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Décisions

CA Aix-en-Provence, 1re ch. B, 1 avril 1999, n° 95-13133

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Bel, Sidiqian

Défendeur :

Delasalle

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Roudil

Conseillers :

Mme Charpentier, M. Djiknavorian

Avoués :

SCP Sider, SCP Jourdan Wattecamps

Avocats :

Mes Morin, Girard.

TGI Grasse, du 21 mars 1995

21 mars 1995

Faits et procédure

Le 17 janvier 1991, Messieurs Bel et Sidiqian ont constitué une société civile de moyens pour l'exercice en commun de leur activité de médecins gastro-entérologues.

Le 24 janvier 1991, ils ont constitué une SCI Amon pour acquérir des locaux dans l'immeuble Le Néroli à Grasse, pour les aménager et les louer, soit en pratique à la SCM afin d'y installer des locaux de consultation et de soins.

Ils se sont tous deux portés cautions solidaires du remboursement de l'emprunt contracté par la SCI pour l'acquisition de ces locaux.

Le 2 septembre 1991, le docteur Sidiqian a cédé au docteur Delasalle, également gastro-entérologue, un tiers indivis des droits mobiliers incorporels de son cabinet avec engagement de lui présenter la clientèle, moyennant un prix de 450.963,00 frs.

Le docteur Bel a convenu d'une cession identique en ce qui le concerne avec le docteur Delasalle, pour un prix de 237.037,00 frs.

Le docteur Delasalle a également participé à l'augmentation du capital de la SCI Amon, et de la SCM, de telle sorte que le capital social de ces sociétés était détenu à parts égales par les trois associés.

Enfin, les trois médecins ont signé un contrat d'association avec mise en commun des honoraires.

Il est précisé dans ce contrat que le docteur Sidiqian exerce son activité 7 rue Thiers, le docteur Bel 1 rue Honoré Cresp et le docteur Delasalle dans l'immeuble Le Néroli, mais que les trois exercent aussi à la Clinique "Villa Madeleine", et au "Centre d'Explorations Digestives" - Le Néroli -, avec utilisation en commun du matériel mis à leur disposition par la SCM.

Ce dernier contrat prévoit la mise en commun des honoraires avec répartition mensuelle à parts égales, et encore que chacun des médecins conservera personnellement ses charges sociales et fiscales.

L'article 20 de ce contrat stipule enfin que " l'associé qui par le libre exercice de son droit de dénonciation, par l'effet d'une mesure pénale ou disciplinaire, ou encore par suite d'une suspension d'activité prolongée au delà de deux ans, aura quitté l'association, devra s'abstenir d'exercer la profession pendant les cinq années suivantes dans un rayon de trente kilomètres ".

Le 15 février 1993, les docteurs Bel et Sidiqian ont fait assigner le docteur Delasalle devant le Juge des référés aux fins de versement d'une somme de 100.000,00 frs à la SCM demande rejetée par le Juge des référés, qui a en revanche désigné Maître Ezavin comme administrateur provisoire de la SCM et de la SCI Amon.

Cet administrateur a réuni les associés en assemblées générales de la SCI et de la SCM le 9 juin 1993, assemblées qui n'ont pas permis de parvenir à un accord.

Etait ainsi inscrite à l'ordre du jour de l'assemblée de la SCM une résolution visant à autoriser le docteur Delasalle à ouvrir son cabinet propre.

Le procès-verbal de cette assemblée mentionne que le Conseil du docteur Delasalle a fait valoir qu'il serait préjudiciable à celui-ci, exerçant depuis deux ans dans l'immeuble Le Néroli, d'avoir à installer son cabinet propre ailleurs.

Le procès-verbal mentionne encore que la résolution autorisant cette ouverture et l'embauche d'une secrétaire, sous les conditions :

- que le cabinet soit hors du Néroli,

- que l'enveloppe budgétaire soit de 96.000,00 frs l'an pour la secrétaire et de 66.000,00 frs l'an pour les charges du local,

- que le docteur Delasalle s'acquitte immédiatement de la somme de 202.100,00 frs due à la SCM, et respecte les appels de fonds ultérieurs,

- qu'il se porte garant, avec ses co-associés, du découvert bancaire, n'a pas été acceptée, les docteurs Bel et Sidiqian votant pour, mais le docteur Delasalle contre.

Le procès-verbal d'assemblée générale de la SCI mentionne que la résolution constatant l'engagement par le docteur Delasalle de cautionner le remboursement des prêts n'a pas été acceptée le docteur Delasalle votant contre.

Enfin, les co-associés se sont réunis volontairement au titre de la société en participation, le docteur Delasalle proposant la dissolution anticipée de cette société, résolution rejetée, les docteurs Bel et Sidiqian votant contre.

Le 2 août 1993, le docteur Delasalle a installé son nouveau cabinet dans l'immeuble Le Néroli au premier étage, son nom étant désormais occulté sur la plaque et la porte du "Centre d'Explorations Digestives" et une plaque étant apposée avec la mention " Le cabinet du docteur Delasalle est transféré au 1er étage, le nouveau IV° de tél. est.... "

Par acte en date des 17 et 20 avril 1993, le docteur Delasalle a fait assigner devant le TGI de Grasse les docteurs Bel et Sidiqian, en demandant :

- l'annulation des décisions n° 2-4-5 et 8 de l'assemblée générale de la SCM du 9 juin 1993,

- de prononcer la dissolution de cette SCM avec désignation de Maître Ezavin comme liquidateur,

- "en tant que de besoin, de constater la dissolution de la société en participation créée le 2 septembre 1991, suite à la dénonciation qui en a été faite par le docteur Delasalle le 2 novembre 1992",

- de dire que cette dissolution devra comporter restitution par les docteurs Bel et Sidiqian des sommes qu'il leur avait remises, savoir 237.037,00 frs pour le premier et 450.963,00 frs pour le second.

