Anaïs de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la SARL MJ G. Béarn,
La SARL Anaïs a régulièrement relevé appel de cette décision par acte du 6 mars 1997, en intimant également la SA Marie-Jeanne Godard, en sollicitant :
- la condamnation de la SARL MJ G Béarn, au vu des dispositions de l'article 1382 du code civil,
-- à lui payer la somme de 4 500 000 F en réparation du préjudice que cette société lui cause par la captation illicite d'une partie de sa clientèle de Pau par la commercialisation de produits dits " food ", pratique commerciale incompatible avec la vente de produits relevant des contrats de distribution sélective dont elles bénéficient toutes les deux ;
-- à cesser, sous astreinte de 20 000 F par jour de retard, de commercialiser ces produits de grande distribution,
-- à cesser, sous astreinte de 20 000 F par jour de retard, de commercialiser les produits de luxe par libre service, pratique commerciale incompatible avec la vente de produits relevant des contrats de distribution sélective dont elles bénéficient toutes les deux,
-- à lui payer la somme de 50 000 F sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
- la condamnation, in solidum, de la SARL MJ G Béarn et de la SA Marie-Jeanne Godard à lui payer la somme de 600 000 F à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du dénigrement de ces sociétés qui ont invité leurs fournisseurs communs à prendre des mesures contre elle,
Les SA Marie-Jeanne Godard et SARL MJ G. Béarn ont conclu pour leur part, outre à la jonction de cette procédure à la précédente,
- à la confirmation de cette décision en toutes ses dispositions, sauf à élever à la somme de 300 000 F le montant des dommages et intérêts alloués,
- à l'allocation de la somme de 50 000 F sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
La SA Beauté et parfums a, par conclusions en date du 8 décembre 1998, déclaré intervenir en la cause aux lieu et place de la SARL MJ G Béarn aux droits de laquelle elle est substituée par l'effet d'une fusion absorption et a sollicité que lui soit alloué l'entier bénéfice des conclusions précédemment signifiées au nom de celle-ci,
L'ordonnance de clôture de cette procédure a été rendue le 12 janvier 1999.
Sur quoi, LA COUR,
Attendu qu'il convient tout d'abord, dans l'intérêt d'une bonne justice, de joindre ces deux procédures qui demeureront inscrites sous le numéro 97001273,
Attendu qu'il ressort des faits constants de la cause tels qu'ils sont établis par les écritures des parties et les documents versés aux débats que la SARL Anaïs reproche essentiellement aux sociétés intimées :
- des actes de concurrence déloyale fondés sur leurs infractions aux dispositions de contrats de distribution sélective auxquels elles sont soumises les unes et les autres qui, par les économies d'exploitation ou les profits illicites qu'elles leur font réaliser, contribuent à fausser de manière déloyale la libre concurrence entre elles en leur permettant d'offrir les produits de luxe distribués dans le cadre de ces réseaux de distribution sélective à des prix inférieurs à ceux du marché local et à leurs concurrents directs des mêmes réseaux de distribution sélective,
- leur attitude de dénigrement à son égard envers leurs fournisseurs communs,
Attendu qu'à l'appui de ses appels des jugements qui l'ont déboutée de ses demandes en réparation des préjudices résultant de ces agissements qu'elle qualifie de fautifs, la SARL Anaïs fait valoir principalement :
- qu'elle est bien fondée à se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du code civil et dès lors qu'elle y a intérêt, d'une infraction au contrat de distribution sélective constituant la charte des membres du réseau commise par un distributeur et ce quand bien même le fabricant, co-contractant de ce distributeur, ne se plaindrait pas des infractions constatées,
