CA Paris, 1re ch. B, 2 avril 1999, n° 1997-14645
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Barriere
Défendeur :
Blondiau, Christian Damoisy Pierre Pascal Guizzetti et Thierry Collet (SCP)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Mazars
Conseillers :
M. Breillat, Mme Garban
Avoués :
Mes Blin, Ribaut
Avocat :
Me Jardon.
Le docteur Yvan Hutin a confié à la SCP Damoisy, Guizetti et Collet, commissaires-priseurs à Reims, assistés de M. Christian Blondiau, expert, la vente aux enchères publiques de la plus grande partie de sa collection de figurines historiques. Une première vente s'est déroulée les 22 et 23 juin 1996 à l'hôtel des ventes de Reims, le restant des objets devant être dispersés les 28 et 29 septembre suivant.
Le 10 août 1996, M. jean Barriere, expert en figurines historiques et militaria, a écrit au docteur Hutin pour l'informer de ce qu'il était chargé d'organiser une vente publique à l'Espace Champeret à Paris comportant des figurines et lui proposer, devant " l'échec de la vente " de juin 1996, de lui faire " parvenir la liste de (ses) figurines à vendre ".
Estimant que cette correspondance est constitutive de concurrence déloyale et d'appropriation frauduleuse de clientèle, la SCP Damoisy, Guizetti et Collet et M. Christian Blondiau ont fait assigner M. jean Barriere pour obtenir le paiement de 50 000 F de dommages-intérêts et de 10 000 F sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ainsi qu'une mesure de publication.
Par jugement du 26 mars 1997, le tribunal de grande instance de Paris a condamné à M. Jean Barriere à payer à la SCP Damoisy, Guizetti et Collet et à M. Christian Blondiau, outre 10 000 F au titre des frais irrépétibles, 30 000 F de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par eux par suite des actes de concurrence déloyale de M. Barrière.
Celui-ci poursuit l'infirmation de cette décision en contestant que des actes contraires aux usages loyaux du commerce puisent lui être reprochés, n'étant pas commerçant, et en soutenant que l'envoi d'une lettre privée ne contenant aucun caractère injurieux ou grossier ne saurait constituer un dénigrement. Niant la tentative d'appropriation de clientèle également invoquée à son encontre dans la mesure où le docteur Hutin aurait déjà été son client, il sollicite l'allocation de 50 000 F de dommages-intérêts et de 18 000 F sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.
Les intimés concluent à la confirmation du jugement déféré et à l'allocation de 5 000 F au titre des frais irrépétibles d'appel. Ils maintiennent que le fait de soutenir, contre la réalité et sans la moindre preuve, que la vente de la première partie de la collection a été un échec constitue une atteinte intolérable à leur professionnalisme et à leur réputation et que M. Jean Barriere, ce faisant, a tenté de s'approprier leur clientèle par des moyens blâmables.
Cela étant exposé, la Cour :
Considérant que le 10 août 1996 M. Jean Barrière, après avoir annoncé au docteur Hutin qu'il était chargé d'organiser à Paris une vente publique comportant des figurines, lui a écrit en ces termes :
" C'est pourquoi, devant l'échec de la vente de la première partie de votre collection à Reims en juin, je vous conseillerais de prendre contact avec moi, dès mon retour de vacances le 26 août, voire de me faire parvenir la liste de vos figurines à vendre. Sachez qu'à tout moment, dans une vente volontaire, le vendeur avant la vacation peut retirer son mandat et les objets à vendre au commissaire-priseur et qu'il est encore temps " ;
Considérant qu'en insistant pour que le docteur Hutin retire aux intimés le soin d'organiser la seconde vente programmée des objets provenant de sa collection, et en n'hésitant pas à cette fin à qualifier d'échec la première vacation, alors que l'Est Républicain tirait ainsi l'article relatant celle-ci : " les soldats de plomb...en or ", M. Jean Barriere a tenté de façon fautive de s'approprier la clientèle de concurrents, engageant par là même sa responsabilité; qu'il importe peu à cet égard que l'appelant ait été dans le passé en relation d'affaires avec le docteur Hutin ; que toutefois les intimés ne justifient que d'un préjudice de principe dans la mesure où le destinataire de la lettre litigieuse l'a lui-même qualifiée " d'injurieuse et fausse " et de " grossière et dénuée de nuances " ; que ce préjudice sera en conséquence justement compensé par l'allocation de la somme d'un franc à titre de dommages-intérêts; que le jugement déféré sera dès lors réformé en ce sens ; qu'enfin il est équitable de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles d'appel ;
Par ces motifs : Réformant le jugement déféré quant au montant de l'indemnisation accordée ; Condamne M. Jean Barriere à payer aux intimés 1 F de dommages-intérêts ; Confirme le jugement déféré pour le surplus ; Rejette toute prétention plus ample ou contraire ; Laisse à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles d'appel ; Laisse les dépens à la charge des intimés et dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau code de procédure civile.