Le docteur Delasalle soutenait :

- que les docteurs Bel et Sidiqian ont remis en cause l'obligation souscrite par chacun de supporter personnellement ses charges sociales et fiscales,

- qu'ils ont également refusé d'appliquer le partage des honoraires en prétendant inclure dans le décompte les charges sociales et fiscales alors qu'elles étaient provisoirement différentes, les siennes étant encore inférieures aux leurs,

- que les docteurs Bel et Sidiqian ont par ailleurs refusé de financer le coût de fonctionnement de son cabinet et d'un secrétariat personnel alors qu'il était convenu que l'ensemble des charges d'exploitation serait supporté en commun,

- que le 2 novembre 1992, il a été contraint de leur notifier par lettre recommandée avec accusé de réception "la dissolution de la société en participation telle qu'elle résulte du contrat d'association avec partage des honoraires, signé le 2 septembre 1991",

- que le 2 juin 1993, l'assemblée générale de la SCM :

*a subordonné l'autorisation qui lui était donnée d'ouvrir un cabinet personnel et d'engager une secrétaire à des conditions inacceptables (délib. n° 2),

*lui a refusé l'attribution d'un local qui lui soit propre au sein du "Centre d'Exploitations Digestives" en attendant son installation dans un cabinet personnel (délib. n° 4),

*lui a refusé l'embauche d'une secrétaire personnelle (délib. n° 5),

*a pris une position négative sur la demande de mise aux normes du centre d'examen suite au décret n° 92102 du 11 décembre 1992 et à l'arrêté ministériel du 7 janvier 1993 fixant au 7 janvier 1994 l'expiration du délai ouvert pour ce faire (délib. n° 8).

Le 12 août 1994, les docteurs Bel et Sidiqian ont fait assigner le docteur Delasalle devant le TGI de Grasse, exposant :

- que le rapport de Maître Ezavin établissait que la SCM avait subi un préjudice financier du fait de l'attitude du docteur Delasalle,

- qu'elle subissait un préjudice en terme de clientèle, ce dernier lui faisant concurrence,

- que le 24 novembre 1994, il avait été convenu devant Maître Ezavin du retrait du docteur Delasalle de la SCM et de la SCI avec effet de la notification du retrait au 7 septembre 1993, et délai de préavis expirant le 28 février 1994,

- qu'accord avait été donné par le docteur Delasalle pour une cession gratuite de ses parts de la SCM et pour une cession de ses parts dans la SCI pour leur valeur nominale (soit 6.000,00 frs),

- que cependant, le docteur Delasalle n'avait pas ensuite accepté de formaliser ces actes de cession mais avait ouvert un cabinet personnel dans l'immeuble Le Néroli dans lequel les trois médecins exécutaient antérieurement des actes en commun.

Les docteurs Bel et Sidiqian demandaient au Tribunal :

- d'ordonner sous astreinte au docteur Delasalle de respecter la clause de non concurrence prévue à l'article 20 du contrat d'association et de quitter l'immeuble Le Néroli sans se réinstaller à moins de 30 kms,

- de lui ordonner également sous astreinte de signer les actes de cession des parts de la SCM et de la SCI.

Ces instances ont été jointes.

Par jugement du 21 mars 1995, le Tribunal a :

- rejeté la demande d'annulation des délibérations critiquées de l'Assemblée Générale de la SCM,

- rejeté la demande de dissolution de la SCM, relevant que le docteur Delasalle n'était plus recevable à la demander dès lors qu'il s'en était retiré (lettre du 8 décembre 1993 avec effet au 1er mars 1994),

- ordonné sous astreinte la signature par le docteur Delasalle de l'acte de cession des parts de la SCM (en omettant toutefois de viser cette disposition dans le dispositif de la décision),

- rejeté la demande de condamnation sous astreinte du docteur Delasalle à signer l'acte de cession des parts de la SCI, faute de preuve suffisante du retrait de celui-ci et compte tenu du fait qu'il n'était pas établi que le fonctionnement de la SCI soit compromis,

- ordonné la dissolution de la société en participation (créée de fait par le contrat d'association) en raison du blocage de celle-ci, conséquence de la mésentente entre les associés,

- dit que la clause de non concurrence ne pouvait trouver application en cas de dissolution judiciaire, cas non prévu par le contrat,

- rejeté la demande de répétition des sommes 237.037,00 frs et 450.963,00 frs en considération du fait que le docteur Delasalle conservait une implantation qui lui permettait, en pratique, de conserver accès à la clientèle qui lui avait été présentée,

- ordonné l'exécution provisoire,

- ordonné le partage des dépens par moitié.

Par acte du 24 mai 1995, Monsieur Sidiqian et Monsieur Bel ont régulièrement relevé appel de cette décision.

Par conclusions du 27 septembre 1995, les appelants ont demandé à la Cour :

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la dissolution de la société de participation,

- de dire que le retrait du docteur Delasalle de la SCM a entraîné "de plano" le retrait de la convention de la "société de participation", la seconde étant le corollaire indissociable de la première,

- subsidiairement, de rejeter la demande de dissolution de la société en participation formulée par le docteur Delasalle, dans la mesure où il porte seul la responsabilité de la mésentente invoquée,

- en conséquence, de faire application des dispositions des articles 14 et 20 des conventions et d'ordonner au docteur Delasalle de se retirer hors de la zone de non concurrence convenue.

Le 26 juin 1998, le docteur Sidiqian a déclaré se désister de son appel.