- qu'il est constant que les sociétés intimées commettent des infractions systématiques aux contrats de distribution sélective dont elles bénéficient,
- en vendant des produits dits " food " sans séparation matérielle avec les produits de luxe,
- en proposant les produits de luxe en " libre-service ",
- en ne respectant pas la limitation, imposée par certains fabricants, du chiffre d'affaires réalisés par un seul vendeur,
- que l'ensemble de ces faits, qui permettent à ces sociétés de réaliser des économies d'exploitation et de compenser leurs marges entre ces deux types de produits, constituent une atteinte grave à l'égalité des distributeurs du même réseau et lui causent dès lors un grave préjudice,
- et que, enfin, ces sociétés l'ont dénigrée auprès de leurs fournisseurs communs en l'accusant de pratiques de nature à porter atteinte à l'image de luxe des produits qu'elle distribue,
Attendu que les sociétés intimées font plaider pour leur part :
- qu'il n'appartient pas à la SARL Anaïs, au regard des dispositions de l'article 1165 du code civil et sauf à plaider par Procureur, de se faire juge de l'appréciation par les fabricants de l'adéquation des points de vente par rapport aux critères qualitatifs contractuellement requis par les contrats de distribution sélective de leurs produits,
- qu'elles n'enfreignent, au regard des critères définis par les arrêts rendus le 12 décembre 1996 par le Tribunal de première instance de Luxembourg, aucune de leurs obligations contractuelles, que ce soit par leur mode de distribution fondé sur le libre accès assisté aux produits, dans un cadre de haut niveau qualitatif, ou par la présence de produits dits " food ",
- que l'ensemble des documents qu'elles produisent justifient :
- que l'ensemble des marques de luxe ont agréé le standing et l'environnement de leurs magasins,
- que le personnel de vente est d'une qualité irréprochable et reconnue,
- que les produits vendus hors contrats de distribution sélective représentent moins de 10 % de la surface des linéaires et sont complémentaires et valorisant pour les produits de parfumerie sélectifs,
- que sur les 574 produits hors sélection vendus dans ses rayons, seuls 263 ont un prix supérieur au prix de vente dans les magasins de grande surface et que les chiffres d'affaires réalisés à leur titre ne représentent que 3 et 4 % du chiffre d'affaires total de leurs points de vente.
Attendu que la Cour se réfèrera par ailleurs pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties aux dispositions de la décision dont appel en ce qu'elles ne sont pas contraires à celles du présent arrêt ainsi qu'aux conclusions visées ci-dessus en référence et déposées au dossier de la procédure,
Sur la recevabilité de l'action de la SARL Anaïs :
Attendu qu'il convient tout d'abord de débouter les sociétés intimées de leurs moyens relatifs à l'irrecevabilité de l'action de la SARL Anaïs à leur encontre au regard des dispositions de l'article 1165 du code civil et de l'adage selon lequel " nul ne plaide par procureur " qui s'avèrent mal fondés dès lors que l'effet relatif des contrats n'interdit pas aux tiers d'invoquer la situation de fait créée par les conventions auxquelles ils n'ont pas été parties si cette situation de fait leur cause un préjudice de nature à fonder une action en responsabilité délictuelle ,
Attendu que telle est précisément la situation de la SARL Anaïs qui fonde son action en concurrence déloyale sur le non-respect par les sociétés intimées des obligations que leur imposent les contrats de distribution sélective qu'elles ont signés les unes et les autres et sur les avantages qu'elles en tirent, notamment en terme d'économies d'exploitation, leur permettant ainsi de réduire, de manière déloyale à son égard, leur prix de vente des produits distribués dans le cadre de ces réseaux sélectifs.
