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Décisions

Cass. 2e civ., 15 avril 1999, n° 97-13.719

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Société d'éditions scientifiques et culturelles (SA)

Défendeur :

Office national pour la valorisation de l'information et des moyens d'information

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M.Dumas

Rapporteur :

M. Guerder

Avocat général :

M. Chemithe

Avocat :

SCP Lesourd.

TGI Paris, 1re ch., 1re sect., du 4 oct.…

4 octobre 1995

LA COUR : - Sur le moyen unique : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 janvier 1997), que l'Office régional pour la valorisation de l'information et des moyens d'information (Alphom) a publié un "Guide de la presse", qualifié par l'avant-propos d'outil de travail pour les professionnels, et de thésaurus des médias pour le public, dans lequel a été présenté le journal Le Quotidien du médecin ; qu'estimant cette présentation dénigrante et fautive, la Société d'éditions scientifiques et culturelles (la société), éditrice du journal, a assigné l'Alphom devant le tribunal de grande instance en réparation de son préjudice, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté cette demande, alors, selon le moyen, que, d'une part, constitue un dénigrement fautif le fait, pour un éditeur, d'insinuer, dans un ouvrage destiné au public, que l'information diffusée par une publication est fonction des puissances économiques auxquelles elle est inféodée, laissant ainsi entendre aux lecteurs que ladite publication diffuserait une information tendancieuse et non pas libre et objective et manquerait de rigueur professionnelle ; qu'en l'espèce, par conséquent, constitue un dénigrement fautif le fait pour l'Alphom d'avoir présenté le Quotidien du médecin comme étant inféodé aux intérêts des laboratoires pharmaceutiques, faisant flèche de tout bois pour retenir ses lecteurs et leur faire croire qu'ils étaient "au courant", surtout lorsqu'il y avait de la publicité à la clef, et que la hâte d'informer n'allait pas toujours sans à peu près, ces insinuations visant, au-delà de l'information qu'elle prétendait apporter et dont il n'est d'ailleurs pas constaté qu'elle eût été vérifiée, à dénigrer la publication avec une intention malveillante en faisant croire à la malhonnêteté de l'information publiée ; qu'en refusant de reconnaître le caractère malveillant de la publication de l'Alphom, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ; que, d'autre part, l'expression faire flèche de tout bois est une expression à caractère péjoratif signifiant que l'on recourt à tous les moyens possibles, même s'ils sont inadaptés et peu recommandables, pour arriver à ses fins ; que, dès lors, imputer au Quotidien du médecin de faire flèche de tout bois pour retenir ses lecteurs revient à accuser de malhonnêteté vis-à-vis de ces derniers ; que cette accusation constitue donc un dénigrement fautif justifiant la demande de dommages-intérêts de ce quotidien ; qu'en refusant de faire droit à sa demande, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que l'Alphom a, dans un but d'information légitime du public, édité un guide inventoriant, avec des commentaires, de très nombreux journaux et revues et qu'il ne peut lui être reproché d'avoir souligné l'importance de la publicité dans le Quotidien du médecin ainsi que l'existence non contestée de "pages" réalisées "avec l'appui des laboratoires pharmaceutiques" et la présence de certaines informations approximatives et hâtives ; que si le Guide de la presse a critiqué avec modération un certain "dévoiement" de journaux médicaux du fait de l'influence d'intérêts économiques, il a mis en valeur, avec la même objectivité, le "sérieux" de la rubrique consacrée par le Quotidien du médecin à la formation continue des médecins; qu'aucun fait précis susceptible de porter atteinte à l'honneur et à la considération de la Société d'éditions scientifiques et culturelles n'a été imputé par le Guide de la presse à celle-ci, qui, au demeurant, avait fondé exclusivement son action sur les dispositions de droit commun de l'article 1382 du Code civil, n'invoquant celles de la loi du 29 juillet 1881 "qu'en tant que de besoin" et sans développer à ce titre la moindre argumentation ; qu'affirmer que le Quotidien du médecin "fait flèche de tout bois" et que sa "hâte d'informer ne va pas toujours sans à peu près" relève de l'expression d'une opinion, le droit de critique autorisant des appréciations sévères ; Que, de ces constatations et énonciations, desquelles il résulte que les appréciations incriminées, ne touchant que les produits, les services ou les prestations d'une entreprise, n'entraient pas dans les prévisions de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881, la cour d'appel a exactement déduit qu'aucune faute n'était caractérisée à l'encontre de l'Alphom ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.