Le 18 février 1998, le docteur Bel a conclu au dispositif suivant :

- "lui adjuger le bénéfice de ses précédentes écritures,

- "y ajoutant, vu les courriers du docteur Delasalle et l'accord matérialisé lors de la réunion qui s'est tenue en l'étude de Maître Ezavin le 25 novembre 1993,

- "dire et juger que le docteur Delasalle a exercé la faculté de retrait de la société en participation par application de l'article 14 du contrat d'association avec mise en commun des honoraires régularisé entre les parties le 2 septembre 1991,

- "dire que les conditions d'application de l'article 1872-2 du Code Civil ne sont pas réunies en tout état de cause, que la faculté édictée par ce texte se heurte à l'article 20 du contrat permettant à l'associé de se retirer,

- "subsidiairement, et en cas de dissolution judiciaire de la société en participation, dire et juger que celle-ci intervient aux torts exclusifs du docteur Delasalle,

- "par application de la clause de non concurrence insérée à l'article 20 du contrat du 2 septembre 1991, condamner le docteur Delasalle à indemniser le docteur Bel de son préjudice lié au détournement de clientèle auquel il s'est prêté,

- "dire et juger que cette clause doit recevoir application quelle que soit l'application juridique retenue ensuite du départ du docteur Delasalle de la société en participation, qu'il s'agisse d'un retrait, d'une demande en dissolution ou d'une dissolution judiciaire,

- "en tout état de cause, dire et juger que l'installation par le docteur Delasalle de son cabinet médical à proximité immédiate de l'association constitue une concurrence déloyale, dont ce dernier doit supporter les conséquences par l'indemnisation du préjudice du docteur Bel,

- "de même et en cas de dissolution judiciaire, résultant des torts exclusifs du docteur Delasalle, dire et juger que sa responsabilité civile est engagée du fait de son comportement fautif vis-à-vis du docteur Bel,

- "en tout état de cause, fixer le préjudice du docteur Bel, au vu du rapport de Monsieur Talon déposé le 8 décembre 1998, à la somme de 1.063.132,00 frs, déduction faite de la quote part indivise du docteur Delasalle,

- "en conséquence, condamner ce dernier au paiement de la somme de 1.063.132,00 frs, ladite somme devant être majorée des intérêts au taux légal à compter de la demande,

- "le condamner au paiement de la somme de 30.000,00 frs en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- "pour le surplus, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a été constaté le retrait du docteur Delasalle de la SCM,

- "le condamner aux entiers dépens."

Le docteur Bel fait valoir :

- qu'en exécution du contrat d'association, chaque médecin devait régler personnellement la totalité des charges calculées sur son chiffre d'affaires, qu'il ne percevait cependant pas puisque les honoraires perçus par chacun étaient mis en commun et divisés en trois,

- que l'application de cette convention avait une incidence importante puisqu'elle contraignait celui qui réalisait le plus gros chiffre d'affaires à payer des charges sociales calculées sur celui-ci sans percevoir des honoraires nets correspondants,

- que cette situation est à l'origine du dysfonctionnement auquel les trois médecins ont décidé de remédier en convenant le 29 juin 1992, par écrit, de partager aussi les charges sociales et fiscales à parts égales,

- que cependant, le docteur Delasalle a persisté dans son refus d'alimenter normalement la SCM, ce qui a conduit à la désignation de Maître Ezavin en qualité d'administrateur judiciaire,

- que l'Assemblée Générale du 9 juin 1993 que Maître Ezavin a présidée s'est soldée par un constat de désaccord, ensuite duquel le Juge de fond s'est trouvé saisi,

- que les véritables motifs du départ du docteur Delasalle résident dans le refus de ses associés, dans un premier temps, de l'autoriser à engager une secrétaire, puis, dans un second temps, d'installer son cabinet en dehors des locaux de l'association, ledit refus se justifiant, pour le premier, par les difficultés financières de la SCM, et le second par le risque de détournement de clientèle, qui s'est ultérieurement avéré justifié,

- que le rapport de Maître Ezavin met en évidence le fait que la SCM a subi un préjudice financier important du fait de l'attitude du docteur Delasalle,

- que la société de participation n'a d'existence que par la SCM laquelle ne peut en aucune manière se voir réserver un sort différent,

- qu'il convient donc de considérer qu'à partir du moment où le docteur Delasalle s'est retiré de la SCM, il s'est également retiré de la société en participation, et d'en déduire que la clause de non concurrence trouvait à s'appliquer,

- qu'il convient en réalité de tirer les conséquences du courrier établi le 6 décembre 1993 par le docteur Delasalle qui confirme son accord pour que les trois contrats (SDF SCM et SCI) reçoivent application jusqu'à la date du 28 février 1994"... étant " bien entendu qu'à cette date du 20 février 1994, les trois sociétés seront dissoutes sauf si les docteurs Bel et Sidiqian décident d'en poursuivre, sans moi, l'activité", courrier qui exprime la volonté de retrait du docteur Delasalle des trois sociétés, possibilité réservée à chaque associé en ce qui concerne le contrat d'association par l'article 14 de celui-ci,

- que cette faculté de retrait de la société de participation et son exercice effectif sont exclusifs de la possibilité, pour l'associé, de demander la dissolution (article 287-2 du Code Civil),

- que si la demande de dissolution devait pourtant être déclarée recevable de ce chef, elle devrait néanmoins être rejetée, l'article 1872-2 du Code Civil applicable prévoyant que celle-ci soit faite de bonne foi et non à contre-temps, ce qui n'est pas ici le cas puisqu'il est responsable des difficultés rencontrées, celui-ci ayant mis fin de manière unilatérale à sa participation,