Sur les principaux griefs :
Attendu que la SARL Anaïs reproche tout d'abord aux sociétés intimées de s'être affranchies du mode de distribution résultant des contrats de distribution sélective des produits cosmétiques de luxe, fondé sur des obligations de présentation et de conseils donnés par un personnel qualifié, pour adopter la méthode du " libre-service " qui, en leur permettant de réaliser des économies d'échelles au niveau des salaires et des charges sociales et d'accroître leur surface de vente, crée un déséquilibre profond avec les autres commerçants qui, soumis aux mêmes contrats, en respectent les obligations,
Attendu que les sociétés intimées font plaider, de ce chef, que le mode de distribution qu'elles ont adopté, qui n'est pas un " libre-service " mais un " libre accès " assisté de la clientèle aux produits, correspond tout à fait aux obligations imposées aux distributeurs par les contrats de distribution sélective et a d'ailleurs été, à ce titre, approuvé par les décisions du Tribunal de première instance de Luxembourg rendues le 12 décembre 1996,
Attendu qu'il sera cependant constaté, ainsi que le fait plaider la SARL Anaïs, que si les décisions du Tribunal de première instance de Luxembourg rendues le 12 décembre 1996 ont précisé que les systèmes de distribution sélective des cosmétiques de luxe devaient être ouverts à toutes les formes de distribution, y compris les " hypermarchés ", sous peine de violer l'article 85 paragraphe 1 du Traité CEE, elles ont également précisé que les distributeurs pouvaient exiger que ces points de vente soient aménagés de façon appropriée et qu'ils acceptent des obligations équivalentes à celles acceptées par d'autres distributeurs agréés quant au mode de distribution de ces produits,
Attendu qu'il apparaît dès lors que les sociétés intimées ne peuvent en conséquence prétendre que leur mode de distribution de ces produits de luxe par " libre accès " est conforme aux dispositions du Traité CEE, les décisions visées ayant au contraire rappelé la validité, au regard de ces dispositions, des obligations pouvant être imposées aux revendeurs des réseaux de distribution sélective quant au mode de distribution,
Attendu, par ailleurs, que l'ensemble des contrats de distribution sélective liant les parties à de grandes marques de cosmétiques de luxe imposent à leurs distributeurs, dans des termes quasiment identiques de, notamment, mettre à la disposition de la clientèle un service de conseil et de démonstration suffisant, eu égard à la surface de vente du magasin et au nombre de produits présentés,
Attendu qu'une telle obligation, qui n'est pas contraire aux dispositions de l'article 85 paragraphe 1 du Traité CEE, se justifie par le souci des fabricants de ne vendre leurs produits, dont la qualité le justifie, que par l'intermédiaire de distributeurs spécialisés et qualifiés qui valorisent, par leur contact personnel, la relation marchande,
Attendu qu'il apparaît dès lors que le mode de distribution adopté par les sociétés intimées ne peut être considéré comme répondant aux obligations contractuelles imposées par les fabricants à leurs distributeurs, le " libre-service " ou " libre accès " au produit privant le vendeur de la possibilité de présenter le produit distribué à l'ensemble des acheteurs et d'exécuter complètement son obligation contractuelle,
Attendu que la SARL Anaïs reproche également aux sociétés intimées de vendre, en les présentant dans les même rayons, des produits cosmétiques de grande distribution dits " food ",
- qui, de nature à déprécier les produits de luxe, sont ainsi vendus en contravention directe avec les termes des contrats de distribution sélective qui prévoient tous l'interdiction de vendre des produits susceptibles de déprécier, par leur voisinage, l'image des marques de luxe,
- et qui, vendus plus cher que dans les magasins de grande distribution, permet à ces sociétés de compenser une partie de la marge qu'elles abandonnent dans la vente des produits de luxe,
Attendu que les sociétés intimées font valoir de ce chef :
- que la vente de produits dits " food " ne dévalorise pas les marques de luxe dès lors qu'elle n'altère pas la haute qualité de leurs points de vente, qu'elle est souhaitée par la clientèle et qu'elle est admise par ces marques de luxe,
- et que seules 263 références de produits dits " food ", sur 4 800 références de produits sélectifs, étant vendues à des prix supérieurs à ceux de la grande distribution, leur influence sur la politique des prix du sélectif est nulle,
Attendu qu'il apparaît, à la lecture des contrats de distribution sélective liant les parties aux marques de cosmétiques de luxe, qu'il est demandé au détaillant, en des termes quasiment identiques, de s'interdire de vendre dans ses locaux des marchandises qui sont susceptibles de déprécier ces marques par leur voisinage,
