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Décisions

Cass. com., 23 mars 1999, n° 96-22.334

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Pierre Fabre (SA), Pierre Fabre Dermo-cosmétiques (SA)

Défendeur :

Bécheret (és qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Conseiller Rapporteur :

M. Léonnet

Avocat général :

Mme Piniot

Conseiller :

M. Nicot

Avocats :

SCP Vier, Barthélemy, SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez.

TGI Nanterre, 1re ch., sect. A, du 20 ju…

20 juillet 1994

LA COUR :- Sur le moyen unique, pris en ses deux branches : - Attendu, selon l'arrêt partiellement confirmatif attaqué (Versailles, 19 septembre 1996), que l'hebdomadaire l'Express a publié dans son numéro 2105 du 7 novembre 1991 un article critique vis-à-vis des produits anti-rides portant la marque Korff, se présentant de la façon suivante : "un antirides miracle hors de prix ? Pourquoi pas ? L'ennui, c'est que celui des laboratoires Korff est à base de rétinol. Donc totalement inefficace" et conclut : "en attendant quelques pharmaciens se retrouvent avec des stocks coûteux et des centaines de femmes ont payé très cher des crèmes certainement pas moins bonnes que des dizaines d'autres, mais certainement pas miraculeuses" ; que les sociétés Pierre Fabre et Pierre Fabre cosmétique (les sociétés Fabre) ont acquis dix mille exemplaires de cette revue en vue, notamment, d'en distribuer une partie "nominativement" à 5 500 officines de pharmacies avec un marque-page accroché à la couverture mentionnant en gros caractères "cet article vous concerne page 112" ; que la société Campagne pour les pharmacies en France (CPF) chargée de la promotion publicitaire des produits anti-rides de la marque Korff a assigné en 1992 les sociétés Fabre et le journal l'Express devant le tribunal de grande instance en dommages et intérêts pour diffamation et subsidiairement en concurrence déloyale ; que d'autres procédures judiciaires étant en instance, tant pour diffamation que pour publicité mensongère, le Tribunal a sursis à statuer sur l'action en diffamation dont il avait été saisi au principal ; que ces actions ayant été rejetées, Mme Véronique Bécheret mandataire-liquidateur de la société CPF, a alors repris l'instance à l'encontre des sociétés Fabre sur le seul fondement de la concurrence déloyale par dénigrement des produits anti-rides Korff dont elle avait assuré la promotion ;

Attendu que les sociétés Fabre font grief à l'arrêt de les avoir condamnées à un million de francs à titre de dommages et intérêts alors, selon le pourvoi, que la faute constitutive de concurrence déloyale n'est pas caractérisée lorsqu'est établie l'exactitude des informations publiées, taxées de dénigrement ; qu'en l'espèce, la rigoureuse exactitude du contenu de l'article écrit et publié par l'hebdomadaire l'Express, dans l'exemplaire diffusé ensuite par les sociétés Pierre Fabre, n'était pas contestée ; qu'en ne recherchant pas si en l'état de cette constante, la vérité scientifique reconnue de la totale inefficacité des produits anti-âge litigieux, la mise en garde d'un certain nombre d'officines de la corporation des pharmaciens par lesdites sociétés, n'étaient pas dénuées de toute loyauté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; et alors, subsidiairement, qu'il appartient au demandeur en responsabilité d'établir l'existence, la cause et l'étendue du préjudice allégué, directement lié aux agissements du défendeur ; qu'en se bornant à relever en l'espèce que, si la situation difficile rencontrée par la société CPF n'est pas imputable aux seuls agissements déloyaux des sociétés du groupe Pierre Fabre, qui s'inscrivent dans une campagne beaucoup plus vaste, les actes de concurrence déloyale reprochés "ont par leur importance contribué à l'aggravation des pertes de clientèle et de bénéfices", la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé le lien spécifique et direct de causalité entre le préjudice allégué et les fautes reprochées aux sociétés Pierre Fabre, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que les sociétés Fabre "n'ont pas agi, comme le journaliste et l'hebdomadaire l'Express, dans le but d'une information objective des consommateurs ou des éventuels usagers des produits Korff, mais bien dans l'intention de nuire à leur concurrent, leur méthode d'action ayant pour cible les pharmaciens distributeurs essentiels pour la société CPF", l'arrêt retient que "l'objectif était bien de dénigrer le produit concurrent pour s'emparer de la part de marché"; que la cour d'appel, qui a ainsi caractérisé la faute commise par ces sociétés sans avoir à rechercher si l'exactitude des informations publiées était établie, n'encourt pas les griefs de la première branche du moyen ;

Attendu, d'autre part, que si la cour d'appel a énoncé que les pertes financières de la société CPF ne sont pas imputables "aux seuls agissements déloyaux des sociétés du groupe Pierre Fabre ", elle a constaté que ces actes ont par leur importance contribué à l'aggravation des pertes de clientèle et de bénéfices de cette entreprise qui ont commencé à se produire avec les faits litigieux et a relevé que les sociétés Fabre ont dépensé 72 000 F au titre des opérations "de routage des 10 000 exemplaires de l'Express" ; qu'en l'état de ces constatations la cour d'appel a justifié tant l'existence du préjudice subi par la société CPF que l'importance de celui-ci par l'évaluation qu'elle en a faite ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Par ces motifs, rejette le pourvoi.