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Décisions

CA Douai, 1re ch., 15 février 1999, n° 97-05308

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Number One (SARL)

Défendeur :

Ada (Sté), Marie

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Corroller

Conseillers :

Mme Laplane, M. Mericq

Avoués :

Mes Normand, Masurel-Thery

Avocats :

Mes Normand, Bartfeld.

TGI Boulogne-sur-mer, du 10 juin 1997

10 juin 1997

Procédure et prétentions des parties :

Par jugement du 10 avril 1997 auquel référence expresse est faite quant à l'exposé du litige et des prétentions des parties, le Tribunal de Grande Instance de Boulogne sur Mer a :

- condamné la société Number One à payer à la société Ada la somme de 10 000 F au titre d'un préjudice moral et la somme de 7 800 F au titre d'un préjudice économique résultant de la contrefaçon de sa marque,

- condamné la société Number One à payer à M. Marie la somme de 110 000 F au titre d'un préjudice économique résultant de la contrefaçon de la marque de son franchiseur,

- ordonné la cessation de l'emploi par la société Number One du mot Ada, du mot ADL ou de toute autre marque approchante, sous quelque support que ce soit et à quel titre que ce soit, sous astreinte de 1 000 F d'astreinte par jour et par infraction constatée, réserve faite de l'emploi résiduel de ces mots au sein des annuaires en cours,

- ordonné la publication du jugement dans trois supports au choix de la société Ada aux frais de la société Number One,

- ordonné l'exécution provisoire à l'exception des condamnations en paiement des dommages-intérêts et de l'indemnité procédurale,

- condamné la société Number One à payer entre les dépens la somme de 7 000 F à titre d'indemnité procédurale.

La SARL société Number One qui a relevé appel du jugement demande à la Cour :

1) sur l'action en contrefaçon de :

- à titre principal, la dire prescrite en application de l'article L. 716-5 du Code de la Propriété Intellectuelle, les faits à l'origine de cette action remontant,

- à titre subsidiaire, dire que la société Ada et M. Marie ne démontrent ni la reproduction de la marque protégée, ni son imitation par la société Number One ;

2) sur l'action en concurrence déloyale de :

- constater que du fait de la caducité de la clause contractuelle de non-concurrence applicable à la société Number One, les demandeurs ne démontrent nullement ses agissements fautifs,

- débouter les demandeurs de leurs prétentions sur le fondement de l'article 1382 du code civil et de l'ensemble de leurs demandes,

- reconventionnellement, condamner la société Ada et M. Marie à lui payer les sommes de 80 000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et de 8 000 F en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Elle expose qu'après rupture de son contrat de franchise en date du 1er janvier 1994 avec la société Ada, elle a pris la nouvelle appellation ADL (location de voitures) et cessé toutes références à l'appellation ADL et que son ancien franchiseur ne s'est pas manifesté jusqu'en août 1996 lors de l'installation d'un nouveau franchisé ADA à Boulogne sur Mer.

Quant à la contrefaçon, elle invoque les dispositions de l'article L. 716-5 du Code de la Propriété Intellectuelle en faisant valoir que le délai de trois ans était écoulé lors de l'assignation. A titre subsidiaire, elle conteste la reproduction ou l'usage de la marque et du logo Ada après le 1er janvier 1994 ainsi que l'imitation de ce dernier.

Quant à la concurrence déloyale, elle fait observer que la société Ada n'a pas sollicité l'application de la clause de non-concurrence prévue pour deux ans dans le contrat de franchise et soutient qu'il ne peut lui être reproché désormais aucune faute.

La SA Ada et M. Pierre Marie concluent à la confirmation du jugement sur la reconnaissance de l'usage illicite de la marque Ada et l'imitation de marque. Ils sollicitent en sus :

- la condamnation de la société Number One à verser à M. Marie la somme de 170 560 F correspondant au préjudice économique subi entre le 1er janvier 1997 et le 30 juin 1997,

- la condamnation de la société Number One à verser à la société Ada la somme de 15 245 F correspondant au préjudice économique subi par cette société entre le 1er janvier 1997 et le 30 juin 1997,

- la condamnation de ladite société à leur verser une somme globale de 50 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Ils répliquent :

- que le délit de contrefaçon n'est pas une infraction continue, mais que chaque atteinte illicite portée à une marque constitue une infraction distincte ; que la société Number One a fait usage des marques Ada et ADL dans les éditions 1996 des annuaires ;

- que la bonne foi du contrefacteur n'a pas à être prise en considération ; que ladite société n'a fait aucune démarche pour éviter la confusion mais au contraire l'a entretenue à son profit ;

- qu'il y a eu imitation de sa marque et de son logo comme étant la reproduction approximative de la marque d'autrui, susceptible par sa présentation générale d'entraîner une confusion avec la marque de référence pour un lecteur d'attention moyenne ; que l'imitation s'apprécie en fonction des ressemblances d'ensemble et non des différences de détail.

Ils invoquent en outre les données comptables pour obtenir réparation intégrale de leur préjudice.