Attendu qu'une telle obligation, qui est tempérée par certaines marques par la possibilité de vendre ces produits en les séparant physiquement de l'activité parfumerie et qui n'est pas contraire aux dispositions de l'article 85 paragraphe 1 du Traité CEE, se justifie par la volonté de ces marques de préserver leur " aura d'exclusivité et de prestige qui les distinguent des produits similaires relevant d'autres segments du marché et répondant à d'autres exigences du consommateur " (point 5 de la décision d'exemption individuelle concernant la SA Givenchy),
Attendu, en la cause, que l'examen des procès-verbaux de constat versés aux débats révèle que ces sociétés présentent dans leurs points de vente, à proximité immédiate et sans séparation physique des produits de luxe, des produits dits " food " relevant même pour certains des rayons " bazar " des grandes surfaces de distribution,
Attendu que le grief du non-respect de leur obligation contractuelle de s'abstenir de vendre des produits de nature à déprécier les produits de luxe dont elles sont les distributeurs est bien justifié, les marques de cosmétiques de prestige ne pouvant être que dépréciées par leur voisinage immédiat avec des produits disponibles dans tout magasin populaire et sans rapport avec l'image de luxe qu'elles entendent représenter et préserver,
Sur les autres griefs :
Attendu que la SARL Anaïs fait tout d'abord grief aux intimées de pratiquer une publicité comparative, illicite et mensongère en faisant valoir qu'elles vendent " moins cher que le moins cher ", alors que la preuve est rapportée qu'elles proposent 357 références de produits dits " food " à des prix plus élevés que ceux des magasins de grande surface locaux et en proposant, au titre d'une " garantie de prix bas ", de " rembourser la différence " au client qui trouve le même produit moins cher chez un détaillant de la même ville,
Attendu que les sociétés intimées font plaider pour leur part que la part des produits dits " food " vendus par elles à un prix plus élevé que les autres commerçants locaux est tout à fait marginale comme ne représentant que 3 et 4 % du chiffre d'affaires de leurs deux points de vente et ne peut dès lors avoir aucune répercussion significative sur leur politique de prix des produits de luxe,
Attendu qu'il apparaît toutefois que les sociétés intimées tendent bien, par une politique publicitaire simpliste, de faire admettre aux consommateurs l'idée qu'elles vendent tous leurs produits à des prix moins chers que ceux de leurs concurrents de la place alors qu'elles développent par ailleurs, sachant que leur publicité ne peut refléter la réalité, une " garantie de prix bas " par laquelle elles font reposer sur leurs clients l'obligation qu'elles se sont imposées à elles-mêmes, publiquement, d'assurer le prix le plus bas sur tous leurs produits,
Attendu que de telles pratiques publicitaires sont incontestablement déloyales à l'égard des concurrents directs de ces sociétés comme ayant pour but de détourner avec de faux arguments, la clientèle qui leur est commune,
Attendu que la SARL Anaïs fait également grief aux sociétés intimées d'avoir, contrairement aux obligations des contrats de distribution sélective sur ce point, embauché des conseillères vendeuses qui ne sont titulaires ni d'un diplôme d'esthétique, ni d'une attestation de formation professionnelle en parfumerie délivrée par une chambre de commerce et d'industrie ou qui ne justifient pas d'une pratique de la vente en parfumerie pendant au moins trois ans,
Attendu que les sociétés intimées font plaider pour leur part, de ce chef, que les marques de cosmétique de luxe ont reconnu, au terme des rapports de visualisation qu'elles ont fait établir avant l'ouverture de leurs points de vente, la qualité irréprochable de leur personnel de conseil qui leur a d'ailleurs valu que leur soit décerné, dans la catégorie " qualité des équipes de vente " le prix Mercure de la Beauté décerné par le Comité Français des produits de beauté,
Attendu cependant qu'il ne peut être que constaté que les sociétés intimées n'ont pas, à ce titre également, respecté leurs obligations contractuelles leur imposant, dans des termes quasiment identiques, de recruter un personnel ayant une formation professionnelle sanctionnée par des diplômes précisément définis ou par une expérience professionnelle d'une durée minimum,
Attendu que la SARL Anaïs reproche également à la SA Marie-Jeanne Godard de l'avoir dénigrée auprès de leurs fournisseurs communs au moyen d'une lettre circulaire faisant état de ce qu'elle pratiquait le " Discount Hard " et qu'elle ouvrait ainsi " une nouvelle brèche " dans le " non-qualitatif ",
Attendu que les sociétés intimées font plaider de ce chef que la SARL Anaïs ne justifie pas du préjudice qui lui serait résulté du dénigrement allégué,