- qu'il a ainsi refusé de se porter caution des engagements de la SCI, cessé de contribuer financièrement au fonctionnement de la société en participation, ce qui a contraint Maître Ezavin à introduire contre lui une action en paiement, ou encore s'est abstenu de faire parvenir à l'expert-comptable les documents qui lui étaient nécessaires pour remplir sa mission,

- qu'en installant son cabinet dans l'immeuble même où les trois praticiens exerçaient en commun, le docteur Delasalle s'est donné les moyens de conserver l'accès à une partie de la clientèle malgré son retrait de la SCM et de la société en participation, étant précisé que la SCM ne l'a jamais autorisé à installer un cabinet propre, contrairement à ce que le Tribunal a retenu par erreur,

- que si l'on retient que le Tribunal a entendu ordonner une dissolution anticipée de cette société sur le fondement de l'article 1844 - 7 du Code Civil, soit pour juste motif, notamment en cas d'inexécution de ses obligations par un associé ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société, il apparaît encore que les conditions d'application de ce texte ne sont pas mieux réunies,

- qu'en effet, cette société a pu continuer à fonctionner après le départ du docteur Delasalle, les problèmes de trésorerie de la SCM ayant entre-temps été réglés par Maître Ezavin,

- que le docteur Delasalle s'est depuis livré à une concurrence particulièrement déloyale par sa réinstallation dans le même immeuble, en sorte que :

-- si la Cour retient qu'il s'est retiré de la société en participation, la clause de non concurrence devra être mise en œuvre, celle-ci comportant les limites de temps et de distance nécessaires à sa validité,

-- si la Cour confirmait la décision entreprise en ce qu'elle a ordonné la dissolution, cette clause devrait également recevoir application, la commune intention des parties n'ayant pas été de l'exclure en cette hypothèse mais au contraire de maintenir une protection de chacun des co-contractants,

-- même si dans ce dernier cas l'interprétation contraire était retenue, il conviendrait néanmoins de sanctionner, selon le droit commun, cette attitude comme réalisant un détournement de clientèle,

- que le préjudice qu'il a subi de ce fait peut être évalué sur cinq ans à une somme de 1.200.000,00 frs,

- qu'en considération du fait que le docteur Delasalle était débiteur envers la SCM de 427.464,00 frs et, au titre du passif résiduel de la SCM et de la SCI, de 193.933,00 frs, mais créancier du docteur Bel à hauteur de 344.000,00 frs correspondant à sa quote part indivise dans les droits incorporels de la société en participation, le docteur Delasalle resterait donc lui devoir, sauf expertise à ordonner, 1.063.132,00 frs.

Le docteur Delasalle a, le 2 octobre 1995, formé un appel incident en demandant la condamnation du docteur Bel à lui payer la somme de 237.037,00 frs et celle du docteur Sidiqian à lui payer la somme de 459.963,00 frs outre celle de 10.000,00 frs pour frais irrépétibles, et le 17 juillet 1998 a conclu au dispositif suivant :

- "confirmer purement et simplement le jugement rendu par le TGI de Grasse le 21 mars 1995 en ce qu'il a constaté le retrait du docteur Delasalle de la SCM constituée avec les docteurs Bel et Sidiqian,

- "confirmer purement et simplement ledit jugement en ce qu'il a considéré que le contrat de mise en commun des honoraires était en fait une société en participation,

- "confirmer purement et simplement le jugement du 21 mars 1995 en ce qu'il a décidé que la société en participation créée entre les docteurs Bel, Delasalle et Sidiqian devait être dissoute aux motifs de la mésentente manifeste des associés,

- "confirmer purement et simplement ce même jugement en ce qu'il a décidé que la clause de non concurrence prévue à l'article 20 de ce contrat de mise en commun des honoraires et obligeant le docteur Delasalle à exercer son activité de gastro-entérologue dans un rayon supérieur à 30 kms autour de Grasse est inapplicable,

- "condamner le docteur Bel, seul appelant en l'état du désistement du docteur Sidiqian, à verser une somme de 20.000,00 frs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- "le condamner aux entiers dépens."

Le docteur Delasalle soutient :

- qu'il résulte manifestement de la chronologie des faits que quelques semaines seulement après la signature des accords du 2 septembre 1991 entres les docteurs Bel, Sidiqian et Delasalle, la création de ce contrat de société prévoyant la mise en commun des charges a été le point de départ du blocage et du véritable dysfonctionnement de la SCM créée entre les trois médecins,

- qu'en effet, la répartition des charges sociales et fiscales telle qu'elle était décidée désavantageait celui qui réalisait le plus gros chiffre d'affaires, obligé de payer des charges afférents au montant de ce chiffre d'affaires, mais ne percevant pas la globalité de ce chiffre d'affaires puisqu'il devait être partagé en trois masses égales,

- que les tentatives de rapprochement ont échoué et, ayant refusé les demandes des docteurs Bel et Sidiqian, il s'est alors trouvé exposé de leur part à un chantage de blocage du fonctionnement de l'association, ceux-ci refusant de partager leurs honoraires et de participer aux charges communes, ce qui a mis fin à la SCM en difficultés, et dans l'impossibilité de payer en temps voulu leurs créanciers,

- considérant que le contrat de mise en commun des honoraires s'analysait en une société en participation, il était dans ces circonstances recevable et fondé à en demander la dissolution sur le fondement de l'article 1872-2 du Code Civil, nonobstant l'existence d'une faculté contractuelle de retrait,