Motifs :

Il est établi :

- que la SA Ada ayant une chaîne d'agences spécialisées dans la location de véhicule a déposé en France le 27 décembre 1990 la marque Ada, ainsi que le logo " Ada-Location de véhicules " composé de divers éléments figuratifs et aux couleurs noire, rouge et blanche, lui assurant droit à protection pendant une durée de dix années,

- que M. Marie a signé un contrat de franchise avec la société Ada le 21 août 1996 pour exploiter une agence de location de véhicules à Boulogne sur mer, ville où la société Number One avait été le franchisé de la société Ada jusqu'au 1er janvier 1994 ;

- que suite à cette date, la société Number One a choisi comme enseigne " Adl Location " selon extrait K bis ; qu'elle apparaît sous ce nom dans l'annuaire téléphonique 1995 et dans l'annuaire local dit " Ravet-Anceau " de 1996 ; que sur un autre extrait d'annuaire téléphonique sans date déterminable, le nom " Adl " apparaît avec la même adresse et les mêmes coordonnées de téléphone et de télécopie sous la rubrique " Ada Location " ;

qu'elle utilise un logo largement inspiré de celui de son ancien franchiseur sur sa vitrine, son véhicule selon constat d'huissier en date des 6 et 7 août 1996 et sur son papier à lettre ; qu'outre la similitude du nom formé de trois lettres dont les deux premières sont identiques, celui-ci est composé d'un rectangle au fond uni sur lequel le nom et les véhicules figurent en caractères et traits blancs, ainsi que les mots " location de véhicules " ; que la voiture de tourisme et le camion bien qu'inversés et détachés l'un de l'autre correspondent au même graphisme ; que malgré la différence de deux couleurs sur trois et de dispositions des véhicules par rapport à l'expression " location de véhicules " ainsi que la volonté de marquer le A par une esquisse de route, ces diverses ressemblances sont accentuées pour le papier à lettre par la présence d'un trait épais sur lequel le logo empiète dans sa partie supérieure ; qu'il s'agit d'une reproduction servile de nature à créer dans l'esprit de la clientèle de la société Number One la conviction qu'elle demeure dans le sillage de la société Ada.

Sur l'action en contrefaçon :

Intentée par le propriétaire de la marque, elle doit être intentée dans les trois ans du dernier acte de contrefaçon.

En l'espèce, les faits ont été constatés en août 1996 et sommée par acte d'huissier en date du 5 septembre 1996, la société Number One ne justifie même pas d'avoir obtempéré avant l'assignation délivrée le 26 mars 1997. C'est donc à juste titre que la fin de non recevoir tirée de la prescription a été écartée par les premiers juges.

Ont été retenus à bon escient les atteintes aux droits de la société Ada, l'usage de sa marque déposée en 1995 et 1996, voire 1997 et l'imitation de sa marque ainsi que l'usage de cette marque imitée pour un service identique à celui qui était désigné dans l'enregistrement.

La SA Ada réclame en sus de la somme qui lui a été allouée au titre de son préjudice moral un supplément de 15 244,80 F au titre du préjudice économique qu'elle a subi du fait de la perte de redevances qu'elle n'a pas perçues sur le chiffre d'affaires de son nouveau franchisé durant la période du 1er janvier au 30 juin 1997.

Compte tenu du caractère aléatoire du chiffre d'affaires prévisionnel calculé par le franchisé, de l'absence de tous éléments de preuve sur les agissements de la société Number One après l'assignation mais aussi du taux de redevances prévu dans le contrat de franchise de M. Marie (5 % HT), la décision sera confirmée.

Sur l'action en concurrence déloyale :

Il résulte des attestations de MM. Despres et Serruys que le maintien de l'appellation Ada Location dans les pages jaunes de l'annuaire et dans le Ravet - Anceau a été source de confusion pour ces deux clients etque les prix pratiqués par la société Number One étaient nettement plus avantageux que ceux de M. Marie.

Exonérée de redevances envers le franchiseur depuis la rupture de son contrat de franchise, la société Number One a profité de la renommée de la marque Ada et de ses campagnes publicitaires pour maintenir sa clientèle ; ce parasitisme a nui à M. Marie du fait de la confusion créée entre les deux agences.

Pour évaluer le préjudice économique de ce dernier, il n'y a pas lieu de distinguer comme l'ont fait les premiers juges deux causes de préjudice économique alors que la captation de la clientèle n'est que la conséquence de l'usage et de l'imitation de la marque.

La perte de gains s'analyse comme la perte de la marge bénéficiaire et ne peut être calculée en fonction de la différence entre un chiffre d'affaires prévisionnel par définition incertain et le chiffre d'affaires effectivement réalisé. Faute de justificatifs sur l'activité de M. Marie pour l'année 1997, il y a lieu de lui allouer une somme de 50 000 F.

Il est inéquitable de laisser à la charge de la SA Ada et de son franchisé l'intégralité des frais irrépétibles qu'elle a exposés à l'occasion du présent litige et qui seront indemnisés de manière globale à hauteur de 10 000 F.

Par ces motifs , Confirme le jugement déféré, sauf à réduire le montant des dommages-intérêts alloués à M. Pierre Marie à la somme de 50 000 F et à porter l'indemnité procédurale à la somme globale de 10 000 F, Condamne la SARL Number One aux dépens d'appel, Autorise la SCP Masurel Thery, avoués associés, à recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.