Attendu que la SARL Anaïs ne justifie pas, sur ce point, des conséquences de la lettre circulaire de la SA Marie-Jeanne Godard et qu'il aurait été utile pour la Cour de connaître, au moins, la teneur des courriers que ses fournisseurs ont pu lui adresser à ce sujet afin d'apprécier le préjudice qu'elle allègue à hauteur de 600 000 F,
Attendu que la SARL Anaïs ne pourra dès lors qu'être déboutée de sa demande de ce chef qui s'avère injustifiée,
Sur les demandes de la SARL Anaïs :
Attendu que la SARL Anaïs demande tout d'abord que soit réparé son préjudice résultant de l'inexécution, par les sociétés intimées, de leurs obligations contractuelles relatives au mode de distribution des produits cosmétiques de luxe et à l'interdiction de vendre, concomitamment, des produits " food " de nature à déprécier l'image de ces marques de prestige,
Attendu que la SARL Anaïs fait valoir que ces infractions aux contrats de distribution sélective constituent des faits de concurrence déloyale qui ont permis aux sociétés intimées de s'assurer, par une diminution de leurs charges d'échelles au niveau des salaires et des charges sociales, par un accroissement de leur surface de vente et par une compensation des marges entre les différents produits, la faculté de vendre des produits de luxe moins cher qu'elle-même qui, soumise aux mêmes contrats, en respecte les clauses, et de capter ainsi une partie de sa clientèle,
Attendu que la Cour, qui a constaté la réalité des griefs exposés par la SARL Anaïs à l'encontre des sociétés intimées, ne peut dès lors que constater le bien fondé de l'argumentation de cette société quant au caractère déloyal des moyens employés par les sociétés intimées dans leur concurrence avec la société demanderesse, que ce soit dans leur détournement systématique de leurs obligations contractuelles ou dans leur publicité délibérément trompeuse,
Attendu, quant au dommage qui en est résulté pour la SARL Anaïs, que s'il peut être difficile à quantifier, il résulte cependant des éléments versés aux débats, et notamment des chiffres d'affaires réalisés par chacun des points de vente en cause, et du partage de la clientèle concernée par de tels produits de luxe, qu'une somme de 500 000 F apparaît comme étant de nature à réparer le préjudice subi par la SARL Anaïs dans chacune des villes concernées,
Attendu qu'il sera en conséquence fait droit aux demandes de la SARL Anaïs de ce chef pour ce quantum,
Attendu que la SARL Anaïs demande également que les sociétés intimées soient condamnées à exécuter, sous astreinte, leurs obligations contractuelles résultant des contrats de distribution sélective conclus avec les grandes marques de cosmétiques de luxe et relatives tant au mode de distribution de leurs produits qu'à la vente concomitante de produits dits " food ",
Attendu que la SARL Anaïs ne pourra cependant qu'être déboutée de telles demandes qui sont contraires aux dispositions de l'article 1165 du code civil,
Attendu qu'il appartiendra à la SARL Anaïs, si de tels comportements se perpétuent, de les faire sanctionner sur le fondement de la concurrence déloyale,
Attendu qu'il sera enfin fait droit, en équité, à la demande de la SARL Anaïs sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Reçoit la SARL Anaïs en son appel de la décision rendue le 13 janvier 1997 par le Tribunal de commerce de Tarbes et en son appel de la décision rendue le 8 janvier 1997 par le Tribunal de commerce de Pau, Ordonne la jonction de ces procédures qui demeureront inscrites sous le numéro 97001273, Donne acte à la SA Beauté et Parfums de son intervention aux lieu et place de la SARL MJ G Béarn aux droits de laquelle elle se trouve substituée par l'effet d'une fusion absorption, Infirme les jugements déférés, Constate que les sociétés Marie-Jeanne Godard et MJ G Béarn se sont rendues coupables d'actes de concurrence déloyale à l'égard de la SARL Anaïs, Condamne, en réparation du préjudice causé par ces faits de concurrence déloyale, - la SA Marie-Jeanne Godard à payer à la SARL Anaïs la somme de 500 000 F à titre de dommages et intérêts, - la SA Beauté et Parfums, venant aux droits de la SARL MJ G Béarn à payer à la SARL Anaïs la somme de 500 000 F à titre de dommages et intérêts, Condamne la SA Beauté et Parfums, venant aux droits de la SARL MJ G Béarn, et à la SA Marie-Jeanne Godard à payer à la SARL Anaïs la somme de 50 000 F sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, Rejette comme inutiles ou mal fondées toutes demandes plus amples ou contraires des parties, Condamne la SA Beauté et Parfums, venant aux droits de la SARL MJ G Béarn, et la SA Marie-Jeanne Godard aux entiers dépens et autorise la SCP de Ginest et Duale, avoués associés, à recouvrer directement ceux d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.