- qu'il était en effet dans l'impossibilité d'exercer son art de façon libérale puisqu'il était placé en situation de devoir financer par le jeu du partage des charges les cabinets et les secrétaires de ses associés sans bénéficier lui-même de ces avantages,

- qu'il s'est également trouvé contraint d'exercer son art dans le local utilisé en commun par les trois associés à des heures déterminées et en utilisant un numéro de téléphone qui ne lui était pas réservé, d'où les relations difficiles avec sa clientèle, compte tenu en outre du climat conflictuel régnant au sein de l'association,

- qu'en outre, une Assemblée Générale ordinaire de la SCM, convoquée le 2 juin 1993, amenait à prendre des résolutions qui stigmatisaient encore plus la volonté des docteurs Bel et Sidiqian de gêner l'exercice de son activité professionnelle, l'empêchant ainsi d'ouvrir un cabinet personnel et d'engager une secrétaire à ces conditions et de permettre au docteur Delasalle de recevoir ses communications personnelles sur un numéro d'appel qui lui était propre,

- que l'administrateur Ezavin a lui-même constaté la mésentente qui existait entre les associés, laquelle justifie pleinement la dissolution ordonnée par le Tribunal,

Le docteur Delasalle a, par ailleurs, conclu au rejet des dernières conclusions du docteur Bel en affirmant qu'il n'a pas disposé du temps nécessaire pour pouvoir répondre utilement à ces dernières.

Il a enfin été précisé à la barre lors de l'audience que le docteur Delasalle acceptait le désistement d'appel du docteur Sidiqian, et renonçait à l'appel incident qu'il avait formé le 2 octobre 1995 en ce qui concerne ce dernier.

Motifs de la décision

L'avoué du docteur Delasalle a confirmé à la Cour, par lettre du 9 mars 1999, l'acceptation par le docteur Delasalle du désistement d'appel du docteur Sidiqian, avec renonciation à la demande en paiement formée contre celui-ci par voie d'appel incident le 9 octobre 1995, acceptation au demeurant déjà donnée mais non transmise à la suite d'une erreur matérielle, ce qui explique que l'ordonnance de dessaisissement partiel qu'aurait dû rendre le Conseiller de la mise en état ne soit pas intervenue.

Il y convient donc de constater ce désistement d'appel et son acceptation ainsi que le dessaisissement partiel de la Cour de ce chef.

La demande du docteur Delasalle tendant à voir déclarer les conclusions déposées le 18 décembre 1998 par le docteur Bel sera rejetée.

En effet, ces conclusions ont été déposées 12 jours avant la date prévue pour la clôture, en sorte que cette parties a disposé du temps nécessaire pour conclure en réponse.

Il n'établit pas en tout état de cause, ni n'invoque au demeurant, l'existence de circonstances qui l'auraient placé dans l'impossibilité matérielle de la faire.

Il doit également être observé qu'il n'a pas non plus demandé que la date de l'ordonnance de clôture soit retardée pour lui permettre cette réplique, demande à laquelle il aurait été satisfait si elle avait été formulée comme il est pratique habituelle en semblable hypothèse.

La demande d'annulation des délibérations de l'Assemblée Générale de la SCM du 9 juin 1993, rejetée par le Tribunal, n'est pas reprise devant la Cour, ce qui s'explique par l'évolution de la situation depuis la date de la décision.

N'est pas non plus critiquée par le docteur Delasalle la disposition du jugement dont appel qui l'a condamné à signer, sous astreinte, l'acte de cession des parts de la SCM.

Il en est de même du rejet par le Tribunal de la demande de condamnation du docteur Delasalle à régulariser la cession des parts de la SCI.

Aucune des deux parties ne discute enfin la disposition du jugement par laquelle le Tribunal a déclaré irrecevable la demande du docteur Delasalle de dissolution de la SCM, en retenant qu'il avait exercé son droit de retrait de cette société avec effet au 1er mars 1994.

Il n'y a donc pas lieu de revenir sur ces points, le litige qui subsiste entre le docteur Delasalle et le docteur Bel ne portant plus que sur les points suivants :

- qualification du contrat d'association avec mise en commun des honoraires,

- la dissolution de cette association, présentée comme une société en participation par le docteur Delasalle, soit par application des dispositions de l'article 1872-2 du Code Civil, soit sur le fondement de l'article 1844-7 du même Code, pour mésentente grave entre les associés, à laquelle s'oppose le docteur Bel, arguant :

*de l'impossibilité d'exercer une demande en dissolution en présence d'une clause autorisant le retrait,

*du fait qu'il s'en serait déjà retiré, suivant l'accord intervenu le 25 novembre 1993, et en tout état de cause en conséquence nécessaire de son retrait de la SCM,

*de l'irrecevabilité du docteur Delasalle de prétendre à cette dissolution ou à la demander, comme étant de mauvaise foi, et exclusivement à l'origine de la mésentente,

*de l'absence de réunion des autres conditions requises par l'article 1872-2 du Code Civil,

- l'application ou non application de la clause de non concurrence,

- la demande de restitution par le docteur Delasalle de la somme de 237.037,00 frs,

- la demande d'indemnisation formée par le docteur Bel contre le docteur Delasalle pour concurrence déloyale.

Le contrat d'association avec mise en commun des honoraires comporte un article 24 dans lequel les parties déclarent que le présent contrat d'association est constitutif d'une société de fait créée entre eux.

Ceci s'explique par la finalité de ce contrat qui est d'utiliser en commun les locaux et le matériel professionnel nécessaire à l'exercice de leur profession, mis à leur disposition par la SCM, de répondre ensemble au mieux aux demandes et besoins de la clientèle, notamment pendant les périodes de congés ou d'absences pour tout autre motif, d'organiser des gardes et surtout de constituer entre les associés un "système d'entraide mutuelle" venant en complément des garanties financières que chacun d'eux aura pu se procurer.

C'est donc à juste titre que le Tribunal l'a analysé comme le pacte constitutif d'une société en participation à durée indéterminée, par laquelle les intéressés décidaient de mettre en commun leurs ressources pour socialiser les avantages à en attendre mais aussi les risques.

Etant une société, la société en participation peut être dissoute selon les causes énumérées à l'article 1844-7 du Code Civil communes à toutes les sociétés civiles.

Par ailleurs, s'il s'agit d'une société à durée indéterminée, l'article 1872-2 alinéa 1 du Code Civil prévoit une cause propre de dissolution de la société en participation, à savoir la notification à cette fin adressée par l'un des associés à tous les autres pourvu qu'elle soit de bonne foi et non faite à contretemps.

Ces deux dispositions ne sont pas exclusives l'une de l'autre.

La faculté de retrait prévue à l'article 14 du contrat, en l'absence de toute stipulation de ce dernier en ce sens, ne saurait enfin priver un associé de la possibilité de se prévaloir des dispositions de l'article 1844-7 du Code Civil.

Ceci s'explique d'autant mieux que ce même contrat comporte une clause de non concurrence applicable en cas de retrait et qu'on imaginerait mal qu'un associé ait par avance entendu s'obliger à demeurer membre d'une société dans laquelle règnerait une mésentente totale à l'origine de laquelle il serait étranger, et accepter, pour se dégager d'une situation lui préjudiciant alors qu'il n'aurait commis aucune faute, d'avoir à satisfaire à cette clause de non concurrence.

Il en résulte que le docteur Delasalle pouvait effectivement fonder la demande de dissolution qu'il a introduite par assignation des 17 et 20 août 1993 sur les dispositions de l'article 1844-7 du Code Civil.

En l'espèce, il apparaît toutefois que le Tribunal, pour "prononcer" la dissolution de cette société, a procédé à un amalgame entre les dispositions des articles 1844-7 et 1872-2 du Code Civil puisqu'en même temps :

- il vise l'absence de mauvaise foi prouvée à l'encontre du docteur Delasalle et considère que la notification n'a pas été faite à contretemps,

- il "prononce" la dissolution (alors que dans le cadre de l'article 1844-7 du Code Civil, celle-ci procède de la notification dont seule la régularité est soumise au contrôle du Juge) et prend soin de relever que le docteur Delasalle n'est pas à l'origine exclusive de la mésentente et que celle-ci a rendu impossible le fonctionnement de la société.

La notification telle que prévue à l'article 1872-2 procède de la lettre recommandée avec accusé de réception que le docteur Delasalle a adressée le 2 novembre 1992 à chacun de ses deux associés et dans laquelle il leur notifie "comme la Loi l'y autorise, la dissolution de notre société de fait".

Cette dissolution doit cependant être écartée, la notification invoquée n'ayant pas été faite de bonne foi au sens de cet article, le docteur Delasalle la motivant par les difficultés rencontrées dans le cadre de la SCM dont il considérait ne pas percevoir les avantages escomptés alors que les associés lui reprochaient de ne pas s'acquitter en temps utile de ses apports, ceci expliquant selon eux cela, alors que ce dernier point s'avère établi par les pièces versées aux débats, et que cette notification a en tout état de cause été faite à contretemps, les parties étant encore alors à même de remédier à ces dysfonctionnements.

Si, dans sa lettre du 9 décembre 1993 adressée à l'Administrateur judiciaire, le docteur Delasalle a bien confirmé sans ambiguïté son retrait de la SCM avec effet au 1er mars 1994, ce dont le Tribunal a conclu que l'exercice de ce droit emportait renonciation nécessaire à l'action aux fins de dissolution de cette SCM, force est de constater que ce courrier, comme les autres correspondances invoquées, n'établissent pas que le docteur Delasalle aurait entendu en revanche exercer son droit de retrait de la société en participation et renoncer à son action aux fins de constat ou de prononcé de sa dissolution, alors déjà introduite.

C'est d'ailleurs à juste titre que le Tribunal a relevé que le docteur Delasalle avait le 6 juin 1993 refusé de satisfaire à la demande de retrait de ses associés en raison des implications nécessaires de cet exercice.

Or, aucune des pièces communiquées ne permet de constater que le docteur Delasalle aurait renoncé, à un moment ou à un autre, à cette réserve essentielle.

Cette dernière circonstance et les modalités particulières du retrait du docteur Delasalle de la SCM conduisent à exclure la thèse du docteur Bel selon laquelle ce retrait emporterait retrait nécessaire et automatique de la société en participation.

Il doit également être rappelé, d'une part, que le contrat d'association ne comporte pas de stipulation liant de manière indissociable l'appartenance à l'une et l'autre société, et, d'autre part, qu'une association avec mise en commun des honoraires peut être conçue sans le support d'un local, d'un matériel et l'emploi d'un personnel utilisés et financés au travers d'une SCM, étant rappelé ici qu'une partie non négligeable de l'activité des praticiens concernés s'exerçait également dans une clinique.

Aux termes de l'article 1844-7 alinéa 5 du Code Civil, l'un des associés peut demander la dissolution anticipée d'une société civile en cas de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société, étant rappelé qu'un associé ne saurait être admis à se prévaloir comme cause de dissolution d'un trouble social qu'il aurait lui-même provoqué mais que le refus de l'action est écarté dès lors que la mésentente peut être considérée comme la résultante dune faute commune à plusieurs associés.

La mésentente des associés est ici établie de manière surabondante, ceux-ci s'opposant sur des questions de fond et n'entretenant plus d'autre rapport que ceux qu'impliquent le contentieux judiciaire dont ils ont pris l'initiative de part et d'autre.

Elle est à l'évidence irréversible.

La paralysie de la société en résulte nécessairement, la mise en commun des honoraires qui en est l'objet principal n'ayant plus lieu, comme la concertation destinée à harmoniser et organiser les conditions de l'exercice par chacune de ses activités professionnelles.

Il ne peut pas non plus être soutenu utilement que cette mésentente et la paralysie dans le fonctionnement de la société procèderait du seul docteur Delasalle, étant établi de manière indiscutable que l'origine de la difficulté tient à la clause laissant à chaque associé la charge de ses cotisations sociales, ce qui ne pouvait qu'être générateur d'un déséquilibre dans leur situation respective puisque les docteurs Bel et Sidiqian en supportaient d'un montant nettement supérieur à celles du docteur Delasalle.

Cette circonstance explique que ces derniers aient souhaité une modification du pacte social en vue de leur prise en charge d'une manière égalitaire, demande à laquelle le docteur Delasalle n'a pas acquiescé, n'y ayant pas intérêt, mais également que les docteurs Bel et Sidiqian n'aient pas, en revanche, accepté d'augmenter le budget de la SCM dans l'intérêt exclusif du docteur Delasalle, d'autant que ce dernier, tirant argument de ce refus, s'est lui-même abstenu de réaliser la totalité des versements qu'il lui appartenait de faire.

En conséquence de ces éléments, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la dissolution de la société en participation sur le fondement de l'article 1844-7 du Code Civil.

L'analyse qui précède exclut que celle-ci soit, sur la demande subsidiaire du docteur Bel, prononcée aux torts exclusifs du docteur Delasalle, demande au demeurant impossible à envisager sur le fondement retenu puisque la vérification (éventuelle) de l'existence de torts exclusivement imputables à ce dernier n'aurait pu conduire qu'à l'irrecevabilité de la demande, quand bien même une telle décision n'eût pu avoir pour autre conséquence que celle de pérenniser une situation de blocage.

Le jugement entrepris doit également être confirmé en ce qu'il a dit que la clause de non concurrence ne pouvait trouver à s'appliquer dans le cas d'une dissolution judiciairement prononcée, celle clause étant contractuellement limitée au cas de "libre exercice (par un associé) de son droit de dénonciation", termes auxquels, à l'évidence, ne peut être assimilée une demande de dissolution judiciaire fondée sur une mésentente entre associés et la paralysie de la société, s'agissant de tirer les conséquences d'une situation de fait rendant impossible la poursuite de la société, et non d'exercer un choix, à défaut duquel elle aurait pu se poursuivre.

La demande du docteur Delasalle tendant à la restitution par le docteur Bel de la somme de 237.037,00 frs rejetée par le Tribunal n'est pas fondée, dès lors qu'il est établi que le docteur Delasalle a effectivement bénéficié des prestations qui en étaient la contrepartie, et, à titre principal, de la présentation dune partie de la clientèle du docteur Bel.

Il est en effet établi que le chiffre d'affaires du docteur Bel, qui était de 1.215.408,00 frs 1991, est passé à 854.522,00 frs en 1992, première année pleine d'exercice du docteur Delasalle, dont le chiffre personnel a été de 913.293,00 frs en 1992 et 1.189.985,00 frs en 1993.

Sachant que le chiffre d'affaires du docteur Sidiqian a également diminué sur la même période (1.141.052,00 frs en 1992 contre 953.808,00 frs en 1993), il se déduit nécessairement de ces éléments que le docteur Delasalle a bénéficié dès son installation d'un chiffre d'affaires comparable à celui de ses co-associés, circonstance qui démontre que la présentation de clientèle convenue a non seulement été effectuée mais a encore pleinement porté ses fruits.

Le docteur Delasalle n'a pas discuté la recevabilité de la demande indemnitaire formée à titre subsidiaire par le docteur Bel pour concurrence déloyale, étant en tout état de cause relevé que si celle-ci ne repose plus sur la clause de non concurrence elle tend néanmoins aux mêmes fins que cette dernière dès lors qu'en raison du temps écoulé, qui a dépassé le terme de sa durée de validité, ladite clause n'aurait pu être mise à exécution de manière différée et que la sanction de son inexécution n'aurait été que l'allocation de dommages et intérêts compensatoires.

Cette demande s'avère fondée à l'examen des pièces versées aux débats.

En effet, il ressort des ces dernières

- que l'installation initiale du docteur Delasalle dans l'immeuble Le Néroli au "Centre d'Explorations Digestives", dont les trois praticiens partageaient l'exploitation, a été décidée de manière provisoire, afin de permettre au docteur Delasalle de recueillir suffisamment de bénéfices pour générer les ressources nécessaires à une installation extérieure qui devait placer les intéressés à égalité (trois cabinets géographiquement distincts et un centre de soins commun),

- que le litige advenant, le docteur Delasalle, qui tirait de cette implantation des avantages indiscutables, n'a plus accepté de transporter son cabinet hors de l'immeuble Le Néroli, tout en exigeant de ses associés que la SCM, au financement de laquelle il ne contribuait pourtant plus totalement, prennent en charge le coût de son cabinet propre et d'une secrétaire,

- que le 2 août 1993, soit avant même la délivrance de l'assignation dont il a pris l'initiative, il a ouvert un cabinet personnel dans le même immeuble, au premier étage, implantation lui permettant non seulement de conserver sa clientèle mais en encore de concurrencer directement ses deux associés dont il s'était séparé de fait,

- que ce choix délibéré et conscient présente un caractère fautif puisque le docteur Delasalle n'établit pas que ses associés sont à l'origine de la rupture - les torts étant partagés - et qu'au lieu de s'établir dans la ville à une autre adresse, ce qui l'aurait placé hors de toute critique, une telle option étant de nature à permettre une concurrence loyale, il a au contraire choisi d'implanter son cabinet là où il pouvait encore profiter des bénéfices de l'association passée et rompue, ce qui était de nature à lui procurer un avantage indu par rapport à ses ex-associés qui n'avaient aucun moyen pratique pour prévenir la possibilité de captation de clientèle en découlant.

L'appréciation de l'importance du préjudice subi par le docteur Bel ne saurait toutefois intervenir sans l'instauration d'une mesure d'expertise, qui sera en conséquence ordonnée.

Une provision à valoir sur cette indemnisation sera cependant dès à présent allouée d'office au docteur Bel à hauteur de la somme de 150.000,00 frs.

En conséquence des points tranchés ci-dessus, il convient suite au désistement d'appel du docteur Sidiqian, de laisser à la charge du docteur Delasalle comme du docteur Sidiqian les frais qu'ils ont exposés chacun et qui sont afférents à la partie du litige les concernant.

S'agissant des frais et dépens exposés jusqu'à la date du présent arrêt et afférents aux rapports du docteur Delasalle et du docteur Bel, il en sera fait masse pour être supportés par ceux-ci à concurrence d'une moitié chacun.

Le sort des dépens à venir et des demandes d'indemnité pour frais irrépétibles sera réservé.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit en la forme l'appel principal et l'appel incident, Constate le dessaisissement du docteur Sidiqian de son appel et l'acceptation de ce désistement par le docteur Delasalle avec renonciation par ce dernier à la demande de paiement formée par lui contre le docteur Sidiqian par voie d'appel incident, Se déclare dessaisie de ces chefs et dit que chacune de ces deux parties conservera la charge des frais par elle exposés, Dans les limites de l'appel principal et de l'appel incident relativement aux rapports entre les docteurs Delasalle et Bel, Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné la dissolution de la société en participation issue du contrat d'association avec mise en commun des honoraires, en application des dispositions de l'article 1844-7 alinéa 5 du Code Civil, Confirme le jugement en ce qu'il a dit que la clause de non concurrence ne pouvait recevoir application et rejeté la demande de remboursement de la somme de 237.037,00 frs (deux cent trente sept mille trente sept francs) formée par le docteur Delasalle, Y ajoutant, reçoit le docteur Bel en sa demande d'indemnisation pour concurrence déloyale, Avant dire droit sur le montant du préjudice, condamne le docteur Delasalle à verser au docteur Bel, à titre de provision sur cette indemnisation, une somme de 150.000,00 frs (cent cinquante mille francs), commet en qualité d'expert : Madame Huet Françoise, Expert Comptable - Commissaire aux Comptes, 4 Avenue des Motels, 06600 Antibes avec pour mission : - de se faire représenter les documents comptables et fiscaux retraçant l'activité des docteurs Bel et Delasalle depuis 1991; - d'évaluer l'incidence financière du transfert de clientèle suite à l'exercice par le docteur Bel de son obligation de présentation de clientèle au docteur Delasalle, - de déterminer l'étendue de la clientèle supplémentaire dont le docteur Delasalle a pu bénéficier au détriment du docteur Bel du fait de l'implantation fautive de son nouveau cabinet dans l'immeuble Le Néroli à compter du 2 août 1993, - de donner un avis sur le préjudice financier qui en est résulté en termes de revenus nets pour le docteur Bel, Dit que le Docteur Bel devra consigner au Greffe de la Cour dans un délai de 2 MOIS la somme de 10.000,00 frs (dix mille francs) à titre de provision à valoir sur la rémunération de l'expert, Dit que lors de la première ou au plus tard de la deuxième réunion des parties, l'expert dressera un programme de ses investigations, et évaluera d'une manière aussi précise que possible le montant prévisible de ses honoraires et de ses débours, Dit qu'à l'issue de cette réunion, l'expert fera connaître au Conseiller de la Mise en Etat de la Première Chambre Section B, la somme globale qui lui paraît nécessaire pour garantir en totalité le recouvrement de ses honoraires et de ses débours, et sollicitera le cas échéant, le versement d'une consignation complémentaire, Dit que l'expert pourra, s'il le juge nécessaire, se faire assister d'un sapiteur d'une autre spécialité que la sienne, pris sur la liste des experts de la Cour de céans, Désigne le Conseiller chargé de la Mise en Etat de la Première Chambre Section B de la Cour de céans pour contrôler l'expertise ordonnée, Dit que l'expert devra déposer au Greffe rapport de ses opérations dans le délai de 4 mois à dater de l'avis de la consignation, sauf prorogation dûment autorisée, et qu'il en délivrera lui-même copie à chacune des parties en cause et un second original à la juridiction mandante, Dit qu'au cas où les parties viendraient à se concilier, il devra constater que sa mission est devenue sans objet et en faire rapport, Dit qu'en cas d'empêchement, refus ou négligence, l'expert commis pourra être remplacé par ordonnance rendue sur simple requête présentée par la partie la plus diligente à Monsieur le Conseiller de la Mise en Etat de la Première chambre Section B, Fait masse des dépens de première instance et d'appel afférents à la partie du litige opposant le docteur Delasalle au docteur Bel exposés jusqu'à ce jour et dit qu'ils seront supportés par moitié par chacune des parties, et recouvrés, pour ceux d'appel, par application des dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile, Réserve les dépens pour le surplus ainsi que les demandes pour frais irrépétibles.